Mise au point
Extraits de la lettre du 1/12/99 de RM Palem à Th. Haustgen
-J'avais repéré il v a quelques années (Synapse juin 95) une analyse par vos soins de la traduction en français de la Dementia praecox de Bleuler... qui m'avait intrigué.
Vous savez que Ey avait, en 1926, entrepris la traduction de la "Dementia praecox ou groupe des schizophrénies', 1"'admirable ouvrage" d'E.BLEULER (1911); traduction résumée et portée ultérieurement à la connaissance des membres du cercle d'études psychiatriques de Sainte Anne qu'il y avait créé. "C'est ainsi que j'ai appris la psychiatrie", a-t-il. dit.
Vous avez dit dans votre CR (dans Synapse , juin 95) de la parution de la traduction en français de la Dementia praecox de BLEULER, que le traducteur contemporain (Alain VIALLARD ) avait choisi de rendre le terme allemand "Spaltung" par scission . Et de commenter, un peu plus loin: "Le terme ici adopté semble donc plus heureux et plus en harmonie avec les écrits de l'Ecole française que celui de dislocation jadis proposé par Henri EY".
Hormis le fait qu'en dehors du "Pâpe de la psychiatrie", on ne voit guère qui, dans "l'opposition", pouvait se targuer de représenter mieux "l'Ecole française", on peut s'interroger sur ces problèmes de vocabulaire...
Car, dés 1926, il y a des problèmes de traduction. Je remarque dans le texte de Ey roneoté (par la grâce de Follin) du Cercle d'études (1945, p28) et dans le texte imprimé des Analectes (diffusé par Theraplix en 1969, iD29) que ,spaltung, est traduit par dislocation , alors qu'il y a dissociation dans son manuscrit, écrit à la plume sergent major et à l'encre noire (p42)-. je vous joins la photocopie de son texte manuscrit que vous pourrez comparer à la page correspondante de l'Analecte.
Peut-on penser, par exemple, que Ey n'ait pas relu son texte et qu'on ait opéré la substitution sans demander son accord ? c'est peu probable. Mais le fait est là: en 1926, il l'a bel et bien traduit par "dissociation". En 1934, dans un important travail sur la schizophrénie, dans l'Evolution psychiatrique, en revanche, il parle de "dislocation".
Je remarque qu'en juin 1990, dans une présentation d'E.BLEULER par le Pr P. MOREL, dans la revue Psychiatrie, spaltung est aussi traduit par dislocation ...
Dans son Essai sur la discordance, en 1992, Lanteri-Laura ne voulant apparemment pas entrer dans ces "débats de diptères" (comme disait un de mes bons maîtres), écrit (p92): "Spaltung équivaut à dislocution, dissociation et discordance". A la lecture j'ai naturellement sursauté: quoi, un néologisme de plus ?... Mais Georges LL m'a confirmé de vive voix à Paris (le 27/3/99) que ce n'était pas son intention et qu'il s'agissait bien d'une coquille de l'éditeur....
Réponse de Th. Haugsten du 20/12/99
Pour compléter les précisions que vous me fournissez sur le terme de dissociation, je vous fais parvenir un article de 1991, dans lequel je crois avoir pu établir que l'aliéniste de Bicêtre François Leuret avait, le premier, en 1834, utilisé ce vocable dans son sens psychiatrique actuel, avant Moreau de Tours (1845), Baillarger (1855), Séglas (1895) et Henri Claude (1910).
Séglas emploie aussi scission en 1895, à propos des troubles de la personnalité des persécutés-possédés, de même que G. de Clérambault err 1920, dans l'intitulé de l'un de ses premiers articles : "Automatisme mental et Scission du moi" (p. 457 de l'Oeuvre Psychiatrique). C'était le sens de ma remarque de 1995, scission et le préfixe "schizo-" du néologisme de Bleuler ayant la même étymologie gréco-romaine....