ANALYSE PAR RM PALEM de:

Vie mentale et organisation cérébrale (Etudes psychiatriques et neurobiologie) par Claude.J.Blanc, L'Harmattan éd. Coll. Trouvailles et Retrouvailles, 2000, 175p.

 

1960, en l'abbaye bénédictine de Bonneval se réunit le gotha de la psychiatrie du moment sur le thème de L'inconscient Ey, Lacan, Follin, Green, Lanteri-Laura, Lairy, Leclaire, Laplanche, Fr.Perrier, Lebovici, C.Stein... avec P.Ricoeur, De Waelhens, H.Lefebvre ... du très beau monde. Ambiance: Vatican Il ! (J.Chazaud). Les textes définitifs mettront 6 ans à voir le jour chez Desclée de Brouwer. Celui-ci en est la réédition ciblée.

Un jeune homme d'à peine trente ans, brillant neuropsychiatre, Claude.J.Blanc, qui n'avait en fin de compte pour entreprendre ce travail d'autres titres, dit-il, que son inquiétude et son désir de comprendre", se voit confier par Henri Ey la tâche surhumaine (à moins que ce ne soit un défi, une mise à l'épreuve ou une punition) de traiter de "la neurophysiologie de L'Ics"- qui sera transformé en "Conscience et Inconscient dans la pensée neurobiologique actuelle (les faits et les méthodes)" Car, bien sûr, il faudra s'y résoudre, "l'Ics comme la Conscience se retrouvent sans doute partout, mais ne peuvent être localisés nulle part.

Dire qu'il s'en sort bien est très en dessous de la réalité. Tenant le pari et rendant compte de l'état des travaux du moment (K.Goldstein, Von Weizaecker, Magoun G.Walter, H.Jasper, L.Kubie ... ) avec une écriture qu'on ne retrouve plus, hélas, aujourd'hui, cet élève qui parle comme un maitre (H.Ey), pose -rien moins- les conditions auxquelles est possible, décente, licite, une confrontation des approches phénoménologique et génétique, anthropologique et neurophysiologique.

L'axiome de départ est "l'évidence de l'inscription de la vie psychique dans le cerveau" , fut-il ce "métier à lisser ensorcelé" dont parlait Sherrington. "Une méthode acceptable doit pouvoir englober les apports des conceptions génétiques (ici, la psychanalyse et les études génétiques de J.Piaget) et les apports de la phénoménologie".

Rappel de Monakow et Mourgues, Goidstein et Von Weizaecker, puis Ey et Merleau-Ponty, qui permettent d'envisager une "neuro-métaphysique" de l'organisme vivant et agissant, en réintroduisant la notion de sujet dans l'étude du fonctionnement cérébral".

Notions d'intégration, d'isomorphisme, de monisme à double aspect (P.Guiraud), d'organisation figure-fond dans le fonctionnement cérébral, de structure, de régression, de stratégies "top-down" ou "botton-up" pour parier à la mode anglo-saxonne présente.

Avec Goidstein, "prenons l'homme pour point de départ"... en sachant qu"il n'y a pas de concept plus équivoque que celui de simplicité. On ne peut qu'applaudir à ces principes, toujours menacés.

On ne peut faire l'économie du plan gnoséologique: soit d'une critique de la théorie de la connaissance dans l'attitude scientifique du positivisme. Cela devenait nécessaire au temps de Wundt et de Husserl. Cela l'est toujours, nous semble-t-il, au temps de Changeux et de Ricoeur.

Tout en manifestant son admiration et sa dette pour ses deux maître H.Ey et J.de Ajuriaguerra et leurs démarches inverses mais complémentaires (déstructuration versus structuration), C.J.Blanc pose que "Notre point de départ ne peut que se situer au niveau des totalités constituées de nos processus psychiques qui nous fournissent, avec les cadres de la logique, nos instruments techniques de connaissance et de réflexion sur la connaissance. Dans notre démarche méthodologique, l'étude phénoménologique des fonctions doit donc précéder, et non suivre, leur étude génétique".

Ce texte n'a pas pris une ride, observe J.Chazaud qui le préface. Peux-t-on parler du "brain-mind problem" et d'interdisciplinarité, aujourd'hui, sans l'avoir lu et le relire à chaque occasion? Tiens, par exemple, à l'occasion du récent livre de Paul Churchland, le mari de Patricia et pâpe du matérialisme radical (dit "éliminasionniste)*, pour comprendre tout ce qui nous sépare de la philosophie anglo-saxonne, dite "analytique": celle qui se réclame de Hume et de Wittgenstein**.

RM.Palem

 

*"Matière et conscience", Ed.Champ Vallon 1999, 235p.

**Cf Pierre Jacob: "De Vienne à Cambridge, Tel, Gallimard.