Santé mentale :
l’usager au centre d’un dispositif à rénover


La refondation de la politique de santé mentale s’appuie pour partie sur les réflexions des groupes de travail en cours, issus des protocoles des 13 et 14 mars 2000 et relatifs à l’évolution des métiers et de l’offre de soins psychiatriques pour répondre aux besoins dans le domaine de la santé mentale, dont les travaux sont soumis à la concertation avec les membres du comité national consultatif de santé mentale. Ces groupes délivreront leurs propositions à la fin de l’année 2001, propositions qui viendront compléter le plan santé mentale.

Cette refondation, basée sur une analyse de l’état de santé de la population et des besoins de santé mentale, repose sur un ensemble d’éléments permettant :

1- de développer et de diffuser l’information sur la maladie mentale afin d’en modifier les représentations sociales ;

2- de réaffirmer les droits des personnes atteintes de troubles mentaux, le principe du libre choix du praticien et des modalités de soins constituant le fondement même de ces droits ;

3- de répondre aux besoins de santé de la population, et donner lieu à des programmes d’action spécifique sur des pathologies ou des problématiques ciblées, notamment du fait de l’importance de leur prévalence et des constats d’une prise en charge déficiente ;

4- de développer et d’accompagner une culture d’amélioration constante de la qualité des soins et des pratiques professionnelles ;

5- d’engager une démarche volontariste visant à développer le partenariat entre les différents acteurs de santé mentale (soignants/sociaux), y compris les représentants des usagers ;

6- de développer l’insertion sociale et professionnelle des personnes atteintes de troubles mentaux ;

7- d’organiser une offre de soins psychiatriques diversifiée, graduée et coordonnée en relation avec les besoins de santé mentale ;

8- de développer la recherche fondamentale, épidémiologique et clinique qui est aujourd’hui très en retard par rapport aux autres pays occidentaux.

Le plan d’action se décline autour de chacun des principes fondateurs de la politique de santé mentale, dans une perspective d’ensemble pluriannuelle. Seul en effet le caractère cumulatif de chacun des axes de la réforme semble de nature à permettre les évolutions attendues depuis de nombreuses années. Santé mentale : l’usager au centre d’un dispositif à rénover

Axe 1
Lutter contre la stigmatisation attachée aux maladies mentales


Contexte

L’image attachée aux maladies mentales, aux structures et quelquefois aux professionnels spécialisés dans le traitement de ces troubles reste profondément négative dans l’esprit du public et des autres professionnels de santé. L’accès aux soins peut s’en trouver retardé et entravé aggravant la difficulté du traitement. L’appareil psychiatrique paraît peu accessible et disponible aux familles, aux usagers et aux médecins généralistes, de même que le développement des alternatives à l’hospitalisation car elles restent souvent rejetées par la population. Une récente enquête menée par le centre collaborateur de l’OMS pour la recherche et la formation en santé mentale fait apparaître que la représentation du fou et plus encore du malade mental est porteuse de stigmates dues à la dangerosité potentielle attribuée.

Objectifs

Il s’agira en premier lieu de modifier les représentations de la maladie mentale et des professionnels qui les prennent en charge auprès des soignants somaticiens afin de favoriser le développement d’un partenariat actif entre le réseau de soins primaires et le dispositif spécialisé de prise en charge.

Un deuxième objectif vise à agir sur les représentations de la maladie mentale dans le grand public.

Le dernier axe consistera à développer l’information sur les personnes en situation de handicap psychique, notamment en matière d’insertion sociale et professionnelle. (Voir Axe 6, page 35).

Actions

- Une campagne de communication à destination des professionnels de santé somaticiens sera pilotée par le CFES en lien avec la CNAM, les associations d’usagers et les professionnels de la santé mentale :

Calendrier : 1er semestre 2002

- L’impact de cette campagne fera l’objet d’une évaluation approfondie et sera ensuite adaptée aux finalités d’une campagne de communication grand public. Elle comportera un volet relatif aux thérapeutiques mises en oeuvre pour les pathologies mentales les plus fréquemment rencontrées en population générale (dépression...) :

Calendrier : 2ème semestre 2002

- D’ores et déjà, une étude est lancée au sein de l’Union européenne pour évaluer l’impact d’une démarche de formation et d’information auprès des médecins généralistes sur la question de la prévention du suicide et les représentations attachées à la souffrance psychique. Les sites choisis en France sont Pontoise, qui bénéficiera de l’action d’information, et un site témoin comparatif situé à Melun. Les résultats quant à l’amélioration de la prise en charge des suicidants, sont attendus fin 2002.

- Une réflexion sera entreprise avec les représentants des familles et des usagers et les organismes du secteur social et de l’insertion professionnelle, en vue d’actions de communication relatives à l’insertion professionnelle des personnes souffrant de troubles mentaux :

Calendrier : 2ème semestre 2002

- Cette préoccupation rejoint la volonté du gouvernement de développer des actions destinées à changer le regard sur les personnes en situation de handicap, telle qu’annoncée en juillet dernier, et sera notamment prise en compte dans le cadre de la journée «réussite et handicap» en décembre 2001.

Axe 2
Renforcer les droits des malades
atteints de troubles mentaux

Contexte

Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé en cours d’examen comporte des éléments essentiels permettant aux personnes malades d’être actrices de la prise en charge de leur santé. Il promeut en outre une reconnaissance et un soutien des associations représentatives des usagers, qui seront agréées au niveau régional ou national, en renforçant leurs capacités de représentations et d’actions auprès des usagers et des pouvoirs publics.

En effet, l’action auprès des personnes atteintes de troubles mentaux, du public et des institutions publiques, des associations représentant les usagers du dispositif de santé mentale, les personnes malades ou leur famille, constitue un levier de changement essentiel sur le regard et les comportements du public et des professionnels de santé à l’égard des personnes atteintes de troubles mentaux et mérite d’être développée.

S’agissant de l’hospitalisation sans consentement des personnes souffrant de troubles mentaux qui peut être effectuée à la demande d’un tiers ou d’office sur décision du préfet, et bien que ces mesures constituent toutefois seulement 13 % des hospitalisations en psychiatrie, il est noté une augmentation inquiétante de leur nombre qui a atteint 65 000 mesures au titre de l’année 1999.

En outre, de nombreuses personnes bénéficient de sorties d’essai à leur domicile d’une durée exagérée,
sans que la mesure d’hospitalisation sans consentement soit levée, alors même que les personnes ne
remplissent plus les critères de cette hospitalisation. Nombre de ces sorties d’essai ne contiennent pas
ou plus de projet thérapeutique et de réinsertion et maintiennent de fait une obligation de soins sans
base légale, ni garanties quant aux droits des personnes.

Objectifs

Il est en conséquence proposé :

- de soutenir activement l’action des usagers du système de santé mentale permettant notamment d’améliorer les relations entre personnel soignant et personne soignée.

- de modifier les conditions de soins sans consentement afin de mieux garantir les libertés individuelles et la qualité du projet thérapeutique qui sous-tend ces décisions.

- le caractère strictement sanitaire de l’hospitalisation sans consentement des personnes atteintes de troubles mentaux sera affirmé ;

- une période d’hospitalisation de courte durée (72 heures maximum) sera instaurée à l’attention des personnes répondant strictement aux indications d’une hospitalisation sans consentement, permettant d’élaborer un projet de soins individualisé ;

- une alternative à l’hospitalisation sans consentement pourra être proposée au malade sous la forme d’un soin ambulatoire faisant l’objet d’un strict encadrement et d’un projet thérapeutique précis.

Actions

Améliorer les relations entre les professionnels soignants et les personnes malades

- le soutien aux associations d’usagers sera renforcé et pérennisé au plan national et local en vue notamment de développer la représentation régionalisée des usagers et leur action à l’égard des personnes souffrant de troubles mentaux. A cet effet, les subventions aux associations nationales feront l’objet d’une augmentation massive en 2002 passant de 0,45 million à 2 millions de francs.
Des conventions pluriannuelles de financement seront conclues avec les associations afin d’asseoir les conditions d’un développement durable de leurs activités :

Calendrier : 1er trimestre 2002

- une charte nationale des droits et des devoirs de l’usager en santé mentale sera élaborée à partir notamment des dispositions de celle établie par la FNAPSY (Fédération nationale des associations de (ex)patients de psychiatrie) et la conférence des présidents de commission médicale d’établissement de centre hospitalier spécialisé.

En effet, il existe encore parfois un décalage dans la prise en compte des attentes réciproques des personnes atteintes de troubles mentaux en cours de traitement et des soignants. Les chartes des usagers en santé mentale sont insuffisamment diffusées et connues des professionnels de santé. Or, elles constituent un moyen important de diffusion et de changement des pratiques.

- le règlement intérieur général des établissements hospitaliers comportera des dispositions tenant compte de la situation particulière des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées, notamment sans leur consentement, en vue de renforcer les droits de ces personnes.

Ces deux derniers outils (charte des droits et devoirs de l’usager en santé mentale, règlement intérieur) intégreront les avancées de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment en termes d’accès au dossier médical, d’information et de recueil du consentement :

Calendrier : 1er trimestre 2002

Renforcer les droits des personnes hospitalisées sans leur consentement
(loi du 27 juin 1990)

Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé constitue une première avancée concernant le renforcement des droits des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement. Cette première avancée sera poursuivie dans le cadre d’une réforme importante de la loi relative aux conditions d’hospitalisation des malades atteints de troubles mentaux.

- Afin de renforcer le caractère sanitaire des décisions d’hospitalisation sans consentement, seules pourront désormais être hospitalisées dans ce cadre les personnes dont les troubles mentaux avérés nécessitent des soins immédiats, constituent une dangerosité pour elles-mêmes ou pour autrui et rendent impossible le consentement à ces soins. Cette proposition constitue un alignement strict sur les recommandations européennes ;

- cette hospitalisation sans consentement de courte durée sera réalisée, à échéance de 5 ans, à proximité des services d’urgences, dans le cadre de la mise en oeuvre des schémas régionaux d’organisation sanitaire et dans une logique de partenariat avec les équipes de santé mentale des secteurs de psychiatrie. L’ANAES, d’ores et déjà saisie aux fins d’élaboration de recommandations de bonne pratique en matière d’urgence psychiatrique, sera sollicitée afin d’élaborer un protocole de prise en charge des patients pendant cette période. L’objectif essentiel étant l’engagement d’une démarche de soins par la personne elle-même :

Calendrier : 4ème semestre 2001

- un groupe de professionnels sera mis en place au cours du premier semestre 2002 pour finaliser les indications et les conditions de passage entre soins ambulatoires et soins à l’hôpital ;

- la perspective d’une unification des 2 régimes actuels d’hospitalisations sans consentement sera approfondie. Elle vise à fonder les indications d’une hospitalisation sans consentement sur les indications des recommandations européennes. Une expertise sera également menée afin de déterminer l’autorité de décision la plus pertinente au regard de la protection des libertés individuelles des personnes atteintes de troubles mentaux. Dans ce cadre une étude d’impact sur la charge des services déconcentrés du ministère de la santé ou des services judiciaires sera initiée au premier semestre 2002 ;

- une réflexion sera engagée sur l’accueil des personnes hospitalisées sans consentement en raison de troubles mentaux dans les établissements de santé disposant de lits de psychiatrie, de manière à assurer la mise en oeuvre des principes de continuité et proximité des soins ;

- une évaluation du fonctionnement des unités psychiatriques intersectorielles fermées accueillant des personnes nécessitant une prise en charge contenante, ainsi que des unités pour malades difficiles sera lancée avant la fin de l’année 2001.


Dernière mise à jour : mardi 27 novembre 2001 16:21:40
Dr Jean-Michel Thurin