AU SOMMAIRE
LES PSYCHIATRES "INÉGAUX"N°"De plus en plus souvent, j'envisage une démission des fonctions de chef de service ou un départ pour retrouver une profession à dimension humaine malgré le vif intérêt que je porte au travail dans ce secteur", écrit Jacques Pescoa dans sa "confession" d'un psychiatre en zone rurale (cf. p. 3). Cet extrait illustre la pénurie qui devient importante de médecins psychiatres dans les équipes de certains secteurs, surtout ruraux. Pour tenter de porter remède à cette situation d'inégalité, Bernard Raynal et Pierre Vollot sont d'accord au moins sur un point, il faut rendre le secteur plus souple (cf. ci-dessous et p. 3) et P. Vollot y insiste : "la viabilité à long terme de rattachement des secteurs à l'hôpital général repose sur la nécessité absolue de constituer une équipe médicale psychiatrique atteignant une taille critique suffisante de six à huit éléments. En dessous de ce seuil, l'isolement et les contraintes de garde seraient trop pesantes" ce qui conduit à concevoir une coopération inter-établissement affirmée et aussi une gestion nationale maîtrisée des effectifs médicaux.
Pour adapter le statut des praticiens hospitaliers aux changements et résorber ainsi les inégalités de pratique et de vie, il y a du pain sur la planche. R. Lepoutre *
LE SECTEUR À LA RECHERCHE DE PSYCHIATRESI. D'UNE ADAPTATION À UNE RÉALITÉ...RÉALITÉ C'est une pénurie, qui devient importante, de médecins psychiatres dans nos équipes de secteurs. Or, le soin psychiatrique est essentiellement basé sur la relation. C'est pour cela que l'on dit que le "plateau technique" en psychiatrie, c'est le personnel... et, prioritairement, le médecin sans lequel il n'y aura ni diagnostic, ni thérapeutique... De plus, notre organisation psychiatrique s'est vue fixer un certain nombre d'objectifs. OBJECTIFS On connaît les différents textes parus ces dernières années, en partant de la loi du 25 juillet 1985 légalisant le secteur jusqu'aux textes les plus récents, sans oublier la circulaire du 14 mars 1990 relative aux orientations de la politique de Santé mentale, sans oublier non plus la loi du 27 juin 1990 (actuellement en discussion) et relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Chacun est convaincu du bien-fondé de la nécessité du travail sur le secteur, dans l'intérêt de la qualité des soins, pour une prise en charge des patients au plus près de leur lieu de vie. |
De cette notion de secteur et de prise en charge au plus près du lieu de vie des patients, est venue l'idée de rattachement d'un secteur, voire de plusieurs à des établissements hors centres hospitaliers psychiatriques. Il est assez convenu que la politique mise en uvre en psychiatrie a assez bien réussi (extériorisation, diversité des modalités de prises en charge...). Or, la réalité... risque de tout remettre en question... Alors... DE QUELQUES PROPOSITIONS Certains l'ont rappelé : Augmenter le nombre de psychiatres et étudier le statut des psychiatres hospitaliers. Mais tout le monde connaît les contraintes. On constate de plus que les psychiatres, plutôt que de postuler dans des secteurs excentrés préfèrent s'installer en secteur libéral dans les grandes villes. Alors... et pour prendre en considération la réalité : * manque de psychiatres dans des secteurs isolés ou excentrés, * intérêt des psychiatres pour réfléchir ensemble à la mise en uvre des actions sectorielles, voire inter sectorielles... tout ceci possible grâce à la synergie qui favorise le travail de plusieurs équipes de secteur qui se côtoient et se complètent dans une institution spécifique... ce qui, finalement, a fait naître les actuelles orientations en santé mentale. Proposition : Faire en sorte que, quel que soit le rattachement du secteur, quelles que soient les structures mises en place, l'on envisage de nommer les psychiatres dans les centres hospitaliers psychiatriques attractifs, en mettant en uvre une politique de coopération... ce qui est rendu encore davantage réalisable depuis l'intervention de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée et notamment ce qui a trait à la notion de communauté d'établissements. Rappelons le texte : "Les communautés d'établissements ont pour but de : * Favoriser les adaptations des établissements de santé aux besoins de la population et les redéploiements des moyens qu'elles impliquent. * Mettre en uvre des actions de coopération et de complémentarité, notamment celles prévues par le schéma régional d'organisation sanitaire et son annexe. * Répondre aux besoins de services de proximité non satisfaits dans le domaine médicosocial, notamment pour les personnes âgées et les personnes handicapées. "Une charte fixe les objectifs de la communauté et indique les modalités juridiques de mise en uvre choisies par les établissements parmi celles fixées à l'article L.713-12. La charte est agréée par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation." Il s'agit, comme il est dit par ailleurs, "sans remettre en cause l'unité et l'autonomie des établissements, de les conduire à optimiser l'ensemble du dispositif de prise en charge hospitalière en s'affranchissant d'une réflexion autarcique et en promouvant une vision stratégique et les moyens communs à plusieurs établissements afin de mieux répondre aux besoins de santé d'un bassin homogène de population couvrant un secteur sanitaire ou un pays au sens de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire." Il est à noter que le cadre juridique peut être très souple, notamment une convention multilatérale. Il est également prévu une "Charte" qui lui donne une solennité (agréée par le directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation) et qui précise : * la liste des membres constitutifs de la communauté, * les formules juridiques dans lesquelles s'inscrit cette communauté, * les objectifs médicaux et non médicaux poursuivis, * les moyens organisationnels mis en uvre, * les obligations des parties, * les dispositions spécifiques à la communauté. CONCLUSION Une réalité, des objectifs (à la psychiatrie, à l'ordonnance)... une nouvelle possibilité... à méditer... > Bernard Raynal * Directeur du Centre hospitalier "Guillaume Régnier", Rennes
Editorial
De même, en ce qui concernait le total des postes temps plein pourvus, quelle que soit la manière de les pourvoir, le taux de couverture atteignait 93,50 %.(1) Fin 1995, pour 3 367 postes budgétaires, 2 785 postes pourvus par les titulaires ou des probatoires, et 3 105 postes pourvus quelle que soit la manière de les pourvoir, ces pourcentages sont respectivement de 82,7 % et de 92,2 %.(1) Mais cette situation, qui au premier abord paraît satisfaisante, recouvre des réalités bien différentes car les inégalités sont grandes en la matière. L'enquête menée par la Conférence nationale des présidents de CME de CHS en 1992, mettait déjà en évidence des écarts très sensibles entre services et entre régions, avec une moyenne de 7,02 équivalent temps plein médicaux par secteur de psychiatrie adulte, de 6,33 pour la psychiatrie infanto-juvénile. Mais cette enquête relevait que certains services ne comportaient plus aucun titulaire et fonctionnaient avec un nombre extrêmement réduit de psychiatres. Actuellement, certains services situés dans des régions peu attractives sont à la limite de la déshérence, et se trouvent dans une extrême difficulté pour assurer ce que l'on pourrait appeler le "service minimum" de la psychiatrie publique. Ces difficultés sont d'autant plus durement ressenties qu'il s'agit souvent de zones rurales, imposant aux psychiatres des temps de trajet très longs. Les causes les plus souvent citées pour expliquer la pénurie de psychiatres hospitaliers publics constatée dans certains services concernent une insuffisance de modulation des filières de formation au regard de la démographie du corps des praticiens hospitaliers psychiatres. Dans le futur, la situation risque de s'aggraver, en effet, les projections effectuées par la Conférence des présidents de CME de CHS montrent que le profil de la pyramide des âges nécessiterait un rapport annuel de 170 recrutements par an, dans les années 2010, pour compenser les seuls départs à la retraite. À côté de ces causes structurelles liées aux flux de formation et de départ en fin de carrière, il faut sans doute aussi s'intéresser à des causes plus sociologiques. La qualité de la vie professionnelle et de la vie personnelle jouent à l'évidence un rôle fondamental dans les différentiels d'attractivité constatés entre régions et entre services. Les candidats potentiels n'ont pas forcément envie d'aller vivre dans une région peu attractive, dans un service à l'effectif réel insuffisant pour faire face aux besoins en matière de santé mentale. L'ADESM (association des établissements gérant des secteurs de santé mentale) projette de mener une étude tendant à mieux cerner les liens de causalité pouvant exister entre les caractéristiques des services et de leur environnement, et leur plus ou moins grande attractivité. L'effet de cette attractivité étant apprécié à travers le pourcentage de postes occupés par des temps pleins titulaires ou titres provisoires. Augmenter le nombre de DES de psychiatrie, diversifier les recrutements en en étendant le champ, recruter des praticiens adjoints contractuels, recourir à des praticiens libéraux et à des praticiens CEE, sont, sans aucun doute, des mesures nécessaires pour augmenter le nombre de psychiatres hospitaliers, mais il faut aussi créer de fortes incitations statutaires pour les faire venir, durant des périodes significatives, dans des régions pour lesquelles ils n'éprouvent pas d'intérêt spontané. Un psychiatre m'a dit : "le problème de la désertification psychiatrique de certaines régions sera réglé, lorsque je pourrai dire à ma femme : "je vais postuler dans telle région, mais dans des conditions telles que c'est intéressant", sans qu'elle me réponde : "je demande le divorce". J.P. Mariani (1) Chiffres communiqués par la Direction des hôpitaux.
CHOSES VÉCUESCONFESSION D'UN PSYCHIATRE HOSPITALIER EN ZONE RURALEDepuis environ deux ans, deux postes de praticien hospitalier sont vacants dans le secteur de moyenne montagne où je travaille. Nous connaissons tous le problème de la désertification de la profession, plus sensible en milieu rural. Dans mon secteur, je suis le seul praticien hospitalier, ce qui rend cette tâche critique car elle me place en permanence en tant qu'unique décideur sur le plan institutionnel. Ce contexte d'isolement géographique et relationnel, la surcharge de travail et le manque de reconnaissance sont des facteurs de déstabilisation. J'ose à peine rappeler que les "nouveaux chefs de service" dont je fais partie, restent au même échelon après leur nomination (quatrième échelon en ce qui me concerne depuis cinq ans). Deux psychiatres se sont manifestés lors des campagnes publicitaires, réclamant un salaire équivalent au dixième échelon, leur demande n'a pas été prise en considération. Toute une logique administrative est bien en place, il faut sans cesse être performant, augmenter la file active, répondre aux demandes multiples de l'administration, des soignants et bien entendu des malades. Cette spirale infernale, source de stress, est bien loin d'une autre logique qui prône la distance et l'analyse de la pratique. Sans la parole, le risque de dérapage me paraît important, encore faut-il qu'une parole soit entendue, principalement par les responsables de la santé mentale. Malgré la rudesse du climat de ce secteur étendu, à faible densité, l'endroit ne me laisse pas indifférent. En 1989, alors que j'étais employé à mi-temps depuis un an, le médecin inspecteur régional m'a clairement exprimé que je devais travailler à temps plein ou partir. C'est dans cette dialectique, rester ou non, dans une loi du tout ou rien, tout donner, répondre à toutes les demandes, que je situe les difficultés. Sans entrer dans les détails de l'historique, le provisoire et l'incertitude caractérisent le C.H.S. "Les Genévriers", qui a été autorisé à fonctionner dans un ancien sanatorium pour deux ans. Vingt-sept ans plus tard, il fusionne avec le C.H.G. du secteur après avoir été menacé de fermeture du fait de départs précipités des psychiatres responsables (un décès, un licenciement, un non-retour après congés annuels). Depuis l'ouverture du C.H.S., la responsabilité du secteur n'est assumée que par une personne, les psychiatres se succédant, non titulaires pendant plus de dix ans. De 1989 à 1994, nous fonctionnons pour la première fois à deux et devenons tous deux titulaires. Cette présence médicale constante a permis une augmentation considérable de l'activité et la mise en place de structures alternatives à l'hospitalisation. Fin 1994, à la suite du départ de mon collègue, départ envisagé et préparé, et surtout du fait de la vacance de ce poste, je dois assumer la quasi totalité de la fonction médicale. Pendant six mois, je tente de faire face à la demande croissante, espérant être rapidement secondé. Les astreintes médicales reviennent une semaine sur deux car un psychiatre vacataire, intervenant dans l'institution un jour par semaine, y participe et me remplace lors de mes congés. L'arrivée d'un psychiatre marocain début juillet 1995 m'apporte une aide très appréciable. Malheureusement les différentes circulaires limitent son champ d'intervention au statut d'assistant généraliste. Face à cette situation, il n'est plus possible de continuer même si les différents "marqueurs" de la file active restent positifs. Le suivi des patients en C.M.P. se résume à des "consultations ordonnances", jusqu'à vingt-cinq dans une demi-journée. Si je suis encore là, je le dois aux membres de l'équipe soignante que j'apprécie, notre partenariat s'effectuant dans un souci constant d'échanges de paroles dans une perspective de psychothérapie institutionnelle. Sans nul doute, d'autres collègues vivent des situations similaires et ils se retrouveront dans les questions que je pose aux responsables. N'avez-vous pas honte de laisser croupir de telles situations, de nous employer sans subsides supplémentaires pour un travail accru ? Pourquoi des confrères s'installeraient-ils dans des zones difficiles où le travail est conséquent sans prime ou autre attractivité ? De plus en plus souvent, j'envisage une démission des fonctions de chef de service ou un départ pour retrouver une profession à dimension humaine malgré le vif intérêt que je porte au travail dans ce secteur. À la demande de la Mission Massé, j'apporte ce témoignage, qui je l'espère, saura rendre compte des inégalités, voire des injustices auxquelles nous confronte la psychiatrie publique. J'ai omis de préciser que depuis son départ, mon collègue coule des jours heureux dans un établissement privé... Dr Joaquim Pascoa *
LE SECTEUR À LA RECHERCHE DE PSYCHIATRESII. POUR UN SECTEUR PLUS SOUPLEAu cours des quinze dernières années, l'approfondissement de la notion de secteur, c'est-à-dire la volonté de dispenser les soins au plus près des populations, a conduit les pouvoirs publics à rattacher certains secteurs et leurs équipes médicales à des centres hospitaliers généraux. Ce mouvement a souvent permis, notamment en zone rurale, de mieux desservir une population située antérieurement aux marges des zones territoriales des C.H.S. Les équipes médicales rattachées aux C.H.G., immergées dans le bassin de vie des populations, en osmose avec l'hôpital général, ont ainsi pu apporter une réponse de qualité et de proximité. Constatant le déplacement de l'accueil vers l'hôpital général, ces équipes se sont en fait adaptées à la demande. Aujourd'hui, les difficultés de recrutement médical remettent fortement en cause ce dispositif. En effet, la multiplication des vacances de poste en psychiatrie frappe de plein fouet les équipes médicales des C.H.G., plus vulnérables que celles des grands centres. Leur relatif isolement, leurs contraintes de garde plus lourdes, deviennent en période de pénurie des handicaps quasi insurmontables à la venue de jeunes praticiens. Dans ces conditions, la tentation pourrait être grande, d'inverser la tendance pour un mouvement de reconcentration. Mais est-on vraiment sûr que cette reconcentration permette de prévenir la désertification des équipes psychiatriques en zone rurale et de préserver l'égalité des usagers devant les services publics hospitaliers ? Face à une alternative aussi réductrice, une troisième voie paraît possible, approfondissant et dépassant le principe de rattachement à l'hôpital général. Elle demande une conception sectorielle plus souple, une coopération inter-établissement plus affirmée et une gestion nationale enfin maîtrisée des effectifs médicaux. * Une conception sectorielle plus souple : la viabilité à long terme du rattachement des secteurs à l'hôpital général repose sur la nécessité absolue de constituer une équipe médicale psychiatrique atteignant une taille critique suffisante de six à huit éléments. En-dessous de ce seuil, l'isolement et les contraintes de garde seraient trop pesantes. Autrement dit, un secteur unique disposant de trois à quatre psychiatres est difficilement viable en tant que tel. Le rattachement de deux secteurs est préférable. Une autre solution, moins classique pourrait consister à fédérer un secteur psychiatrique et un pôle de pédopsychiatrie autonome rayonnant sur un même territoire, constituant ainsi un pool médical significatif. La concordance des zones sectorielles et la création d'une équipe pluridisciplinaire de taille suffisante qui en résulterait, faciliterait naturellement la collaboration entre pédopsychiatrie et psychiatrie générale (prise en charge des adolescents, psychiatrie familiale...). * Une coopération inter-établissement affirmée : la recomposition du paysage hospitalier, particulièrement en psychiatrie, devient toujours délicate dès que l'on envisage des transferts de moyens. Dans le domaine médical serait-il inenvisageable de faire travailler au sein d'une même équipe des médecins rattachés pour leur gestion administrative à différents établissements ? Dans ce cas, l'indispensable cohésion devrait être affirmée par l'unicité de la chefferie de service et par une définition précise des modalités de coordination. En toute hypothèse, le nécessaire développement de l'insectorialité (on ne peut pas tout faire dans un secteur) amènera au brassage des compétences et donc des praticiens des différents établissements. * Une gestion nationale maîtrisée des effectifs médicaux : il est vain de vouloir planifier les équipements si l'on oublie de réguler les flux de formation médicale. Dans l'attente de cette indispensable régulation qui ne pourra produire ses effets qu'à moyen terme, il convient de gérer au mieux la pénurie actuelle. Pourra-t-on longtemps maintenir le principe de la liberté totale d'installation qui privilégie de fait l'exercice libéral à l'exercice hospitalier, et au sein du secteur hospitalier public, les grosses structures aux structures moyennes et petites ? Il serait temps soit de développer des mécanismes incitatifs à l'installation dans les zones prioritaires, soit d'adopter une politique plus volontariste de gestion des postes. À l'issue du C.N.P.H., on pourrait ainsi concevoir d'orienter les choix des candidats sur les postes et les territoires les plus démunis. Le monde change, le statut des praticiens hospitaliers doit s'adapter. Au prix de ces adaptations, la psychiatrie publique pourrait conforter sa place dans le dispositif sanitaire français. Si elle ne le faisait pas, il est à craindre, dans le contexte économique actuel, qu'elle perde de sa substance, toutes structures confondues, au profit d'autres disciplines plus valorisées. P. Vollot * Directeur du Centre hospitalier de Redon
le département Rhône-AlpesÉLABORATION DU SCHÉMA DE PSYCHIATRIEEN RHÔNE-ALPESLe travail d'élaboration du SROS de psychiatrie s'est déroulé sur deux années, de novembre 1994 à décembre 1996. Ce temps a été nécessaire compte tenu de la taille de la région (huit départements, 5,5 millions d'habitants, 130 secteurs de psychiatrie générale et infanto-juvénile) et de la volonté de privilégier un temps de concertation à toutes les étapes du processus. Le démarrage du processus a été acté par la publication en novembre 1994 d'un premier document décrivant la démarche prévue, les instances mises en place, le calendrier prévisionnel des différentes étapes, et le temps de concertation. Ce document publié en 2 000 exemplaires a été largement diffusé dans tous les établissements de santé gérant de la psychiatrie, auprès de tous les partenaires institutionnels (État, assurance maladie, conseils généraux...), des syndicats et organisations professionnelles, des membres du Comité Régional d'Organisation Sanitaire et Social (CROSS), des Conseils Départementaux de Santé Mentale (CDSM), des Conférences Sanitaires de Secteurs (CSS).
L'équipe de projet, médico-administrative, constituée de douze membres représentant Un comité de pilotage présidé par le DRASS a été le garant du respect de la démarche, en validant les grandes étapes du processus. Il était composé de trente-quatre membres représentant les huit CDSM, les services déconcentrés, les représentants des trois régimes d'assurance maladie, les représentants des établissements dans leur composante administrative, médicale et soignante non médicale, un psychiatre libéral, un représentant des conseils généraux et un représentant du secteur médico-social. En plus de ces instances, classiques dans toute démarche de ce type, ont été constitués en Rhône-Alpes six comités techniques régionaux (COTER) chargés de mener une réflexion sur les différents champs de la discipline, analyser les problèmes et faire des propositions pour améliorer l'offre de soins et l'organisation des prises en charge.
Ces travaux avaient pour objectif d'identifier les principaux problèmes rencontrés dans la région Rhônes-Alpes en ce qui concerne l'offre de soins en psychiatrie sur le plan quantitatif (bilan de l'existant) et qualitatif (réflexion des COTER), de façon à pouvoir bâtir le projet de schéma à partir d'un diagnostic clairement énoncé et validé par nos partenaires. * Les travaux de COTER : Composés de professionnels médecins, soignants, personnels socio-éducatifs, choisis pour leurs compétences techniques, élargis à un représentant de CDSM, un directeur, un représentant des services médicaux d'assurance maladie et un représentant des services déconcentrés, ce sont au total près de cent vingt personnes qui ont participé à cette réflexion. Tous les établissements sectorisés étant représentés par un ou plusieurs membres, il y a eu sur l'ensemble de la région une forte sensibilisation de la plupart des acteurs de terrain à la démarche de planification. Un président a été élu au sein de chaque COTER. Un membre de l'équipe projet était présent dans chaque comité et en assurait le secrétariat. Cette présence permettait de faire le lien entre les réflexions des COTER et les travaux de l'équipe projet. Une lettre de mission précise, définissant les grands axes à donner à leur réflexion a été remise à chaque COTER qui disposait de neuf mois (soit neuf à dix réunions) pour aboutir à la formalisation d'un texte d'orientation de vingt pages. Les thèmes de quatre COTER ont été centrés sur une population : psychiatrie de l'enfant, psychiatrie et adolescents, psychiatrie et vieillissement, psychiatrie et soins au long cours. Deux COTER avaient des thèmes plus transversaux : psychiatrie générale, psychiatrie et évaluation. Le document final paru en décembre 1995 a fait l'objet d'une présentation en CROSS sanitaire et social et devant les huit CDSM. Il a fait l'objet d'une diffusion aussi large que le document de présentation de la démarche. Les acteurs de terrain se sont largement appropriés les propositions de ces COTER et y font facilement référence dans leurs projets d'établissement ou dans les projets présentés en CROSS. Cependant il était bien précisé en avant-propos que ces recommandations qui sont le fruit d'un consensus des groupes de travail ne peuvent être considérés comme des références opposables qui s'imposeraient aux différents acteurs. * Le bilan quantitatif de l'existant : Ce bilan a été réalisé par l'équipe de projet en prenant appui au départ sur l'exploitation des rapports de secteurs. Une visite, au cours de laquelle les membres de l'équipe projet ont rencontré le directeur de l'établissement et le chef de secteur entouré des collaborateurs qu'il souhaitait, a été réalisée dans les quatre-vingts secteurs de psychiatrie générale et les trente-deux secteurs de psychiatrie infanto-juvénile. Ces visites ont été des moments très enrichissants. Elles ont permis en premier lieu de valider les rapports de secteurs, et nous avons pu nous rendre compte de la grande difficulté de cet exercice. Elles ont permis surtout d'interpréter les données et nous rendre compte que l'analyse de ces données ne peut pas être dissociée du contexte, au risque de faire de grossières erreurs d'interprétation (par exemple rapporter sans analyse le personnel d'un secteur à sa population alors que ce secteur gère des structures intersectorielles...). Enfin ces visites ont été l'occasion d'échanges avec les soignants leur permettant de nous faire part de leurs difficultés, leurs souhaits, leurs craintes et pour l'équipe de projet cela nous a permis de mieux expliquer notre démarche et notre souci de travailler dans la plus grande transparence. Ce bilan est resté essentiellement quantitatif, même si quelques appréciations de nature qualitative sur l'organisation de l'offre ont été apportées. Les données recueillies ont fait l'objet d'une exploitation régionale et d'une exploitation par département. Cette exploitation est restée volontairement de niveaux "macroscopique" (équipement, personnel, population) de façon à s'appuyer sur des données entièrement validées et incontestées. En effet la validation des rapports de secteurs en ce qui concerne l'activité n'a pas pu être effectuée et nous avons pu prendre conscience de l'interprétation très variable, selon les équipes, qui était faite de certains items. Avant publication du rapport toutes les données chiffrées ont été envoyées individuellement à chaque établissement pour une ultime validation. Ces nombreuses précautions se sont avérées très utiles dans la mesure où, à la publication du rapport, les résultats qui faisaient état de disparités, entre secteurs, entre établissements et entre départements, très importantes n'ont jamais été contestées. Ce bilan, paru en août a été présenté dans les huit CDSM, et au CROSS. Il a été très largement diffusé dans tous les établissements et à tous les partenaires institutionnels. LE PROJET DE SCHÉMA ET DE CARTES SANITAIRES À partir de ce bilan et du résultat des travaux des COTER, un travail a été réalisé sur l'identification et la formalisation des problèmes. Ce temps important du diagnostic a été un temps de réflexion collective à partir duquel ont pu être validées les grandes orientations du schéma, en terme d'objectifs et de priorités. Cette réflexion a fait l'objet d'une réunion des huit DDASS (directeur, médecin, inspecteur) de la DRASS et de trois représentants de la mission d'appui, invités comme observateur externe et personnes qualifiées. Une validation des problèmes et des orientations a été obtenue également du comité de pilotage. À partir de là, l'équipe de projet a rédigé un document de cadrage, sorte d'avant-projet de schéma, qui a été soumis à l'avis de tous les établissements publics et privés concernés au cours de réunions organisées dans chaque départements. Ces réunions ont permis encore des échanges fructueux, un travail d'explication, le recueil et la prise en compte d'un certain nombre d'observations de la part des professionnels. La réalisation des annexes au schéma s'est faite dans un second temps, alors que le projet d'ordonnances d'avril 1996 laissait planer un doute sur leur opposabilité. Elles ont été rédigées dans l'esprit d'annexes indicatives, ce qui a été confirmé par la suite, le processus de réalisation ayant débuté avant la parution des ordonnances. La rédaction des annexes a fait l'objet d'un travail collectif associant très étroitement les DDASS (médecins inspecteurs et inspecteurs) ainsi que les médecins conseils des échelons locaux de l'assurance maladie et les services administratifs. Elles ont été rédigées pour chaque département. Ce choix a été longuement débattu en CTRI, fallait-il faire : - des annexes par secteur sanitaire comme pour la partie "soins somatiques" du SROS, - une annexe pour la région dans un esprit d'une annexe opposable très rigoureuse, - ou une annexe par département compte tenu du découpage des secteurs qui restent encore inscrits en Rhônes-Alpes dans les frontières départementales (contrairement aux secteurs sanitaires), de la persistance des CDSM, de la non-suppression par les textes des SDO ? Le choix du département a finalement été retenu. La première rédaction de ces annexes a fait l'objet d'un document de cadrage soumis à la concertation au cours de réunions de l'ensemble des établissements concernés, dans chaque département. Les échanges ont été beaucoup plus animés que lors de la présentation du document de cadrage concernant le projet de schéma et de cartes, les enjeux étant plus directement perceptibles par les directeurs et les chefs de secteurs. Ces rencontres ont permis d'affiner la forme, rendant certaines recommandations plus facilement acceptables, mais aussi le fond, nous conduisant parfois à revoir certaines orientations. Compte tenu des observations recueillies au cours de ces deux séries de réunions avec les professionnels, le projet de schéma a été rédigé et présenté formellement aux instances prévues par la réglementation, soit les huit CDSM, les onze conférences sanitaires de secteurs et le CROSS, afin de recueillir leur avis. Le bénéfice de tout le travail de concertation préalable a alors pu être apprécié à ce niveau, dans la mesure ou aucune des grandes orientations du schéma, des cartes et des annexes n'a été remis en cause par ces instances. Les nombreux amendements recueillis en CDSM et en CSS, dont beaucoup étaient plus de forme que de fond, ont été formalisés et transmis au CROSS qui a pu rendre un arbitrage quand ces avis divergeaient, en élevant le débat au niveau régional et au-delà d'intérêts locaux trop marqués.
Les objectifs et les priorités du schéma découlent directement de l'analyse des problèmes effectuée à l'issue des travaux préparatoires et sur laquelle nous avions obtenu un consensus de nos partenaires. * Promouvoir la qualité des soins, diversifier les modes de prise en charge, mettre en réseau l'offre de soins, mieux répartir les moyens et maîtriser l'évolution des dépenses de santé sont les quatre objectifs généraux assignés au schéma de psychiatrie de Rhône-Alpes. Chacun de ces objectifs a été décliné en objectif stratégique et objectif opérationnel. * Développer la psychiatrie infanto-juvénile, notamment par un repérage et une prise en charge précoces des troubles de l'enfant et de l'adolescent, mieux organiser la prise en charge des urgences sur l'ensemble de la région, et mieux prendre en charge les pathologies à longue évolution dans un souci conjoint de soins et de resocialisation ont été retenus comme les trois priorités du schéma pour les cinq ans à venir. Des recommandations organisationnelles complètent la partie opposable du SROS : le développement et l'identification du travail en réseau et du partenariat, le développement des complémentarités inter-institutionnelles, et le recours à des organisations intersectorielles sont des recommandations qui se sont imposées à la suite des travaux des COTER. Enfin quelques recommandations concernant la prise en charge des personnes âgées, des personnes incarcérées et des personnes présentant des conduites addictives terminent ce schéma. En ce qui concerne les cartes sanitaires le découpage qui avait été révisé en 1994 sur la base des SDO n'a pas été modifié. Par contre les indices de besoins avaient été arrêtés en 1994 à titre conservatoire au maximum des valeurs autorisées pour l'ensemble de la région, la carte régionale restant excédentaire. L'analyse de l'existant a montré que si certains départements dépassaient les valeurs maximales autorisées, d'autres étaient en deçà des valeurs minimales, notamment en psychiatrie infanto-juvénile. Afin de favoriser les évolutions dans le sens d'une réduction des disparités, les indices pour cette nouvelle carte sanitaire ont été fixés de manière différenciée pour chacun des départements. Il reste maintenant à faire vivre ce schéma qui a été arrêté par le Préfet de Région le 17 décembre 1996. Un guide d'application est en cours d'élaboration. Ce guide prévoit la mise en place d'une instance de suivi au niveau régional qui sera chargée de s'assurer que toutes les recommandations du SROS et des annexes seront effectivement prises en compte. Au niveau de chaque département des comités opérationnels de suivi seront plus particulièrement chargés d'aider à cette mise en uvre, notamment pour accompagner les négociations nécessaires dans le cadre du partenariat et de la mise en réseau des différentes structures. En résumé, la méthode d'élaboration du SROS de psychiatrie, qui a largement repris celle qui avait présidé à l'élaboration de la partie "somatique" s'est caractérisée en Rhône-Alpes par une démarche très participative, marquée par une concertation à chaque étape essentielle, très en amont des concertations officielles prévues par la réglementation. Cette méthode a permis à l'ensemble des partenaires de s'approprier le schéma. Elle a permis d'obtenir un large consensus qui s'est traduit par des votes très favorables. Mais cette méthode nécessite, surtout dans une région de la taille de Rhônes-Alpes, de disposer de temps. Deux années ont été nécessaires et elles ont été bien remplies ! Dr Hélène Delolme Médecin inspecteur régional adjoint Angela Di Gravio Inspecteur DRASS Rhône-Alpes *
PREMIERS RÉSULTATS : L'EXEMPLE DE LA HAUTE-SAVOIE
H. D. et A. D. G. *
LA RÉFORME HOSPITALIERE : LES TEXTES* DÉCRETS * Directeurs chargés de la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation (n° 96-780 du 3/09/1996, JO du 8/09/1996) * Nomination des directeurs chargés de la mise en place des agences régionales de l'hospitalisation (du 5/09/1996, JO du 8/09/1996) * Filières et réseaux de soins expérimentaux (n° 96-789 du 11/09/1996, JO du 12/09/1996) * Carnet de santé (n° 96-925 du 18/10/ 1996, JO du 20 octobre 1996) * Composition et fonctionnement des conseils d'administration des EPS (n° 96-945 du 30/10/1996, JO du 31/10/1996) * Convention constitutive type des agences (n° 96-1039 du 29/12/1996, JO du 3/12/ 1996) * Reversement exigible des médecins conventionnés en cas de non respect de l'objectif prévisionnel de l'évolution des dépenses médicales (n° 96-1116 du 19/12/1996, JO du 20/12/1996) * Conventions constitutives des agences régionales de l'hospitalisation (Annexe au JO du 10/01/1997) * Conseil supérieur des systèmes d'information de santé (n° 97-20 du 14/01/1997, JO du 15/01/1997) * Nomination des directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (du 15/01/ 1997, JO du 18 /01/1997) * Déconcentration des décisions administratives individuelles (n° 97-34 du 15/01/1997, JO du 18/01/1997) ARRETÉ * Contenu du livret d'accueil des établissements de santé (du 7/01/1997, JO du 11/011997) CIRCULAIRES * Mise en uvre de l'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée (DH/AF/ AF1/96, n° 466 du 18/07/1996) * SROS et son annexe (DH/EO/96, n° 658 du 24/10/1996) * Relations entre les hôpitaux et les caisses de sécurité sociale (DH/AF3/96 n° 668 du 28/10/1996) * L'encadrement des dépenses et la procédure budgétaire des établissements de santé financés par dotation globale (DH/AF3/96 n° 669 du 29/101996) * Composition et fonctionnement des conseils d'administration des EPS (DH/ SDAF/AF1/96 n° 702 du 15/11/1996) * Campagne budgétaire 1997 des établissements sanitaires sous compétence tarifaire de l'État (DH/AF2/96 n° 754 du 18/12/ 1996) * Campagne budgétaire 1997 des établissements sanitaires sous compétence tarifaire de l'État (DH/AF2/97 n° 2 du 13/01/1997) * Contrats d'objectifs et de moyens avec les établissements de santé (DH/EO/97 n° 22 du 13/01/1997) * Livret d'accueil des établissements de santé (DH/AF1/97 n° 29 du 17/01/1997) * Organisation du contrôle de la sécurité sanitaire dans les établissements de santé et coordination entre les représentants de l'État dans la région et le département et les directeurs des agences régionales de l'hospitalisation (DGS/DH/QS/AF/97 n° 36 du 21/01/ 1997) * Modalités pratiques d'utilisation du carnet de santé dans les établissements de santé (DH/AF1/97 n° 56 du 29/01/1997) TEXTES D'APPLICATION DES AUTRES ORDONNANCES * Conférence nationale de santé (Décret n° 96-720 du 13/08/1996 paru au JO du 14/08/1996) * Contrôle médical (Décret n° 96-786 du 10/ 09/1996 paru au JO du 11/091996) À LIRE * Rapports parus Orientations pour la mise en uvre des missions de l'ANAES (Pr Yves Matillon, 1996). Systèmes d'information de santé (Charles Rozmaryn, décembre 1996). * Rapports à paraître Démographie médicale (Dominique Coudreau). (*) Textes au 1er mars 1997. dernière heureVERS UNE RÉFORMEDE L'ADMINISTRATION CENTRALEEn novembre 1996, M. Rollet, chef de l'IGAS répondait à la demande exprimée par le Premier ministre à l'issue du Comité interministériel du 29 mai 1996, en remettant un rapport d'orientation, réflexion consacrée à l'administration centrale "versant" affaires sociales de l'actuel ministère du Travail et des Affaires sociales. Ce rapport a été agréé par les ministres en place, une mission de concertation étant chargée sur cette base, d'en tracer les axes de faisabilité. Ce rapport de M. Rollet préconise trois axes : * renforcer les capacités d'analyse, de synthèse, d'aide à la décision, faire largement partager ces types d'activités, * renforcer les capacités de management de l'administration centrale, * décloisonner l'administration centrale et favoriser la cohérence de son action. Ces axes sont déclinés en propositions, thèmes par thèmes, abordant des problématiques de réorganisation interne du Ministère. Le rapport de M. Rollet s'inscrit sur le plan plus général de la réforme de l'État. Des possibilités juridiques nouvelles (agences, services à compétence nationale) sont ouvertes pour que l'État se recentre sur des tâches administratives stratégiques. L'annonce de la création d'une agence de sécurité des produits thérapeutiques, biologiques médicaux, d'une agence de sécurité sanitaire des produits alimentaires, d'un institut de veille sanitaire et d'un comité interministériel de coordination constituent autant de réformes fondamentales. Il en est de même de la récente circulaire DAGPB n° 97/53, sur les missions des services déconcentrés, garants de l'application des politiques publiques en matière sociale et de santé et de la coordination de ces deux domaines. Le monde de la santé mentale est parfaitement concerné par ces changements, et ne peut s'y désintéresser dans le cadre de services rendus aux usagers.
|
|