le Livre Blanc
de la
Fédération Française de Psychiatrie
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J.-F. Allilaire, H. Bokobza, G. Darcourt, J. Fortineau, J. Garrabé, M. Horassius, N. Horassius, S.D. Kipman, Ph. Mazet, J.-M. Thurin [1]
Les médecins traitent les troubles mentaux depuis l'Antiquité. Mais c'est la rencontre d'un contexte politique humaniste et d'une volonté de rationalisation scientifique, au cours du siècle des Lumières, qui institue la psychiatrie comme une nouvelle branche de la médecine. Consacrée à l'étude et au traitement des troubles mentaux, elle va se construire sur une base empirique, celle de la description clinique des maladies mentales, et se développer à partir des soins institutionnels et psychothérapiques jusqu'au milieu du XXème siècle.
Après la période de reconstruction qui suit la seconde guerre mondiale, la psychiatrie continue à développer les méthodes psychothérapiques et intègre trois évolutions majeures. La première est la prise de conscience que l'isolement des patients de leur environnement naturel peut ne pas avoir que des implications positives sur le cours de leurs troubles. La seconde est une transformation majeure de la médecine dont les nombreuses découvertes fondamentales (notamment dans le domaine de la génétique) et thérapeutiques (en particulier psychopharmacologiques) vont laisser penser que l'impact relationnel dans l'action médicale peut être mis au second plan. La troisième est une mutation économique et sociale sans précédent. Le système de sécurité sociale ouvre largement l'accès aux soins, mais la santé mentale se trouve directement impliquée par les tensions individuelles qu'elle génère et une crise des valeurs collectives qui n'a pas encore trouvé de solution.
La psychiatrie est se situe ainsi comme témoin et objet d'une véritable mutation dont il est nécessaire de bien saisir les éléments et leurs implications pour faire des propositions actives quant à son avenir.
Plusieurs faits incitent à l'optimisme:
- Il est fait de plus en plus appel aux psychiatres pour répondre à la souffrance psychique, parfois au delà des limites traditionnelles de cette discipline médicale. Cette évolution, qui concerne les patients mais aussi différentes catégories professionnelles, peut être attribuée pour une large part aux progrès qu'elle a accomplis dans son approche et aux résultats qu'elle obtient.- Parallèlement, l'image de la maladie mentale et celle de la psychiatrie se modifient favorablement dans la société ;
- Les associations de malades et de familles voient leur importance renforcée. Les pouvoirs publics s'impliquent davantage dans le domaine de la santé mentale, domaine de la santé publique encore trop peu développé.
- Les professionnels, quant à eux, sont engagés dans un travail à la fois indispensable et considérable :
- Poursuivre la révision et la redéfinition de leurs références théoriques, en faisant bien la part des aspects scientifiques et des aspects plus spéculatifs.
- Appuyer leurs pratiques, partout où c'est possible, sur des données scientifiques récentes. La recherche clinique, conduite avec la plus grande rigueur éthique, doit être encouragée et développée dans les domaines encore nombreux de la pathologie mentale qui restent à investiguer. Elle devrait permettre le développement des paradigmes pertinents et l'abandon progressif du recours à une juxtaposition de modèles théoriques trop nombreux et trop hétérogènes.
L'être humain, comme individu et sujet appartenant à un groupe, est au centre de cette évolution et de cette recherche. Tous les apports, qu'ils soient d'organisation ou scientifiques, sont à considérer à la lumière des services qu'ils apportent à la libération des aliénations et à la réduction des souffrances qui le menacent.
Le Livre blanc est une tentative de réponse professionnelle collective à cette exigence. Il met en perspective les fondamentaux de la psychiatrie. Il apporte une clarification et une base solide sur de nombreux points, sans méconnaître que d'autres aspects restent à travailler.
Il traduit un souci d'ouverture et de débat public dans un domaine de première importance qui concerne l'ensemble de la société.
Il est aussi une affirmation. Seuls les psychiatres peuvent redéfinir leur champ et ils sont décidés à le faire. La spécificité de leur travail clinique et théorique, qui intègre les aspects psychologiques, sociaux et biologiques de l'être humain, en fait l'une des disciplines les plus complexes du champ médical. C'est aussi ce qui la rend si actuelle et intéressante.
[1] Anciens présidents de la Fédération Française de Psychiatrie
Dernière mise à jour : lundi 24 mai 2004
Dr Jean-Michel Thurin
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