CONSOMMATION DE PSYCHOTROPES
ET MORBIDITE
EN POPULATION GENERALE :
INDICATEURS DE SANTE MENTALE
TOME 1
ANALYSE SECONDE DES DONNEES
DE L'ENQUETE INSEE-CREDES SUR LA SANTE ET LES SOINS MEDICAUX 1991-1992
F. FACY, F.CASADEBAIG, JM THURIN
Sous la direction de D. WIDLÖCHER, Directeur de l'unité INSERM U302
CONVENTION ENTRE LA MISSION INTERMINISTERIELLE RECHERCHE EXPERIMENTATION ET L'INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE
CONSOMMATION DE PSYCHOTROPES
ET MORBIDITE
EN POPULATION GENERALE :
INDICATEURS DE SANTE MENTALE
TOME 1
ANALYSE SECONDE DES DONNEES
DE L'ENQUETE INSEE-CREDES SUR LA SANTE ET LES SOINS MEDICAUX 1991-1992
F. FACY1, F.CASADEBAIG1, JM THURIN2
Sous la direction de D. WIDLÖCHER,
Professeur de Psychiatrie, Directeur de l'Unité INSERM U302
1
Chercheurs INSERM, 44, Chemin de Ronde, 78116 LE VESINET CEDEX
Avant-propos
Dans le contexte des études décennales menées par lINSEE et le CREDES, des échantillons importants, représentatifs de la population générale adulte résidant en France, permettent danalyser les tendances générales de la consommation médicale en fonction des données de morbidité.
Linvestissement en compétences et matériel statistique pour organiser, recueillir et analyser de telles informations est important et mérite une mobilisation de plus en plus grande des équipes de recherche issues de différentes disciplines sintéressant à la santé, de la clinique avec ses différentes spécialités, à lépidémiologie, la sociologie ou la santé publique.
Une façon de susciter lintérêt déquipes de recherche a été, dès 1986, de proposer des analyses secondes, après lexploitation principale de lenquête générale, conformément aux commandes des administrations.
Pour lenquête de 1991-1992, parmi les axes retenus, "la santé mentale et lépidémiologie du bien-être" constitue le thème proposé en priorité aux chercheurs en psychopathologie, comme léquipe dépidémiologie en santé mentale de lUnité 302 de lINSERM, sous la responsabilité du professeur D.Widlöcher.
Cet axe concerne une approche large des questions de santé mentale, non limitée à des troubles psychiatriques bien identifiés, mais en considérant également des indicateurs dexpression de mal être, pouvant être associés à des difficultés dexistence.
INTRODUCTION
FACY F.(1), CASADEBAIG F.(2), THURIN JM.(3)
1) Directeur de recherche INSERM
2) Chargée de recherche INSERM
3) Médecin - Fédération Française de Psychiatrie - Ecole de Psychosomatique
OBJECTIFS GENERAUX DE L'ETUDE
Les études décennales menées par l'INSEE et le CREDES pour analyser les tendances de la consommation médicale en fonction des données de morbidité s'enrichissent progressivement d'apports complémentaires d'autres équipes de recherche, pour rentabiliser les investissements liés à de telles enquêtes et mieux répondre aux attentes sociales. Le thème "Santé mentale et épidémiologie du bien-être", retenu par la MIRE pour des analyses secondes de l'enquête de 1991-1992 a suscité la mobilisation d'un groupe de chercheurs et de cliniciens autour de l'équipe d'épidémiologie en santé mentale de l'INSERM U302 ("Psychopathologie et pharmacologie des comportements"). Trois directions d'études sont proposées
Etude des sujets recevant une prescription de neuroleptiquesLa quasi totalité des études ayant trait à la pathologie mentale sévère portent, en France, sur l'analyse de patients à partir des lieux de soins. En effet, la prévalence des maladies psychiatriques sévères est faible. La majorité des études internationales situe par exemple la prévalence de la schizophrénie à moins de 1%. Il s'ensuit qu'il est difficile de mener des études sur les malades mentaux sévères à partir de la population générale. Le nombre de personnes à contacter, pour atteindre un nombre suffisant de malades et obtenir des résultats fiables, dépasse les possibilités matérielles de la plupart des équipes de chercheurs.
L'enquête INSEE-CREDES offre l'opportunité d'aborder, à partir de la population générale, une population présentant des troubles mentaux sévères. Cette population peut être cernée à travers une médication particulière, celle des neuroleptiques. La prescription de neuroleptiques n'implique pas obligatoirement un diagnostic spécifique, mais, chez des sujets de 18 à 64 ans, suppose néanmoins une pathologie mentale avérée sévère.
Il est évident que les sujets de la population générale nécessitant une médication neuroleptique sont aussi des consultants de lieux de soins comme le prouve leur prescrition de neuroleptiques. Néanmoins, l'approche hors institutions, de sujets présentant des troubles suffisamment sévères pour nécessiter un type de médication semblable à celle prescrite aux patients schizophrènes offre une base comparative précieuse pour apprécier les données obtenues sur des patients schizophrènes à partir des lieux de soins.
Dans le contexte général français d'usages importants de produits psychotropes licites, en vente libre, comme lalcool ou le tabac, ou prescrits dans un contexte thérapeutique, il sagit détudier la répartition des différents usages dans les segments de la population générale, danalyser les associations, et de rechercher lexistence de typologie des usages, pour lensemble des produits licites. Le potentiel de description complète des comportements de consommation jusquà la dépendance sera testé pour une telle enquête en population générale.
De plus, au delà de la description synthétique des usages, le projet vise à étudier la mise en relation des usages des substances psychotropes (prescrits ou non) avec un contexte de souffrance psychique et de besoins exprimés au niveau de la santé mentale.
Une deuxième
analyse se limite aux jeunes adultes (20-35 ans), pour lesquels les résultats seront confrontés à ceux dune étude faite en collaboration avec la CPAM auprès de consultants ayant bénéficié d'un bilan de santé. Cette comparaison devrait tester la représentativité des sujets ayant un examen de santé par rapport à une population générale et la validité des corrélations au niveau de la graduation des usages de substances psychotropes (de l'expérience unique à la répétition régulière), de leurs associations éventuelles et des contextes spécifiques à de jeunes adultes qui permettent d'orienter des actions de prévention.L'analyse des éléments concernant la santé mentale repose sur l'exploitation du questionnaire "anxiété, sommeil, irritabilité" de l'enquête. A partir des sujets déclarant des symptômes de mal être à des niveaux plus ou moins importants, un premier objectif est de dégager une typologie. La confrontation de cette typologie aux pathologies mentales déclarées par ailleurs doit permettre de juger de sa validité globale. Cette analyse s'intègre dans une recherche plus globale des déterminants de l'expression du mal être, mettant en jeu les données de morbidité, de recours aux soins, de consommation de psychotropes, les variables sociodémographiques ainsi que les les données relatives aux événements de vie personnels. Il s'agit également de situer l'influence de l'exposition à un événement marquant récent ou dans l'enfance sur l'expression du mal être et la consommation de psychotropes : les événements récents seront analysés en recherchant des événements pendant l'enfance ou des conditions affectives particulières (carences affectives du même ordre que les situations actuelles et susceptibles de créer des conditions de vulnérabilité particulière).
Pour coordonner lensemble des travaux entre les équipes, les réunions de travail nécessitent une plate-forme technique sur le site du Vésinet, en lien avec le service commun SC25 de lINSERM, et sous la responsabilité de D. Ruffin, démographe.
Compte tenu du volume de données à traiter, les vacations sont entièrement consacrées aux travaux informatiques pour transporter le fichier disponible à lINSEE sur le matériel VAX 4000 du service informatique SC25 de lINSERM. Les premiers contacts pris par F. Laurent (SC25) avec P. Mormiche (INSEE) révèlent des problèmes importants de compatibilité de matériel informatique et de lecture de fichiers. Plusieurs solutions sont envisagées, jusquà lachat de nouveaux matériels (PC) équipé du système SAS, pour finalement aboutir à la transmission totale du fichier original sur bande magnétique par lintermédiaire du centre informatique de Lille de lINSEE. Deux envois successifs sont nécessaires pour procéder enfin à une lecture des données à partir de léquipement lourd (VAX 4000) de lINSERM.
Ces difficultés ne sont pas spécifiques à cette enquête, elles proviennent essentiellement des procédures différentes empruntées par les organismes nationaux INSEE ou INSERM en matière denregistrement, de stockage et de lecture des données.
A la fin de lété 96, les bases de lINSEE sont accessibles. Deux vacataires démographes sont spécialement affectés à son interrogation.
Les données se composent de 16 tableaux SAS, correspondant aux différents niveaux dinvestigation de lenquête (ménages, individus, recours aux soins, maladies, ). Ces tables sont brutes et nécessitent une mise en forme préalable avant toute exploitation statistique.
Des contacts sont pris avec le CREDES afin de mettre à disposition de lINSERM les nomenclatures informatisées nécessaires à lexploitation des fichiers des maladies et des acquisitions pharmaceutiques.
Voir l'annexe I ("Présentation de l'enquête et mise en forme des données") pour plus de détails sur les populations étudiées et les synthèses de l'information effectuées au niveau individuel.
Cette phase préparatoire demande un temps important et une formation spécifique auxquels les professionnels de la santé mentale et les psychiatres ne sont pas particulièrement habitués.
A partir de son thème de recherche, chaque équipe a prolongé sa réflexion par un travail à partir des analyses en population générale INSEE-CREDES. Chaque thème est défini avec un responsable chargé de guider les analyses statistiques, danimer un groupe de réflexion et de mener des travaux bibliographiques afin de relativiser les données en population générale :
Etude des schizophrènes : F. Casadebaig (INSERM U302)
Etude des usages de psychotropes : F. Facy (INSERM U302)
Etude des composantes psychosomatiques de la santé : Dr J-M. Thurin (Ecole de Psychosomatique, Fédération Française de Psychiatrie.)
Pour le premier thème, létude dune cohorte de patients schizophrènes sous neuroleptiques a été prolongée par lobservation en population générale des sujets sous neuroleptique et des sujets psychotiques.
Pour le second thème, une étude parallèle avec la CPAM de Paris sur un échantillon dadultes de moins de 35 ans a été menée avec deux étudiants de MASS Dauphine.
Pour le troisième thème, les analyses en population générale sintègrent dans une perspective plus large, faisant intervenir lobservation clinique et les travaux médicaux et scientifiques traitant de la santé mentale sous le triple aspects des pathologies, des comportements de soins et du contexte des événements personnels.
Lintégration de lexploitation de lenquête en population générale se fait progressivement dans lensemble des travaux de recherche de léquipe, par rapport aux autres enquêtes, faites sur des lieux de soins notamment. Les enquêtes bénéficient mutuellement des analyses bibliographiques et des réflexions des groupes de travail, suivant le schéma général suivant (Tableau I) :
Tableau I : Populations et lieux dobservations (1996-1998)
INSERM U.302 Equipe dEpidémiologie
POPULATION GENERALE |
POPULATIONS TRAITEES |
|||
Toxicomanie |
Alcoolisme |
Suicide |
Maladie Mentale |
|
Analyses secondes de lenquête INSEE-CREDES Examens de santé (CPAM) |
Base de données nationale auprès des centres spécialisés et des antennes en milieu carcéral |
Clientèle des centres d'hygiène alimentaire d'alcoologie (ANPA) |
Services d'urgence hospitaliers Registre de mortalité |
Cohorte de patients schizophrènes secteurs psychiatriques |
Milieu scolaire (CNPERT) |
Suivi des sujets bénéficiant de prescription de méthadone (93-97) Cohorte de toxicomanes vus en services hospitaliers |
Suivi de sujets vus en CHAA |
CASADEBAIG F.(1), PHILIPPE A.(2), RUFFIN D.(3), LECOMTE TH.(4)
1) Chargée de recherche INSERM
2) Ingénieur d'études INSERM
3) Vacataire INSERM 4) Directeur de recherches CREDES
Contexte de la recherche, objectifs et méthodologie Contexte de la recherche
La quasi totalité des études ayant trait à la pathologie mentale sévère portent, en France, sur l'analyse de patients à partir des lieux de soins. En effet, la prévalence des maladies psychiatriques sévères est faible. La majorité des études internationales situe la prévalence de la schizophrénie par exemple, à moins de 1% [5]. Il s'ensuit qu'il est difficile de mener des études sur les malades mentaux à partir de la population générale. Le nombre de personnes à contacter, pour atteindre un nombre suffisant de malades et obtenir des résultats fiables, dépasse les possibilités matérielles de la plupart des équipes de chercheurs.
L'enquête INSEE-CREDES offre l'opportunité d'aborder, à partir de la population générale, une population présentant soit des diagnostics psychiatriques, soit une consommation de médicaments [4], les neuroleptiques, qui sont plus spécialement destinés aux sujets présentant une pathologie neurologique ou psychiatrique. Elle permet en conséquence de comparer ces sujets de la population générale à des sujets suivis dans des lieux de soins spécialisés et plus spécialement, de comparer à des patients schizophrènes, âgés de 18 à 64 ans, étudiés par l'Unité 302 de l'INSERM depuis 1993, avec le soutien du Groupe Français d'Epidémiologie Psychiatrique (GFEP) [2]. Lune des principales caractéristiques de ces patients schizophrènes suivis en secteur de psychiatrie générale est la consommation de neuroleptiques : presque tous les patients de l'enquête (97%) prennent au moins un neuroleptique.
Le premier objectif de létude est de repérer dans léchantillon de la population française étudié les sujets présentant un diagnostic de schizophrénie ou de psychose.
Le second objectif est de comparer par diagnostic les sujets prenant des neuroleptiques.
Le troisième objectif est de comparer une population générale traitée par neuroleptique, à la population des schizophrènes suivis dans des secteurs de psychiatrie générale.
Le questionnaire utilisé dans l'enquête INSERM a été conçu pour pouvoir comparer les données de consommations de soins avec celles de l'enquête INSEE-CREDES, mais linformation sur la prescription de médicaments psychotropes reçus par le patient est fournie par le psychiatre concerné dans lenquête INSERM, et il en est de même pour les maladies.
Dans lenquête INSEE-CREDES, il sagit dune auto-déclaration par le sujet interrogé :
A chaque passage de lenquêteur, une question est posée concernant lachat ou lobtention gratuite de produits pharmaceutiques avec ou sans ordonnance. Après la visite initiale, un passage a lieu toutes les trois semaines, donc il y a quatre passages au cours de lenquête dont lobservation sétend sur trois mois.
Au cours de la visite initiale, une carte listant 27 rubriques de maladies, troubles de la santé, handicaps et infirmités est soumise au ménage, et les maladies de chacun des membres du ménage sont repertoriées. Ce bilan de morbidité est complété au cours des passages successifs par le relevé des maladies incidentes et par des questions systématiques ayant trait aux maladies motivant un recours aux soins. Chaque dossier individuel fait lobjet dun examen par un médecin de léquipe médicale du CREDES.
Les données de lenquête INSEE-CREDES analysées sont relatives à la population ayant déclaré un trouble psychiatrique et à la population ayant déclaré au moins une acquisition de médicaments neuroleptiques au cours de lenquête. Les informations sont extraites des différentes bases transmises par lINSEE et le CREDES (données individuelles, consommations de soins médicaux, fichier corrigé des maladies du CREDES).
Un examen au cas par cas des pathologies à lorigine de ces acquisitions de neuroleptiques et de lensemble des maladies des sujets consommateurs de neuroleptiques a été réalisé afin de mieux apprécier létat de santé de cette population.
Dans l'enquête INSEE-CREDES, sur un effectif étudié de 21585 personnes, 69 personnes ont déclaré un diagnostic de psychose, dont deux cas de schizophrénie.
Dans les classes d'âges 18-64 ans, sur un effectif de 13188 personnes, on relève 40 personnes avec un diagnostic de psychose, soit une prévalence de 0,3%.
Parmi ces 40 personnes, 19 ont une prescription de neuroleptique et 21 n'en ont pas.
Des différences sont relevées entre les deux groupes mais qui natteignent pas la significativité statistique en raison des faibles effectifs.
La répartition par sexe est identique dans les deux groupes, 52% dhommes.
Les sujets psychotiques qui reçoivent des neuroleptiques vivent plus souvent en couple (84% vs. 38%). Ils sont aussi plus souvent mariés (74% vs. 38%).
Le recours au système de soins apparaît plus important pour les sujets recevant des neuroleptiques, quil sagisse des séances médicales, des hospitalisations ou de lacquisition de médicaments psychotropes autres que les neuroleptiques.
Ils ont été plus nombreux à avoir une hospitalisation dans les six mois avant l'enquête (5 sujets sur les 19 traités vs. 2 sujets sur les 21 non traités) et pendant les trois mois de l'enquête (3 sujets sur les 19 traités et aucun parmi les 21 non traités).
La totalité des sujets avec neuroleptique ont eu une séance avec un médecin alors que 38% des sujets sans neuroleptique n'en ont pas eu (8 sujets). Les premiers ont en moyenne 4,5 consultations, contre 2 chez les sujets sans neuroleptique. Les séances chez un spécialiste concernent plus de sujets avec neuroleptique que de sujets sans neuroleptique (79% vs. 33%).
Enfin, les sujets avec neuroleptique sont plus nombreux à avoir également acquis d'autres médicaments psychotropes : 47% ont acquis des hypnotiques vs. aucun chez les sujets sans neuroleptique, 63% ont acquis des tranquillisants (vs. 29%) et 74% ont acquis des antidépresseurs (vs. 29%).
Lactivité professionnelle et lincapacité permanente concernent à peu près la même proportion de sujets dans les deux groupes.
Une activité professionnelle concerne 42% des sujets traités vs. 38% des sujets non traités par neuroleptique.
Une incapacité permanente concerne 44% des sujets traités vs. 39% des sujets non traités par neuroleptique.
138 personnes ont déclaré consommer des neuroleptiques. Pour ces sujets, on trouve quatre groupes diagnostiques à lorigine de ces prescriptions :
19 sujets (14%) avec un diagnostic de psychose (dont deux schizophrènes)
66 sujets (48%) avec un diagnostic de dépression
28 sujets (20%) avec un diagnostic de névrose
25 sujets (18%) avec un diagnostic de maladie somatique
Parmi les 25 sujets ne déclarant pas de trouble mental, les pathologies somatiques relevées sont les suivantes :
diarrhée infectieuse
tumeurs de loreille
obésité (2 cas)
trisomie
sclérose en plaque, épilepsie, migraines
cervicalgie, sciatique
bronchiolites aigue
ulcère d'estomac, gastralgies (2 cas)
artérite
arthrose, lumbago
trouble du sommeil, asthénie, tremblements, céphalées, vomissements
sequelles de traumatisme (3 cas dont 2 du crâne)
La comparaison des quatre groupes diagnostiques donne les résultats suivants, sans que les différences relevées soient significatives statistiquement (faibles effectifs).
Il y a plus d'hommes parmi les psychotiques (53% vs. 36% chez les dépressifs comme chez les névrotiques et 44% chez les sujets avec troubles somatiques).
La moyenne dâge, 46 ans pour les psychotiques et pour les sujets avec troubles somatiques, est un peu plus jeune que pour les sujets avec troubles névrotiques, 47 ans et que pour les sujets dépressifs 49 ans.
Ce sont les psychotiques qui vivent le plus souvent en couple (84% vs. 68% chez les névrotiques, 67% chez les dépressifs et 56% chez les sujets avec troubles somatiques).
Ce sont les sujets avec troubles somatiques qui sont les plus nombreux à avoir un niveau de diplôme égal ou supérieur au baccalauréat (24% vs. 11% chez les psychotiques et les dépressifs et 4% chez les névrotiques).
Ce sont aussi les sujets avec troubles somatiques qui sont les plus nombreux à exercer une activité au moment de lenquête (52% vs. 42% chez les psychotiques, 32% chez les dépressifs et 29% chez les névrotiques).
Ce sont les sujets avec troubles névrotiques qui sont les plus nombreux à ne pas avoir d'enfant de 16 ans ou moins au moment de lenquête (82% vs. 71% chez les dépressifs, 68% chez les sujets avec troubles somatiques et 47% chez les psychotiques).
Une hospitalisation dans les six mois précédant l'enquête a plus souvent eu lieu pour les sujets avec troubles psychotiques (26% vs. 14% pour les sujets avec troubles névrotiques, 11% pour les sujets avec troubles dépressifs, aucun des 25 sujets avec troubles somatiques n'en ayant eu).
Une hospitalisation pendant l'enquête a plus souvent eu lieu également pour les sujets avec troubles psychotiques (24% vs. 18% pour les sujets avec troubles névrotiques, 13% pour les sujets avec troubles somatique et 9% pour les sujets avec troubles dépressifs).
Une incapacité permanente est surtout notée pour pour les sujets avec troubles psychotiques (44% vs. 43% pour les sujets avec troubles névrotiques, 29% pour les sujets avec troubles dépressifs et 12% pour les sujet avec troubles somatiques).
Tous les sujets avec troubles psychotiques, tous les sujets avec troubles somatiques, 96% des sujets avec troubles névrotiques et 94% pour les sujets avec troubles dépressifs ont eu au moins une séance de médecins au cours de l'enquête.
79% des sujets avec troubles psychotiques ont eu au moins une consultation avec un spécialiste vs. 58% des sujets dépressifs, 46% des sujets avec troubles névrotiques et 36% des sujets avec troubles somatiques.
Le nombre moyen de boîtes de neuroleptiques acquises pendant lenquête varie peu entre les groupes avec trouble mental : 4 boîtes en moyenne pour les sujets avec trouble psychotique, 3,8 boîtes pour les sujets dépressifs et 4,2 pour les sujets avec troubles névrotiques. Le nombre moyen de boîtes est par contre plus bas pour les sujets avec troubles somatiques (2,7 boîtes).
Le nombre moyen de boîtes de médicaments psychotropes autres que les neuroleptiques est assez semblable entre les sujets avec troubles psychotiques (9,6 boîtes) et les sujets dépressifs (8,5 boîtes). Ce nombre diminue sensiblement pour les sujets avec troubles névrotiques (2 boîtes) et les sujets avec troubles somatiques (0,9 boîte).
Si on regarde ces médicaments psychotropes autres que neuroleptiques, on constate que les sujets avec troubles psychotiques figurent parmi les plus forts consommateurs, mais également les sujets avec troubles dépressifs. 47% des sujets avec troubles psychotiques, 36% des sujets avec troubles dépressifs, 25% des sujets avec troubles névrotiques et 4% des sujets avec troubles somatiques ont acquis au moins une boîte dhypnotiques et sédatifs. 63% des sujets avec troubles psychotiques et 73% des sujets avec troubles dépressifs ont acquis au moins une boîte danxiolytiques, contre 36% des sujets avec troubles névrotiques et 12% des sujets avec troubles somatiques. 74% des sujets avec troubles psychotiques et 64% des sujets avec troubles dépressifs ont acquis au moins une boîte dantidépresseur, contre aucun sujet avec trouble névrotique et 4% des sujets avec troubles somatiques.
Le Tableau II précise la nature des neuroleptiques prescrits pour les trois catégories diagnostiques relatives aux troubles mentaux.
Tableau II : Neuroleptiques prescrits selon le diagnostic de trouble mental
Psychoses (N=19) |
Dépression (N=66) |
Névrose (N=28) |
Tercian (P=8) |
Haldol (P=14) |
Haldol (P=6) |
Largactil (P=6) |
Dogmatil (P=12) |
Dogmatil (P=6) |
Nozinan (P=3) |
Tercian (P=10) |
Nozinan (P=4) |
Haldol (P=2) |
Nozinan (P=9) |
Solian (P=4) |
Modecate (P=1) |
Solian (P=4) |
Neuleptil (P=2) |
Neuleptil (P=1) |
Neuleptil (P=4) |
Tercian (P=2) |
Fluanxol (P=1) |
Largactil (P=2) |
Tiapridal (P=2) |
Piportil (P=1) |
Orap (P=2) |
Melleril, Dipiperon, Modecate |
Majeptil (P=1) |
Melleril (P=2) |
Synédil, Orap, Neuriplege |
Terfluzine (P=1) |
Opiran, Fluanxol, Synédil, Dipipéron |
|
Autres (P=4) |
Tiapidal, Moditen R., Piportil |
NB : Chaque sujet est compté autant de fois que le médicament apparaît.
(N= nombre de sujets)
(P=nombre de fois où le médicament est prescrit)
Le Tableau III précise pour chaque neuroleptique les maladies motifs de la prescription pour les 25 sujets avec maladies somatiques.
Tableau III : Maladies autres que les troubles mentaux à lorigine des prescriptions de neuroleptiques
Dogmatil (P=10) |
Neuriplège (P=5) |
Tiapridal (P=2) |
|
diarrhéee infectieuse |
obésité |
artérite |
|
cervicalgie |
arthrose |
tremblements |
|
obésité |
lumbago |
Autres (P=1) |
|
vomissements |
sclérose en plaques |
Dipiperon |
trisomie 21 |
gastralgie |
sciatique |
Orap |
asthénie |
séquelles traumatisme |
Haldol (P=3) |
Nozinan |
séquelle traumatisme |
tumeur de loreille |
épilepsie |
Solian |
gastralgie |
ulcère à lestomac |
séquelle de fracture du crâne |
Synédil |
bronchiolite aigue |
troubles du sommeil |
céphalée |
||
migraine |
(P=nombre de fois où le médicament est prescrit)
Parmi les 138 sujets recevant un neuroleptique dans lenquête INSEE-CREDES, les résultats sont distingués pour les 19 sujets ayant déclaré un diagnostic de psychose.
64% de la population des schizophrènes étudiés à l'Unité 302 sont des hommes.
Dans la population INSEE-CREDES, on trouve 55 hommes et 83 femmes, soit 40% dhommes, et parmi les sujets ayant reçu un diagnostic Etat psychotique, la proportion dhommes est de 53%.
Lâge moyen des schizophrènes est de 40 ans contre environ 47 ans pour la population INSEE-CREDES. La majorité des sujets de la population INSEE-CREDES est dans la classe des 50-59 ans. Pour les sujets ayant reçu un diagnostic Etat psychotique, une moitié dentre eux (10 sujets) ont entre 40 et 49 ans.
12% chez les schizophrènes sont mariés contre 62% des sujets de la population INSEE-CREDES. Pour les sujets ayant reçu un diagnostic Etat psychotique, 74% dentre eux sont mariés.
11% des patients schizophrènes sont de niveau Bac ou supérieur versus 11% de la population INSEE-CREDES, et la même chose pour les sujets ayant reçu un diagnostic Etat psychotique.
20% des patients schizophrènes exercent actuellement une activité versus 43% dans la population INSEE-CREDES et 42% chez les sujets ayant reçu un diagnostic Etat psychotique.
56% des patients schizophrènes sont fumeurs vs. 39% de la population INSEE-CREDES et 57% chez les sujets ayant reçu un diagnostic Etat psychotique.
9% des patients schizophrènes,
12% de la population INSEE-CREDES,
26% de la population INSEE-CREDES ayant reçu un diagnostic Etat psychotique
29% des patients schizophrènes
81% de la en population INSEE-CREDES
100% de la population INSEE-CREDES ayant reçu un diagnostic Etat psychotique
18% des patients schizophrènes
54% de la en population INSEE-CREDES
79% de la population INSEE-CREDES ayant reçu un diagnostic Etat psychotique
Lanalyse présentée ici des sujets de lenquête INSEE-CREDES en population générale selon leur diagnostic ou leur consommation de neuroleptique présente plusieurs limites méthodologiques :
La faiblesse des effectifs concernés par la pathologie mentale sévère rend plus aléatoire les informations relevées.
Lauto-déclaration des sujets notamment pour ce qui est du diagnostic, ajoute une part dincertitude sur les données de morbidité.
Mesure de la pathologie mentale sévèreLa prévalence des troubles psychotiques relevée dans cette enquête chez les sujets âgés de 18 à 64 ans, évaluée à 0,3%, semble faible. Quelques hypothèses peuvent être émises à ce sujet :
La reconnaissance par les sujets de pathologies dont lacceptation est difficile peut être une source de sous-déclaration. Certains sujets qui par exemple se sont déclarés dépressifs ou ont décrit des troubles regroupés sous lentité de symptômes névrotiques auraient sans doute pu être classés par un psychiatre dans une autre catégorie.
De par la structure même de lenquête, tout sujet hospitalisé échappe à létude, ce qui contribue aussi à diminuer la prévalence des troubles psychotiques, même si actuellement les sujets en hôpital temps plein à un moment donné sont minoritaires, environ le quart des sujets dune file active [1].
Dans les enquêtes de population, ce sont les sujets isolés qui sont les plus difficilement accessibles. Or les sujets psychotiques le sont souvent. Ainsi, les 21 sujets non traités par neuroleptique ne sont que 38% à vivre en couple. Lenquêteur écrit pour annonçer son passage mais ce sont les sujets vivant seuls qui, en général, seront les plus réticents à le recevoir et que lon aura donc le moins de chance de rencontrer ou de suivre pendant toute la durée de lenquête. Léchantillon INSEE-CREDES compte au départ 8235 ménages : seuls 7202 sont suivis selon le protocole prévu (au total, cinq visites à un intervalle régulier de trois semaines) : les suivis incomplets concernent ainsi un ménage sur huit.
Concernant la prescription de neuroleptique, plusieurs constatations se dégagent :
Il faut dabord noter que la prescription de neuroleptique touche une partie faible de la population générale (1%), mais que cette prescription présente un champ beaucoup plus large que la pathologie psychotique pour laquelle elle est à priori destinée et va au delà même de la pathologie mentale. Dans lenquête Lachaux et Gaussarès [3], pour des sujets de secteur public de psychiatrie, la proportion de sujets recevant des neuroleptiques mais ne ressortissant pas du champ de la psychose était de 36%. Ils représentent 86% des sujets de lenquête INSEE-CREDES.
Les informations trop parcellaires dont on dispose pour apprécier les raisons de la prescription de neuroleptique pour des sujets hors troubles psychotiques, voire hors trouble mental, doivent inciter à la prudence dans les commentaires. Toutefois, lindication de neuroleptique dans un champ aussi large que celui trouvé ici avec des tableaux fonctionnels un peu flous peut poser problème.
Dans des états névrotiques avec décompensation dépressives sévères, lassociation antidépresseur / neuroleptique est utilisée assez classiquement pendant des durées brèves.
De même, certains neuroleptiques sont utilisés dans des pathologies alcooliques.
Les troubles fonctionnels déclarés ici peuvent recouvrir dautres pathologies, éventuellement même somatiques, dont le sujet peut avoir du mal à parler, comme le cancer par exemple, où le neuroleptique est parfois utilisé dans un rôle antalgique.
Il faut souligner quil apparaît dans lenquête, à travers le nombre moyen de boîtes, quil semble sagir dune consommation beaucoup plus ponctuelle dans le cas des sujets avec troubles somatiques.
Il semble toutefois quil existe peu dindications thérapeutiques scientifiquement validées pour des usages aussi variés. Les neuroleptiques ont dans lensemble des effets secondaires sur la santé des sujets qui doivent rendre leur prescription particulièrement étudiée.
Sagit-il dun glissement des prescriptions de benzodiazépines vers les neuroleptiques? Si lon regarde les médicaments psychotropes autres que neuroleptiques, on voit quils concernent avant tout les sujets avec troubles psychotiques ou les sujets dépressifs et sont prescrits de façon plus marginale pour les sujets avec troubles névrotiques ou somatiques.
Ces traitements neuroleptiques ont-ils été initiés par le généraliste ou le psychiatre? Avec quelle régularité ont-ils été utilisés au cours des trois mois? A ces questions, il serait intéressant de pouvoir répondre mais les données de lenquête ne le permettent pas.
La proportion de sujets psychotiques non traités par neuroleptique, un peu plus que de sujets traités, est étonnante. Il faut bien sûr avoir en tête les limites méthodologiques énoncées plus haut.
On constate que les sujets psychotiques traités par neuroleptique sont aussi les plus suivis, aussi bien par un généraliste que par un spécialiste.
On relève que la différence de consommation de neuroleptique entre les deux groupes nest pas compensée par une consommation plus importante dautres classes de psychotropes ; cest au contraire linverse qui est constaté. Les sujets sous neuroleptique sont aussi ceux qui prennent davantage de médicaments psychotropes autres.
Lincapacité permanente comparable chez les sujets psychotiques sans neuroleptique et chez ceux avec neuroleptique ne vient pas expliquer la différence de prise en charge entre les deux groupes.
Le fait que les sujets psychotiques traités par neuroleptique apparaissent les moins isolés, vivant notamment plus souvent en couple, et une fois sur deux avec enfant, est probablement une des explications dun meilleur suivi médical ou dun suivi médical mieux repéré dans lenquête.
Pour les sujets en apparence non traités, une explication possible serait lexistence dune prise en charge en hôpital de jour. Mais cette hypothèse a peu de chance de sappliquer dune part à lensemble des 21 sujets et dautre part, habituellement, le patient achète lui-même son médicament, ce nest pas lhôpital de jour qui le lui fournit.
La diversité des diagnostics traités par neuroleptique dans lenquête INSEE-CREDES entraîne des caractéristiques socio-démographiques et cliniques tout à fait différentes de celles des patients schizophrènes suivis dans des secteurs publics de psychiatrie.
Quand on compare les patients schizophrènes à la population générale dans son ensemble [2], les patients schizophrènes ont plus de consultations tant chez le généraliste que chez le spécialiste et également plus dhospitalisations au cours des six mois précédant lenquête. A linverse, si l'on compare les patients schizophrènes à la population INSEE-CREDES prenant des neuroleptiques, ce sont ces derniers qui présentent les prises en charges plus nombreuses.
Si l' on compare les schizophrènes suivis en secteur [2] aux seuls sujets de lenquête INSEE-CREDES présentant des troubles psychotiques et traités par neuroleptique, on relève davantage de traits parallèles. Dans les deux cas, il sagit dune population plus masculine, plus jeune, avec une proportion importante de fumeurs. Lincapacité permanente nétait pas relevée comme telle chez les schizophrènes mais 50% dentre eux avaient une AAH et 21% une pension dinvalidité. Toutefois, certaines différences sont à noter. Elles concernent la vie familiale, beaucoup plus présente parmi les sujets avec troubles psychotiques, lactivité exerçée qui est aussi beaucoup plus fréquente pour eux, de même que les consultations plus nombreuses tant chez le spécialiste que chez le généraliste. Ces différences mériteraient toutefois si les effectifs étaient plus importants dêtre pondérées par le sexe et lâge.
En conclusion, cest probablement pour des pathologies dont la prévalence est faible et la reconnaissance par le sujet lui-même souvent douloureuse que les enquêtes en population générale sans utilisation doutils standardisés peuvent poser le plus de problème.
Pour ce qui est de la consommation de neuroleptiques, consommation marginale par rapport à dautres médications, il serait souhaitable que dans une prochaine enquête, on puisse apprécier plus précisément quel est le prescripteur, et pour quelle durée et quel motif, cette médication est instituée.
DEUXIEME PARTIE :
FACY F.(1), RUFFIN D.(2), RABAUD M.(3)
1) Directeur de recherches INSERM
2) Vacataire INSERM
3) Ingénieur de recherche INSERM
Description des consommations Description globale des consommations
Les consommations décrites dans lenquête sur la santé et les soins médicaux concernent uniquement les produits psychotropes licites. Aucune information relative aux usages illicites, produits stupéfiants ou usages détournés de médicaments, nest disponible. Les données sont déclaratives et peuvent pour des raisons diverses ne pas correspondre à la consommation réelle.
La tabagie est décrite lors de lentretien initial. La consommation de médicaments, parmi lesquels les psychotropes, est relevée au cours des trois mois de suivi. Les données relatives aux boissons alcoolisées et à la prise régulière de médicaments psychotropes sont issues du questionnaire final, administré à un sous-échantillon de 7666 sujets (un par ménage). Les analyses réalisées ne tiennent pas compte du léger décalage dans le temps entre ces différentes mesures : les usages, produits et volumes, sont supposés exister à une même date.
La population de létude est celle des 7575 sujets présents lors de lentretien final.
Les différents produits étudiés ont des dosages en substances psychotropes très variables. Il est illusoire dessayer de quantifier les teneurs en substance active à partir de linformation disponible. Les indicateurs de volumes retenus sont le nombre de verres pour les boissons, le nombre de cigarettes et le nombre de boîtes de médicaments acquises pendant lenquête.
Signalons que le fichier décrivant les maladies déclarées au cours de l'enquête recense 20 cas de dépendances diagnostiquées parmi les troubles mentaux (rubrique 5 de la C.I.M. 9° révision) : alcoolisme (20 cas), toxicomanie sans autre indication (1 cas). Ceci correspond à une prévalence de la dépendance inférieure à 1%. Ce chiffre, très inférieur aux estimations des experts [9], illustre de manière exemplaire les problèmes posés par la mesure des psychopathologies en population générale, et symbolise demblée les limites de cette enquête, qui demeure toutefois intéressante à analyser en terme dusages généraux, à partir des volumes de consommations déclarés.
La consommation dalcool est décrite pour trois types de produits : vin, bière et cidre, apéritifs et autres alcools forts. Le nombre de verres dalcool bus chaque jour est calculé à partir de ces données de base.
46% des sujets déclarent boire au moins un verre dalcool par jour (Figure 1). Le vin est le breuvage le plus courant avec 39% de buveurs. La bière et le cidre sont bus de façon quotidienne par 14% des sujets, les apéritifs et autres alcools forts par 12%.
Lancrage rural de la consommation du cidre est sans doute plus marqué que pour la bière, la consommation de cette dernière étant en augmentation, notamment parmi les jeunes. La non distinction entre ces deux boissons constitue sans doute une limite à lévaluation de la consommation abusive de la frange la plus jeune de la population adulte.
Figure 1 : Répartition de la population selon le volume dalcool consommé
Signalons que la consommation non quotidienne d'alcool nest pas distinguée de labstinence véritable. La mesure privilégie ainsi certains usages dalcool, notamment la consommation domestique (vins de table), sans oublier les dépendances (consommations quotidiennes abusives). Dans le tableau que lon peut dresser à partir de ces données, manquent certains usages, épisodiques ou réguliers, correspondant à des rythmes et des modes de consommation différents. Cest en particulier le cas des ébriétés chroniques et des pics de consommation hebdomadaires.
Une variable distingue les sujets de létude selon lévolution de leur consommation dalcool (consommation antérieure supérieure à la consommation actuelle). Sont ainsi distingués les abstinents de toujours (47,5%), les sujets ayant arrêté toute consommation quotidienne (6,5%), ceux qui ont réduit le nombre de verres bus chaque jour (10%) et ceux qui au moment de lenquête consomment chaque jour un volume égal ou supérieur à autrefois (36%).
La consommation quotidienne de café ou thé a également été retenue, vu limportance de certaines doses quotidiennes. En effet, près de 5% des sujets interrogés déclarent boire au moins six verres de café ou thé par jour.
Les données relatives à la consommation de tabac obéissent aux mêmes règles de relevé que pour lalcool. La restriction au seul usage quotidien est cependant moins limitative, cet usage étant très répandu parmi les fumeurs adultes. Près de 30% des sujets se déclarent fumeurs réguliers. La majeure partie des fumeurs consomme un demi à un paquet de cigarettes par jour.
Figure 2 : Répartition de la population selon le volume de tabac consommé
La série brute de la répartition selon le volume de tabac consommé illustre lattraction des valeurs rondes (Figure 2). On pourrait sans perte dinformation retenir une mesure plus simple, cherchant à distinguer non fumeurs, fumeurs modérés, fumeurs dun paquet par jour et fumeurs de plus dun paquet par jour.
Lévolution de la consommation est déterminée à partir de la durée de la tabagie actuelle ou passée. Près de la moitié des sujets déclare navoir jamais fumé de façon quotidienne (Figure 3).
Figure 3 : Répartition de la population selon lévolution de la consommation de tabac
La consommation régulière de médicaments psychotropes est entendue comme la prise de neuroleptiques, dhypnotiques et sédatifs, de tranquillisants, dantidépresseurs ou dautres psychostimulants au moins une fois par semaine et ce depuis plus de six mois. Elle concerne environ 12% des sujets (Figure 4).
Figure 4 : Répartition de la population selon la durée de la prise régulière de médicaments psychotropes
Pour près de 4% des sujets, la prise dure depuis plus de dix ans. Ces données ont été analysées lors de précédentes études [10] ; leur exploitation dans le cadre du présent projet reste donc secondaire, permettant dopérer une distinction entre consommateurs réguliers et autres (Figure 4).
Le relevé de la consommation de produits pharmaceutiques au cours des trois mois denquête élargit le champ détude à lensemble des acquisitions de médicaments psychotropes déclarées, quil sagisse de prescriptions ponctuelles ou régulières. Ces consommations correspondent à des acquisitions individualisables.
Figure 5 : Répartition de la population selon le nombre de boîtes de médicaments acquises pendant lenquête
Un peu plus de 15% des sujets ont acquis au moins une boîte de psychotropes pendant lenquête, et près de 5% ont au moins cinq boîtes (Figure 5).
Les médicaments acquis sont comptabilisés par nombre de boîtes et classe pharmaco-thérapeutique plus ou moins détaillée. Le classement retenu suit la nomenclature de lEPHMRA :
Neuroleptiques (classe N05A)
Hypnotiques et sédatifs (classe N05B)
Tranquillisants (classe N05C)
Antidépresseurs (classe N06A)
Autres psychostimulants (classes N06B à N06E).
Pendant lenquête, 10% des sujets ont acquis au moins une boîte de tranquillisants, 6% dhypnotiques, 4,5% dantidépresseurs, 1,5% de neuroleptiques et 1,5% dautres psychotropes.
Les traitements psychotropes sont la plupart du temps encore en cours à la fin de lenquête. Seuls 8% des acquisitions correspondent à dautres situations, fin normale du traitement ou interruption. Certaines situations ne peuvent que très difficilement être précisées, notamment les modifications de traitement et de façon plus large la non consommation de la totalité des produits acquis. Pratiquement, on considérera que chaque sujet ayant acquis des psychotropes a consommé au moins une partie des produits, le nombre de boîtes acquises restituant fidèlement limportance des doses ingérées.
La durée de vie dun médicament pouvant être courte et la mise sur le marché de nouvelles molécules et conditionnements étant régulière, un bref exposé des produits consommés en 1991-1992 nest pas inutile
Les acquisitions les plus fréquentes sont celles de tranquillisants, avec 22 boîtes pour 100 sujets (TemestaÒ , LexomilÒ , SerestaÒ , TranxèneÒ , XanaxÒ , LysanxiaÒ ).
Viennent ensuite les acquisitions dhypnotiques et sédatifs (13 boîtes pour 100 sujets : RohypnolÒ , ImovaneÒ , NoctranÒ , HalcionÒ , StilnoxÒ , MepronizineÒ ) et celles dantidépresseurs (8 boîtes pour 100 sujets : ProzacÒ , AnafranylÒ , LaroxylÒ , AthymilÒ ).
Les autres familles de médicaments psychotropes sont plus rares : neuroleptiques (3 boîtes pour 100 sujets ; DogmatilÒ , NozinanÒ ), nootropiques (NootropylÒ ).
Létude des usages de psychotropes élargie aux produits non médicamenteux (alcool, tabac, café et thé) nécessite au préalable une mise au point sur la spécificité des mesures de la consommation de médicaments et sur les liens existant entre cette consommation, les recours aux soins et létat de santé. L'enquête INSEE-CREDES permet dassocier à chaque acquisition de médicament déclarée la séance médicale au cours de laquelle la prescription a eu lieu et la maladie motif de la prescription.
Les prescriptions ne sont pas distinguées selon quil sagisse dun traitement initial ou dun renouvellement dordonnance. Ceci entraîne une imprécision sur les poids respectifs des prescriptions des généralistes et des spécialistes, des médecins de ville et des hospitaliers.
La médecine générale est le secteur qui a prescrit le plus de traitements psychotropes (85%). Les médecins spécialisés en psychiatrie et neuropsychiatrie ont prescrit près de 10% des traitements.
Dans le détail, les traitements neuroleptiques sont davantage prescrits par les professionnels de la psychiatrie (19%). Il en est de même des traitements antidépresseurs (17%).
Les deux tiers des traitements sont prescrits au cabinet du médecin, et 30% au domicile des patients. Le poids des prescriptions en établissement de santé reste minime (2,5%) au sein de la population des ménages ordinaires.
Létude des motifs de prescription de psychotropes permet de préciser différents contextes de santé justifiant cette consommation :
Diagnostic de trouble mental.
Expression de symptômes et détats morbides mal définis (troubles du sommeil, fatigue, troubles nerveux, céphalées, etc.).
Diagnostics autres, correspondant à des maladies organiques.
Dans l'échantillon des 7575 sujets, 1345 ont acquis au moins une boîte de médicaments psychotropes pendant l'enquête. Par ailleurs, 137 sujets ont déclaré prendre régulièrement des psychotropes depuis au moins six mois, sans en avoir acquis pendant les trois mois du suivi. Si lon entend par traitement lacquisition unique ou renouvelée de médicaments destinée à soigner une maladie, la mise en ligne de la nature des acquisitions et des maladies permet de préciser le poids des différents traitements rencontrés en fonction des profils diagnostics.
On compte 1544 traitements psychotropes lorsque les familles de médicaments ne sont pas distinguées et 2065 lorsquelles sont distinguées, avec le détail suivant : 122 traitements neuroleptiques (6% des traitements), 575 hypnotiques (28%), 931 tranquillisants (45%), 318 antidépresseurs (15%), 119 psychostimulants autres (6%). En moyenne, les sujets consommateurs se sont vus prescrire 1,5 traitement.
Dans l'ensemble, sans distinction de famille, la santé mentale est à l'origine dun peu plus de la moitié des prescriptions. Les symptômes et états morbides mal définis motivent un tiers des prescriptions, les maladies organiques 13%. Le 1% restant correspond à des motifs non assimilables à une maladie, plus ou moins précis : on identifie plusieurs cas dantécédents de dépression nerveuse (Tableau IV).
Tableau IV : Maladies motifs des acquisitions de médicaments psychotropes
Nature des médicaments prescrits |
||||||
Maladies motifs |
tous |
neuro- |
hypno- |
tranquil- |
antidé- |
psychos- |
trouble mental |
53% |
69% |
42% |
65% |
93% |
25% |
dont : psychose |
1% |
10% |
1% |
1% |
3% |
1% |
anxiété |
24% |
9% |
16% |
33% |
4% |
5% |
dépression |
24% |
37% |
23% |
26% |
81% |
15% |
autres |
5% |
14% |
3% |
5% |
5% |
5% |
symptômes morbides mal définis |
33% |
9% |
49% |
25% |
2% |
25% |
dont : troubles du sommeil |
25% |
4% |
41% |
21% |
4% |
3% |
fatigue, surmenage |
2% |
2% |
1% |
0% |
1% |
16% |
autres |
5% |
4% |
7% |
4% |
1% |
7% |
autres maladies |
13% |
20% |
8% |
9% |
5% |
45% |
non assimilables à une maladie |
1% |
1% |
1% |
1% |
0% |
5% |
total |
100% |
100% |
100% |
100% |
100% |
100% |
Les antidépresseurs et les neuroleptiques sont prescrits majoritairement pour des sujets présentant un trouble mental, le plus souvent un état dépressif. La prescription de ces deux familles de produits est rare lorsque le motif est un symptôme mal défini (9% et 2%).
20% des traitements neuroleptiques correspondent à des maladies somatiques (6% à des maladies des os, articulations, muscles, et 7% à des maladies de lappareil digestif).
Les deux tiers des traitements tranquillisants concernent un trouble mental, principalement l'anxiété et la dépression. Un quart des traitements tranquillisants sont motivés par des symptômes mal définis, principalement les troubles du sommmeil.
Le poids de la pathologie mentale est plus faible pour les traitements hypnotiques, qui sont prescrits dans un même ordre de grandeur pour des plaintes liées au sommeil.
Moins souvent prescrits, les traitements psychostimulants concernent la pathologie mentale une fois sur quatre seulement. Les plaintes liées à la fatigue, à l'asthénie ou au surmenage motivent un traitement sur six. Les maladies les plus souvent rencontrées sont de nature somatique, liées en premier lieu aux troubles de lappareil circulatoire (28%) et aux troubles respiratoires (7%).
Le sexe et lâge sont deux variables centrales dans lanalyse, caractérisant fortement tous les usages. Les résultats par âge permettent par ailleurs dapprécier certaines évolutions de la consommation, bien quil soit difficile de faire la part entre effets dâge et effets de génération.
Pour chaque produit, est représentée la proportion de consommateurs de sexe et âge donnés. Plusieurs seuils de consommation sont envisagés, afin de situer les consommations les plus élevées dans lensemble plus large des consommateurs.
Les séries présentées sont lissées selon la méthode des moyennes mobiles, ce qui autorise une quantification fine tout en gommant les différences de proportions entre deux années dâge, qui sont dues aux faibles effectifs à chaque âge.
La déclaration dune consommation quotidienne dau moins un verre dalcool est très fréquente chez les hommes : plus dun homme sur deux est concerné à partir de 25 ans. La proportion de buveurs dépasse 75% après 55 ans.
En comparaison, la consommation quotidienne dalcool est nettement moins répandue chez les femmes : moins de 40% des femmes ayant atteint la quarantaine déclarent une consommation quotidienne. La part des femmes déclarant des doses supérieures ou égales à quatre verres par jour reste inférieure à 5% quelle que soit la tranche dâge.
Les différentes courbes que lon peut établir en fixant des seuils de consommation variant progressivement de "au moins un verre par jour" à "au moins huit verres par jour" apportent des indications sur les variations de lusage selon lâge (Figure 6).
Figure 6 : Pourcentage de consommateurs dalcool selon le sexe et lâge
Hommes ou femmes, les jeunes adultes sont moins nombreux que leurs aînés à boire de lalcool tous les jours. Ainsi, entre 20 et 35 ans, la proportion de buveurs augmente de façon assez régulière.
Chez les hommes dâge avancé, on observe une attitude inverse, allant dans le sens dune réduction des doses. Ce phénomène est dautant plus précoce que le seuil de consommation fixé est élevé. Ainsi, la proportion dhommes buvant au moins deux verres par jour est maximale entre 55 et 65 ans, contre 55 ans pour un seuil de trois verres et 45 ans pour un seuil de six verres. Seule la proportion de consommateurs très modérés (un verre par jour) reste stable après 70 ans.
Une telle variation na pas déquivalent chez les femmes âgées, consommatrices modérées.
Deux types de consommation se distinguent nettement : lune modérée et lautre élevée. Pour des doses égales ou supérieures à huit verres par jour, les variations de consommation notées pour les doses modérées en fonction de lâge ne sont plus perceptibles : 5% à 8% des hommes ingèrent de telles doses quel que soit lâge.
La consommation quotidienne de vin est essentiellement répandue parmi les générations dhommes ayant atteint 40 ans. Elle nest différente de la consommation dalcool en général que pour les jeunes générations (moins de 35 ans), où moins de 10% des individus boivent chaque jour quatre verres de vin ou plus. La proportion de femmes buvant au moins trois verres par jour nexcède pas 5% quelle que soit la tranche dâge.
A linverse du vin, la consommation quotidienne de bière est davantage prisée par les jeunes générations. Celle du cidre est sans doute différente, cette boisson étant moins prisée par les jeunes. Les données disponibles ne permettent pas den saisir les caractéristiques.
La consommation de bière et de cidre est moindre chez les hommes âgés dau moins 50 ans. Elle est également un peu plus faible pour les hommes âgés de 35 à 45 ans. Ces variations concernent essentiellement la prise dun nombre modéré de verres (un à deux). A des seuils plus élevés, les écarts de consommation selon lâge sont minimes, une proportion denviron 5% dhommes buvant au moins cinq verres de bière ou de cidre par jour entre 20 et 60 ans.
La dose quotidienne dapéritifs et autres alcools forts est modérée par rapport au nombre de verres de vin, de bière ou cidre ingérés chaque jour. Notons que les différences selon le sexe et selon lâge sont moins marquées que pour les autres boissons alcoolisées. Cette régularité tient sans doute à un mode de consommation spécifique, plus convivial.
Un second registre de variation apparaît en fonction de lâge, sensible quel que soit le seuil de consommation fixé. Il sobserve en particulier chez les hommes, que lon étudie le vin ou la bière, ou encore lévolution de la consommation. Outre une variation selon lâge, qui oppose le volume de consommation des jeunes adultes, des adultes et des personnes âgés, on observe différents âges propices à une réduction ou une augmentation de la consommation (Figure 7).
Figure 7 : Evolution de la consommation dalcool selon le sexe et lâge
La consommation déclarée apparaît maximale entre 30 et 35 ans et vers de 45 ans. Autour et entre ces âges, elle est un peu moindre.
A partir de 50 ans, une proportion croissante dhommes déclare avoir bu davantage par le passé. Avant 50 ans, la réduction de la dose quotidienne ou larrêt de toute boisson alcoolisée ne concerne quune faible fraction de la population masculine. On constate avant tout une diminution de la proportion dhommes nayant jamais bu dalcool au quotidien.
Le constat est différent pour les femmes. Les abstinentes de toujours restent largement majoritaires quelle que soit la tranche dâge. Moindres consommatrices, les attitudes darrêt ou de réduction des doses quotidiennes sont relativement peu fréquentes. Cette maîtrise de la consommation consiste davantage en un arrêt de toute prise quotidienne, notamment entre 25 et 35 ans et après 60 ans.
On voit sans doute ici leffet de caractéristiques familiales et sociales. Ces variations peuvent trouver une explication avec certains événements ou cycle de la vie active, matrimoniale, féconde, etc.
Ces deux boissons sont dusage courant. Près de la moitié de la populaiton déclare des doses modérées, inférieures à 3 verres par jour. Toutefois une proportion non négligeable (de 5% à 10% de sujets) consomme davantage de café ou thé : chez les hommes, les plus grands consommateurs (plus de 6 verres) se recrutent chez les jeunes, la tranche dâge des femmes concernées est plus étendue (25 à 45 ans).
La consommation de tabac, plus élevée chez les jeunes et chez les hommes, présente des caractéristiques différentes de celles de la consommation dalcool. Trois catégories de fumeurs peuvent être distinguées en fonction de la dose : les modérés, fumant moins de dix cigarettes par jour, les fumeurs moyens, qui prennent léquivalent dun paquet de cigarettes par jour et les grands fumeurs, qui déclarent une consommation supérieure ou égale à 25 cigarettes par jour (Figure 8).
Figure 8 : Pourcentage de consommateurs de tabac selon le sexe et lâge
Cette structuration se retrouve chez les femmes. Cependant, il sy ajoute un effet de génération. Les plus âgées fument peu en proportion comme en volume : après 50 ans, moins de 10% des femmes consomment plus de dix cigarettes par jour. En revanche, la tabagie des plus jeunes tend à ressembler à celle des hommes, en proportion comme en volume.
Lévolution de la tabagie selon lâge oppose jeunes adultes, adultes et personnes âgées.
Chez les hommes âgés de 40 à 55 ans, on compte près de 40% de fumeurs, 30% danciens fumeurs et 30% dabstinents de toujours. Larrêt de la tabagie devient la situation prédominante après 60 ans, aux dépens des fumeurs, la part des abstinents de toujours restant relativement stable.
Lévolution de la tabagie semble différer pour les femmes. Le développement de lusage étant plus récent, le phénomène est davantage marqué par un effet de génération. Les femmes âgées ont dans lensemble très peu fumé (plus de 80% des femmes âgées dau moins 50 ans). Les jeunes femmes nayant jamais fumé restent majoritaires. Entre 25 et 35 ans, environ 45% des femmes déclarent navoir jamais fumé de façon quotidienne. La part restante se compose pour les deux tiers de fumeuses actives et le tiers restant de femmes ayant cessé de fumer. Cette dernière attitude distingue les jeunes femmes des hommes de leur génération.
La tabagie peut également être décrite en fonction de sa durée et de lâge de début. Lanalyse de ces durées pour les fumeurs actuels et les anciens fumeurs permet daffiner certains points quant à lévolution de lusage.
Figure 9 : Age moyen en début et fin de tabagie selon lâge actuel
Pour les hommes jeunes, lâge au début de la tabagie se situe entre 15 et 20 ans. Il reste inférieur à 30 ans pour les hommes les plus âgés. Lâge au début de la tabagie des jeunes femmes est semblable à celui des hommes. En revanche, les femmes âgées de 45 ans et plus ont en moyenne commencé à fumer plus tard, vers 30 ans pour les femmes ayant 50-64 ans et après 40 ans pour les femmes ayant plus de 65 ans (Figure 9).
Lâge auquel les anciens fumeurs ont arrêté le tabac nest pas connu. Si lon fait lhypothèse que lâge au début de la tabagie des anciens fumeurs est peu différent de celui des fumeurs actuels, on obtient pour les hommes et les femmes deux courbes dâge à larrêt de profil comparable. Les femmes, bien quayant commencé à fumer plus tard que les hommes, auraient cessé de fumer aux mêmes âges que les hommes.
Une tendance de fond est à dégager : une plus forte proportion de personnes âgées consomment des médicaments à action psychotrope. Pour les deux sexes, la part des consommateurs progresse sensiblement à partir de 60 ans. Après cet âge, plus dune femme sur trois a pris des psychotropes, et plus dun homme sur quatre.
Lusage est moindre dans la population masculine. Cependant, lécart entre hommes et femmes est plus réduit lorsquon considère un nombre élevé dacquisitions (5 boîtes et plus) (Figure 10).
Figure 10 : Pourcentage de consommateurs de médicaments psychotropes par sexe et âge
(résultats détaillés par nombre de boîtes acquises)
Les tranquillisants et les hypnotiques, médicaments les plus consommés, contribuent principalement à la surconsommation des personnes âgées (Figure 11).
Figure 11 : Pourcentage de consommateurs de médicaments psychotropes par sexe et âge
(résultats détaillés par classe de médicaments)
Pour les hypnotiques, la proportion de consommateurs augmente avec lâge de façon régulière.
Laugmentation intervient plus précocement pour les tranquillisants (vers 40-45 ans chez les hommes et dès la vingtaine chez les femmes. Aux âges élevés, un plafond de consommateurs semble atteint (15% à 20% des hommes et 25% à 30% des femmes).
La surconsommation des personnes âgées est moins manifeste en ce qui concerne les antidépresseurs et les neuroleptiques. Une tendance à laugmentation du nombre de consommateurs avec lâge se double de pics de consommation à des âges spécifiques. Cest le cas des antidépresseurs entre 50 et 65 ans, et des neuroleptiques chez les hommes âgés de 35 à 45 ans.
Lanalyse des correspondances multiples permet de dégager les grandes tendances en matière dusage, notamment les associations de produits psychotropes.
Les données analysées concernent neuf produits. Cinq variables décrivent la consommation quotidienne de produits non médicamenteux (vin, bière et cidre, alcools forts, café et thé, tabac). Quatre autres comptabilisent les acquisitions de boîtes de médicaments (neuroleptiques, hypnotiques et sédatifs, tranquillisants, antidépresseurs et autres psychostimulants).
Le 1° axe factoriel oppose nettement consommation médicamenteuse et consommation non médicamenteuse. Cette structure est dautant plus renforcée que différents produits sont consommables au sein dune même famille (alcools, prescription de plusieurs psychotropes).
Les modalités contribuant le plus au 1° axe correspondent aux consommations élevées de médicaments : 3,5 boîtes dantidépresseurs, 5,3 boîtes danxiolytiques, 3,9 boîtes dhypnotiques et 3,1 boîtes de neuroleptiques. Ces catégories de volume sopposent aux catégories de volumes modérés ou importants des différents alcools et du tabac.
Le 2° axe oppose les catégories correspondant à labstinence et aux faibles consommations et les catégories correspondant aux volumes de consommation élevés.
Le premier plan factoriel présente ainsi une structure caractéristique en arc de cercle. Le centre du nuage est occupé par les modalités correspondant à labstinence vis-à-vis des différents produits, le nuage sétalant en deux directions opposées, relatives aux usages médicamenteux dune part et non médicamenteux dautre part.
Le 3° axe distingue lusage des psychotropes non médicamenteux en fonction du volume, opposant les consommations élevées de tabac, des alcools et du café aux consommations modérées ou nulles. Le 4° axe est le pendant du 3° axe en ce qui concerne les médicaments : il oppose les acquisitions importantes danxiolytiques, dhypnotiques et de neuroleptiques à celles modérées ou nulles danxiolytiques et dhypnotiques.
Le 5° axe correspond à lassociation du tabac et du café à doses élevées, opposée à leurs faibles consommations ainsi quaux doses élevées dalcool.
Lexamen du nuage des individus montre une dispersion relative le long des axes. Sur le 1° axe, la dispersion des sujets est orientée dans la direction de la consommation de médicaments. Sur le 2° axe, les sujets projetés laissent supposer lexistence de sous-groupes de gros consommateurs, de médicaments dune part et dautres produits dautre part.
Lanalyse factorielle est prolongée par une analyse de classification automatique des sujets à partir des mêmes variables, pour quantifier les tendances et les sous-groupes suggérés par les premières descriptions.
Les données exploitées décrivent les consommations quotidiennes de boissons alcoolisées (vin, bière ou cidre, apéritifs et autres alcools forts), de café ou de thé, la consommation quotidienne de tabac et les acquisitions de quatre familles de médicaments psychotropes (neuroleptiques, hypnotiques et sédatifs, tranquillisants, antidépresseurs et autres psychostimulants).
Après plusieurs essais de classification, 7 groupes sont retenus. Ces groupes se distinguent selon les usages suivants : consommation de médicaments (2 groupes), de tabac, café et thé, dalcool (4 groupes) et abstinence ou usage modéré (1 groupe).
Les spécificités des usages des sept groupes issus de la classification automatique sont résumées dans le tableau suivant (Tableau V), qui présente les volumes moyens consommés ainsi que les graphiques qui représentent les quantités consommées.
Tableau V : Consommations moyennes dalcool, tabac et médicaments par type dusage
Deux groupes sont consommateurs de médicaments : lun dhypnotiques et lautre dantidépresseurs et tranquillisants.
Groupe "hypnotiques" : la consommation dhypnotiques et sédatifs se singularise des autres familles pharmaceutiques. Les individus de ce groupe ont tous fait lacquisition dau moins deux boîtes dhypnotiques pendant lenquête, près de 30% prenant également des tranquillisants et 15% des antidépresseurs.
Groupe "antidépresseurs et tranquillisants" : près de 75% des sujets de ce groupe ont acquis des antidépresseurs et 60% des tranquillisants. Par ailleurs, 20% ont consommé des hypnotiques et 10% des neuroleptiques.
Globalement, le nombre de boîtes de médicaments acquises par les sujets du groupe "antidépresseurs et tranquillisants" (6,9 boîtes) est supérieur à celui du groupe "hypnotiques" (5,7 boîtes - t=2,7 - p<0,01). Les différences de volumes sont significatives pour les hypnotiques et sédatifs (t=-21,1 - p<0,0001), les tranquillisants (t=6,0.- p<0,0001), les antidépresseurs (t=12,4 - p<0,0001) et les autres psychostimulants (t=6,1 - p<0,0001). La différence nest pas significative pour les neuroleptiques.
La consommation régulière (prise hebdomadaire depuis au moins six mois) est marquée dans le groupe "hypnotiques", où la prise remonte à 6,5 ans en moyenne. Lancrage dans la durée est plus limité pour le groupe "antidépresseurs et tranquillisants" (3,7 ans).
La consommation dalcool et de tabac est faible dans ces deux groupes, labstinence vis-à-vis de lalcool concernant plus de 60% des sujets et 80% pour le tabac.
Dans les autres groupes constitués, la consommation de médicaments est très réduite, inférieure ou égale à 0,2 boîte par sujet en moyenne. Deux groupes associent alcool et tabac, un groupe boit uniquement de lalcool et un groupe réunit majoritairement des fumeurs.
Deux groupes associent le tabac à une dose dalcool à la fois plus élevée et plus diversifiée : les buveurs de vins et dalcools forts (groupe "vins et tabac") se distinguent des buveurs de bière ou de cidre (groupe "bière et autres").
Groupe "vins et tabac" : ces sujets boivent en moyenne 5,3 verres dalcool par jour. Tous les sujets de ce groupe sont fumeurs, le nombre moyen de cigarettes étant le plus élevé observé (24 cigarettes). Plus de la moitié des sujets déclarent boire au moins un verre dalcool fort par jour. Le poids de la bière et du cidre reste limité.
Groupe "bière et autres" : la dose quotidienne dalcool est la plus élevée (7,5 verres par jour). Tous les sujets boivent au moins deux verres de bière (ou de cidre) par jour, 60% au moins un verre de vin et près de 30% de lalcool fort. Près de 60% sont fumeurs. Le volume dalcool est significativement supérieur à celui du groupe "vins et tabac".
La surconsommation dalcool dans ces deux groupes est manifeste par rapport aux autres.
Un groupe consomme essentiellement du vin (groupe "vin modéré"). La dose quotidienne dalcool est modérée (3,5 verres en moyenne).
Seuls 20% des sujets de ce groupe boivent de la bière, la dose quotidienne ne dépassant pas deux verres. Une même proportion déclare boire des apéritifs et autres alcools forts, la dose étant également modérée. Ces buveurs modérés sont pour la majorité non fumeurs, et le nombre de cigarettes par jour reste faible parmi les 20% qui fument.
Que ce soit le vin, la bière ou le cidre, les alcools forts, le volume consommé dans ce groupe est significativement inférieur aux volumes consommés dans les groupes consommant le plus, et significativement supérieur aux volumes consommés dans les groupes consommant peu ou très peu dalcool.
Un groupe déclare fumer sans abuser dalcool (groupe "tabac seul"). Le volume moyen de café et thé est le plus élevé (proche de 4 verres par jour), significativement supérieur aux volumes des six autres groupes.
Près de 40% boivent de lalcool : 25% du vin, 15% de la bière ou du cidre et 10% des alcools forts. Les doses quotidiennes dalcool restent modérées.
Le dernier groupe rassemble les abstinents et les faibles consommateurs (groupe "abstinents - consommation faible ou nulle"). Le café et le thé sont les seuls produits consommés (2 verres par jour).
Un sujet sur quatre environ boit de lalcool de façon quotidienne, principalement du vin (20%).
Près dun sujet sur dix a acquis des tranquillisants, le nombre de boîtes restant inférieur ou égal à deux. La consommation dautres médicaments est négligeable.
Près de 15% sont fumeurs, le nombre de cigarettes quotidien restant inférieur à 15.
Les consommations de ce groupe restent modérées. Les consommateurs de différents produits sont minoritaires par rapport aux abstinents actuels et de toujours. La consommation de médicaments de ce groupe nest statistiquement pas différente des consommations médicamenteuses des groupes "vin modéré", "vins et tabac", "tabac seul" et "bière et autres". De même, sa consommation de café et thé, de bière ou de cidre et dalcools forts nest statistiquement pas différente de celles des groupes "antidépresseurs et tranquillisants" et "hypnotiques".
Le groupe des abstinents et faibles consommateurs représente une situation de référence intéressante : les membres de ce groupe sabstiennent au moment de lenquête de toute consommation excessive. De par la présence de sujets consommateurs modérés pour les produits les plus courants (notamment lalcool), il constitue sans doute un groupe de comparaison plus valide que les seuls abstinents, dont lattitude peut correspondre à certains contextes particuliers (contre-indications sanitaires majeures, interdits personnels pouvant ressortir de difficultés au plan psychologique, interdits communautaires, etc.).
Le groupe des abstinents et faibles consommateurs rassemble un peu moins de 60% de la population (Figure 12). Les consommateurs de vin à dose modérée sont 16%. Les fumeurs ne buvant pas dalcool ou très peu sont 12%. Les quatre autres groupes, consommateurs de médicaments ou de plusieurs produits non médicamenteux dont lalcool à doses élevées, constituent des fractions minoritaires mais non négligeables de la population. Leurs poids sont comparables, situés entre 3,5% et 4%.
Figure 12 : Répartition de la population par type dusage de psychotropes
Au total, on compte cinq groupes de forts consommateurs, rassemblant un peu plus du quart de la population :
Les deux groupes usagers de médicaments rassemblent près de 8% de la population. En moyenne, ils ont consommé léquivalent dune boîte par période de quinze jours. Une telle dose peut correspondre à une prise quotidienne, étalée sur toute la période de lenquête. La consommation est également installée dans la durée.
Les deux groupes consommateurs dalcool à dose élevée rassemblent environ 7% de la population. Ce chiffre se rapproche de certaines estimations de la dépendance alcoolique en population générale. Ces deux groupes se situent également parmi les fumeurs et consommateurs de café et thé. Lattrait des substances psychotropes se traduisant par une diversité des consommations et limportance des doses.
Le groupe consommateur de tabac se distingue également par le volume plus élevé de café et de thé consommé.
Voir l'annexe V-A du rapport (Tome 2) pour le descriptif détaillé des caractéristiques sociodémographiques et sanitaires des groupes issus de la typologie.
Ce groupe est composé de 90% dhommes. Lâge moyen de ce groupe est de 44 ans (contre 45,6 dans lensemble).
Tous fument du tabac quotidiennement, dont 83% plus de 20 cigarettes par jour. La consommation actuelle de boissons alcoolisées est de 5,3 verres par jour.
30% vivent dans le sud de la France (contre 22% pour lensemble de la population étudiée). Les ouvriers sont nettement surreprésentés (44% contre 26% pour la population étudiée) ainsi que la catégorie des artisans, commerçants et chefs dentreprise (13% contre 7%).
La mise en évidence de ce groupe témoigne de la fréquence des surconsommations dalcool dans la population masculine. Lalcool est régulièrement associé au tabac et au café.
Ce groupe comprend 90% dhommes. Lâge moyen de ce groupe est relativement jeune (41ans contre 46,5 dans lensemble) : 52% ont moins de 40 ans.
La consommation actuelle de boissons alcoolisées est de 7,4 verres par jour. 61% sont fumeurs.
60% vivent dans le Bassin Parisien, le Nord et lEst de la France (contre 35% pour lensemble de la population étudiée). 38% vivent en mileu rural (contre 26% dans lensemble). Les agriculteurs sont surreprésentés (13% contre 6% dans lensemble), de même que les ouvriers (50% contre 26% dans lensemble).
Ce groupe consomme de lalcool ou de la bière à dose élevée. Une majorité y associe également le tabac. Cet usage concerne principalement des hommes, issus des milieux ouvriers et ruraux. ainsi que de jeunes consommateurs, davantage tournés vers la bière que vers les vins.
Ce groupe est composé de 54% dhommes. Les trois quarts ont moins de 40 ans (contre 53% dans lensemble).
Tous sont fumeurs (un paquet par jour en moyenne). Le nombre moyen de verres de café ou de thé est de 3,8 par jour, volume le plus élevé observé. Près de 60% sabstiennent de toute consommation quotidienne dalcool au moment de lenquête.
Les ouvriers et les employés sont surreprésentés (62% contre 52% pour la population étudiée). 39% des individus de ce groupe sont célibataires. 71% occupent un emploi.
La mise en évidence de ce groupe témoigne de la fréquente association du tabac et du café ou du thé, notamment chez les jeunes des deux sexes.
Ce groupe est composé de 68% de femmes. Lâge moyen de ce groupe est de 55 ans (contre 45,6 dans lensemble).
58% déclarent prendre des psychotropes depuis au moins six mois. Pendant lenquête, 73% ont acquis des antidépresseurs et 58% des tranquillisants.
78% sont non fumeurs et 64% ne consomment pas dalcool au quotidien.
97% ont eu recours à un médecin pendant lenquête. 60% estiment leur état de santé général moyen ou mauvais, contre 27% dans lensemble. 82% ont déclaré au moins 5 maladies pendant lenquête.
77% présentent des troubles mentaux : dans 80% des cas, il sagit de dépression.
Le niveau scolaire atteint est le primaire pour près de la moitié de ce groupe (contre 34% pour la population étudiée). 18% sont veuf(ve)s, contre 9% dans lensemble.
Ce groupe consommateur de médicaments, bien que plus âgé que la population générale, recrute dans les différentes classes dâge. La dimension psychopathologique est manifeste.
Ce groupe est composé de 64% de femmes. Lâge moyen 63ans (contre 46,5 dans lensemble). 40% ont atteint lâge de 70 ans (contre 13% dans lensemble).
Tous ont acquis des hypnotiques pendant lenquête, 31% des tranquillisants et 14% des antidépresseurs. 76% déclarent une consommation régulière de psychotropes depuis au moins six mois.
83% sont non buveurs et 59% ne consomment pas dalcool au quotidien.
95% ont eu recours à un médecin pendant lenquête. 66% estiment leur état de santé général moyen ou mauvais. 91% ont déclaré au moins cinq maladies pendant lenquête. 40% présentent des troubles mentaux : lanxiété et la dépression apparaissent à part égale. 72% ont déclaré des symptômes mal définis.
55% sont retraités (contre 22% pour lensemble de la population étudiée). 32% sont veuf(ve)s, contre 9% dans lensemble. Le niveau scolaire atteint est le primaire pour 61% des individus (contre 34% dans lensemble).
Létat de santé défavorable de ce groupe est corrélé à son âge élevé. La composante somatique des problèmes de santé est marquée. Parmi les diagnostics de troubles mentaux, les symptômes mal définis sont plus répandus que dans lensemble (72% contre 27%) de même que lanxiété (19% contre 7%).