DÉCLARATION DE MADRID

 

1 — La psychiatrie est une discipline médicale qui se consacre à la mise en œuvre des meilleurs traitements des troubles mentaux, à la réadaptation des individus souffrants de maladies mentales et à la promotion de la santé mentale. C’est en mettant à la disposition des malades les meilleures thérapeutiques disponibles conformes aux connaissances scientifiques admises et aux principes éthiques que les psychiatres leur rendent le service dû. Les psychiatres doivent donner la préférence aux interventions thérapeutiques qui entravent le moins la liberté du malade et s’entourer de conseil pour les domaines de leur activité dont ils n’ont pas une expérience directe. Ce faisant les psychiatres doivent s’informer et veiller à la distribution équitable des ressources de santé.

2 — Il est du devoir des psychiatres de suivre les développements scientifiques de leur spécialité et de contribuer à une mise à jour mutuelle des connaissances. Les psychiatres formés à la recherche doivent chercher à étendre les frontières scientifiques de la psychiatrie.

3 — Le patient doit être considéré comme un partenaire à part entière dans le processus thérapeutique. La relation thérapeutique doit être basée sur la confiance et le respect mutuel pour permettre au patient de prendre des décisions libres et éclairées. Il est du devoir des psychiatres de fournir au patient les informations pertinentes de manière à lui donner la possibilité de parvenir à une décision raisonnée et conforme à ses valeurs et préférences personnelles.

4 — Lorsque le patient est incapable et/ou hors d’état d’exercer un jugement valable en raison d’un trouble mental, le psychiatre doit prendre l’avis de la famille, et si cela est opportun prendre conseil auprès d’un juriste pour assurer la protection de la dignité humaine du patient et des ses droits légaux. Aucun traitement ne devra être pratiqué contre la volonté du patient, à moins que le refus de traitement ne mette en danger sa vie et /ou celle de son entourage. Les traitements doivent toujours être utilisés dans le seul intérêt du patient.

5 — Lorsque les psychiatres sont chargés de procéder à une expertise ils doivent en informer la personne concernée et lui préciser l’objet de leur mission, l’utilisation de leurs conclusions et les conséquences possibles de leur mission. Ceci est d’une particulière importance lorsque les psychiatres interviennent dans des situations où sont impliqués des tiers.

6 — Toute information recueillie dans le cadre de la relation thérapeutique doit rester confidentielle et ne servir exclusivement que dans le seul but d’améliorer l’état de santé mentale du patient. Les psychiatres s’interdisent d’utiliser de telles informations à des fins personnelles ou pour en tirer des bénéfices financiers ou académiques. Ce n’est qu’au cas où le maintien de la confidentialité mettrait sérieusement en danger la santé physique ou mentale du patient ou d’un tiers qu’elle pourrait être levée ; dans de telles circonstances les psychiatres devront dans la mesure du possible informer en premier le patient de ce qui va être fait.

7 — Toute recherche qui n’est pas conduite conformément aux données de la science n’est pas éthique. Les activités de recherche doivent être approuvées par un comité de recherche constitué de manière appropriée. Les psychiatres doivent respecter dans la conduite de la recherche les règles nationales et internationales. Seules des personnes formées spécialement à la recherche doivent l’entreprendre ou la diriger. En raison de la vulnérabilité particulière des malades mentaux vis à vis de la recherche des précautions particulières doivent être prises pour sauvegarder aussi bien leur autonomie que leur intégrité physique et mentale. Des règles éthiques doivent aussi être respectées dans le choix des populations étudiées, dans tous les types de recherche y compris les études épidémiologiques et sociologiques ainsi que dans les recherches collaboratives associant d’autres disciplines ou plusieurs centres d’investigation.

L’Association Mondiale de Psychiatrie a en 1977 approuvé la Déclaration d’Hawaï formulant des recommandations éthiques pour la pratique de la psychiatrie. Cette déclaration a été révisée à Vienne en 1983. Tenant compte des modifications survenues dans les attitudes sociales et des récents développements de la médecine en ce qui concerne l’exercice de la profession psychiatrique, l’Association Mondiale de Psychiatrie a procédé à nouveau à un examen et à une révision de certaines de ces règles éthiques.

La médecine est à la fois un art, celui de guérir, et une science. C’est la psychiatrie, branche de la médecine spécialisée dans le soin et la protection de ceux qui souffrent d’une maladie ou d’une infirmité en raison d’un trouble mental ou d’une incapacité, qui reflète le mieux la dynamique de cette association. Bien qu’il puisse y avoir des différences culturelles, sociales ou nationales, le besoin d’un code de conduite éthique et de la révision constante de ses règles sont universels.

En tant que praticiens de la médecine les psychiatres doivent être conscients à la fois de ce qu’implique du point de vue éthique le fait d’être médecin et de la spécificité des exigences éthiques de leur spécialité. En tant que citoyens les psychiatres doivent être les défenseurs du droit des malades mentaux à un traitement juste et équitable, de la justice sociale et de l’égalité.

C’est en se basant sur leur sens individuel de leur responsabilité vis à vis du patient et de leur capacité à juger de la conduite correcte et appropriée que les psychiatres se conforment de manière éthique. Les règles extérieures ou l’influence que peuvent avoir les codes déontologiques, l’étude de l’éthique, ou les règles légales ne suffisent pas en elles-mêmes à garantir une pratique éthique de la médecine.

Les psychiatres doivent à tout moment garder présentes à l’esprit les limites de la relation psychiatre-malade et se guider avant tout sur le respect dû aux patients et l’intérêt porté à leur bien être et à leur intégrité.

C’est dans cet esprit que l’Association Mondiale de Psychiatrie a fait approuver par son Assemblée Générale les règles éthiques suivantes qui doivent désormais régir la conduite des psychiatres dans le monde entier.

 

 

Recommandations concernant des situations spécifiques

Le comité d’éthique de l’Association Mondiale de Psychiatrie reconnaît la nécessité de développer un certain nombre de recommandations spécifiques à certaines situations particulières. Cinq de ces recommandations figurent ci-dessous. Le comité formulera ultérieurement d’autres avis motivés sur des sujets tels que l’éthique de la psychothérapie, les nouvelles alliances thérapeutiques, les relations avec l’industrie pharmaceutique, le changement de sexe et l’éthique de l’organisation des soins.

1 — Euthanasie. Le devoir du médecin est, d’abord et avant tout, la promotion de la santé, la diminution de la souffrance et la protection de la vie. Le psychiatre dont certains malades sévèrement atteints sont dans l’incapacité de parvenir à une décision informée doit être particulièrement vigilant sur toute action pouvant entraîner la mort de ceux qui ne peuvent assurer leur propre défense en raison de leur incapacité. Le psychiatre doit être conscient de ce que le point de vue du patient peut être déformé par une maladie mentale comme une dépression. Dans de telles situations le rôle du psychiatre consiste à traiter la maladie.

2 — Torture. Les psychiatres ne doivent prendre aucune part à des actes de torture mentale ou physique même lorsque les autorités tentent de les contraindre à s’impliquer dans de tels actes.

3 — Peine de mort. Les psychiatres ne doivent dans aucune circonstance que ce soit ni participer à des exécutions légales, ni à l’évaluation de la capacité du condamné à subir la peine capitale.

4 — Choix du sexe. Dans aucune circonstance un psychiatre ne devra participer à des décisions d'interruption de grossesse ayant pour but la sélection du sexe de l’enfant à naître.

5 — Transplantation d’organes. Le rôle du psychiatre est d’apporter des éclaircissements sur l’ensemble des questions qui concernent les dons d’organe et d’attirer l’attention sur les aspects religieux, culturels, sociaux et familiaux pour faire en sorte que puissent être prises par tous ceux que cela concerne des décisions adéquates et éclairées. Les psychiatres ne devront jamais être les mandataires des patients, ni faire usage de leurs compétences psychothérapiques pour influencer la décision des patients en matière de transplantation d’organes. Les psychiatres devront chercher à protéger leurs patients et à les aider à se déterminer dans la plus large mesure par eux-mêmes s’ils se trouvent dans une situation où se pose la question d’une transplantation.


Dernière mise à jour : mardi 8 juin 1999 16:32:38

Dr Jean-Michel Thurin