CONSOMMATION DE PSYCHOTROPES
ET MORBIDITE
EN POPULATION GENERALE :
INDICATEURS DE SANTE MENTALE

TOME 1

ANALYSE SECONDE DES DONNEES
DE L'ENQUETE INSEE-CREDES SUR LA SANTE ET LES SOINS MEDICAUX 1991-1992

F. FACY, F.CASADEBAIG, JM THURIN

Sous la direction de D. WIDLÖCHER, Directeur de l'unité INSERM U302

 

 

 

 

CONVENTION ENTRE LA MISSION INTERMINISTERIELLE RECHERCHE EXPERIMENTATION ET L'INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE

 

CONSOMMATION DE PSYCHOTROPES
ET MORBIDITE
EN POPULATION GENERALE :
INDICATEURS DE SANTE MENTALE

TOME 1

ANALYSE SECONDE DES DONNEES
DE L'ENQUETE INSEE-CREDES SUR LA SANTE ET LES SOINS MEDICAUX 1991-1992

F. FACY1, F.CASADEBAIG1, JM THURIN2

Sous la direction de D. WIDLÖCHER,

Professeur de Psychiatrie, Directeur de l'Unité INSERM U302

 

 

 

1 Chercheurs INSERM, 44, Chemin de Ronde, 78116 LE VESINET CEDEX
2 Médecin Psychiatre - Ecole de Psychosomatique - Fédération Française de Psychiatrie

 

Avant-propos

Dans le contexte des études décennales menées par l’INSEE et le CREDES, des échantillons importants, représentatifs de la population générale adulte résidant en France, permettent d’analyser les tendances générales de la consommation médicale en fonction des données de morbidité.

L’investissement en compétences et matériel statistique pour organiser, recueillir et analyser de telles informations est important et mérite une mobilisation de plus en plus grande des équipes de recherche issues de différentes disciplines s’intéressant à la santé, de la clinique avec ses différentes spécialités, à l’épidémiologie, la sociologie ou la santé publique.

Une façon de susciter l’intérêt d’équipes de recherche a été, dès 1986, de proposer des analyses secondes, après l’exploitation principale de l’enquête générale, conformément aux commandes des administrations.

Pour l’enquête de 1991-1992, parmi les axes retenus, "la santé mentale et l’épidémiologie du bien-être" constitue le thème proposé en priorité aux chercheurs en psychopathologie, comme l’équipe d’épidémiologie en santé mentale de l’Unité 302 de l’INSERM, sous la responsabilité du professeur D.Widlöcher.

Cet axe concerne une approche large des questions de santé mentale, non limitée à des troubles psychiatriques bien identifiés, mais en considérant également des indicateurs d’expression de mal être, pouvant être associés à des difficultés d’existence.

  1. INTRODUCTION

    CONTEXTE DE LA RECHERCHE :
    OBJECTIFS ET METHODOLOGIE
  2.  

    FACY F.(1), CASADEBAIG F.(2), THURIN JM.(3)

     

    1) Directeur de recherche INSERM

    2) Chargée de recherche INSERM

    3) Médecin - Fédération Française de Psychiatrie - Ecole de Psychosomatique

     

    1. OBJECTIFS GENERAUX DE L'ETUDE
    2. Les études décennales menées par l'INSEE et le CREDES pour analyser les tendances de la consommation médicale en fonction des données de morbidité s'enrichissent progressivement d'apports complémentaires d'autres équipes de recherche, pour rentabiliser les investissements liés à de telles enquêtes et mieux répondre aux attentes sociales. Le thème "Santé mentale et épidémiologie du bien-être", retenu par la MIRE pour des analyses secondes de l'enquête de 1991-1992 a suscité la mobilisation d'un groupe de chercheurs et de cliniciens autour de l'équipe d'épidémiologie en santé mentale de l'INSERM U302 ("Psychopathologie et pharmacologie des comportements"). Trois directions d'études sont proposées…

      1. Etude des sujets recevant une prescription de neuroleptiques
      2. La quasi totalité des études ayant trait à la pathologie mentale sévère portent, en France, sur l'analyse de patients à partir des lieux de soins. En effet, la prévalence des maladies psychiatriques sévères est faible. La majorité des études internationales situe par exemple la prévalence de la schizophrénie à moins de 1%. Il s'ensuit qu'il est difficile de mener des études sur les malades mentaux sévères à partir de la population générale. Le nombre de personnes à contacter, pour atteindre un nombre suffisant de malades et obtenir des résultats fiables, dépasse les possibilités matérielles de la plupart des équipes de chercheurs.

        L'enquête INSEE-CREDES offre l'opportunité d'aborder, à partir de la population générale, une population présentant des troubles mentaux sévères. Cette population peut être cernée à travers une médication particulière, celle des neuroleptiques. La prescription de neuroleptiques n'implique pas obligatoirement un diagnostic spécifique, mais, chez des sujets de 18 à 64 ans, suppose néanmoins une pathologie mentale avérée sévère.

        Il est évident que les sujets de la population générale nécessitant une médication neuroleptique sont aussi des consultants de lieux de soins comme le prouve leur prescrition de neuroleptiques. Néanmoins, l'approche hors institutions, de sujets présentant des troubles suffisamment sévères pour nécessiter un type de médication semblable à celle prescrite aux patients schizophrènes offre une base comparative précieuse pour apprécier les données obtenues sur des patients schizophrènes à partir des lieux de soins.

      3. Recherche d'une typologie des usages de psychotropes (médicaments, alcool et tabac), pris seuls ou associés, jusqu'à la dépendance
      4. Dans le contexte général français d'usages importants de produits psychotropes licites, en vente libre, comme l’alcool ou le tabac, ou prescrits dans un contexte thérapeutique, il s’agit d’étudier la répartition des différents usages dans les segments de la population générale, d’analyser les associations, et de rechercher l’existence de typologie des usages, pour l’ensemble des produits licites. Le potentiel de description complète des comportements de consommation jusqu’à la dépendance sera testé pour une telle enquête en population générale.

        De plus, au delà de la description synthétique des usages, le projet vise à étudier la mise en relation des usages des substances psychotropes (prescrits ou non) avec un contexte de souffrance psychique et de besoins exprimés au niveau de la santé mentale.

        Une deuxième analyse se limite aux jeunes adultes (20-35 ans), pour lesquels les résultats seront confrontés à ceux d’une étude faite en collaboration avec la CPAM auprès de consultants ayant bénéficié d'un bilan de santé. Cette comparaison devrait tester la représentativité des sujets ayant un examen de santé par rapport à une population générale et la validité des corrélations au niveau de la graduation des usages de substances psychotropes (de l'expérience unique à la répétition régulière), de leurs associations éventuelles et des contextes spécifiques à de jeunes adultes qui permettent d'orienter des actions de prévention.

      5. Expression du mal être en population générale : souffrance psychique, maladies mentales et somatiques associées, contexte des événements personnels et comportements de soin

      L'analyse des éléments concernant la santé mentale repose sur l'exploitation du questionnaire "anxiété, sommeil, irritabilité" de l'enquête. A partir des sujets déclarant des symptômes de mal être à des niveaux plus ou moins importants, un premier objectif est de dégager une typologie. La confrontation de cette typologie aux pathologies mentales déclarées par ailleurs doit permettre de juger de sa validité globale. Cette analyse s'intègre dans une recherche plus globale des déterminants de l'expression du mal être, mettant en jeu les données de morbidité, de recours aux soins, de consommation de psychotropes, les variables sociodémographiques ainsi que les les données relatives aux événements de vie personnels. Il s'agit également de situer l'influence de l'exposition à un événement marquant récent ou dans l'enfance sur l'expression du mal être et la consommation de psychotropes : les événements récents seront analysés en recherchant des événements pendant l'enfance ou des conditions affectives particulières (carences affectives du même ordre que les situations actuelles et susceptibles de créer des conditions de vulnérabilité particulière).

    3. ASPECTS METHODOLOGIQUES
      DANS L'ANALYSE SECONDE DE L'ENQUETE INSEE-CREDES
      1. Mise en place d’une plate-forme informatique (juin à septembre 1996)
      2. Pour coordonner l’ensemble des travaux entre les équipes, les réunions de travail nécessitent une plate-forme technique sur le site du Vésinet, en lien avec le service commun SC25 de l’INSERM, et sous la responsabilité de D. Ruffin, démographe.

        Compte tenu du volume de données à traiter, les vacations sont entièrement consacrées aux travaux informatiques pour transporter le fichier disponible à l’INSEE sur le matériel VAX 4000 du service informatique SC25 de l’INSERM. Les premiers contacts pris par F. Laurent (SC25) avec P. Mormiche (INSEE) révèlent des problèmes importants de compatibilité de matériel informatique et de lecture de fichiers. Plusieurs solutions sont envisagées, jusqu’à l’achat de nouveaux matériels (PC) équipé du système SAS, pour finalement aboutir à la transmission totale du fichier original sur bande magnétique par l’intermédiaire du centre informatique de Lille de l’INSEE. Deux envois successifs sont nécessaires pour procéder enfin à une lecture des données à partir de l’équipement lourd (VAX 4000) de l’INSERM.

        Ces difficultés ne sont pas spécifiques à cette enquête, elles proviennent essentiellement des procédures différentes empruntées par les organismes nationaux INSEE ou INSERM en matière d’enregistrement, de stockage et de lecture des données.

        A la fin de l’été 96, les bases de l’INSEE sont accessibles. Deux vacataires démographes sont spécialement affectés à son interrogation.

        Les données se composent de 16 tableaux SAS, correspondant aux différents niveaux d’investigation de l’enquête (ménages, individus, recours aux soins, maladies, …). Ces tables sont brutes et nécessitent une mise en forme préalable avant toute exploitation statistique.

        Des contacts sont pris avec le CREDES afin de mettre à disposition de l’INSERM les nomenclatures informatisées nécessaires à l’exploitation des fichiers des maladies et des acquisitions pharmaceutiques.

        Voir l'annexe I ("Présentation de l'enquête et mise en forme des données") pour plus de détails sur les populations étudiées et les synthèses de l'information effectuées au niveau individuel.

        Cette phase préparatoire demande un temps important et une formation spécifique auxquels les professionnels de la santé mentale et les psychiatres ne sont pas particulièrement habitués.

      3. Thèmes d’études des trois équipes

    A partir de son thème de recherche, chaque équipe a prolongé sa réflexion par un travail à partir des analyses en population générale INSEE-CREDES. Chaque thème est défini avec un responsable chargé de guider les analyses statistiques, d’animer un groupe de réflexion et de mener des travaux bibliographiques afin de relativiser les données en population générale :

    Etude des schizophrènes : F. Casadebaig (INSERM U302)

    Etude des usages de psychotropes : F. Facy (INSERM U302)

    Etude des composantes psychosomatiques de la santé : Dr J-M. Thurin (Ecole de Psychosomatique, Fédération Française de Psychiatrie.)

    Pour le premier thème, l’étude d’une cohorte de patients schizophrènes sous neuroleptiques a été prolongée par l’observation en population générale des sujets sous neuroleptique et des sujets psychotiques.

    Pour le second thème, une étude parallèle avec la CPAM de Paris sur un échantillon d’adultes de moins de 35 ans a été menée avec deux étudiants de MASS Dauphine.

    Pour le troisième thème, les analyses en population générale s’intègrent dans une perspective plus large, faisant intervenir l’observation clinique et les travaux médicaux et scientifiques traitant de la santé mentale sous le triple aspects des pathologies, des comportements de soins et du contexte des événements personnels.

    L’intégration de l’exploitation de l’enquête en population générale se fait progressivement dans l’ensemble des travaux de recherche de l’équipe, par rapport aux autres enquêtes, faites sur des lieux de soins notamment. Les enquêtes bénéficient mutuellement des analyses bibliographiques et des réflexions des groupes de travail, suivant le schéma général suivant (Tableau I) :

    Tableau I : Populations et lieux d’observations (1996-1998)
    INSERM U.302 Equipe d’Epidémiologie

    POPULATION GENERALE

    POPULATIONS TRAITEES

     

    Toxicomanie

    Alcoolisme

    Suicide

    Maladie Mentale

    Analyses secondes de l’enquête INSEE-CREDES

    Examens de santé (CPAM)

    Base de données nationale auprès des centres spécialisés et des antennes en milieu carcéral

    Clientèle des centres d'hygiène alimentaire d'alcoologie (ANPA)

    Services d'urgence hospitaliers

    Registre de mortalité
    (INSERM SC8)

    Cohorte de patients schizophrènes secteurs psychiatriques

    Milieu scolaire (CNPERT)

    Suivi des sujets bénéficiant de prescription de méthadone (93-97)

    Cohorte de toxicomanes vus en services hospitaliers

    Suivi de sujets vus en CHAA
    (région Centre Val de Loire)

       
  3. PREMIERE PARTIE :
    SUJETS PSYCHOTIQUES ET
    SUJETS CONSOMMATEURS DE NEUROLEPTIQUES
    EN POPULATION GENERALE :
    COMPARAISON AVEC UNE POPULATION SCHIZOPHRENE TRAITEE
  4.  

    CASADEBAIG F.(1), PHILIPPE A.(2), RUFFIN D.(3), LECOMTE TH.(4)

     

    1) Chargée de recherche INSERM

    2) Ingénieur d'études INSERM

    3) Vacataire INSERM 4) Directeur de recherches CREDES

     

    1. Contexte de la recherche, objectifs et méthodologie
      1. Contexte de la recherche
      2. La quasi totalité des études ayant trait à la pathologie mentale sévère portent, en France, sur l'analyse de patients à partir des lieux de soins. En effet, la prévalence des maladies psychiatriques sévères est faible. La majorité des études internationales situe la prévalence de la schizophrénie par exemple, à moins de 1% [5]. Il s'ensuit qu'il est difficile de mener des études sur les malades mentaux à partir de la population générale. Le nombre de personnes à contacter, pour atteindre un nombre suffisant de malades et obtenir des résultats fiables, dépasse les possibilités matérielles de la plupart des équipes de chercheurs.

        L'enquête INSEE-CREDES offre l'opportunité d'aborder, à partir de la population générale, une population présentant soit des diagnostics psychiatriques, soit une consommation de médicaments [4], les neuroleptiques, qui sont plus spécialement destinés aux sujets présentant une pathologie neurologique ou psychiatrique. Elle permet en conséquence de comparer ces sujets de la population générale à des sujets suivis dans des lieux de soins spécialisés et plus spécialement, de comparer à des patients schizophrènes, âgés de 18 à 64 ans, étudiés par l'Unité 302 de l'INSERM depuis 1993, avec le soutien du Groupe Français d'Epidémiologie Psychiatrique (GFEP) [2]. L’une des principales caractéristiques de ces patients schizophrènes suivis en secteur de psychiatrie générale est la consommation de neuroleptiques : presque tous les patients de l'enquête (97%) prennent au moins un neuroleptique.

      3. Objectifs de l’étude
      4. Le premier objectif de l’étude est de repérer dans l’échantillon de la population française étudié les sujets présentant un diagnostic de schizophrénie ou de psychose.

        Le second objectif est de comparer par diagnostic les sujets prenant des neuroleptiques.

        Le troisième objectif est de comparer une population générale traitée par neuroleptique, à la population des schizophrènes suivis dans des secteurs de psychiatrie générale.

      5. Méthodologie

      Le questionnaire utilisé dans l'enquête INSERM a été conçu pour pouvoir comparer les données de consommations de soins avec celles de l'enquête INSEE-CREDES, mais l’information sur la prescription de médicaments psychotropes reçus par le patient est fournie par le psychiatre concerné dans l’enquête INSERM, et il en est de même pour les maladies.

      Dans l’enquête INSEE-CREDES, il s’agit d’une auto-déclaration par le sujet interrogé :

      A chaque passage de l’enquêteur, une question est posée concernant l’achat ou l’obtention gratuite de produits pharmaceutiques avec ou sans ordonnance. Après la visite initiale, un passage a lieu toutes les trois semaines, donc il y a quatre passages au cours de l’enquête dont l’observation s’étend sur trois mois.

      Au cours de la visite initiale, une carte listant 27 rubriques de maladies, troubles de la santé, handicaps et infirmités est soumise au ménage, et les maladies de chacun des membres du ménage sont repertoriées. Ce bilan de morbidité est complété au cours des passages successifs par le relevé des maladies incidentes et par des questions systématiques ayant trait aux maladies motivant un recours aux soins. Chaque dossier individuel fait l’objet d’un examen par un médecin de l’équipe médicale du CREDES.

      Les données de l’enquête INSEE-CREDES analysées sont relatives à la population ayant déclaré un trouble psychiatrique et à la population ayant déclaré au moins une acquisition de médicaments neuroleptiques au cours de l’enquête. Les informations sont extraites des différentes bases transmises par l’INSEE et le CREDES (données individuelles, consommations de soins médicaux, fichier corrigé des maladies du CREDES).

      Un examen au cas par cas des pathologies à l’origine de ces acquisitions de neuroleptiques et de l’ensemble des maladies des sujets consommateurs de neuroleptiques a été réalisé afin de mieux apprécier l’état de santé de cette population.

    2. Résultats
      1. Diagnostic de psychose dans l’enquête insee-credes
        1. Prévalence des cas de psychose
        2. Dans l'enquête INSEE-CREDES, sur un effectif étudié de 21585 personnes, 69 personnes ont déclaré un diagnostic de psychose, dont deux cas de schizophrénie.

          Dans les classes d'âges 18-64 ans, sur un effectif de 13188 personnes, on relève 40 personnes avec un diagnostic de psychose, soit une prévalence de 0,3%.

          Parmi ces 40 personnes, 19 ont une prescription de neuroleptique et 21 n'en ont pas.

        3. Comparaison des sujets psychotiques selon la consommation ou non de neuroleptiques

        Des différences sont relevées entre les deux groupes mais qui n’atteignent pas la significativité statistique en raison des faibles effectifs.

        La répartition par sexe est identique dans les deux groupes, 52% d’hommes.

        Les sujets psychotiques qui reçoivent des neuroleptiques vivent plus souvent en couple (84% vs. 38%). Ils sont aussi plus souvent mariés (74% vs. 38%).

        Le recours au système de soins apparaît plus important pour les sujets recevant des neuroleptiques, qu’il s’agisse des séances médicales, des hospitalisations ou de l’acquisition de médicaments psychotropes autres que les neuroleptiques.

        Ils ont été plus nombreux à avoir une hospitalisation dans les six mois avant l'enquête (5 sujets sur les 19 traités vs. 2 sujets sur les 21 non traités) et pendant les trois mois de l'enquête (3 sujets sur les 19 traités et aucun parmi les 21 non traités).

        La totalité des sujets avec neuroleptique ont eu une séance avec un médecin alors que 38% des sujets sans neuroleptique n'en ont pas eu (8 sujets). Les premiers ont en moyenne 4,5 consultations, contre 2 chez les sujets sans neuroleptique. Les séances chez un spécialiste concernent plus de sujets avec neuroleptique que de sujets sans neuroleptique (79% vs. 33%).

        Enfin, les sujets avec neuroleptique sont plus nombreux à avoir également acquis d'autres médicaments psychotropes : 47% ont acquis des hypnotiques vs. aucun chez les sujets sans neuroleptique, 63% ont acquis des tranquillisants (vs. 29%) et 74% ont acquis des antidépresseurs (vs. 29%).

        L’activité professionnelle et l’incapacité permanente concernent à peu près la même proportion de sujets dans les deux groupes.

        Une activité professionnelle concerne 42% des sujets traités vs. 38% des sujets non traités par neuroleptique.

        Une incapacité permanente concerne 44% des sujets traités vs. 39% des sujets non traités par neuroleptique.

      2. Consommation de neuroleptique dans l’enquête insee-credes
        1. Catégories diagnostiques à l’origine de la consommation de neuroleptique
        2. 138 personnes ont déclaré consommer des neuroleptiques. Pour ces sujets, on trouve quatre groupes diagnostiques à l’origine de ces prescriptions :

          19 sujets (14%) avec un diagnostic de psychose (dont deux schizophrènes)

          66 sujets (48%) avec un diagnostic de dépression

          28 sujets (20%) avec un diagnostic de névrose

          25 sujets (18%) avec un diagnostic de maladie somatique

          Parmi les 25 sujets ne déclarant pas de trouble mental, les pathologies somatiques relevées sont les suivantes :

          diarrhée infectieuse

          tumeurs de l’oreille

          obésité (2 cas)

          trisomie

          sclérose en plaque, épilepsie, migraines

          cervicalgie, sciatique

          bronchiolites aigue

          ulcère d'estomac, gastralgies (2 cas)

          artérite

          arthrose, lumbago

          trouble du sommeil, asthénie, tremblements, céphalées, vomissements

          sequelles de traumatisme (3 cas dont 2 du crâne)

        3. Comparaison des consommateurs de neuroleptiques dans l’enquête INSEE-CREDES selon leur catégorie diagnostique
        4. La comparaison des quatre groupes diagnostiques donne les résultats suivants, sans que les différences relevées soient significatives statistiquement (faibles effectifs).

          1. Selon les caractéristiques sociodémographiques
          2. Il y a plus d'hommes parmi les psychotiques (53% vs. 36% chez les dépressifs comme chez les névrotiques et 44% chez les sujets avec troubles somatiques).

            La moyenne d’âge, 46 ans pour les psychotiques et pour les sujets avec troubles somatiques, est un peu plus jeune que pour les sujets avec troubles névrotiques, 47 ans et que pour les sujets dépressifs 49 ans.

            Ce sont les psychotiques qui vivent le plus souvent en couple (84% vs. 68% chez les névrotiques, 67% chez les dépressifs et 56% chez les sujets avec troubles somatiques).

            Ce sont les sujets avec troubles somatiques qui sont les plus nombreux à avoir un niveau de diplôme égal ou supérieur au baccalauréat (24% vs. 11% chez les psychotiques et les dépressifs et 4% chez les névrotiques).

            Ce sont aussi les sujets avec troubles somatiques qui sont les plus nombreux à exercer une activité au moment de l’enquête (52% vs. 42% chez les psychotiques, 32% chez les dépressifs et 29% chez les névrotiques).

            Ce sont les sujets avec troubles névrotiques qui sont les plus nombreux à ne pas avoir d'enfant de 16 ans ou moins au moment de l’enquête (82% vs. 71% chez les dépressifs, 68% chez les sujets avec troubles somatiques et 47% chez les psychotiques).

          3. Selon la consommation de soins

          Une hospitalisation dans les six mois précédant l'enquête a plus souvent eu lieu pour les sujets avec troubles psychotiques (26% vs. 14% pour les sujets avec troubles névrotiques, 11% pour les sujets avec troubles dépressifs, aucun des 25 sujets avec troubles somatiques n'en ayant eu).

          Une hospitalisation pendant l'enquête a plus souvent eu lieu également pour les sujets avec troubles psychotiques (24% vs. 18% pour les sujets avec troubles névrotiques, 13% pour les sujets avec troubles somatique et 9% pour les sujets avec troubles dépressifs).

          Une incapacité permanente est surtout notée pour pour les sujets avec troubles psychotiques (44% vs. 43% pour les sujets avec troubles névrotiques, 29% pour les sujets avec troubles dépressifs et 12% pour les sujet avec troubles somatiques).

          Tous les sujets avec troubles psychotiques, tous les sujets avec troubles somatiques, 96% des sujets avec troubles névrotiques et 94% pour les sujets avec troubles dépressifs ont eu au moins une séance de médecins au cours de l'enquête.

          79% des sujets avec troubles psychotiques ont eu au moins une consultation avec un spécialiste vs. 58% des sujets dépressifs, 46% des sujets avec troubles névrotiques et 36% des sujets avec troubles somatiques.

          Le nombre moyen de boîtes de neuroleptiques acquises pendant l’enquête varie peu entre les groupes avec trouble mental : 4 boîtes en moyenne pour les sujets avec trouble psychotique, 3,8 boîtes pour les sujets dépressifs et 4,2 pour les sujets avec troubles névrotiques. Le nombre moyen de boîtes est par contre plus bas pour les sujets avec troubles somatiques (2,7 boîtes).

          Le nombre moyen de boîtes de médicaments psychotropes autres que les neuroleptiques est assez semblable entre les sujets avec troubles psychotiques (9,6 boîtes) et les sujets dépressifs (8,5 boîtes). Ce nombre diminue sensiblement pour les sujets avec troubles névrotiques (2 boîtes) et les sujets avec troubles somatiques (0,9 boîte).

          Si on regarde ces médicaments psychotropes autres que neuroleptiques, on constate que les sujets avec troubles psychotiques figurent parmi les plus forts consommateurs, mais également les sujets avec troubles dépressifs. 47% des sujets avec troubles psychotiques, 36% des sujets avec troubles dépressifs, 25% des sujets avec troubles névrotiques et 4% des sujets avec troubles somatiques ont acquis au moins une boîte d’hypnotiques et sédatifs. 63% des sujets avec troubles psychotiques et 73% des sujets avec troubles dépressifs ont acquis au moins une boîte d’anxiolytiques, contre 36% des sujets avec troubles névrotiques et 12% des sujets avec troubles somatiques. 74% des sujets avec troubles psychotiques et 64% des sujets avec troubles dépressifs ont acquis au moins une boîte d’antidépresseur, contre aucun sujet avec trouble névrotique et 4% des sujets avec troubles somatiques.

        5. Médicament neuroleptique selon la pathologie déclarée dans l’enquête INSEE-CREDES

        Le Tableau II précise la nature des neuroleptiques prescrits pour les trois catégories diagnostiques relatives aux troubles mentaux.

        Tableau II : Neuroleptiques prescrits selon le diagnostic de trouble mental

        Psychoses (N=19)

        Dépression (N=66)

        Névrose (N=28)

        Tercian (P=8)

        Haldol (P=14)

        Haldol (P=6)

        Largactil (P=6)

        Dogmatil (P=12)

        Dogmatil (P=6)

        Nozinan (P=3)

        Tercian (P=10)

        Nozinan (P=4)

        Haldol (P=2)

        Nozinan (P=9)

        Solian (P=4)

        Modecate (P=1)

        Solian (P=4)

        Neuleptil (P=2)

        Neuleptil (P=1)

        Neuleptil (P=4)

        Tercian (P=2)

        Fluanxol (P=1)

        Largactil (P=2)

        Tiapridal (P=2)

        Piportil (P=1)

        Orap (P=2)

        Melleril, Dipiperon, Modecate

        Majeptil (P=1)

        Melleril (P=2)

        Synédil, Orap, Neuriplege

        Terfluzine (P=1)

        Opiran, Fluanxol, Synédil, Dipipéron

         

        Autres (P=4)

        Tiapidal, Moditen R., Piportil

         

        NB : Chaque sujet est compté autant de fois que le médicament apparaît.
        (N= nombre de sujets)
        (P=nombre de fois où le médicament est prescrit)

        Le Tableau III précise pour chaque neuroleptique les maladies motifs de la prescription pour les 25 sujets avec maladies somatiques.

        Tableau III : Maladies autres que les troubles mentaux à l’origine des prescriptions de neuroleptiques

        Dogmatil (P=10)

        Neuriplège (P=5)

        Tiapridal (P=2)

        diarrhéee infectieuse

        obésité

        artérite

        cervicalgie

        arthrose

        tremblements

        obésité

        lumbago

        Autres (P=1)

        vomissements

        sclérose en plaques

        Dipiperon

        trisomie 21

        gastralgie

        sciatique

        Orap

        asthénie

        séquelles traumatisme

        Haldol (P=3)

        Nozinan

        séquelle traumatisme

        tumeur de l’oreille

        épilepsie

        Solian

        gastralgie

        ulcère à l’estomac

        séquelle de fracture du crâne

        Synédil

        bronchiolite aigue

        troubles du sommeil

        céphalée

         

        migraine

           

        (P=nombre de fois où le médicament est prescrit)

      3. Comparaison des schizophrènes suivis à l’inserm
        et des sujets recevant un neuroleptique dans l’enquête insee-credes
      4. Parmi les 138 sujets recevant un neuroleptique dans l’enquête INSEE-CREDES, les résultats sont distingués pour les 19 sujets ayant déclaré un diagnostic de psychose.

        1. Comparaison sur le plan sociodémographique
          1. Sexe :
          2. 64% de la population des schizophrènes étudiés à l'Unité 302 sont des hommes.

            Dans la population INSEE-CREDES, on trouve 55 hommes et 83 femmes, soit 40% d’hommes, et parmi les sujets ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’, la proportion d’hommes est de 53%.

          3. Age :
          4. L’âge moyen des schizophrènes est de 40 ans contre environ 47 ans pour la population INSEE-CREDES. La majorité des sujets de la population INSEE-CREDES est dans la classe des 50-59 ans. Pour les sujets ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’, une moitié d’entre eux (10 sujets) ont entre 40 et 49 ans.

          5. Etat matrimonial :
          6. 12% chez les schizophrènes sont mariés contre 62% des sujets de la population INSEE-CREDES. Pour les sujets ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’, 74% d’entre eux sont mariés.

          7. Niveau d’études :
          8. 11% des patients schizophrènes sont de niveau Bac ou supérieur versus 11% de la population INSEE-CREDES, et la même chose pour les sujets ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’.

          9. Activité :
          10. 20% des patients schizophrènes exercent actuellement une activité versus 43% dans la population INSEE-CREDES et 42% chez les sujets ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’.

          11. Consommation de tabac :

          56% des patients schizophrènes sont fumeurs vs. 39% de la population INSEE-CREDES et 57% chez les sujets ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’.

        2. Comparaison sur le plan sanitaire
          1. Hospitalisation durant les 6 mois précédant l’enquête :
          2. 9% des patients schizophrènes,

            12% de la population INSEE-CREDES,

            26% de la population INSEE-CREDES ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’

          3. Séances de généraliste :
          4. 29% des patients schizophrènes

            81% de la en population INSEE-CREDES

            100% de la population INSEE-CREDES ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’

          5. Séances chez un spécialiste :

      18% des patients schizophrènes

      54% de la en population INSEE-CREDES

      79% de la population INSEE-CREDES ayant reçu un diagnostic ‘Etat psychotique’

    3. Commentaires
    4. L’analyse présentée ici des sujets de l’enquête INSEE-CREDES en population générale selon leur diagnostic ou leur consommation de neuroleptique présente plusieurs limites méthodologiques :

      La faiblesse des effectifs concernés par la pathologie mentale sévère rend plus aléatoire les informations relevées.

      L’auto-déclaration des sujets notamment pour ce qui est du diagnostic, ajoute une part d’incertitude sur les données de morbidité.

      1. Mesure de la pathologie mentale sévère
      2. La prévalence des troubles psychotiques relevée dans cette enquête chez les sujets âgés de 18 à 64 ans, évaluée à 0,3%, semble faible. Quelques hypothèses peuvent être émises à ce sujet :

        La reconnaissance par les sujets de pathologies dont l’acceptation est difficile peut être une source de sous-déclaration. Certains sujets qui par exemple se sont déclarés dépressifs ou ont décrit des troubles regroupés sous l’entité de symptômes névrotiques auraient sans doute pu être classés par un psychiatre dans une autre catégorie.

        De par la structure même de l’enquête, tout sujet hospitalisé échappe à l’étude, ce qui contribue aussi à diminuer la prévalence des troubles psychotiques, même si actuellement les sujets en hôpital temps plein à un moment donné sont minoritaires, environ le quart des sujets d’une file active [1].

        Dans les enquêtes de population, ce sont les sujets isolés qui sont les plus difficilement accessibles. Or les sujets psychotiques le sont souvent. Ainsi, les 21 sujets non traités par neuroleptique ne sont que 38% à vivre en couple. L’enquêteur écrit pour annonçer son passage mais ce sont les sujets vivant seuls qui, en général, seront les plus réticents à le recevoir et que l’on aura donc le moins de chance de rencontrer ou de suivre pendant toute la durée de l’enquête. L’échantillon INSEE-CREDES compte au départ 8235 ménages : seuls 7202 sont suivis selon le protocole prévu (au total, cinq visites à un intervalle régulier de trois semaines) : les suivis incomplets concernent ainsi un ménage sur huit.

      3. Prescription de neuroleptiques
      4. Concernant la prescription de neuroleptique, plusieurs constatations se dégagent :

        Il faut d’abord noter que la prescription de neuroleptique touche une partie faible de la population générale (1%), mais que cette prescription présente un champ beaucoup plus large que la pathologie psychotique pour laquelle elle est à priori destinée et va au delà même de la pathologie mentale. Dans l’enquête Lachaux et Gaussarès [3], pour des sujets de secteur public de psychiatrie, la proportion de sujets recevant des neuroleptiques mais ne ressortissant pas du champ de la psychose était de 36%. Ils représentent 86% des sujets de l’enquête INSEE-CREDES.

        Les informations trop parcellaires dont on dispose pour apprécier les raisons de la prescription de neuroleptique pour des sujets hors troubles psychotiques, voire hors trouble mental, doivent inciter à la prudence dans les commentaires. Toutefois, l’indication de neuroleptique dans un champ aussi large que celui trouvé ici avec des tableaux fonctionnels un peu flous peut poser problème.

        Dans des états névrotiques avec décompensation dépressives sévères, l’association antidépresseur / neuroleptique est utilisée assez classiquement pendant des durées brèves.

        De même, certains neuroleptiques sont utilisés dans des pathologies alcooliques.

        Les troubles fonctionnels déclarés ici peuvent recouvrir d’autres pathologies, éventuellement même somatiques, dont le sujet peut avoir du mal à parler, comme le cancer par exemple, où le neuroleptique est parfois utilisé dans un rôle antalgique.

        Il faut souligner qu’il apparaît dans l’enquête, à travers le nombre moyen de boîtes, qu’il semble s’agir d’une consommation beaucoup plus ponctuelle dans le cas des sujets avec troubles somatiques.

        Il semble toutefois qu’il existe peu d’indications thérapeutiques scientifiquement validées pour des usages aussi variés. Les neuroleptiques ont dans l’ensemble des effets secondaires sur la santé des sujets qui doivent rendre leur prescription particulièrement étudiée.

        S’agit-il d’un glissement des prescriptions de benzodiazépines vers les neuroleptiques? Si l’on regarde les médicaments psychotropes autres que neuroleptiques, on voit qu’ils concernent avant tout les sujets avec troubles psychotiques ou les sujets dépressifs et sont prescrits de façon plus marginale pour les sujets avec troubles névrotiques ou somatiques.

        Ces traitements neuroleptiques ont-ils été initiés par le généraliste ou le psychiatre? Avec quelle régularité ont-ils été utilisés au cours des trois mois? A ces questions, il serait intéressant de pouvoir répondre mais les données de l’enquête ne le permettent pas.

      5. Sujets psychotiques non traités par neuroleptique
      6. La proportion de sujets psychotiques non traités par neuroleptique, un peu plus que de sujets traités, est étonnante. Il faut bien sûr avoir en tête les limites méthodologiques énoncées plus haut.

        On constate que les sujets psychotiques traités par neuroleptique sont aussi les plus suivis, aussi bien par un généraliste que par un spécialiste.

        On relève que la différence de consommation de neuroleptique entre les deux groupes n’est pas compensée par une consommation plus importante d’autres classes de psychotropes ; c’est au contraire l’inverse qui est constaté. Les sujets sous neuroleptique sont aussi ceux qui prennent davantage de médicaments psychotropes autres.

        L’incapacité permanente comparable chez les sujets psychotiques sans neuroleptique et chez ceux avec neuroleptique ne vient pas expliquer la différence de prise en charge entre les deux groupes.

        Le fait que les sujets psychotiques traités par neuroleptique apparaissent les moins isolés, vivant notamment plus souvent en couple, et une fois sur deux avec enfant, est probablement une des explications d’un meilleur suivi médical ou d’un suivi médical mieux repéré dans l’enquête.

        Pour les sujets en apparence non traités, une explication possible serait l’existence d’une prise en charge en hôpital de jour. Mais cette hypothèse a peu de chance de s’appliquer d’une part à l’ensemble des 21 sujets et d’autre part, habituellement, le patient achète lui-même son médicament, ce n’est pas l’hôpital de jour qui le lui fournit.

      7. Comparaison à la population schizophrène traitée
      8. La diversité des diagnostics traités par neuroleptique dans l’enquête INSEE-CREDES entraîne des caractéristiques socio-démographiques et cliniques tout à fait différentes de celles des patients schizophrènes suivis dans des secteurs publics de psychiatrie.

        Quand on compare les patients schizophrènes à la population générale dans son ensemble [2], les patients schizophrènes ont plus de consultations tant chez le généraliste que chez le spécialiste et également plus d’hospitalisations au cours des six mois précédant l’enquête. A l’inverse, si l'on compare les patients schizophrènes à la population INSEE-CREDES prenant des neuroleptiques, ce sont ces derniers qui présentent les prises en charges plus nombreuses.

        Si l' on compare les schizophrènes suivis en secteur [2] aux seuls sujets de l’enquête INSEE-CREDES présentant des troubles psychotiques et traités par neuroleptique, on relève davantage de traits parallèles. Dans les deux cas, il s’agit d’une population plus masculine, plus jeune, avec une proportion importante de fumeurs. L’incapacité permanente n’était pas relevée comme telle chez les schizophrènes mais 50% d’entre eux avaient une AAH et 21% une pension d’invalidité. Toutefois, certaines différences sont à noter. Elles concernent la vie familiale, beaucoup plus présente parmi les sujets avec troubles psychotiques, l’activité exerçée qui est aussi beaucoup plus fréquente pour eux, de même que les consultations plus nombreuses tant chez le spécialiste que chez le généraliste. Ces différences mériteraient toutefois si les effectifs étaient plus importants d’être pondérées par le sexe et l’âge.

      9. Conclusions

      En conclusion, c’est probablement pour des pathologies dont la prévalence est faible et la reconnaissance par le sujet lui-même souvent douloureuse que les enquêtes en population générale sans utilisation d’outils standardisés peuvent poser le plus de problème.

      Pour ce qui est de la consommation de neuroleptiques, consommation marginale par rapport à d’autres médications, il serait souhaitable que dans une prochaine enquête, on puisse apprécier plus précisément quel est le prescripteur, et pour quelle durée et quel motif, cette médication est instituée.

    5. Bibliographie
  1. BOISGUERIN B, PARAYRE CL, QUEMADA N. Enquête nationale sur la population prise en charge par les secteurs de psychiatrie générale, 16-29 Mars 1993. Rapport DGS-INSERM CCOMS, Paris -Juillet 94, 43p.
  2. CASADEBAIG F, PHILIPPE A, GUILLAUD-BATAILLE JM., GAUSSET MF, QUEMADA N, TERRA JL. Schizophrenic patients physical health and access to somatic care. Eur Psychiatry, 1997, 12-289-293.
  3. LACHAUX B, GAUSSARES C. Le patient sous traitement neuroleptique. Jama, suppl. Octobre 94, 13p.
  4. LECOMTE T, PARIS V. Consommation de pharmacie en Europe, 1992. Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni. C.R.E.D.E.S., 1994, 2° édition, 124p.
  5. WARNER R, DE GIROLAMO G. Schizophrénie. OMS, 1995.

 

  1. DEUXIEME PARTIE :
    RECHERCHE D’UNE TYPOLOGIE DES USAGES DE PSYCHOTROPES
    EN POPULATION GENERALE
  2.  

    FACY F.(1), RUFFIN D.(2), RABAUD M.(3)

     

    1) Directeur de recherches INSERM

    2) Vacataire INSERM

    3) Ingénieur de recherche INSERM

     

    1. Description des consommations
      1. Description globale des consommations
        1. Information disponible
        2. Les consommations décrites dans l’enquête sur la santé et les soins médicaux concernent uniquement les produits psychotropes licites. Aucune information relative aux usages illicites, produits stupéfiants ou usages détournés de médicaments, n’est disponible. Les données sont déclaratives et peuvent pour des raisons diverses ne pas correspondre à la consommation réelle.

          La tabagie est décrite lors de l’entretien initial. La consommation de médicaments, parmi lesquels les psychotropes, est relevée au cours des trois mois de suivi. Les données relatives aux boissons alcoolisées et à la prise régulière de médicaments psychotropes sont issues du questionnaire final, administré à un sous-échantillon de 7666 sujets (un par ménage). Les analyses réalisées ne tiennent pas compte du léger décalage dans le temps entre ces différentes mesures : les usages, produits et volumes, sont supposés exister à une même date.

          La population de l’étude est celle des 7575 sujets présents lors de l’entretien final.

          Les différents produits étudiés ont des dosages en substances psychotropes très variables. Il est illusoire d’essayer de quantifier les teneurs en substance active à partir de l’information disponible. Les indicateurs de volumes retenus sont le nombre de verres pour les boissons, le nombre de cigarettes et le nombre de boîtes de médicaments acquises pendant l’enquête.

          Signalons que le fichier décrivant les maladies déclarées au cours de l'enquête recense 20 cas de dépendances diagnostiquées parmi les troubles mentaux (rubrique 5 de la C.I.M. 9° révision) : alcoolisme (20 cas), toxicomanie sans autre indication (1 cas). Ceci correspond à une prévalence de la dépendance inférieure à 1%. Ce chiffre, très inférieur aux estimations des experts [9], illustre de manière exemplaire les problèmes posés par la mesure des psychopathologies en population générale, et symbolise d’emblée les limites de cette enquête, qui demeure toutefois intéressante à analyser en terme d’usages généraux, à partir des volumes de consommations déclarés.

        3. Consommation de boissons psychotropes (alcools, café et thé)
          1. Consommation d’alcool
          2. La consommation d’alcool est décrite pour trois types de produits : vin, bière et cidre, apéritifs et autres alcools forts. Le nombre de verres d’alcool bus chaque jour est calculé à partir de ces données de base.

            46% des sujets déclarent boire au moins un verre d’alcool par jour (Figure 1). Le vin est le breuvage le plus courant avec 39% de buveurs. La bière et le cidre sont bus de façon quotidienne par 14% des sujets, les apéritifs et autres alcools forts par 12%.

            L’ancrage rural de la consommation du cidre est sans doute plus marqué que pour la bière, la consommation de cette dernière étant en augmentation, notamment parmi les jeunes. La non distinction entre ces deux boissons constitue sans doute une limite à l’évaluation de la consommation abusive de la frange la plus jeune de la population adulte.

            Figure 1 : Répartition de la population selon le volume d’alcool consommé

            Signalons que la consommation non quotidienne d'alcool n’est pas distinguée de l’abstinence véritable. La mesure privilégie ainsi certains usages d’alcool, notamment la consommation domestique (vins de table), sans oublier les dépendances (consommations quotidiennes abusives). Dans le tableau que l’on peut dresser à partir de ces données, manquent certains usages, épisodiques ou réguliers, correspondant à des rythmes et des modes de consommation différents. C’est en particulier le cas des ébriétés chroniques et des pics de consommation hebdomadaires.

            Une variable distingue les sujets de l’étude selon l’évolution de leur consommation d’alcool (consommation antérieure supérieure à la consommation actuelle). Sont ainsi distingués les abstinents de toujours (47,5%), les sujets ayant arrêté toute consommation quotidienne (6,5%), ceux qui ont réduit le nombre de verres bus chaque jour (10%) et ceux qui au moment de l’enquête consomment chaque jour un volume égal ou supérieur à autrefois (36%).

          3. Consommation de café et de thé

          La consommation quotidienne de café ou thé a également été retenue, vu l’importance de certaines doses quotidiennes. En effet, près de 5% des sujets interrogés déclarent boire au moins six verres de café ou thé par jour.

        4. Consommation de tabac
        5. Les données relatives à la consommation de tabac obéissent aux mêmes règles de relevé que pour l’alcool. La restriction au seul usage quotidien est cependant moins limitative, cet usage étant très répandu parmi les fumeurs adultes. Près de 30% des sujets se déclarent fumeurs réguliers. La majeure partie des fumeurs consomme un demi à un paquet de cigarettes par jour.

          Figure 2 : Répartition de la population selon le volume de tabac consommé

          La série brute de la répartition selon le volume de tabac consommé illustre l’attraction des valeurs rondes (Figure 2). On pourrait sans perte d’information retenir une mesure plus simple, cherchant à distinguer non fumeurs, fumeurs modérés, fumeurs d’un paquet par jour et fumeurs de plus d’un paquet par jour.

          L’évolution de la consommation est déterminée à partir de la durée de la tabagie actuelle ou passée. Près de la moitié des sujets déclare n’avoir jamais fumé de façon quotidienne (Figure 3).

          Figure 3 : Répartition de la population selon l’évolution de la consommation de tabac

        6. Consommation de médicaments
        7. La consommation régulière de médicaments psychotropes est entendue comme la prise de neuroleptiques, d’hypnotiques et sédatifs, de tranquillisants, d’antidépresseurs ou d’autres psychostimulants au moins une fois par semaine et ce depuis plus de six mois. Elle concerne environ 12% des sujets (Figure 4).

          Figure 4 : Répartition de la population selon la durée de la prise régulière de médicaments psychotropes

          Pour près de 4% des sujets, la prise dure depuis plus de dix ans. Ces données ont été analysées lors de précédentes études [10] ; leur exploitation dans le cadre du présent projet reste donc secondaire, permettant d’opérer une distinction entre consommateurs réguliers et autres (Figure 4).

          Le relevé de la consommation de produits pharmaceutiques au cours des trois mois d’enquête élargit le champ d’étude à l’ensemble des acquisitions de médicaments psychotropes déclarées, qu’il s’agisse de prescriptions ponctuelles ou régulières. Ces consommations correspondent à des acquisitions individualisables.

          Figure 5 : Répartition de la population selon le nombre de boîtes de médicaments acquises pendant l’enquête

          Un peu plus de 15% des sujets ont acquis au moins une boîte de psychotropes pendant l’enquête, et près de 5% ont au moins cinq boîtes (Figure 5).

          Les médicaments acquis sont comptabilisés par nombre de boîtes et classe pharmaco-thérapeutique plus ou moins détaillée. Le classement retenu suit la nomenclature de l’EPHMRA :

          Neuroleptiques (classe N05A)

          Hypnotiques et sédatifs (classe N05B)

          Tranquillisants (classe N05C)

          Antidépresseurs (classe N06A)

          Autres psychostimulants (classes N06B à N06E).

          Pendant l’enquête, 10% des sujets ont acquis au moins une boîte de tranquillisants, 6% d’hypnotiques, 4,5% d’antidépresseurs, 1,5% de neuroleptiques et 1,5% d’autres psychotropes.

          Les traitements psychotropes sont la plupart du temps encore en cours à la fin de l’enquête. Seuls 8% des acquisitions correspondent à d’autres situations, fin normale du traitement ou interruption. Certaines situations ne peuvent que très difficilement être précisées, notamment les modifications de traitement et de façon plus large la non consommation de la totalité des produits acquis. Pratiquement, on considérera que chaque sujet ayant acquis des psychotropes a consommé au moins une partie des produits, le nombre de boîtes acquises restituant fidèlement l’importance des doses ingérées.

          La durée de vie d’un médicament pouvant être courte et la mise sur le marché de nouvelles molécules et conditionnements étant régulière, un bref exposé des produits consommés en 1991-1992 n’est pas inutile…

          Les acquisitions les plus fréquentes sont celles de tranquillisants, avec 22 boîtes pour 100 sujets (TemestaÒ , LexomilÒ , SerestaÒ , TranxèneÒ , XanaxÒ , LysanxiaÒ ).

          Viennent ensuite les acquisitions d’hypnotiques et sédatifs (13 boîtes pour 100 sujets : RohypnolÒ , ImovaneÒ , NoctranÒ , HalcionÒ , StilnoxÒ , MepronizineÒ ) et celles d’antidépresseurs (8 boîtes pour 100 sujets : ProzacÒ , AnafranylÒ , LaroxylÒ , AthymilÒ ).

          Les autres familles de médicaments psychotropes sont plus rares : neuroleptiques (3 boîtes pour 100 sujets ; DogmatilÒ , NozinanÒ ), nootropiques (NootropylÒ ).

          1. Prescripteurs et motifs de prescription des médicaments psychotropes

        L’étude des usages de psychotropes élargie aux produits non médicamenteux (alcool, tabac, café et thé) nécessite au préalable une mise au point sur la spécificité des mesures de la consommation de médicaments et sur les liens existant entre cette consommation, les recours aux soins et l’état de santé. L'enquête INSEE-CREDES permet d’associer à chaque acquisition de médicament déclarée la séance médicale au cours de laquelle la prescription a eu lieu et la maladie motif de la prescription.

        Les prescriptions ne sont pas distinguées selon qu’il s’agisse d’un traitement initial ou d’un renouvellement d’ordonnance. Ceci entraîne une imprécision sur les poids respectifs des prescriptions des généralistes et des spécialistes, des médecins de ville et des hospitaliers.

        La médecine générale est le secteur qui a prescrit le plus de traitements psychotropes (85%). Les médecins spécialisés en psychiatrie et neuropsychiatrie ont prescrit près de 10% des traitements.

        Dans le détail, les traitements neuroleptiques sont davantage prescrits par les professionnels de la psychiatrie (19%). Il en est de même des traitements antidépresseurs (17%).

        Les deux tiers des traitements sont prescrits au cabinet du médecin, et 30% au domicile des patients. Le poids des prescriptions en établissement de santé reste minime (2,5%) au sein de la population des ménages ordinaires.

        L’étude des motifs de prescription de psychotropes permet de préciser différents contextes de santé justifiant cette consommation :

        Diagnostic de trouble mental.

        Expression de symptômes et d’états morbides mal définis (troubles du sommeil, fatigue, troubles nerveux, céphalées, etc.).

        Diagnostics autres, correspondant à des maladies organiques.

        Dans l'échantillon des 7575 sujets, 1345 ont acquis au moins une boîte de médicaments psychotropes pendant l'enquête. Par ailleurs, 137 sujets ont déclaré prendre régulièrement des psychotropes depuis au moins six mois, sans en avoir acquis pendant les trois mois du suivi. Si l’on entend par traitement l’acquisition unique ou renouvelée de médicaments destinée à soigner une maladie, la mise en ligne de la nature des acquisitions et des maladies permet de préciser le poids des différents traitements rencontrés en fonction des profils diagnostics.

        On compte 1544 traitements psychotropes lorsque les familles de médicaments ne sont pas distinguées et 2065 lorsqu’elles sont distinguées, avec le détail suivant : 122 traitements neuroleptiques (6% des traitements), 575 hypnotiques (28%), 931 tranquillisants (45%), 318 antidépresseurs (15%), 119 psychostimulants autres (6%). En moyenne, les sujets consommateurs se sont vus prescrire 1,5 traitement.

        Dans l'ensemble, sans distinction de famille, la santé mentale est à l'origine d’un peu plus de la moitié des prescriptions. Les symptômes et états morbides mal définis motivent un tiers des prescriptions, les maladies organiques 13%. Le 1% restant correspond à des motifs non assimilables à une maladie, plus ou moins précis : on identifie plusieurs cas d’antécédents de dépression nerveuse (Tableau IV).

        Tableau IV : Maladies motifs des acquisitions de médicaments psychotropes

         

        Nature des médicaments prescrits

        Maladies motifs
        des acquisitions

        tous
        produits

        neuro-
        leptique

        hypno-
        tique

        tranquil-
        lisant

        antidé-
        presseur

        psychos-
        timulant

        trouble mental

        53%

        69%

        42%

        65%

        93%

        25%

        dont : psychose

        1%

        10%

        1%

        1%

        3%

        1%

        anxiété

        24%

        9%

        16%

        33%

        4%

        5%

        dépression

        24%

        37%

        23%

        26%

        81%

        15%

        autres

        5%

        14%

        3%

        5%

        5%

        5%

        symptômes morbides mal définis

        33%

        9%

        49%

        25%

        2%

        25%

        dont : troubles du sommeil

        25%

        4%

        41%

        21%

        4%

        3%

        fatigue, surmenage

        2%

        2%

        1%

        0%

        1%

        16%

        autres

        5%

        4%

        7%

        4%

        1%

        7%

        autres maladies

        13%

        20%

        8%

        9%

        5%

        45%

        non assimilables à une maladie

        1%

        1%

        1%

        1%

        0%

        5%

        total

        100%

        100%

        100%

        100%

        100%

        100%

        Les antidépresseurs et les neuroleptiques sont prescrits majoritairement pour des sujets présentant un trouble mental, le plus souvent un état dépressif. La prescription de ces deux familles de produits est rare lorsque le motif est un symptôme mal défini (9% et 2%).

        20% des traitements neuroleptiques correspondent à des maladies somatiques (6% à des maladies des os, articulations, muscles, et 7% à des maladies de l’appareil digestif).

        Les deux tiers des traitements tranquillisants concernent un trouble mental, principalement l'anxiété et la dépression. Un quart des traitements tranquillisants sont motivés par des symptômes mal définis, principalement les troubles du sommmeil.

        Le poids de la pathologie mentale est plus faible pour les traitements hypnotiques, qui sont prescrits dans un même ordre de grandeur pour des plaintes liées au sommeil.

        Moins souvent prescrits, les traitements psychostimulants concernent la pathologie mentale une fois sur quatre seulement. Les plaintes liées à la fatigue, à l'asthénie ou au surmenage motivent un traitement sur six. Les maladies les plus souvent rencontrées sont de nature somatique, liées en premier lieu aux troubles de l’appareil circulatoire (28%) et aux troubles respiratoires (7%).

         

         

      2. Description des consommations par sexe et âge
      3. Le sexe et l’âge sont deux variables centrales dans l’analyse, caractérisant fortement tous les usages. Les résultats par âge permettent par ailleurs d’apprécier certaines évolutions de la consommation, bien qu’il soit difficile de faire la part entre effets d’âge et effets de génération.

        Pour chaque produit, est représentée la proportion de consommateurs de sexe et âge donnés. Plusieurs seuils de consommation sont envisagés, afin de situer les consommations les plus élevées dans l’ensemble plus large des consommateurs.

        Les séries présentées sont lissées selon la méthode des moyennes mobiles, ce qui autorise une quantification fine tout en gommant les différences de proportions entre deux années d’âge, qui sont dues aux faibles effectifs à chaque âge.

        1. Consommation quotidienne de boissons psychotropes selon le sexe et l’âge
        2. La déclaration d’une consommation quotidienne d’au moins un verre d’alcool est très fréquente chez les hommes : plus d’un homme sur deux est concerné à partir de 25 ans. La proportion de buveurs dépasse 75% après 55 ans.

          En comparaison, la consommation quotidienne d’alcool est nettement moins répandue chez les femmes : moins de 40% des femmes ayant atteint la quarantaine déclarent une consommation quotidienne. La part des femmes déclarant des doses supérieures ou égales à quatre verres par jour reste inférieure à 5% quelle que soit la tranche d’âge.

          Les différentes courbes que l’on peut établir en fixant des seuils de consommation variant progressivement de "au moins un verre par jour" à "au moins huit verres par jour" apportent des indications sur les variations de l’usage selon l’âge (Figure 6).

          Figure 6 : Pourcentage de consommateurs d’alcool selon le sexe et l’âge

          Hommes ou femmes, les jeunes adultes sont moins nombreux que leurs aînés à boire de l’alcool tous les jours. Ainsi, entre 20 et 35 ans, la proportion de buveurs augmente de façon assez régulière.

          Chez les hommes d’âge avancé, on observe une attitude inverse, allant dans le sens d’une réduction des doses. Ce phénomène est d’autant plus précoce que le seuil de consommation fixé est élevé. Ainsi, la proportion d’hommes buvant au moins deux verres par jour est maximale entre 55 et 65 ans, contre 55 ans pour un seuil de trois verres et 45 ans pour un seuil de six verres. Seule la proportion de consommateurs très modérés (un verre par jour) reste stable après 70 ans.

          Une telle variation n’a pas d’équivalent chez les femmes âgées, consommatrices modérées.

          Deux types de consommation se distinguent nettement : l’une modérée et l’autre élevée. Pour des doses égales ou supérieures à huit verres par jour, les variations de consommation notées pour les doses modérées en fonction de l’âge ne sont plus perceptibles : 5% à 8% des hommes ingèrent de telles doses quel que soit l’âge.

          1. Vins, bière et cidre, alcools forts selon le sexe et l’âge
          2. La consommation quotidienne de vin est essentiellement répandue parmi les générations d’hommes ayant atteint 40 ans. Elle n’est différente de la consommation d’alcool en général que pour les jeunes générations (moins de 35 ans), où moins de 10% des individus boivent chaque jour quatre verres de vin ou plus. La proportion de femmes buvant au moins trois verres par jour n’excède pas 5% quelle que soit la tranche d’âge.

            A l’inverse du vin, la consommation quotidienne de bière est davantage prisée par les jeunes générations. Celle du cidre est sans doute différente, cette boisson étant moins prisée par les jeunes. Les données disponibles ne permettent pas d’en saisir les caractéristiques.

            La consommation de bière et de cidre est moindre chez les hommes âgés d’au moins 50 ans. Elle est également un peu plus faible pour les hommes âgés de 35 à 45 ans. Ces variations concernent essentiellement la prise d’un nombre modéré de verres (un à deux). A des seuils plus élevés, les écarts de consommation selon l’âge sont minimes, une proportion d’environ 5% d’hommes buvant au moins cinq verres de bière ou de cidre par jour entre 20 et 60 ans.

            La dose quotidienne d’apéritifs et autres alcools forts est modérée par rapport au nombre de verres de vin, de bière ou cidre ingérés chaque jour. Notons que les différences selon le sexe et selon l’âge sont moins marquées que pour les autres boissons alcoolisées. Cette régularité tient sans doute à un mode de consommation spécifique, plus convivial.

          3. Evolution de la consommation d’alcool selon le sexe et l’âge
          4. Un second registre de variation apparaît en fonction de l’âge, sensible quel que soit le seuil de consommation fixé. Il s’observe en particulier chez les hommes, que l’on étudie le vin ou la bière, ou encore l’évolution de la consommation. Outre une variation selon l’âge, qui oppose le volume de consommation des jeunes adultes, des adultes et des personnes âgés, on observe différents âges propices à une réduction ou une augmentation de la consommation (Figure 7).

            Figure 7 : Evolution de la consommation d’alcool selon le sexe et l’âge

            La consommation déclarée apparaît maximale entre 30 et 35 ans et vers de 45 ans. Autour et entre ces âges, elle est un peu moindre.

            A partir de 50 ans, une proportion croissante d’hommes déclare avoir bu davantage par le passé. Avant 50 ans, la réduction de la dose quotidienne ou l’arrêt de toute boisson alcoolisée ne concerne qu’une faible fraction de la population masculine. On constate avant tout une diminution de la proportion d’hommes n’ayant jamais bu d’alcool au quotidien.

            Le constat est différent pour les femmes. Les abstinentes de toujours restent largement majoritaires quelle que soit la tranche d’âge. Moindres consommatrices, les attitudes d’arrêt ou de réduction des doses quotidiennes sont relativement peu fréquentes. Cette maîtrise de la consommation consiste davantage en un arrêt de toute prise quotidienne, notamment entre 25 et 35 ans et après 60 ans.

            On voit sans doute ici l’effet de caractéristiques familiales et sociales. Ces variations peuvent trouver une explication avec certains événements ou cycle de la vie active, matrimoniale, féconde, etc.

          5. Consommation de café et de thé selon le sexe et l’âge

          Ces deux boissons sont d’usage courant. Près de la moitié de la populaiton déclare des doses modérées, inférieures à 3 verres par jour. Toutefois une proportion non négligeable (de 5% à 10% de sujets) consomme davantage de café ou thé : chez les hommes, les plus grands consommateurs (plus de 6 verres) se recrutent chez les jeunes, la tranche d’âge des femmes concernées est plus étendue (25 à 45 ans).

        3. Consommation de tabac selon le sexe et l’âge
        4. La consommation de tabac, plus élevée chez les jeunes et chez les hommes, présente des caractéristiques différentes de celles de la consommation d’alcool. Trois catégories de fumeurs peuvent être distinguées en fonction de la dose : les modérés, fumant moins de dix cigarettes par jour, les fumeurs moyens, qui prennent l’équivalent d’un paquet de cigarettes par jour et les grands fumeurs, qui déclarent une consommation supérieure ou égale à 25 cigarettes par jour (Figure 8).

          Figure 8 : Pourcentage de consommateurs de tabac selon le sexe et l’âge

          Cette structuration se retrouve chez les femmes. Cependant, il s’y ajoute un effet de génération. Les plus âgées fument peu en proportion comme en volume : après 50 ans, moins de 10% des femmes consomment plus de dix cigarettes par jour. En revanche, la tabagie des plus jeunes tend à ressembler à celle des hommes, en proportion comme en volume.

          L’évolution de la tabagie selon l’âge oppose jeunes adultes, adultes et personnes âgées.

          Chez les hommes âgés de 40 à 55 ans, on compte près de 40% de fumeurs, 30% d’anciens fumeurs et 30% d’abstinents de toujours. L’arrêt de la tabagie devient la situation prédominante après 60 ans, aux dépens des fumeurs, la part des abstinents de toujours restant relativement stable.

          L’évolution de la tabagie semble différer pour les femmes. Le développement de l’usage étant plus récent, le phénomène est davantage marqué par un effet de génération. Les femmes âgées ont dans l’ensemble très peu fumé (plus de 80% des femmes âgées d’au moins 50 ans). Les jeunes femmes n’ayant jamais fumé restent majoritaires. Entre 25 et 35 ans, environ 45% des femmes déclarent n’avoir jamais fumé de façon quotidienne. La part restante se compose pour les deux tiers de fumeuses actives et le tiers restant de femmes ayant cessé de fumer. Cette dernière attitude distingue les jeunes femmes des hommes de leur génération.

          La tabagie peut également être décrite en fonction de sa durée et de l’âge de début. L’analyse de ces durées pour les fumeurs actuels et les anciens fumeurs permet d’affiner certains points quant à l’évolution de l’usage.

          Figure 9 : Age moyen en début et fin de tabagie selon l’âge actuel

          Pour les hommes jeunes, l’âge au début de la tabagie se situe entre 15 et 20 ans. Il reste inférieur à 30 ans pour les hommes les plus âgés. L’âge au début de la tabagie des jeunes femmes est semblable à celui des hommes. En revanche, les femmes âgées de 45 ans et plus ont en moyenne commencé à fumer plus tard, vers 30 ans pour les femmes ayant 50-64 ans et après 40 ans pour les femmes ayant plus de 65 ans (Figure 9).

          L’âge auquel les anciens fumeurs ont arrêté le tabac n’est pas connu. Si l’on fait l’hypothèse que l’âge au début de la tabagie des anciens fumeurs est peu différent de celui des fumeurs actuels, on obtient pour les hommes et les femmes deux courbes d’âge à l’arrêt de profil comparable. Les femmes, bien qu’ayant commencé à fumer plus tard que les hommes, auraient cessé de fumer aux mêmes âges que les hommes.

        5. Consommation de médicaments psychotropes selon le sexe et l’âge

      Une tendance de fond est à dégager : une plus forte proportion de personnes âgées consomment des médicaments à action psychotrope. Pour les deux sexes, la part des consommateurs progresse sensiblement à partir de 60 ans. Après cet âge, plus d’une femme sur trois a pris des psychotropes, et plus d’un homme sur quatre.

      L’usage est moindre dans la population masculine. Cependant, l’écart entre hommes et femmes est plus réduit lorsqu’on considère un nombre élevé d’acquisitions (5 boîtes et plus) (Figure 10).

      Figure 10 : Pourcentage de consommateurs de médicaments psychotropes par sexe et âge
      (résultats détaillés par nombre de boîtes acquises)

      Les tranquillisants et les hypnotiques, médicaments les plus consommés, contribuent principalement à la surconsommation des personnes âgées (Figure 11).

      Figure 11 : Pourcentage de consommateurs de médicaments psychotropes par sexe et âge
      (résultats détaillés par classe de médicaments)

      Pour les hypnotiques, la proportion de consommateurs augmente avec l’âge de façon régulière.

      L’augmentation intervient plus précocement pour les tranquillisants (vers 40-45 ans chez les hommes et dès la vingtaine chez les femmes. Aux âges élevés, un plafond de consommateurs semble atteint (15% à 20% des hommes et 25% à 30% des femmes).

      La surconsommation des personnes âgées est moins manifeste en ce qui concerne les antidépresseurs et les neuroleptiques. Une tendance à l’augmentation du nombre de consommateurs avec l’âge se double de pics de consommation à des âges spécifiques. C’est le cas des antidépresseurs entre 50 et 65 ans, et des neuroleptiques chez les hommes âgés de 35 à 45 ans.

    2. Analyse typologique des comportements
      1. Typologie des usages
        1. Analyse des correspondances multiples sur les données de consommation
        2. L’analyse des correspondances multiples permet de dégager les grandes tendances en matière d’usage, notamment les associations de produits psychotropes.

          Les données analysées concernent neuf produits. Cinq variables décrivent la consommation quotidienne de produits non médicamenteux (vin, bière et cidre, alcools forts, café et thé, tabac). Quatre autres comptabilisent les acquisitions de boîtes de médicaments (neuroleptiques, hypnotiques et sédatifs, tranquillisants, antidépresseurs et autres psychostimulants).

          Le 1° axe factoriel oppose nettement consommation médicamenteuse et consommation non médicamenteuse. Cette structure est d’autant plus renforcée que différents produits sont consommables au sein d’une même famille (alcools, prescription de plusieurs psychotropes).

          Les modalités contribuant le plus au 1° axe correspondent aux consommations élevées de médicaments : 3,5 boîtes d’antidépresseurs, 5,3 boîtes d’anxiolytiques, 3,9 boîtes d’hypnotiques et 3,1 boîtes de neuroleptiques. Ces catégories de volume s’opposent aux catégories de volumes modérés ou importants des différents alcools et du tabac.

          Le 2° axe oppose les catégories correspondant à l’abstinence et aux faibles consommations et les catégories correspondant aux volumes de consommation élevés.

          Le premier plan factoriel présente ainsi une structure caractéristique en arc de cercle. Le centre du nuage est occupé par les modalités correspondant à l’abstinence vis-à-vis des différents produits, le nuage s’étalant en deux directions opposées, relatives aux usages médicamenteux d’une part et non médicamenteux d’autre part.

          Le 3° axe distingue l’usage des psychotropes non médicamenteux en fonction du volume, opposant les consommations élevées de tabac, des alcools et du café aux consommations modérées ou nulles. Le 4° axe est le pendant du 3° axe en ce qui concerne les médicaments : il oppose les acquisitions importantes d’anxiolytiques, d’hypnotiques et de neuroleptiques à celles modérées ou nulles d’anxiolytiques et d’hypnotiques.

          Le 5° axe correspond à l’association du tabac et du café à doses élevées, opposée à leurs faibles consommations ainsi qu’aux doses élevées d’alcool.

          L’examen du nuage des individus montre une dispersion relative le long des axes. Sur le 1° axe, la dispersion des sujets est orientée dans la direction de la consommation de médicaments. Sur le 2° axe, les sujets projetés laissent supposer l’existence de sous-groupes de gros consommateurs, de médicaments d’une part et d’autres produits d’autre part.

        3. Typologie des usages de psychotropes
          1. Introduction
          2. L’analyse factorielle est prolongée par une analyse de classification automatique des sujets à partir des mêmes variables, pour quantifier les tendances et les sous-groupes suggérés par les premières descriptions.

            Les données exploitées décrivent les consommations quotidiennes de boissons alcoolisées (vin, bière ou cidre, apéritifs et autres alcools forts), de café ou de thé, la consommation quotidienne de tabac et les acquisitions de quatre familles de médicaments psychotropes (neuroleptiques, hypnotiques et sédatifs, tranquillisants, antidépresseurs et autres psychostimulants).

          3. Types d’usages mis en évidence
          4. Après plusieurs essais de classification, 7 groupes sont retenus. Ces groupes se distinguent selon les usages suivants : consommation de médicaments (2 groupes), de tabac, café et thé, d’alcool (4 groupes) et abstinence ou usage modéré (1 groupe).

            Les spécificités des usages des sept groupes issus de la classification automatique sont résumées dans le tableau suivant (Tableau V), qui présente les volumes moyens consommés ainsi que les graphiques qui représentent les quantités consommées.

            Tableau V : Consommations moyennes d’alcool, tabac et médicaments par type d’usage

            Deux groupes sont consommateurs de médicaments : l’un d’hypnotiques et l’autre d’antidépresseurs et tranquillisants.

            Groupe "hypnotiques" : la consommation d’hypnotiques et sédatifs se singularise des autres familles pharmaceutiques. Les individus de ce groupe ont tous fait l’acquisition d’au moins deux boîtes d’hypnotiques pendant l’enquête, près de 30% prenant également des tranquillisants et 15% des antidépresseurs.

            Groupe "antidépresseurs et tranquillisants" : près de 75% des sujets de ce groupe ont acquis des antidépresseurs et 60% des tranquillisants. Par ailleurs, 20% ont consommé des hypnotiques et 10% des neuroleptiques.

            Globalement, le nombre de boîtes de médicaments acquises par les sujets du groupe "antidépresseurs et tranquillisants" (6,9 boîtes) est supérieur à celui du groupe "hypnotiques" (5,7 boîtes - t=2,7 - p<0,01). Les différences de volumes sont significatives pour les hypnotiques et sédatifs (t=-21,1 - p<0,0001), les tranquillisants (t=6,0.- p<0,0001), les antidépresseurs (t=12,4 - p<0,0001) et les autres psychostimulants (t=6,1 - p<0,0001). La différence n’est pas significative pour les neuroleptiques.

            La consommation régulière (prise hebdomadaire depuis au moins six mois) est marquée dans le groupe "hypnotiques", où la prise remonte à 6,5 ans en moyenne. L’ancrage dans la durée est plus limité pour le groupe "antidépresseurs et tranquillisants" (3,7 ans).

            La consommation d’alcool et de tabac est faible dans ces deux groupes, l’abstinence vis-à-vis de l’alcool concernant plus de 60% des sujets et 80% pour le tabac.

            Dans les autres groupes constitués, la consommation de médicaments est très réduite, inférieure ou égale à 0,2 boîte par sujet en moyenne. Deux groupes associent alcool et tabac, un groupe boit uniquement de l’alcool et un groupe réunit majoritairement des fumeurs.

            Deux groupes associent le tabac à une dose d’alcool à la fois plus élevée et plus diversifiée : les buveurs de vins et d’alcools forts (groupe "vins et tabac") se distinguent des buveurs de bière ou de cidre (groupe "bière et autres").

            Groupe "vins et tabac" : ces sujets boivent en moyenne 5,3 verres d’alcool par jour. Tous les sujets de ce groupe sont fumeurs, le nombre moyen de cigarettes étant le plus élevé observé (24 cigarettes). Plus de la moitié des sujets déclarent boire au moins un verre d’alcool fort par jour. Le poids de la bière et du cidre reste limité.

            Groupe "bière et autres" : la dose quotidienne d’alcool est la plus élevée (7,5 verres par jour). Tous les sujets boivent au moins deux verres de bière (ou de cidre) par jour, 60% au moins un verre de vin et près de 30% de l’alcool fort. Près de 60% sont fumeurs. Le volume d’alcool est significativement supérieur à celui du groupe "vins et tabac".

            La surconsommation d’alcool dans ces deux groupes est manifeste par rapport aux autres.

            Un groupe consomme essentiellement du vin (groupe "vin modéré"). La dose quotidienne d’alcool est modérée (3,5 verres en moyenne).

            Seuls 20% des sujets de ce groupe boivent de la bière, la dose quotidienne ne dépassant pas deux verres. Une même proportion déclare boire des apéritifs et autres alcools forts, la dose étant également modérée. Ces buveurs modérés sont pour la majorité non fumeurs, et le nombre de cigarettes par jour reste faible parmi les 20% qui fument.

            Que ce soit le vin, la bière ou le cidre, les alcools forts, le volume consommé dans ce groupe est significativement inférieur aux volumes consommés dans les groupes consommant le plus, et significativement supérieur aux volumes consommés dans les groupes consommant peu ou très peu d’alcool.

            Un groupe déclare fumer sans abuser d’alcool (groupe "tabac seul"). Le volume moyen de café et thé est le plus élevé (proche de 4 verres par jour), significativement supérieur aux volumes des six autres groupes.

            Près de 40% boivent de l’alcool : 25% du vin, 15% de la bière ou du cidre et 10% des alcools forts. Les doses quotidiennes d’alcool restent modérées.

            Le dernier groupe rassemble les abstinents et les faibles consommateurs (groupe "abstinents - consommation faible ou nulle"). Le café et le thé sont les seuls produits consommés (2 verres par jour).

            Un sujet sur quatre environ boit de l’alcool de façon quotidienne, principalement du vin (20%).

            Près d’un sujet sur dix a acquis des tranquillisants, le nombre de boîtes restant inférieur ou égal à deux. La consommation d’autres médicaments est négligeable.

            Près de 15% sont fumeurs, le nombre de cigarettes quotidien restant inférieur à 15.

            Les consommations de ce groupe restent modérées. Les consommateurs de différents produits sont minoritaires par rapport aux abstinents actuels et de toujours. La consommation de médicaments de ce groupe n’est statistiquement pas différente des consommations médicamenteuses des groupes "vin modéré", "vins et tabac", "tabac seul" et "bière et autres". De même, sa consommation de café et thé, de bière ou de cidre et d’alcools forts n’est statistiquement pas différente de celles des groupes "antidépresseurs et tranquillisants" et "hypnotiques".

            Le groupe des abstinents et faibles consommateurs représente une situation de référence intéressante : les membres de ce groupe s’abstiennent au moment de l’enquête de toute consommation excessive. De par la présence de sujets consommateurs modérés pour les produits les plus courants (notamment l’alcool), il constitue sans doute un groupe de comparaison plus valide que les seuls abstinents, dont l’attitude peut correspondre à certains contextes particuliers (contre-indications sanitaires majeures, interdits personnels pouvant ressortir de difficultés au plan psychologique, interdits communautaires, etc.).

          5. Prévalence des usages mis en évidence

        Le groupe des abstinents et faibles consommateurs rassemble un peu moins de 60% de la population (Figure 12). Les consommateurs de vin à dose modérée sont 16%. Les fumeurs ne buvant pas d’alcool ou très peu sont 12%. Les quatre autres groupes, consommateurs de médicaments ou de plusieurs produits non médicamenteux dont l’alcool à doses élevées, constituent des fractions minoritaires mais non négligeables de la population. Leurs poids sont comparables, situés entre 3,5% et 4%.

        Figure 12 : Répartition de la population par type d’usage de psychotropes

        Au total, on compte cinq groupes de forts consommateurs, rassemblant un peu plus du quart de la population :

        Les deux groupes usagers de médicaments rassemblent près de 8% de la population. En moyenne, ils ont consommé l’équivalent d’une boîte par période de quinze jours. Une telle dose peut correspondre à une prise quotidienne, étalée sur toute la période de l’enquête. La consommation est également installée dans la durée.

        Les deux groupes consommateurs d’alcool à dose élevée rassemblent environ 7% de la population. Ce chiffre se rapproche de certaines estimations de la dépendance alcoolique en population générale. Ces deux groupes se situent également parmi les fumeurs et consommateurs de café et thé. L’attrait des substances psychotropes se traduisant par une diversité des consommations et l’importance des doses.

        Le groupe consommateur de tabac se distingue également par le volume plus élevé de café et de thé consommé.

      2. Tableau sociodémographique et sanitaire des groupes d’usagers
      3. Voir l'annexe V-A du rapport (Tome 2) pour le descriptif détaillé des caractéristiques sociodémographiques et sanitaires des groupes issus de la typologie.

        1. Groupes consommateurs d’alcool, de tabac et de café ou thé à doses élevées
          1. Groupe "vins et tabac" : 3,5% de la population
          2. Ce groupe est composé de 90% d’hommes. L’âge moyen de ce groupe est de 44 ans (contre 45,6 dans l’ensemble).

            Tous fument du tabac quotidiennement, dont 83% plus de 20 cigarettes par jour. La consommation actuelle de boissons alcoolisées est de 5,3 verres par jour.

            30% vivent dans le sud de la France (contre 22% pour l’ensemble de la population étudiée). Les ouvriers sont nettement surreprésentés (44% contre 26% pour la population étudiée) ainsi que la catégorie des artisans, commerçants et chefs d’entreprise (13% contre 7%).

            La mise en évidence de ce groupe témoigne de la fréquence des surconsommations d’alcool dans la population masculine. L’alcool est régulièrement associé au tabac et au café.

          3. Groupe "bière et autres" : 3,5% de la population
          4. Ce groupe comprend 90% d’hommes. L’âge moyen de ce groupe est relativement jeune (41ans contre 46,5 dans l’ensemble)  : 52% ont moins de 40 ans.

            La consommation actuelle de boissons alcoolisées est de 7,4 verres par jour. 61% sont fumeurs.

            60% vivent dans le Bassin Parisien, le Nord et l’Est de la France (contre 35% pour l’ensemble de la population étudiée). 38% vivent en mileu rural (contre 26% dans l’ensemble). Les agriculteurs sont surreprésentés (13% contre 6% dans l’ensemble), de même que les ouvriers (50% contre 26% dans l’ensemble).

            Ce groupe consomme de l’alcool ou de la bière à dose élevée. Une majorité y associe également le tabac. Cet usage concerne principalement des hommes, issus des milieux ouvriers et ruraux. ainsi que de jeunes consommateurs, davantage tournés vers la bière que vers les vins.

          5. Groupe "tabac seul" : 12% de la population

          Ce groupe est composé de 54% d’hommes. Les trois quarts ont moins de 40 ans (contre 53% dans l’ensemble).

          Tous sont fumeurs (un paquet par jour en moyenne). Le nombre moyen de verres de café ou de thé est de 3,8 par jour, volume le plus élevé observé. Près de 60% s’abstiennent de toute consommation quotidienne d’alcool au moment de l’enquête.

          Les ouvriers et les employés sont surreprésentés (62% contre 52% pour la population étudiée). 39% des individus de ce groupe sont célibataires. 71% occupent un emploi.

          La mise en évidence de ce groupe témoigne de la fréquente association du tabac et du café ou du thé, notamment chez les jeunes des deux sexes.

        2. Groupes consommateurs de médicaments
          1. Groupe "antidépresseurs et tranquillisants" : 4% de la population
          2. Ce groupe est composé de 68% de femmes. L’âge moyen de ce groupe est de 55 ans (contre 45,6 dans l’ensemble).

            58% déclarent prendre des psychotropes depuis au moins six mois. Pendant l’enquête, 73% ont acquis des antidépresseurs et 58% des tranquillisants.

            78% sont non fumeurs et 64% ne consomment pas d’alcool au quotidien.

            97% ont eu recours à un médecin pendant l’enquête. 60% estiment leur état de santé général moyen ou mauvais, contre 27% dans l’ensemble. 82% ont déclaré au moins 5 maladies pendant l’enquête.

            77% présentent des troubles mentaux : dans 80% des cas, il s’agit de dépression.

            Le niveau scolaire atteint est le primaire pour près de la moitié de ce groupe (contre 34% pour la population étudiée). 18% sont veuf(ve)s, contre 9% dans l’ensemble.

            Ce groupe consommateur de médicaments, bien que plus âgé que la population générale, recrute dans les différentes classes d’âge. La dimension psychopathologique est manifeste.

          3. Groupe "hypnotiques" : 3,5% de la population

Ce groupe est composé de 64% de femmes. L’âge moyen 63ans (contre 46,5 dans l’ensemble). 40% ont atteint l’âge de 70 ans (contre 13% dans l’ensemble).

Tous ont acquis des hypnotiques pendant l’enquête, 31% des tranquillisants et 14% des antidépresseurs. 76% déclarent une consommation régulière de psychotropes depuis au moins six mois.

83% sont non buveurs et 59% ne consomment pas d’alcool au quotidien.

95% ont eu recours à un médecin pendant l’enquête. 66% estiment leur état de santé général moyen ou mauvais. 91% ont déclaré au moins cinq maladies pendant l’enquête. 40% présentent des troubles mentaux : l’anxiété et la dépression apparaissent à part égale. 72% ont déclaré des symptômes mal définis.

55% sont retraités (contre 22% pour l’ensemble de la population étudiée). 32% sont veuf(ve)s, contre 9% dans l’ensemble. Le niveau scolaire atteint est le primaire pour 61% des individus (contre 34% dans l’ensemble).

L’état de santé défavorable de ce groupe est corrélé à son âge élevé. La composante somatique des problèmes de santé est marquée. Parmi les diagnostics de troubles mentaux, les symptômes mal définis sont plus répandus que dans l’ensemble (72% contre 27%) de même que l’anxiété (19% contre 7%).