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Jean Garrabé et Harald Sontag
Une des caractéristiques constantes de la psychiatrie française est son ouverture sur les écoles d’autres pays, ouverture qui lui a permis d’établir, dès son origine, un courant d’échanges d’idées réciproquement enrichissantes avec nombre d’entre elles. La reprise de ces échanges, après leur interruption due à la seconde guerre mondiale, suivie de la mise en place du rideau de fer, (puisque bien entendu les relations internationales sont étroitement dépendantes des réussites des politiques), a été marquée par l’organisation à Paris en 1950, par les sociétés de psychiatrie, alors existantes en France, du Premier Congrès Mondial de Psychiatrie. C’est le succès de ce congrès qui a conduit à la fondation de l’Association Mondiale de Psychiatrie (World Psychiatric Association) dont les premiers président et secrétaire général ont été deux français, respectivement le Pr Jean Delay et le Dr Henri Ey. En 1969, un volume des « Annales de thérapeutiques psychiatriques » a fait le point sur « La psychiatrie française dans les rapports avec les autres psychiatries » [1].
La WPA, organisation non gouvernementale internationale, pour marquer le rôle tenu par la psychiatrie française dans sa création a confié à la Fédération Française de Psychiatrie le soin d’organiser à nouveau à Paris, en l’an 2000, son congrès du Jubilé. Celui-ci a réuni 2500 congressistes venus de plus de soixante pays.
Les efforts qu’ont dû faire pour venir à Paris les psychiatres originaires de pays connaissant des situations politiques et économiques difficiles témoignent de leur vif désir de rencontrer leurs collègues français pour faire avec eux le point sur l’état de notre discipline aussi bien du point de vue scientifique que celui de l’organisation des soins et de l’assistance en tenant compte des différences considérables entre les conditions socio économiques respectives.
Ces échanges se font par différents canaux :
- à l’occasion de colloques et de congrès internationaux (le congrès mondial de psychiatrie est biennal et le XIIè se tiendra en 2003 à Yokohama).
- De réunions scientifiques et de voyages d’études, organisés régulièrement en France et à l’étranger par différentes sociétés françaises, notamment le Congrès de Psychiatrie de Langue Française, l’Evolution Psychiatrique, la Société de l’Information Psychiatrique, la Société Médico- Psychologique, notamment (cette liste n’est pas exhaustive)
- par l’intermédiaire des revues que nombre de ces sociétés publient et dont celles à audience internationale ont dans leurs comités éditoriaux ou de lecture des membres étrangers. Plusieurs de ces revues publient soit une rubrique « de l’étranger » soit des numéros faisant le point sur la psychiatrie dans tel ou tel pays ou bien centrés sur les relations entre ces pays et la France. Réciproquement, les psychiatres français font partie de comités éditoriaux internationaux de revues étrangères.
A noter qu’il existe des associations européennes et internationales. On compte au moins une dizaine d’associations loi 1901, bi nationales réunissant des psychiatres français et originaires d’un pays étranger ou d’un autre continent (une liste figure en annexe) dont le siège est à Paris.
Signalons enfin, pour conclure ces généralités, qu’au cours de ces dernières années ont été signées un certain nombre de conventions entre deux institutions, hôpitaux ou services, formule particulièrement intéressante car elle permet les échanges croisés entre deux pays. On peut regretter que l’existence de convention de ce type ne soit pas toujours connue en dehors des institutions directement concernées.
Pour présenter de façon aussi claire que possible l’état actuel de ces échanges internationaux nous envisagerons successivement ceux :
I – à l’intérieur de l’Europe en distinguant
1.1 – l’Union Européenne, la Suisse et la Norvège, ensemble de pays qui sont déjà engagés depuis quelques décennies à une harmonisation de l’exercice de la psychiatrie.
1.2 - Les pays candidats à l’élargissement de l’Union Européenne à l’horizon 2004.
II – Avec la francophonie essentiellement pour situer les relations entre psychiatres exerçant à travers le monde après s’être formés soit en France soit dans d’autres pays utilisant le français comme langue scientifique en particulier pour l’enseignement de la médecine et les publications scientifiques.
III – Avec les autres pays, non européens et non francophones en distinguant les relations établies par la psychiatrie française à travers l’Association Mondiale de Psychiatrie (Word Psychiatric Association) et celles établies par d’autres canaux.
Les perspectives de développement futurs des relations internationales ne sont pas les mêmes pour ces différentes catégories.
Il nous parait nécessaire de distinguer à l’intérieur de l’Europe deux groupes de pays : ceux qui sont déjà membres de l’Union Européenne, auxquels ont peut adjoindre la Suisse et la Norvège, et ceux qui postulent leur entrée dans cette union, car ce découpage politico-économique a pour corollaire des différences considérables. Dans le premier groupe des efforts sont faits, dans le sens d’une harmonisation même pour les pays où la santé publique est de la compétence des régions, des länder ou des cantons. Dans le second groupe, en revanche, les disparités entre les produits nationaux et les pourcentages qui peuvent être consacrés à la santé sont encore trop importants pour que l’on puisse espérer la mise en place d’une politique sanitaire commune dans un délai proche ou prévisible. Si les comparaisons sur l’état de la psychiatrie entre la France et les autres pays du premier groupe dans différents domaines (démographie médicale, formation des spécialistes, législation et institution, programmes de santé mentale, etc.) sont significatives, elles seraient dénuées de sens si on les faisait avec ceux du second.
Elles sont définies par les directives « Médecins » de 1993. Une récente directive 2001/19/EC, reconnaît la psychiatrie de l’enfant comme spécialité à part entière, distincte de la psychiatrie d’adulte et sera applicable, dans les quatre pays dont la France qui ne la considéraient que comme une option, à partir du 1er janvier 2003. La durée de la formation de ces deux spécialités est fixée à 4 ans.
Traditionnellement les échanges de la psychiatrie française avec celle des pays limitrophes, francophones ou non (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Suisse), sont centrés sur des programmes de formation médicale continue ou de recherche clinique. Les principales sociétés françaises de psychiatrie, ainsi que leurs revues, y ont des correspondants. La question se pose pour un avenir proche, de savoir comment mieux associer ces correspondants « étrangers » quoique européens aux activités scientifiques de ces sociétés. Mais les comptes rendus de ces journées ne sont malheureusement pas toujours publiés dans des revues référencées et restent donc dans le domaine de la littérature grise malgré leur intérêt pour la formation continue.
Certaines associations envisagent de modifier leurs statuts dans ce but. On a aussi vu les médecins de pays européens où le nombre de spécialistes étaient réduit par rapport à ceux de l’Europe du nord venir se spécialiser en France, surtout pendant les années où existait le Certificat d’Etudes Spéciales puis après l’entrée de leurs pays respectifs (Espagne, Grèce), dans l’Union Européenne rester dans le nôtre pour y exercer. Paradoxalement ces échanges auront donc contribuer, au moins pour un temps à accentuer les inégalités démographiques en psychiatrie entre les régions européennes.
Par contre, ceux de ces médecins européens qui sont retournés dans leurs pays d’origine une fois la spécialisation effectuée en France constituent autant de précieux relais dans les échanges internationaux.
Il est particulièrement encourageant que le problème de la formation des spécialistes et celui de leur répartition démographique, (problèmes qui sont étroitement liés et qui ne pourront être résolus dans l’avenir qu’au niveau de l’Union Européenne) aient été pris en charge par les futurs spécialistes eux-mêmes.
Les psychiatres en formation dans notre pays se sont regroupés dans L’AFFEP (Association pour la Formation Française et Européenne en Psychiatrie), qui fait partie de l’EFPT (European Federation of Psychiatric Trainees), fondée en 1993. Elles travaillent en liaison avec les autres organismes européens concernés, en particulier avec l’UEMS (Union Européenn des médecins spécialistes) et ses deux collèges (Européen Boards) psychiatrie de l’adulte et psychiatrie de l’enfant. Il faut signaler que le prochain forum de l’EFPT doit se tenir à Paris en 2003.
Des échanges fréquents se font entre psychiatres français et des pays limitrophes du nôtre au cours de « Journées d’études » consacrées à des sujets précis, organisées dans des villes françaises ou dans des villes européennes proches de nos frontières, journées souvent ouvertes à d’autres professionnels de la santé mentale.
On note dans ces pays, en particulier ceux de l’Europe Centrale et de l’Est, surtout depuis l’éclatement de l’URSS et de la Yougoslavie, des efforts pour renouer des relations jadis extrêmement riches (rappelons par exemple que les grands noms de la psychiatrie russe, du début du XXè siècle ont publié nombre de leurs travaux en France ou en français), même si l’on constate chez les jeunes psychiatres, comme d’ailleurs dans l’ensemble du monde, un attrait pour les échanges avec les pays de langue anglaise. Cependant, il faut noter que les médecins qui viennent de ces pays européens se spécialiser en France ou y compléter leur formation, sont le plus souvent intéressés par la psychiatrie psychodynamique, voire par une formation psychanalytique, sans que la question de la langue ne constitue un obstacle. Il est difficile de savoir si ceux venant de pays candidats à l’élargissement de l’Union envisagent d’y poursuivre leur carrière.
C’est ici que les conventions entre institutions sont particulièrement intéressantes d’autant que paradoxalement, elles sont actuellement moins difficiles à signer avec des hôpitaux de pays hors Union européenne qu’à l’intérieur de celle-ci, en raison de la complexité de la réglementation. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, mais il en existe bien d’autres, celles signées entre l’Institut Marcel Rivière à la Verrière et l’Hôpital psychiatrique de Bohnice à Pragues, et celle entre l’hôpital Esquirol à St Maurice et l’Institut Serbski à Moscou. Les échanges permis par ces conventions contribuent à renforcer la présence française au sein de l’Association Européenne de Psychiatrie qui organise tous les deux ans un congrès.
- AEP - Association Européenne de Psychiatrie (Clinique psychiatrique, 1, place de l’hopital, 67091, Strasbourg cedex) Fondée en 1983 à Strasbourg, c’est une association scientifique formée de membres inscrits à titre individuel et elle organise des congrés et des réunions de haut niveau.
- UEMS – Union Européenne des Médecins Spécialistes (Bruxelles), fondée à Paris en 1958, formée de représentants des associations psychiatriques de l’Union Européenne et de représentants d’associations psychiatriques de pays candidats à l’UE. Elle essaie de formuler des recommandations visant à l’harmonisation des formations et des pratiques européennes.
- OMS – WHO - Organisation Mondiale de la Santé – Le siège du Bureau européen est a Copenhague. Outre la mise en œuvre des programmes de l’OMS en Europe, ce bureau élabore des programmes. Il délivre des bourses d’études à des psychiatres européens désireux d’aller approfondir des sujets dans d’autres pays.
- WPA - Association Mondiale de Psychiatrie : en raison du grand nombre de psychiatres qui exercent en Europe on reconnaît 5 « zones » : Ouest, Nord, Sud, Centre et Est ayant chacune un « zonal representative » (il y en a de même pour l’ensemble du monde). Les sociétés françaises font partie de la zone Europe de l’Ouest dont l’actuel représentant est un britannique le Pr Brian Martingale (Londres).
- EFPT - European Federation of psychiatric trainees représente les médecins en formation en psychiatrie
- Revues européennes, il en existe plusieurs : European Archives of Psychiatry and Clinical Neurosciences, European Journal of Psychiatry, toutes publiées en anglais.
Les échanges entre les psychiatres français et les autres psychiatres francophones se font, pour des raisons évidentes, selon d’autres modalités que ceux qui ont recours à l’anglais.
II.1 – Une des sociétés françaises de psychiatrie la plus ancienne, le Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de Langue Française (CPNLF), fait depuis l’origine alterner ses sessions annuelles entre des villes de France métropolitaine ou d’outre-mer et des villes de pays francophones. Les présidents de session, les rapporteurs, les discutants, les congressistes sont donc originaires de toutes les régions de la francophonie ; le choix des thèmes témoigne de l’intérêt porté dans ces régions à des questions spécifiques de la psychiatrie française. La 96è session (1998) s’est tenue, pour la première fois dans un département d’Outre-Mer (La Réunion), et a permis la rencontre de psychiatres et de neurologues avec des confrères de l’Océan indien et même du Viet-Nam. La 99è session (2001) empêchée de se tenir comme prévu à Beyrouth, en raison de la situation politique au Moyen Orient, a pu avoir lieu, grâce à nos collègues tunisiens, à Hammamet. Ces sessions sont bien entendu organisées conjointement avec les sociétés nationales correspondantes, sociétés qui utilisent souvent le français comme langue scientifique. Les rapports présentés aux sessions et les discussions qui s’en suivent sont publiées en français et deviennent des ouvrages de référence de la littérature psychiatrique dans cette langue.
II.2 – Plusieurs autres sociétés françaises moins anciennes organisent des Journées d’études, des voyages d’études, des rencontres avec des psychiatres de région où la francophonie est prédominante.
La société de l’Information Psychiatrique a organisé ses XVIIIème Journées sur le thème « Psychiatrie, langue et culture » à Fort-de-France en décembre 1999, s’ouvrant ainsi sur l’ensemble caraïbe non exclusivement francophone et permettant à des médecins hispanophones, d’établir, ou de rétablir des liens avec la psychiatrie française.
Cette même société est en train d’organiser avec l’association des Psychiatres du Québec, ses XXIè Journées (2002) à Québec sur « La question des neurosciences en psychiatrie », question discutée des deux cotés de l’atlantique dont on peut espérer que le lieu où doit se tenir cette réunion permettra de jeter un pont entre les conceptions américaines et européennes. Le compte rendu de ces Journées de l’Information Psychiatrique sont publiées avec régularité dans la revue éponyme.
En 2001, la revue « Psychiatrie Française » (XXXII, I) a présenté dans un numéro (3) la vision que se font actuellement de la psychiatrie dans notre pays, des médecins exerçant dans divers pays : Argentine, Canada, Etats-Unis, Grèce, Italie, Pologne et Russie.
Les points forts de l’actualité de la relation de la psychiatrie française avec l’Amérique latine sont mis en évidence dans l’Information Psychiatrique (5).
Pour les auteurs, il y a un renouveau des relations franco-argentines après une période où l’influence des idées françaises jusque là prépondérantes, paraissait diminuer parallèlement à l’usage du français dans les milieux universitaires. Ce renouveau est dû à l’AFAPSAM (Association Franco Argentina de Psiquiatria y Salud Mental) qui a permis l’organisation de rencontres franco-argentines lors des congrès de l’APSA (Asociacion de psiquiatras argentinos) en 1997, 1999 et 2001. Plusieurs revues argentines se sont associées pour publier en 1999, le premier numéro de « Textos de la psiquiatria francesa », sélection d’articles publiés dans notre pays traduits en espagnol. Depuis 1998, l’AFAPSAM organise des stages et des visites dans les hôpitaux français pour des psychiatres et psychologues argentins. L’ensemble de ces activités est diffusé par les services de l’Ambassade de France à Buenos Aires. Il a été fondé à Paris, une association symétrique française : l’Association Franco Argentine de psychiatrie et Santé Mentale : l’AFAP SAM.
Les échanges avec le Mexique se sont également développés ces dernières années grâce au soutien de l’Ambassade de France à Mexico. Ce soutien avait permis la signature à l’occasion d’une visite d’Etat du Président de la République, d’une convention entre l’Hôpital Sainte Anne à Paris et une institution de la capitale mexicaine, analogue à celle dont nous avons déjà parlé à propos des relations à l’intérieur de l’Europe. Cette convention a permis notamment la venue de jeunes psychiatres mexicains pour effectuer des stages dans des services parisiens. Elle a permis également l’envoi de conférenciers français hispanophones notamment au cours de l’année 1996 où les relations entre la France et le Mexique étaient centrées sur la médecine et quand se tenait le congrès de l’ « Asociacion de psiquiatros mejicanos » pendant la semaine réservée à la psychiatrie.
Par la suite, ont été régulièrement organisées des rencontres franco-mexicaines dont les compte rendus ont été publiés avec l’aide de l’Ambassade. L’Association franco mexicaine de psychiatrie et santé mentale, présidée, jusqu’à sa mort par le Professeur Serge Lebovici, a centré ses échanges avec le Mexique sur la psychiatrie infanto-juvénile et la psychanalyse. L’Evolution Psychiatrique a été invitée par l’Asociacion Psiquiatrica Mexicana (APM) à organiser un symposium dans le cadre de son XVIIè Congrès National (2001), faisant ainsi du français la troisième langue officielle, avec l’espagnol et l’anglais, de cette manifestation largement ouverte sur l’ensemble de l’Amérique centrale et du Sud par l’intermédiaire de l’APAL (Asociacion Psiquiatrica de l’America Latina). Une autre réunion a été organisée cette même année à l’Institut d’Histoire et de Philosophie de la Médecine de l’UNAM (Universidad Nacional Autonoma de Mexico) pour commémorer le bicentenaire de la publication par Philippe Pinel de son célèbre « Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ou la manie » et dont la traduction quasi immédiate en espagnol a diffusé en Amérique Latine les idées du grand aliéniste dès le début du XIXè siècle. Les communications faites à cette occasion doivent faire l’objet d’une publication internationale en espagnol par Les presses universitaires mexicaines.
La question se pose en effet, dans des pays de tradition francophone mais où il faut bien l’admettre, le français est de moins en moins utilisé dans les échanges internationaux, s’il ne faut pas traduire certains ouvrages ou articles parus dans notre langue, dans d’autres langues pour éviter que les échanges se fassent en psychiatrie exclusivement par le truchement de l’anglais.
Dans un souci de réciprocité, il faudrait obtenir des grands éditeurs internationaux, installés en France, qu’ils publient des traductions en français d’ouvrages édités dans ces langues qui pourraient être ainsi diffuser dans le monde francophone.
Les exemples que nous avons donnés montrent que les sociétés françaises de psychiatrie sont parvenues à l’aide des nombreuses associations bi-nationales créées ces dernières années, à tisser un réseau d’échanges actifs.
On peut cependant regretter que l’organisation de nombreuses réunions scientifiques se fasse dans un certain désordre, au gré des circonstances, grâce à des relations personnelles. Il serait souhaitable que se mette en place une coordination au niveau de la Fédération Française de Psychiatrie, dont font partie la quasi totalité des sociétés concernées par ces échanges internationaux. Ceci permettrait, tout en laissant à chacune d’entre elles une liberté d’initiative, d’en associer deux ou plus sur un objectif précis que ce soit un pays ou une question scientifique pour concentrer les efforts sur ce point.
Le choix de ces objectifs pourrait se faire en liaison avec les services officiels en charge des échanges internationaux : Ministères de la coopération, de la santé, de la recherche, de la culture ; conseillers scientifiques et culturels des ambassades ; INSERM, CNRS, etc. L’expérience montre que leur soutien, ne serait-il que symbolique, prend beaucoup d’importance aux yeux de nos interlocuteurs qui y voient à juste titre la preuve que leurs pays et notre discipline ne sont pas oubliés dans la politique culturelle extérieure de la France. Il règne dans beaucoup de pays extra-européens l’idée qu’elle est maintenant tournée vers les pays candidats à l’union européenne pour permettre leur adhésion et que les autres sont abandonnés. Certaines des sociétés nationales se regroupent pour peser plus de poids au niveau international. Nous avons déjà mentionné l’APAL (Asociacion Psiquiatrica de America Latino) qui réuni la plupart des sociétés de psychiatrie d’Amerique du Sud et Centrale. La signature en 2000 d’une convention entre l’APAL et la Fédération Française de Psychiatrie pour développer les échanges avec l’ensemble des pays latino américains a été perçue par nos partenaire comme la preuve de la persistance de l’intérêt pour cette zone culturelle où l’influence française reste grande.
II.3 – Pour conclure cette section, rappelons qu’il existe une Fédération internationale francophone de Psychiatrie. Elle fédère des associations de psychiatrie francophones existant dans plusieurs pays. Son siège est à l’Hôpital Sainte Anne à Paris, où elle organise des congrès. Elle est elle-même « affiliée » à l’Association Mondiale de Psychiatrie (WPA).
Il est impossible de faire le point sur ces échanges sans analyser la place qu’occupe actuellement la psychiatrie française, par l’intermédiaire de ces sociétés nationales qui en sont membres, au sein de la WPA. Celle-ci créée avons-nous dit à la suite du succès du Premier Congrès Mondial de Paris organisé en 1950 par les sociétés de psychiatrie alors existantes en France auxquelles s’était associée la Société Psychanalytique de Paris, réunit en effet non des pays mais des sociétés nationales. Il en existe une seule dans la plupart des pays même les plus importants ou tout au plus deux ou trois. De ce point de vue on constate que nos sociétés membres de la WPA dépassent ce nombre (ce ne sont plus les mêmes qu’à l’origine).
Il convient de distinguer les relations établies à travers l’Association mondiale de psychiatrie (la Société psychanalytique de Paris s’étant retirée lors du 9ème congrès mondial de Rio de Janaeiro en 1993). Chaque société nationale dispose d’un nombre de voix au prorata de ses membres déclarés, avec un plafond pour chaque pays pour éviter que ceux qui comptent un nombre élevés de psychiatres par rapport à la population générale, (essentiellement les pays développés), ne soient surreprésentés aux assemblées générales. Le fait que plusieurs sociétés françaises y soient représentées aboutit à ce paradoxe que ce plafond n’est pas atteint pour notre pays et que le total des voix dispersées entre elles est inférieur à celui attribué à la société unique de certains pays qui comptent cependant moins de psychiatres en exercice que la France ! Cet état des choses se fait cruellement sentir lors des assemblées générales qui ont lieu tous les trois ans à l’occasion des congrès mondiaux et où il est procédé à des votes tant politiques (élection du Bureau of Executive Comitee), des représentants des zones, adoption des motions proposées par des sociétés nationales membres, admission de nouvelles sociétés, etc.) que scientifiques (fonctionnement des sections spécialisées et éventuellement création de nouvelles organisations des congrès mondiaux ou de ceux dits « régionaux », c’est-à-dire qui intéressent une des dix huit zones et qui prennent place dans l’intervalle des trois ans). Les sociétés nationales peuvent elles-mêmes s’associer ou participer à l’organisation de ces manifestations scientifiques au niveau général ou à celui des sections spécialisées.
Les échanges internationaux risquent de se diluer lorsqu’ils se font dans le cadre de manifestations trop importantes. La recherche systématique d’un universalisme peut conduire à l’effacement des particularités culturelles régionales ou à l’alignement sur les positions de l’association scientifique du pays le plus puissant comme on a pu le voir en ce qui concerne les classifications avec le rapprochement du chapitre 5 (F) « troubles mentaux et du comportement » de la « classification internationale des maladies » (dixième révision) de l’OMS (1993 avec le DSM III R 1980).
Or l’intérêt d’une organisation telle que la WPA est de permettre de suivre le développement de la psychiatrie dans des pays où elle était, jusque il y a peu de temps, inexistante ou embryonnaire. Ce développement est marqué par la naissance de sociétés de psychiatrie ou de neuropsychiatrie dans les pays dits émergents et par leur réorganisation dans ceux où elles existaient déjà de plus ou moins longue date. Nombre de ces réorganisation sont liés à des événements politiques en particulier en Europe centrale et de l’Est, après l’éclatement de l’URSS et de la Yougoslavie qui ont été suivis de la création d’autant de sociétés de psychiatrie que de nouvelles républiques indépendantes ; mais elles peuvent être liées à l’apparition de courants de pensée nouveaux ou originaux.
Les sociétés françaises doivent, pour établir avec ces sociétés des relations d’échanges valables, tenir compte de ces particularités culturelles. Il vient d’être constituée sous le régime de la loi de 1901 une « Association franco-américaine de psychiatrie » pour poursuivre l’organisation régulière entreprise il y a plusieurs années de Rencontres franco-américaines alternativement aux Etats-Unis à l’occasion des Meetings annuels de l’American Psychiatric Association (la dernière vient d’avoir lieu lors du Congrès 2002 à Philadelphie) et en France. Le choix des thèmes porte sur ceux qui ne sont pas abordés dans des réunions plus formelles.
Le programme du prochain XIIe Congrès Mondial à Yokohama en 2002 donne une bonne image de la place qu’occupe actuellement la psychiatrie française au sein de l’Association Mondiale de Psychiatrie. 115 sociétés nationales y sont représentées, ainsi que 7 associations affiliées dont l’APAL et La Fédération Francophone. Aucun français ne siège au Bureau (Executive Commitee) ni n’est candidat à un des postes soumis à élection. 5 français font partie du Comité scientifique du Congrès. Un seul préside une des sections de l’Association Mondiale de Psychiatrie : Military and Disaster Psychiatry. Ces sections sont actuellement au nombre de 41. Il a été proposée sur une initiative française la création d’une nouvelle Section : « Psychanalyse et Psychiatrie », l’approche psychanalytique des troubles mentaux ayant de manière étrange progressivement disparue des questions débattues au sein de la WPA. L’IPA en la personne de son Président, le Pr. Daniel Widlöcher, était représentée au Congrès du Jubilée à Paris en 2000. La première réunion à Yokohama de cette nouvelle section marque le retour de la psychanalyse en psychiatrie.
Plusieurs sociétés françaises, notamment L’Evolution Psychiatrique, la Fondation Henri Ey, la Société Médico-psychologique, la Société de Psychopathologie de l’Expression, organisent soit seules soit en liaison avec des sections spécialisées plusieurs symposia. Certains sont centrés sur les échanges franco-japonais qui sont en psychiatrie riches et actifs, malgré, ou en raison, des différences culturelles entre l’Orient et l’Occident (6, 7). Nombre de psychiatres japonais sont francophones et les ouvrages français de la littérature classique ou contemporaine sont traduis en japonais. Aussi est-il prévu que la langue française soit utilisée dans ces symposia.
Une double conclusion s’impose. D’abord que si l’on veut renforcer le poids de la psychiatrie française au sein de la WPA, il faudrait qu’elle soit représentée de façon unitaire par la Fédération Française de Psychiatrie plutôt que par les différentes sociétés qui en sont actuellement membres. Ceci offrirait entre autres avantages celui de permettre à la France d’atteindre le plafond du nombre de voix dont disposent les sociétés qui sont seules à représenter un pays important.
La seconde est qu’il est sans doute préférable d’investir les énergies plutôt que dans les Congrès Mondiaux (le XIIIème doit avoir lieu en 2005 au Caire, et la ville qui recevra en 2008 le XIVème doit être choisi à Yokohama) dans l’activité de section judicieusement choisies où des psychiatres français ont des responsabilités ou dans des symposia dits régionaux. On peut envisager pour ceux-ci de ne pas se limiter à la seule « Région » de l’Europe de l’Ouest mais de les étendre aux autres régions entre lesquelles est divisée l’Europe pour la WPA. La psychiatrie française pourrait ainsi jouer un rôle central dans les échanges internationaux contribuant à la construction d’une union européenne scientifique.
1. Baruk H. La psychiatrie française dans ses rapports avec les autres psychiatries. Ann de thérapeutique psychiatrique; vol IV. Paris : PUF, 1969
2. Eclairages culturels de la psychiatrie au Japon. Information Psychiatrique nov 1999 ; 7,5,9, : 883-960
3. La psychiatrie française vue de l’étranger. Psychiatrie Française 2001 ; XXX II, 1 : 7-89
4. La formation des internes en psychiatrie. Perspectives Psychiatriques 2001 ; 40,4 : 256-290
5. Les relations avec l’Amérique Latine. L’information Psychiatrique 2002 ; 78,3 :286-291
6. Echanges franco japonais (textes réunis par J. Garrabé et A. Koïzumi) L’Evolution Psychiatrique 1984 ; 1 : 69-198
7. Eclairages culturels de la psychiatrie japonaise. (numéro préparé par P. Delvaux et N. Garret-Gloanec) L’information Psychiatrique 1999 ; 75,9 : 893-952
8. XII World Congres of psychiatry. Yokohama 24, 29 august 2002
Rapport rédigé par Jean Garrabé et Harald Sontag
Avec une contribution spécifique de Michelle Leborgne, Suzanne Parizot, Marie-France Patris Gisselmann, Michel Triantafyllou, Dominique Mathis et Pierre Bailly-Salin.
Il s’appuie sur les travaux et la discussion générale du groupe de travail composé également de Jean-François Allilaire, Antoine Besse, Michel Botbol, Philippe Mazet, François Petitjean et Daniel Kipman.
Dernière mise à jour : jeudi 26 février 2004
Dr Jean-Michel Thurin