LOrganisation mondiale de la santé fait le même constat et a consacré lannée 2001 comme année mondiale de la santé mentale. LUnion européenne a depuis 2 ans placé la santé mentale au rang des priorités de santé permettant lengagement dactions concertées (suicide, dépression...). Ces travaux font écho à ceux entrepris en France, en concertation avec les usagers et les professionnels dans le cadre de groupes de travail issus des protocoles des 13 et 14 mars 2000 relatif au service public hospitalier, dont les conclusions seront rendues à la fin de lannée 2001. Ces protocoles ont en effet identifié le secteur de la santé mentale comme devant faire lobjet dune réflexion particulière.
Ces travaux sont alimentés par le rapport des Docteurs Piel et Roelandt : «De la psychiatrie vers la santé mentale» remis en juillet 2001, ainsi que par la mission confiée à M. Charzat, député de Paris, sur les besoins des personnes en situation de handicap du fait de troubles psychiques graves et durables, dont les propositions sont attendues pour le début de lannée 2002.
Par ailleurs, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, en cours de discussion au Parlement, contribue à modifier la place et le rôle des usagers du système de santé, quelle que soit la pathologie dont ils souffrent. Sagissant des personnes atteintes de troubles mentaux, ce projet renforce la protection de leurs droits, constituant la première étape dune révision plus globale de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux.
Ces travaux permettent de proposer une évolution de la politique de santé mentale dont la
traduction passera par un projet de «loi-cadre» préparé en étroite concertation avec les
usagers et leurs familles, les professionnels et les représentants institutionnels, notamment
les élus locaux.
En France, plus dun million de personnes adultes et plus de 370 000 enfants souffrant de
troubles mentaux sont suivis annuellement par les équipes de psychiatrie publique. En
outre, un quart des patients qui consultent en médecine générale présente une souffrance
en relation avec un problème de santé mentale (troubles du sommeil, anxiété, dépression...).
Environ trois millions de personnes présentent chaque année un épisode dépressif.
Les usagers du dispositif de santé mentale et leurs familles, de plus en plus constitués en
associations dynamiques et reconnues, sont demandeurs dune évolution des modalités de
prise en charge susceptibles de les relayer dans leur difficile parcours.
Lévolution des attentes des usagers, la multiplication des troubles pour lesquels sont
désormais sollicitées les équipes de psychiatrie ainsi que le nombre des personnes
concernées, imposent de repenser la politique de santé mentale pour englober les besoins
des personnes dans leur dimension sanitaire, sociale, familiale et professionnelle. Dans ce
cadre, la réorganisation du dispositif de santé mentale en cours doit se poursuivre et viser
lamélioration de laccessibilité, de la continuité et de la qualité des soins dans le respect des
principes autour desquels a été construit le secteur psychiatrique.
Lactuelle évolution tendant à mieux prendre en compte la personne dans sa globalité, dans
sa vie, reste trop limitée. En effet :
1- Limage attachée à la maladie mentale a faiblement évolué et la stigmatisation des
malades reste forte.
2- La logique de la sectorisation psychiatrique qui correspond à la mise en oeuvre dune psychiatrie communautaire na pas atteint tous ses objectifs, notamment en matière de développement des alternatives à lhospitalisation et darticulation avec les acteurs du champ social, médico-social et les élus locaux.
3- Loffre de soins est très inégalement répartie sur le territoire, quil sagisse des structures de soins ou des moyens humains. En effet, les taux déquipement des régions varient de 0,79 à 2,97 lits et places pour 1000 habitants pour la psychiatrie générale et de 0.52 à 1.56 pour 1000 habitants de 0 à 16 ans pour la psychiatrie infanto-juvénile. Les densités de psychiatres sont également très hétérogènes puisquelles varient de 88 psychiatres pour 100 000 habitants à Paris à moins de 12 dans 5 départements. Par ailleurs, la répartition des personnels médicaux est défavorable au secteur public dont nombre de postes restent vacants et lon note pour le secteur privé une implantation très importante en Ile de France (1/4 des psychiatres libéraux sont installés à Paris intra-muros).
4 - La recherche fondamentale, épidémiologique et clinique en psychiatrie est insuffisamment développée.
5 - Lenseignement, quant à lui, est très orienté sur la prise en charge hospitalière des patients.
1 - Lutter contre la stigmatisation attachée aux maladies mentales, par le
développement dune politique de communication :
- une première campagne dinformation sur les maladies mentales sera lancée en direction
des professionnels de santé non spécialisés afin de faciliter la prise en charge et le cas
échéant, lorientation des personnes souffrantes vers le dispositif spécialisé
Calendrier : 1er semestre 2002 ;
- lévaluation de cette première campagne ainsi que celle des expériences étrangères
analogues permettront de préparer le cahier des charges dune communication à
destination du grand public
Calendrier : 2ème semestre 2002 ;
- en outre, une information sur les modalités dinsertion sociale et professionnelle des
personnes atteintes de troubles psychiques graves et durables sera lancée en 2003 en lien
avec les acteurs intéressés (usagers, élus locaux, institutions médico-sociales et sociales...).
2 - Renforcer les droits des malades atteints de troubles mentaux afin dune part de
réviser la loi du 27 juin 1990 et dautre part, modifier la relation entre soignants et
personnes soignées. Dans ce cadre, le droit de toutes les personnes atteintes de troubles
mentaux à des soins librement consentis sera réaffirmé :
- les associations représentant les usagers et/ou leurs familles bénéficieront dun soutien
financier accru (68 602 Euros, soit 0,45 MF en 2001, 304 898 Euros, soit 2 MF en 2002)
dans le cadre de conventions pluriannuelles de manière à renforcer la continuité de leurs
actions ;
- une charte nationale des droits et devoirs de lusager en santé mentale sera élaborée sur la
base notamment des travaux déjà conduits par les usagers (FNAP-Psy) et les
professionnels.
3 - Améliorer les pratiques professionnelles, en particulier par lévaluation des
stratégies thérapeutiques en santé mentale, la révision des formations des professionnels à
la santé mentale et lévolution du rôle des intervenants en santé mentale par lincitation à
une dynamique de réseau :
- lévaluation des stratégies thérapeutiques portera en 2002 sur les techniques de
psychothérapie. A cette fin, LINSERM et lANAES ont été saisis dune part pour
développer les travaux de recherche sur ce champ et dautre part pour proposer des
recommandations de bonne pratique en la matière. Les formations des psychiatres et
psychologues seront révisées afin de mieux intégrer un enseignement spécifique des
différentes techniques de psychothérapie ;
- la formation des infirmiers intervenant en santé mentale sera complétée par une
formation théorique et clinique approfondie dune année. Un groupe de travail associant
les professionnels concernés sera mis en place dès le début 2002 pour en déterminer les
modalités.
- la pratique en réseau sera impulsée par le financement dactions de formation croisées
entre professionnels du champ sanitaire et du champ médico-social, social ou éducatif.
2,28 M euros, soit 15 MF seront consacrés à cette dynamique en 2002 ;
- le conseil supérieur du travail social sera saisi afin de remettre des propositions quant à la
place des travailleurs sociaux dans le domaine de la santé mentale ;
- le conseil supérieur des professions paramédicales sera chargé de proposer les conditions
dévolution des formations de ces professionnels afin de mieux prendre en compte la
dimension psychologique des personnes quils accueillent.
4 - Développer les partenariats entre les acteurs concernés par la santé mentale
en sappuyant sur :
- une articulation interministérielle renforcée, avec léducation nationale et le ministère de
la justice notamment :
- avec le ministère de lÉducation nationale, le rôle de linstitution scolaire dans la
construction positive du psychisme de lenfant, les attentes des équipes scolaires et
soignantes pour renforcer la coordination psychopédagogique autour des besoins des
enfants seront envisagés. Parallèlement, mise en place dune démarche conjointe de
repérage précoce des signes de mal-être et des comportements violents en milieu
scolaire. En outre, le plan Handiscol, lancé en 1999 et mis en oeuvre en partenariat avec
lEducation Nationale, qui vise à lintégration en milieu scolaire ordinaire des enfants et
adolescents en situation de handicap sera poursuivi afin de développer toute forme daccompagnement
nécessaire ;
- avec le ministère de la Justice, les travaux portent notamment sur le développement
dun cadre de prise en charge adéquat à la spécificité des troubles des mineurs les plus
en difficulté confrontés à des situations de violence, ainsi que sur les conditions dune
meilleure attention portée à la santé mentale des détenus, dans le cadre de la
préparation du projet de loi dorientation pénitentiaire.
- une articulation étroite des décideurs institutionnels locaux : préfets, conseils généraux,
municipalités et agences régionales dhospitalisation. Il est nécessaire de disposer dun
nouvel outil pour institutionnaliser un partenariat entre les services de lÉtat et ceux des
collectivités territoriales afin de concevoir des programmes coordonnés de santé mentale
impliquant les principaux décideurs et financeurs et organisant des actions communes de
prévention, daccompagnement et dinsertion sociale et professionnelle. A cette fin, la loi
rendra obligatoire la conclusion de contrats pluriannuels de santé mentale entre les
directeurs des agences régionales de lhospitalisation, les préfets et les élus locaux. Ces
contrats devront tenir compte des priorités du schéma régional dorganisation sanitaire,
des schémas départementaux sociaux et médico-sociaux, des programmes régionaux de
santé, des programmes régionaux daccès à la prévention et aux soins et des projets
territoriaux sociaux (dans le cadre du RMI, de la PMI...) ou de celles de léducation
nationale ;
- une amélioration des articulations entre les acteurs du champ sanitaire ou avec les
partenaires sociaux et médico-sociaux : celle-ci sexercera dans le cadre de conseils locaux de santé mentale institués à léchelle des secteurs sanitaires et appelés à se substituer aux
conseils départementaux de santé mentale.
5- Poursuivre la mise en oeuvre des programmes de prévention et dactions
spécifiques sur des pathologies, des problématiques ou des publics ciblés, en les
replaçant dans un contexte densemble concourant à la bonne prise en charge de la santé
mentale des personnes : programmes de lutte contre le suicide, en faveur des mineurs en
grande difficulté, pour les personnes en situation de précarité ainsi que pour les détenus.
Un nouveau programme sera élaboré en 2002 visant à améliorer le repérage précoce et le
traitement de la dépression, afin den abaisser la prévalence et la gravité. Sur la vie entière,
17 à 19 % de la population souffrent en effet de dépression majeure nécessitant une prise
en charge médicale.
6 - Amplifier le développement dactions dinsertion sociale et professionnelle
pour les enfants, adolescents et adultes en situation de handicap du fait de troubles
mentaux, dans le cadre de la politique commune en direction des personnes handicapées :
- la réforme de la loi rénovant laction sociale et médico-sociale, sur le point daboutir,
offre le cadre dun développement de linnovation en matière daccueil et
daccompagnement ;
- la mission en cours portant sur la situation des personnes souffrant de handicap du fait
de troubles psychiques apportera léclairage nécessaire sur les difficultés particulières
rencontrées par ces personnes et sur les réponses existantes ou à promouvoir
(Février 2002) ;
- les réflexions et propositions de cette mission, ainsi que les travaux de lUNAFAM sur
cette question, alimenteront la préparation de programmes pour le développement des
services daccompagnement et structures daccueil adaptés pour ces personnes ;
- la réflexion exploratoire sur la réforme de la loi dorientation sur les personnes
handicapées, qui vient dêtre engagée sous légide de la ministre déléguée en charge
des personnes handicapées, permettra dintégrer une nouvelle approche du handicap
résultant de troubles psychiques.
7 - Organiser une offre de soins diversifiée, graduée et coordonnée en relation
avec les besoins de santé mentale
- Cette orientation passe notamment par la rénovation de la planification afin dintégrer la
psychiatrie dans loffre de soins générale, par lélaboration dun schéma régional
dorganisation sanitaire unique, à linstar de ce qui a été réalisé par certaines régions.
- Ladaptation de loffre de soins psychiatriques aux besoins de la population conduite par
les agences régionales de lhospitalisation (ARH) sera poursuivie. En 2001, leffort
financier acté par les mesures nouvelles de la loi de financement de la sécurité sociale,
ainsi que les sommes effectivement consacrées à la santé mentale par les ARH, ont permis
de soutenir à hauteur de 45,7 M euros, soit 300 MF plusieurs priorités: la diversification
des modes de prise en charge, le renforcement du dispositif de pédopsychiatrie,
notamment en faveur des adolescents ainsi que lamélioration de laccueil et du traitement
des urgences psychiatriques et le développement de la psychiatrie de liaison.
- Une enveloppe de 19,06 M euros, soit 125 MF est retenue au titre du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2002 en vue de soutenir laction des ARH dans
ces domaines.
La réorganisation de loffre de soins proposée (en relation avec les travaux du groupe de
travail en cours), porte principalement sur :
- le développement dune prévention globale ;
- la promotion du travail en réseau afin de rendre complémentaires et coordonnées les
actions menées par les différentes institutions. Lamélioration des modalités de
financement des réseaux est dores et déjà intégrée dans le projet de loi relatif aux droits
des malades et à la qualité du système de santé. Cette disposition permettra
daccompagner, dès 2002, la mise en oeuvre des réseaux de santé mentale dans une
perspective ville/hôpital et santé/social ;
- ladaptation de lhospitalisation complète. Il sagit notamment de relocaliser les unités
dhospitalisation complète éloignées des bassins de vie quelles desservent dans des
centres hospitaliers de proximité. Pour la psychiatrie infanto-juvénile, le renforcement des
capacités dhospitalisation complète doit être poursuivi ;
- le renforcement des alternatives à lhospitalisation ainsi que le développement des
interventions à domicile 7j/7. La répartition des moyens suivra ces objectifs : environ
40 % pour lintra-hospitalier et 60 % pour le dispositif ambulatoire ;
- lorganisation de «centres daccueil intersectoriels de 72 heures» à proximité des services
daccueil des urgences en vue daméliorer la prise en charge des situations de crise et de
diminuer le recours à lhospitalisation sans consentement ;
- la mise en oeuvre de réponses spécifiques intersectorielles afin de mieux prendre en charge
certaines pathologies ou populations (adolescents, personnes en situation de précarité,
détenus, délinquants sexuels...).
Toutes ces actions trouveront une traduction dans les prochains schémas régionaux
dorganisation sanitaire (2005-2010).
8 - Inciter au développement de la recherche fondamentale, épidémiologique et
clinique, à la fois sur un plan national articulant la recherche faite au sein des structures de
luniversité et des établissements publics scientifiques et techniques avec les approches
ciblées menées par les fondations et les missions interministérielles, ainsi quavec les
professionnels du champ sanitaire.
Seront particulièrement incitées des recherches interdisciplinaires, susceptibles de mettre en
commun des approches nécessairement différentes dans le domaine de la santé mentale
(recherche clinique, sciences humaines et sociales et sciences de la vie).
Ce plan pluriannuel dactions a pour objectifs de rassembler les dynamiques en cours et dimpulser
un nouvel élan pour la mise en réseau de lensemble des partenaires concernés par la santé
mentale.
Dernière mise à jour : vendredi 16 novembre 2001 14:41:27 Dr Jean-Michel Thurin |