DIRECTION GENERALE DE LA SANTE
Sous-direction de la santé et de la société
Bureau de la santé mentale


Groupe de travail relatif à “ l’évolution des métiers en santé mentale : Recommandations relatives aux modalités de prise en charge de la souffrance psychique jusqu’au trouble mental caractérisé ”

Rapport présenté au comité consultatif de santé mentale du 11 avril 2002



Médecins généralistes


- Prévention :


La position spécifique des médecins généralistes dans le système de soins, la continuité des soins auprès de la famille, leur compétence en matière de “guidance” des patients et d’éducation pour la santé, dans le domaine de la santé mentale, nécessitent que ces professionnels soient plus souvent associés à des actions de promotion de la santé mentale dans la communauté.


- Prise en charge de la souffrance psychique invalidante :


Les médecins généralistes, acteurs de soins primaires, ont du fait de leur compétence médicale, un rôle à promouvoir en matière de relation d’aide psychologique thérapeutique. Il s’agit notamment de développer une véritable alternative aux traitements médicamenteux parfois inadaptés à la situation de ces personnes.


- Accès au dispositif spécialisé :


Les médecins généralistes ont un rôle d’accompagnement des patients vers une prise en charge spécialisée, dans le cadre notamment des relations d’aide précitées. Ce travail de facilitation, de négociation et de médiation joue à la fois pour la prise de contact initiale mais aussi dans le maintien du suivi ou la réorientation ultérieure après rupture du suivi spécialisé en santé mentale.


- Soins des troubles mentaux :


En qualité de professionnels médicaux de soins primaires, les médecins généralistes interviennent souvent, au début des troubles liés à une pathologie psychiatrie lourde, avant même qu’un diagnostic soit posé. Ces professionnels doivent disposer des connaissances et de la pratique clinique leur permettant, d’une part, de reconnaître les situations pathologiques, d’autre part, de développer une prise en charge et un suivi adéquat de certains patients, et enfin, d’orienter à bon escient ces patients vers les professionnels spécialisés pour accéder à une prise en charge complémentaire médico-psycho-sociale adaptée à leur situation.

. S’agissant, par exemple, de la dépression, il y a consensus pour reconnaître que la prise en charge par un médecin généraliste peut suffire lorsque celle-ci relève du champ de la plainte ou d’une souffrance inhérente à la personne et nécessiter dans ce cas l’application d’une logique médicale généraliste caractérisée par l’accueil, l’information, l’aide et l’accompagnement du patient prenant en compte sa dimension humaine.

Lorsque la dépression relève de la pathologie psychiatrique, certains soins spécialisés doivent pouvoir être assurés par le médecin généraliste dans le cadre d’un réseau. Il appartient aux médecins généralistes de détecter ce type de situations et de faire appel :
- au psychiatre pour :
. l’aide au repérage et au diagnostic ;
. l’aide à la mise en place de stratégies thérapeutiques conduites par le médecin généraliste ;

- à un psychologue pour une complémentarité de prise en charge afin d’agir tant sur les symptômes de la maladie, que sur son processus.

Une orientation du patient dépressif vers le dispositif spécialisé de soins devra être privilégiée dans les situations particulières suivantes : tentatives de suicide ; dépression associée à l’alcoolisme ; dépression associée à un trouble de la personnalité (border line ; évitement ; comportement antisocial) ; demande d’hospitalisation ; en cas de récidive (3ème épisode dépressif dans les cinq ans).


. S‘agissant de patients atteints de schizophrénie, il y a consensus du groupe pour considérer le secteur comme l’unité de soins la plus adaptée pour la prise en charge de ces patients. L’intervention d’une équipe pluridisciplinaire permet de prendre en compte les différents éléments suivants : facteurs familiaux ; personnalité du patient (abord psychopathologique) ; forme de la maladie et insertion sociale.

Cependant, le groupe reconnaît le rôle des médecins généralistes dans le suivi des patients schizophrènes en insistant sur l’importance de l’intervention d’un psychiatre référent :
- au début de la prise en charge en médecine générale, pour poser un premier diagnostic qui évite une perte de temps et d’énergie dans les ressources à mobiliser et engage la qualité des soins ;
- lors de suivis au long cours par une évaluation de l’évolution clinique.



R28 Nécessité d’une réévaluation des compétences en psychiatrie du médecin généraliste par l’amélioration des contenus de leur formation concernant l’appréciation de la gravité des symptômes, des pathologies mentales, et la connaissance des réseaux susceptibles soit de prendre en charge les patients, soit d’apporter une aide au médecin généraliste pour cette prise en charge.

Les formations des médecins généralistes doivent intégrer, outre l’apprentissage de connaissances théoriques, le développement des aptitudes pratiques [formations à l’entretien notamment pour repérer les signes de la dépression, gestion des prescriptions médicamenteuses (pertinence de l’indication initiale ; capacité de remettre en cause ou d’arrêter un traitement psychotrope ), connaissance des alternatives non médicamenteuse (telles l’aide psychologique thérapeutique).

La pratique clinique doit donc être enrichie par une formation initiale intégrant ces questions et un stage obligatoire de plusieurs mois permettant d’appréhender, outre les thérapies précitées, les problématiques de santé mentale et la nécessaire articulation des compétences sanitaires et socio-éducatives.

R29 Cette pratique clinique doit également être enrichie par des séances de formation continue:
. intégrant l’analyse de cas cliniques et d’échanges de pratiques professionnelles entre psychiatres et médecins généralistes. Ces formations devraient permettre notamment de renforcer les connaissances des médecins généralistes sur l’intérêt des traitements spécialisés en psychiatrie, afin d’améliorer leur propension à orienter les patients qui le nécessitent vers une prise en charge spécialisée conjointe. Ces formations devraient être organisées sur un territoire de proximité pour favoriser la constitution de réseaux.
. basée sur le modèle des travaux de Mickael Balint, pour favoriser les meilleures conditions à la mise en œuvre des relations d’aide psychologique thérapeutique (mise à distance ; supervision..)

R30 Formaliser des consultations d’“avis spécialisés ” entre médecins généralistes ou pédiatres et spécialistes. La notion de consultations d’avis spécialisé et de suivis conjoints ne doit pas être interprétée comme une structure complémentaire mais comme une activité différemment conçue dans une structure de consultation existante.

R31 Prévoir une rémunération adaptée pour les médecins généralistes qui assurent le suivi au long cours de patients atteints de troubles mentaux, tant dans le cadre de leur pratique individuelle que dans le cadre du travail en réseau avec les professionnels spécialisés (équipes de secteur ; psychiatres et psychologues libéraux).



Dernière mise à jour :

Dr Jean-Michel Thurin