La sectorisation, à ses débuts, a été portée par l'action d'équipes et de médecins soutenus par l'administration centrale. Ainsi, pendant longtemps, l'évolution en psychiatrie dépend, pour une unité géographique considérée, de l'impulsion d'un seul individu. De ce mouvement initial, il résulte un paysage disparate où se distinguent des avancées significatives, mais où perdurent des situations anachroniques.
Aujourd'hui, dans un contexte économique marqué par de fortes contraintes budgétaires, et dans une société où la demande en santé mentale se renouvelle et s'intensifie, les évolutions doivent s'accélérer. Or, les dix dernières années ont remodelé et complexifié la dynamique du changement, le rendant plus riche de potentialités mais aussi plus aléatoire.
Désormais, tous les acteurs locaux de la santé mentale médecins, directeurs, soignants, collectivités locales, familles sont des promoteurs du changement, leurs évolutions spécifiques les ayant investis de nouvelles responsabilités. Mais, ces mutations s'accompagnent souvent d'incertitudes qui affaiblissent et parfois annihilent la portée de ces nouvelles compétences. Tous les protagonistes sont ainsi appelés à concilier localement enjeux catégoriels et intérêt collectif, leur aptitude à résoudre ces conflits modelant le rythme et le visage du changement. |
Ni administration centrale, ni service déconcentré, elle complète le paysage administratif en intervenant en amont des services déconcentrés pour aider localement à la formulation des problèmes. Ni IGAS, ni audit, elle exerce une fonction de médiation en portant un regard extérieur sur des situations parfois bloquées depuis des années. Constituée de médecins, de directeurs, d'infirmiers, de représentants des administrations centrale et déconcentrée, elle est à l'écoute des différents partenaires, et a pour objectif d'aider localement à l'émergence d'un consensus. C'est en effet de positions consensuelles où chaque partenaire peut se reconnaître et s'affirmer dans le cadre d'un projet commun, que se dégageront les synergies nécessaires à l'initiative et à la poursuite du changement.
Laurence Lefèvre *
LES MALADIES mentales, premier motif d'hospitalisation. C'est ce que révèle la deuxième enquête nationale sur les hospitalisations pour tous motifs conduite d'avril 1991 à avril 1992, qui vient d'être rendue publique par le CREDES. Les maladies mentales représentent en effet 23,1 % des motifs allégués d'admission à l'hôpital, et si elles ne sont plus que 18 % une fois un diagnostic assuré, elles n'en restent pas moins le premier motif d'hospitalisation entre 2 et 64 ans. r.l. POUR UN partenariat hôpitaux publics et service de santé des armées. L'ensemble hospitalier militaire (dix hôpitaux d'instruction, onze centres hospitaliers) participent de facto au maillage du dispositif de la Santé Publique. Dix-huit établissements accueillent, à des niveaux divers, l'urgence. La Direction Centrale du Service de Santé des Armées, après Toulon et Marseille, envisage d'ouvrir des SAU à Clamart (Percy), Saint-Mandé (Bégin) et Metz (Legouest). Mais la population professionnelle militaire de psychiatrie ne lui permet pas d'installer ces unités autrement que par la recherche du partenariat des hôpitaux publics. Dans cette perspective, la Mission a pris l'initiative au mois de juin d'une rencontre avec les autorités militaires de la DCSSA. j.c. GÉRER la sectorisation psychiatrique. Pour la troisième année consécutive, la Mission et l'ENSP ont organisé en juin une formation dont l'objet est d'apporter une aide méthodologique à la gestion du secteur. Cette formation est ouverte à tous les acteurs de la santé mentale. Elle réunit trente personnes pendant quatre jours. En 1996 et à la demande des services déconcentrés, la formation prendra une forme plus pragmatique en ateliers, à partir de cas concrets et d'aide à la résolution de situations de blocage. j.c. OBJECTIF : une meilleure adaptation des structures hospitalières. Le Haut Conseil de la Réforme Hospitalière, installé le 16 juin 1995, est chargé de proposer dès cet automne les modalités concrètes d'une réforme dont l'objectif est une meilleure adaptation des structures d'hospitalisation. Trois groupes de travail se sont mis à l'uvre, dont le groupe "Besoins Sanitaires et Missions" qui a auditionné, le 30 août, le syndicat universitaire de psychiatrie, les syndicats de praticiens hospitaliers de la psychiatrie, l'Association des cadres infirmiers en santé mentale et la Mission Nationale d'Appui. h.c. PRENDRE en compte le contexte régional. Les solutions à préconiser pour l'amélioration du dispositif psychiatrique dans le département doivent nécessairement tenir compte du contexte régional. Pour aller dans ce sens, la Mission a suscité une réunion commune entre la DRASS Ile-de-France et la DASS Val-d'Oise afin d'harmoniser les points de vue et déboucher sur des solutions concrètes cohérentes pour cette région et ce département. Affaire à suivre... j.p.m. SOLUTIONS conventionnelles en Haute-Savoie. Les hôpitaux généraux ont des besoins grandissants en matière de psychiatrie. La Mission a proposé le développement, par voie conventionnelle, de la collaboration entre l'EPSM de la Roche Foron qui verrait ainsi ses missions réaffirmées et les CHG qui bénéficieraient de prestations étendues, voire de lits en ce qui concerne le CHG d'Annemasse. A suivre... j.p.m.
Editorial
La Mission Nationale d'Appui en Santé Mentale, depuis qu'elle s'est mise en place, travaille. Elle observe la situation actuelle faite d'avancées et de résistances aux nécessaires évolutions, écoute les acteurs très divers qui composent le paysage de la santé mentale, les consulte, puis elle propose. Sans solutions toutes faites, ni dogmatisme, elle s'efforce de faire de tous ces acteurs qui appartiennent à des disciplines différentes, se réclament de cultures particulières et dont les fonctions sont spécifiques , de véritables partenaires d'une mission globale : la santé mentale. C'est pour mieux remplir cet office que la Mission se dote aujourd'hui d'un organe d'information et de communication, une Lettre : "Pluriels". "Pluriels" est le lieu de rencontre des partenaires, un espace qui favorise l'émergence d'un large réseau de professionnels. "Pluriels" fait que chacun, avec ses prérogatives et ses compétences puisse se faire connaître des autres. Bref : "Pluriels" est votre Lettre : elle reçoit vos informations et elle les communique. Gérard Massé
COMMENT OPÈRE LA MISSIONDepuis sa première présence sur le terrain en février 1994, la Mission est intervenue toujours sur la demande des DASS ou des DRASS dans neuf départements : la Meuse, la Creuse, la Haute-Savoie, la Martinique, le Val-d'Oise, le Var, la Marne, le Haut et le Bas-Rhin. Elle intervient actuellement dans deux autres départements : le Lot et le Doubs. Chacune de ces interventions est le fait d'une équipe de 4 à 7 personnes dont des représentants de l'Administration centrale et déconcentrée, des praticiens hospitaliers, des directeurs d'établissement et des infirmiers généraux. Dans un avenir proche, d'autres professions feront partie de ces équipes qui restent présentes sur chaque site pendant 15 jours répartis en 3 ou 4 séjours sur une période de six mois. Au cours de son intervention, la Mission rencontre le plus souvent l'ensemble des équipes, des structures inter et extra-hospitalières ainsi que les principaux partenaires de la santé mentale. G.M. *
RENOUVEAU DE LA RECHERCHE CLINIQUE EN PSYCHIATRIE GRACE AU PHRCPour l'année 1995, les recherches en psychiatrie retenues dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherches Cliniques (PHRC), et donc financées à partir du taux directeur hospitalier sont au nombre de 19. Il s'agit d'un véritable renouveau de la recherche clinique et pharmaco-épidémiologique, rendu possible par l'initiative prise par le Ministère, en 1993, sous l'impulsion de Félix Reyes, de financer cette recherche par un prélèvement de 0,01 % sur chaque établissement soumis au taux directeur (enveloppe globale). Il s'agit de 100 millions par an. Le fonctionnement du PHCR dépend depuis 1994 d'une cellule de la Direction des Hôpitaux qui commande l'ensemble du dispositif. La gestion des crédits de recherche est confiée à chaque directeur de CHU, et chaque CHU abrite une Délégation Régionale à la Recherche Clinique (DRRC) où sont représentés tous les hôpitaux de la région : CHU, hôpitaux généraux, établissements psychiatriques. Dans les villes de Paris, Lyon et Marseille, qui possèdent une Assistance Publique, des groupes de travail ont la même mission : stimuler les projets de recherche dans les directions prioritaires affichées par le PHRC, classer ces projets sans préoccupation de quota par discipline, les soumettre au Jury National qui, divisé en 5 sous-jurys, attribue les crédits en fonction de critères rigoureux où la méthodologie et la faisabilité jouent un rôle important. La DRRC est redevable ensuite des résultats de la recherche engagée, dont la sanction est, au moins, une publication dans une revue scientifique internationale. Au fil des trois dernières années, la Direction des Hôpitaux a maintenu le cap de l'auto-financement d'une recherche clinique hospitalière. Dans le contexte actuel de pénurie, c'est par un effort particulier, délibéré et volontariste, que le projet a pu être maintenu en 1994. Les résultats sont là pour démontrer le rôle indispensable du PHRC dans la réalisation d'une véritable recherche clinique en France. En ce qui concerne la psychiatrie, un essor décisif a été apporté par la volonté de Simone Veil de stimuler en 1994 la recherche clinique en psychiatrie. Ce fut le groupe intitulé "Incitation à la recherche clinique en psychiatrie" (dirigé par Edouard Zarifian) qui, au sein de la Direction Générale de la Santé, a pu mener une action auprès des présidents de CME, diffuser un protocole-type de recherche dans tous les hôpitaux à titre d'aide aux initiatives individuelles et faire progresser le nombre de projets de 11 en 1994 à 66 en 1995. Un seul projet fut retenu en 1994 alors que 19 ont été financés en 1995 (liste ci-dessous).
Edouard Zarifian *
Projets financés en 1995 : * Processus mnésiques et fonctions exécutives dans la dépression, Ph. Fossati, Hôpital Pitié-Salpêtrière. * Evaluation psychopathologique des adolescents obèses avant et après traitement diététique, M.C. Mouren-Simeoni, Hôpital Robert Debré. * Développement d'une échelle de qualité de vie intégrant les préférences des patients, G. Slama, Hôpital Hôtel-Dieu. * Individualisation de dimensions psychologiques communes aux conduites addictives, P. Bizouard, Besançon. * Psychopathologie gravido-puerpérale et de développement de l'enfant sur deux ans, M. Bourgeois, Charles Perrens. * Clinique du fonctionnement mental analogique et usage de psychotropes à l'hôpital, Lafflaquière, Bordeaux Université. * Prescription des benzodiazépines et des antidépresseurs en psychiatrie hospitalo-universitaire, Auquier, APM Timone. * Evaluation comparative multicentrique et prospective d'un protocole de prise en charge spécifique des suicidants de 15 à 34 ans, Lazartigues, Brest. * Les schizophrénies. Recherche d'index cliniques et neurobiologiques, S. Dollfus, Caen M. Petit, Rouen. * Programme intensif d'exposition versus thérapie cognitive dans les obsessions-compulsions, J. Cottraux, HCL, Neuro-Cardio. * Etude comparative des accidents et tentatives de suicide de l'adolescent Profil de risque socio-psychologique et observance des soins, V. Granboulan, CHI de Créteil. * Facteurs pronostiques dans les troubles des conduites alimentaires, Ph. Jeammet, Hôpital International de l'Université de Paris. * Etude des mécanismes neurobiologiques de l'autisme infantile par les techniques d'imagerie cérébrale, P. Merlet, Hôpital Frédéric Joliot, Orsay. * Programme national coordonné de recherche sur la toxicomanie : étude multicentrique des profils de répondeurs à la méthadone et à la buprénorphine en traitement substitutif des héroïnomanies, J.P. Olie, CHS Sainte-Anne. * Fonctionnement cognitif et troubles schizophréniques, Robert, Nice. * Episode psychotique aigu de l'enfant et du jeune adulte, Marcelli, CHS de la Vienne, Poitiers. * Grille d'observation du comportement maternel pendant la passation, Marcelli, CHS de la Vienne. * Etude au long cours des besoins de 150 schizophrènes et coûts de prise en charge, J. Pellet, Saint-Etienne. * Etude anatomo-fonctionnelle de la mémoire dans la schizophrénie, J.M. Danion, Strasbourg.
147 RMO EN 1995Tous les médecins ont reçu pendant l'été le Guide 1995 des références médicales opposables, guide destiné à leur faciliter l'application des RMO lors de chaque traitement ou examen, prescrit ou effectué. Le document comporte cette année 147 références opposables. Elles étaient 64 en 1994. A partir du 15 octobre, les cliniques devront signaler les références sur l'imprimé 615. A la suite d'un accord avec la FIEHP et l'UHP, une circulaire publiée le 28 juillet 1995 par la CNAMTS enjoint aux Caisses régionales de s'occuper de cette mise en uvre auprès des établissements. Pour la psychiatrie, le Guide RMO 1995, dans sa préparation thématique, retient les thèmes suivants : * Prescription des hypnotiques et anxiolytiques (thème 1993-IV). * Prescription des neuroleptiques (thème 1994-IX). * Suivi des psychotiques (thème 1994-X). Mais la psychiatrie peut aussi être concernée par l'ensemble des références médicales et notamment par : * Les prescriptions de dosages des hormones thyroïdiennes chez l'adulte (thème 1993-XIV). * Les examens électro-encéphalographiques-EEG (thème 1994-VIII). * Les bilans biologiques systématiques (thème 1993-VI). Les prescriptions d'antidépresseurs feront l'objet d'une RMO en 1996. Ph. Clery-Melin *
REGLEMENT INTÉRIEURDROITS DES MALADES Avant son départ, Simone Veil a signé une circulaire aux préfets rappelant en dix points les droits des malades : droit d'accès au service public et aux soins, information des patients et de leur famille, consentement préalable et spécifique en cas d'expérimentation, liberté individuelle, respect de la personne et de son intimité, droit à la vie privé et à la confidentialité, accès aux dossiers administratifs et médicaux, voies de recours. Chaque patient doit recevoir aujourd'hui cette charte avec le livret d'accueil de l'établissement. Le Comité Consultatif en Santé Mentale a examiné pendant trois séances un projet de règlement intérieur prévu par l'article L. 332-1 du code de la santé publique. Ce projet doit contribuer à renforcer les droits des personnes hospitalisées en raison de leurs troubles mentaux. M.C. *
ACTIVITÉS et dépenses hospitalières : vers des contrats d'objectifs. Les pouvoirs publics ont la volonté de repositionner les établissements publics de santé (CHG, CHS...) dans le champ général de l'offre de soins et de modifier profondément le mode actuel d'attribution de leurs moyens budgétaires, compte tenu des préoccupations actuelles en matière de dépenses de santé. C'est le Haut Conseil de la réforme hospitalière qui est chargé de faire des propositions en ce sens. Il s'agit d'aboutir à un système de contrats d'objectifs garantissant des moyens budgétaires correspondant à des objectifs d'activités (quantitatives et qualitatives) découlant des missions dévolues aux établissements publics de santé. Le budget global, unanimement considéré comme ayant atteint ses limites, serait supprimé. Le nouveau mode d'allocation budgétaire prendrait en compte des éléments P.M.S.I. et s'appliquerait à tous les établissements publics de santé, y compris ceux comportant de la psychiatrie. Ces derniers devront parfaire leur système de collecte et de traitement des informations décrivant leurs activités, afin de disposer d'outils fiables lors de la conclusion des contrats d'objectifs. Il s'agit d'une véritable révolution culturelle prenant appui sur la responsabilisation des acteurs internes. Pour mener à bien sa mission, le Haut Conseil a constitué trois groupes de travail : * Besoins sanitaires et missions des établissements publics de santé ; * Gestion des contrats : niveau territorial, organismes impliqués ; * Modalités contractuelles. Le premier groupe doit, sur la base des besoins à satisfaire, définir le rôle des établissements publics de santé, tout particulièrement en ce qui concerne leur articulation avec la médecine de ville et les établissements de soins privés. Ce thème concerne bien entendu la psychiatrie, et la Mission nationale d'appui est présente sur ce terrain puisqu'elle a été auditionnée par le Haut Conseil, ainsi que le syndicat universitaire de psychiatrie, les syndicats de praticiens hospitaliers de la psychiatrie, l'Association des cadres infirmiers en santé mentale, le 30 août dernier. jean-pierre mariani
dernière heureRévision du système d'information en psychiatrie. Comment élaborer un système d'information des services de l'Etat dans leur lutte contre les maladies mentales ? Comment adapter leurs besoins avec leurs missions et objectifs ? Comment les faire répondre au dispositif de soins psychiatriques public et privé ? Ce sont les réponses à ces questions qui sont attendues d'un groupe de travail animé par le bureau VS1 de la DGS et composé des représentants des services de l'Etat (administration centrale et services déconcentrés). Quatre étapes sont prévues : 1 Identifier les missions des services qui répondent aujourd'hui au dispositif de soins psychiatriques public et privé. 2 Elaborer des indicateurs qui correspondent aux missions en identifiant les informations nécessaires à leur construction. 3 Examiner la capacité informative des systèmes d'information existants. 4 Proposer modifications et évolutions en vue de la création d'un véritable système d'information adapté aux possibilités et aux besoins de chaque échelon.
* Services déconcentrés : DASS et DRASS * RMO : Références Médicales Opposables * SAU : Service d'Accueil et d'Urgence * CMP : Centre Médico-Psychologique * DIM : Département d'Information Médicale * FIEHP : Fédération Interprofessionnelle des Etablissements Hospitaliers Privés * UHP : Union Hospitalière Privée * EPS : Etablissement Public de Santé * CH : Centre Hospitalier * SROS-Psychiatrie : Schéma Régional d'Organisation Sanitaire en Psychiatrie * SDOS : Schéma Départemental d'Organisation Sanitaire
Santé Mentale. "Pluriels" salue la parution, à partir d'octobre 1995, de "Santé Mentale", un mensuel des soins infirmiers en psychiatrie. Le numéro UN sera envoyé gracieusement à tous ceux qui le souhaitent. Adressez-vous à "Pluriels". r.l.
Elle est disponible à l'UNAFAM, 21, rue Juliette Lamber, 75017 Paris. r.l.
le départementde la CreuseLA MISSION EN CREUSEmai à septembre 1994La Creuse présentait à l'arrivée de la Mission nationale d'appui en santé mentale une somme de difficultés que nous rencontrons habituellement dans les autres régions. La particularité de ce département tenait à ce que ces difficultés étaient assez facilement identifiables. La Creuse est un département rural sans pôle urbain important avec une population vieillissante et en constante diminution. A notre arrivée, trois problèmes s'intriquaient, qui bloquaient toute évolution de la psychiatrie. 1° La Creuse se trouve dans l'obligation de dégager des moyens importants pendant plusieurs années afin de répondre aux problèmes posés par le nombre croissant des personnes âgées dans le département. 2° Pratiquement tous les moyens de la psychiatrie sont concentrés sur un seul site, le CHS de Saint-Vaury, hôpital village construit au début des années 60. 3° Les personnels du CHS ont de très fortes craintes liées principalement à leur emploi et plus particulièrement à la localisation de celui-ci ("et si l'on m'envoyait travailler en région parisienne" !). Les relations entre les différents intervenants étaient totalement bloquées : chacune des parties était figée sur ses positions et aucune mise à plat sérieuse des problèmes n'était possible. Lorsque les tutelles parlaient d'indice, de diminution du nombre de lits et de la suppression de l'un des trois secteurs, le personnel de Saint-Vaury demandait des moyens supplémentaires. Toutes ces disputes étaient publiques car régulièrement relayées par Radio France Creuse. Le travail de la Mission a consisté, en recentrant en permanence les discussions sur les problèmes de santé mentales dans le département, à permettre aux différents interlocuteurs de s'écouter et de se parler. Ce travail s'est déroulé de mai à septembre 1994 avec un suivi jusqu'en mai 1995. Si les échanges étaient au point mort, de fortes attentes permirent assez rapidement de prévoir des changements profonds dans la prise en charge des malades mentaux en Creuse en allant dans le sens d'une psychiatrie plus ouverte. Les changements Un certain nombre des propositions contenues dans notre rapport sont passées dans les faits en particulier : * réponse aux urgences psychiatriques au sein du service des urgences de l'hôpital de Guéret et développer la psychiatrie de liaison ; * mise en place des alternatives à l'hospitalisation (foyer, appartements thérapeutiques...) ; * constitution des pôles thérapeutiques extra-hospitaliers de proximité incluant un CMP dans six villes du département ; * mise en place d'une équipe pluridisciplinaire pour répondre aux problèmes d'alcoologie ; * travail en liaison avec les différentes maisons de retraite et services de longs séjours du département. Ces transformations et transfert du moyen de l'intra vers l'extra-hospitalier se sont déroulés depuis le début 1995. Elles ont permis parallèlement de réduire le nombre de malades hospitalisés au CHS de Saint-Vaury et le nombre de secteurs est passé de trois à deux. La Mission nationale d'appui en santé mentale a surtout permis aux différents interlocuteurs de mettre en commun leurs idées afin d'en faire un projet pour la psychiatrie en Creuse. François Mousson Infirmier général Membre de la Mission *
LA RESTRUCTURATIONEN CREUSELa Creuse est un département de 135 000 habitants, à dominante rurale et d'habitat dispersé. La population est en proportion la plus âgée d'Europe. Depuis 1970 sont mis en place trois secteurs de psychiatrie générale qui développent assez rapidement une action de visites à domicile, puis ouvrent des hôpitaux de jour. Pendant dix ans, la Creuse se situe en pointe, puis l'enthousiasme tombe et les soignants s'installent dans un travail de secteur, à départ hospitalo-centrique. En 1990, l'annonce d'une réduction des lits entraîne l'ébauche d'un projet d'établissement revu à la baisse en ce qui concerne les lits ; il est approuvé fin 1992. Cette alerte a réveillé une réflexion sur des modifications possibles de nos modes de soin qui continue à s'affiner. Fin 1993, éclate l'annonce de la remise en cause du projet et d'une réduction autoritaire à 100 lits. Ceci entraîne inquiétude, indignation, et... relative division des soignants, médecins et infirmiers sur les modes d'élaboration d'un plan de soin. Certains veulent se rapprocher des normes préconisées, d'autres se carrent dans le maintien du projet 1992. L'administration est vécue tantôt comme alliée, tantôt comme ennemie. C'est dans ce climat de conflit ouvert avec la DDASS que celle-ci annonce début 1994 la venue "pour aider à la restructuration" d'une mission d'appui ministérielle. Le terme "appui" est l'objet de fantasmes : dans quel sens va s'exercer l'appui ? vers le bas en nous enfonçant, ou vers le haut en tant que soutien ? L'angoisse se matérialisera sur la route par une inscription "Massé danger" lors de la première visite de la mission en mai 1994. Les contacts s'avèrent bons avec un nombre important de soignants et d'administratifs. Un projet médical a été élaboré en avril, comportant cette fois une nette réduction des lits hospitaliers et la constitution d'équipes de secteur individualisées. La mission écoute, parcourt hôpital et institutions. Le regard extérieur brise notre solitude face aux impératifs ressentis comme arbitraires. Nous sommes enfin face à des professionnels de santé qui parlent le même langage. Ceci suscite un espoir mêlé d'inquiétude : cette mission est vécue comme une expertise dont dépend le maintien ou non d'un certain nombre de lits et de soignants. Vient enfin en octobre 1994 le "rapport". Si ses conclusions ne reprennent pas certaines de nos propositions, il nous est globalement favorable, mentionnant la nécessité de conserver le personnel soignant pour mener à bien les transformations. Nous sommes reconnus crédibles, susceptibles d'avancer. La mission devient une rampe de lancement. Galvanisés par cet aval, les équipes administratives et soignantes se remettent au travail, cette fois réunies dans un élan créateur. Dès le début 1995, des équipes de secteur et de liaison au CHG sont mises en place. En conclusion, la mission d'appui a, pour nous, répondu à son titre, en sachant souligner auprès de la DDASS les aspects positifs de notre travail, évitant donc la diminution de nos moyens soignants. Ceci nous a permis de rassembler nos énergies pour construire un mode d'implantation en extra-hospitalier, plus intensif et mieux structuré. Il faut aussi souligner que des liens de confiance se sont créés avec les membres de la mission d'appui, et que cela nous a aidés à traverser une phase bien difficile... et non encore achevée. Françoise Léon-Dufour Psychiatre des Hôpitaux Saint-Vaury *
"FINISSEZ DONC D'ENTRER"MISSION D'APPUI... UN AN APRES !Lorsque vous arrivez comme directeur dans une DDASS au moment où la "Mission Massé", elle, vient de partir, vous vous trouvez dans une situation qui ne manque pas d'humour ! La Mission Massé... je me suis demandée quel pouvait bien être ce "dinosaure" évoqué avec haine ou amour, dont la parole était celle de l'Evangile ou celle du diable... Si vous prononciez en Creuse le mot de Saint-Vaury (traduire CHS de La Valette) la réplique était immédiate : "d'ailleurs la Mission d'appui a dit..." vous n'aviez plus qu'à vous taire ! Les tentatives de manipulations étaient tellement criantes qu'on ne pouvait s'empêcher d'être circonspect... ou pour le moins prudent. Le dinosaure m'apparut un jour sous les traits de personnes affables, au langage accessible pour les non-initiés, sereines dans la tourmente qu'elles avaient provoquée... et qui de surcroît, elles, savaient ne pas détenir "La vérité"... Un an après... qu'en dire ? L'écoute : cela peut être le germe discret (mais le germe par définition n'est-il pas minuscule ?) du changement. Il est frappant de constater, malgré les apparences dues au jeu social, que le personnel enfermé dans les contraintes administratives, dans un quotidien difficile a réagi positivement à cette force extérieure qui le bousculait. Sa capacité à réfléchir sur son action, à rechercher la qualité du service rendu s'est manifestée dans la mesure où il a compris très vite qu'il n'était pas jugé a priori. La force de référence de la Mission nationale vient de cette capacité d'écoute, donc de respect... le personnel s'en souvient. Une autre de ses forces est le message qu'elle transmet sur la psychiatrie : il ne s'agit pas de diluer cette spécialité dans une approche généraliste du soin. Si le dispositif de santé mentale est profondément immergé dans le tissu sanitaire et social, il ne peut être question qu'il disparaisse. Cela a rassuré... La venue de la Mission n'était-elle pas synonyme de "mise à mort"... Mais ce message porte en lui une "révolution culturelle" que certains professionnels persistant dans leur corporatisme et dans une logique défensive, semblent ne pas vouloir entendre. Le refus de la restructuration n'est guère affiché... mais chacun essaie de sauver son pré-carré : pour l'un son pavillon, pour l'autre ses malades, pour le troisième sa logique thérapeutique... c'est l'autre qui doit changer ! Le "paquet" qui nous a été laissé... un rapport de 70 pages (sans les annexes) une quinzaine de propositions d'actions. Un préambule essentiel : "Cette mission technique n'a en aucune façon, l'ambition de se substituer aux responsabilités des acteurs locaux... Il reviendra à l'ensemble des acteurs de se servir de ce document, de le faire vivre sur le terrain, de l'enrichir et de l'approfondir ou au contraire de le critiquer..." Mais... Attention ! Une recommandation écrite peut donner lieu à une interprétation... et il est facile de s'emparer du discours du spécialiste pour imposer !... et l'objectif premier, de "mission d'appui" se transforme "en mission d'inspection"... En quelques jours, l'équipe de la Mission, par son regard expérimenté, schématise ce que vous mettez (les gens de terrain) cinq ou dix ans à réaliser... A moins d'un séisme engloutissant les murs des enceintes bien connues des hôpitaux psychiatriques, des années seront nécessaires pour changer les habitudes, développer d'autres compétences, convaincre les réticents ou les réactionnaires... Il serait si simple de repartir à zéro ! Mais ce ne serait pas la vie ! Cette lucidité de la Mission qui retrouve dans tous les départements les mêmes schémas d'organisation de la psychiatrie, les mêmes obstacles au changement, cette lucidité ne doit pas faire oublier que réforme et restructuration peuvent être compromises par le manque de moyens pour la mise en uvre. Doit-on faire rêver, si le rêve ne peut se réaliser ? Mais on peut aussi inverser les données du théorème et, selon l'expression creusoise, mise en exergue par la Mission nationale, souffler aux esprits chagrins : "Finissez donc d'entrer". Marie-Antoinette Ricard Directeur des Affaires sanitaires et sociales * Chacun des numéros de "Pluriels" présente, en pages centrales, les résultats, appréciés par les acteurs locaux, du passage de la Mission Nationale d'Appui. |
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