RAPPORT DU RESEAU I.N.S.E.R.M 49-20-06

B - AXES DE RECHERCHE

3 - BIOLOGIE

L'objectif de ce sous-groupe est d'étudier les rapports possibles entre expressions cliniques et biologiques retrouvées dans l'autisme et les psychoses précoces. Cet objectif est poursuivi selon deux perspectives complémentaires :

* procéder à des travaux clinico-biologiques portant, de façon comparative et longitudinale :
- sur le dégagement de profils d'évolution clinico-biologique des enfants présentant un autisme ou une psychose précoce,
- sur l'effet clinique et biochimique de traitements médicamenteux ;
* de dégager un modèle animal de processus pouvant être à l'oeuvre dans l'autisme et les psychoses précoces.

a - Etudes clinico-biologiques

- EQUIPE DU PROFESSEUR R. ROUBERTOUX ET DU DOCTEUR S. TORDJMAN (Paris) C.N.R.S.

"EVALUATION LONGITUDINALE ET COMPARATIVE DES PROFILS COMPORTEMENTAL ET BIOLOGIQUE CHEZ LES ENFANTS AUTISTES " (Contrat de Recherche Externe INSERM-CRE numero 931009)

I - HYPOTHESES DE LA RECHERCHE

Il s'agit d'une recherche clinico-biologique, longitudinale (sur 3 ans) comparant l'évolutivité clinique et biologique chez les enfants autistes, pour les trois comportements : comportement agressif, réactivité à la douleur et retrait autistique. Des observations cliniques ont montré chez les enfants autistes l'évolution positive suivante : passage d'une absence de conduite agressive extériorisée ou d'une auto agressivité (automutilations) à une hétéro-agressivité ; disparition de l'analgésie et apparition d'une réactivité normale à la douleur en passant par une phase d'hyperesthésie cutanée ; diminution du retrait autistique. Existe-t-il associé à ces 3 comportements, un profil biologique qui refléterait et permettrait de suivre cette évolution clinique ?

II - OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Objectif général : Evaluation longitudinale et comparative des profils comportemental et biologique chez les enfants autistes. L'autisme se définirait par un profil comportemental associé à un profil biologique. Les profils comportemental et biologique co-évolueraient en fonction des différents stades repérés dans l'autisme infantile.

Objectifs spécifiques

* mettre en évidence que les taux des paramètres biochimiques retrouvés anormaux dans l'autisme peuvent se modifier en fonction de l'évolution clinique ;

* tester l'hypothèse d'une liaison positive entre l'analgésie et les automutilations avec un éventuel corrélat biologique. Lorsqu'un enfant autiste s'automutile, perçoit-il la douleur ? Serait-il dans la nécessité d'augmenter la fréquence et l'intensité de stimuli auto agressifs pour percevoir la sensation douloureuse ;

* montrer une éventuelle corrélation entre les paramètres biochimiques retrouvés perturbés dans l'autisme.

III - METHODOLOGIE

Les sujets : cette étude a porté sur 2 groupes d'enfants :

* sujets autistes (N = 70) diagnostiqués sur les critères du DSM- III R et du DSM-IV, de la Classification Française (C.F.T.M.E.A.) et de la classification de l'O.M.S. (CIM-10) ;
* sujets témoins (N = 120) appariés aux autistes pour l'âge, le sexe, le poids (+/- 2 kg) et le stade de puberté (Tanner).

Evaluations cliniques : L'évolution clinique du comportement agressif a été suivie sur l'échelle Yale-Paris des conduites agressives ; la réactivité à la douleur sur une grille d'évaluation clinique mise au point avec le Dr GAUVAIN-PIQUARD. Les évaluations suivantes ont également été faites pour chaque enfant : K-ABC, WISC-R, EDEI, PL-ADOS et ADOS, HACES, Echelles TORDJMAN d'anxiété et de stéréotypies.

Méthodes biochimiques : plusieurs indicateurs biologiques sont mesurés au cours de l'évolution clinique :

* les neuro-hormones de stress dans le plasma : bêta- endorphines, cortisol ACTH, adrénaline, noradrénaline ainsi que dopamine. Le cortisol salivaire a aussi été dosé ;
* la sérotoninémie, la sérotonine étant retrouvée augmentée chez 50 % des sujets autistes ;
* les hormones sexuelles : testostérone, DHEA-S, FSH, LH, oestrogènes.

Les évaluations cliniques et les prélèvements biologiques sont effectués à la même période, tous les 6 mois sur 3 ans.

IV - RESULTATS

L'analyse des résultats est en cours. - EQUIPE DU DOCTEUR J.P. GARNIER, S. DOLLFUS, M. PETIT (Service de Biochimie et de Neurobiologie, Hôpital Saint-Louis - Professeur B. Bousquet)

"RECHERCHE SUR LES EFFETS CLINIQUES ET BIOCHIMIQUES DE L'AMISULPRIDE ET DE LA BROMOCRIPTINE SUR LES SYSTEMES DOPAMINERGIQUES DANS L'AUTISME INFANTILE" Les effets cliniques et biochimiques de l'Amisulpride et de la Bromocriptine ont ŽtŽ ŽtudiŽs, en double aveugle, sur une population randomisŽe de 9 enfants autistes (4 filles et 5 garons) ‰gŽs de 4 ˆ 13 ans.

I - METHODE

Chaque enfant a reçu en double aveugle, successivement, les deux traitements aux doses suivantes : Amisulpride (1,5 mg/kg/j) et la Bromocriptine (0,15 mg/kg/j) durant 4 semaines, avec en intervalle entre les deux, une période de 6 semaines avec prise de placebo. Le comportement était évalué par l'échelle B.S.E. et par l'échelle abrégée de Conners.

Le système dopaminergique a été examiné :
* le taux de H.V.A. urinaire a été apprécié par chromatographie liquide en haute performance,
* le taux plasmatique de dopamine a été apprécié par la même méthode,
* le taux plasmatique de prolactine a été mesuré par radio immunologie ,
* l'analyse statistique a été faite par les tests de Wilcoxon et de Mann et Whitney.

II - RESULTATS
1) Avec l'échelle B.S.E., on observe un effet significatif en faveur de l'Amisupride (p > 0.02) .
2) Avec l'échelle de Conners, on observe un effet plus significatif (p > 0.05) avec la Bromocriptine.
3) Du point de vue biochimique, on observe une diminution significative du taux d'H.V.A. total, libre, et sulfaté mais sans modification significative du taux de dopamine plasmatique.
4) On observe également un accroissement significatif du taux de prolactine avec l'Amisulpride et une diminution significative du taux de prolactine avec la Bromocriptine.

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Ces recherches ont donné lieu à deux publications, l'une dans Neurosciences , l'autre dans le Child Adol. Psychopharmacology.

b- Les modèles animaux

1 - EQUIPE DU PROFESSEUR P. ROUBERTOUX ET DU DOCTEUR S.TORDJMAN (Paris)

"MISE AU POINT D'UN MODELE ANIMAL IMPLIQUANT CHROMOSOME Y, ENDOMORPHINES, SEROTONINE, TESTOSTERONE. IMPLICATIONS EVENTUELLES DE CES RECHERCHES DANS LES PSYCHOSES INFANTILES"

L'objectif de cette recherche est de mettre à l'épreuve l'hypothèse selon laquelle il y aurait une association entre le chromosome Y, l'activité de la testostérone, la sérotonine (neuromédiateur inhibiteur) et les endomorphines. Cette hypothèse a été posée à la suite d'observations cliniques chez les enfants autistes. En effet, nous avons pu observer chez des enfants autistes âgés de 6 à 9 ans et tous à un stade pré pubertaire, des troubles de pilosité pubienne, ce qui suggérerait une éventuelle implication de la testostérone. Sachant que d'une part, les autistes présentent des taux de bêta-endorphine plasmatique et de sérotoninémie élevés et que d'autre part il y a environ quatre fois plus de garçons autistes que de filles, nous avons été amenés à poser l'hypothèse d'une association entre la testostérone, la sérotonine, les endomorphines et le chromosome Y. Tester un éventuel effet du chromosome Y sur ces paramètres biologiques nécessite de pouvoir manipuler le patrimoine génétique. Les manipulations génétiques ainsi que les dosages cérébraux étant évidemment impossibles chez l'enfant autiste, nous avons donc travaillé su' un modèle animal : la souris (dans le laboratoire du Professeur ROUBERTOUX). Il n'est pas question de proposer un modèle animal de l'autisme mais plutôt un modèle de mécanisme biologique associant le chromosome Y, la testostérone, les endomorphines et la sérotonine.

Ce travail regroupe 2 études qui sont à ce jour en cours :

La première étude a pour objectif de tester chez la souris, l'association entre le chromosome Y, l'activité de la testostérone, la sérotonine (sérotoninémie, sérotonine cérébrale, sérotonine des bulbes olfactifs) et les endomorphines cérébrales (bêta-endorphine ainsi que ACTH, dynorphine, met-enképhaline). L'activité de la testostérone comprend aussi bien la concentration de testostérone plasmatique que la réactivité des organes ciblés aux androgènes représentée ici par le poids des testicules et des vésicules séminales. Cette recherche a été réalisée dans le Laboratoire de Neurogénétique et Comportement du Professeur ROUBERTOUX. Les dosages de sérotonine ont été faits dans le Laboratoire de Biochimie et Neuroendocrinologie de l'hôpital Saint-Louis. Les dosages de met-enképhaline et de dynorphine cérébrales ont été faits dans le laboratoire du Professeur M. HAMON (INSERM U.288), par le Professeur F. CESSELIN et Mme S. HAMON. Les dosages de bêta-endorphine et d'ACTH cérébrales ont été réalisés à la Faculté de Médecine Bichat, dans le laboratoire du Docteur N. LINHART. L'étude a porté sur les 11 lignées suivantes (5 sujets mâles par lignée) : NZB, CBAH, DBA1 et DBA2, BIO, AJAX (A/J), B6, XLII, BALB C., BY, B6BY, CPBK, BA ainsi que les lignées congéniques de NZB et CBAH à savoir NYH et HYN. Par ailleurs, chaque sujet a été soumis à l'âge de 2 mois à un test d'agression décrit par CARLIER et ROUBERTOUX (1986). Chaque mâle a été placé en présence d'un opposant standard de lignée A/J pour une observation des conduites d'attaque de durée limitée.

La deuxième étude a pour objectif de tester l'association entre la testostérone plasmatique, la sérotoninémie, les taux plasmatiques de bêta-endorphine, cortisol, ACTH, adrénaline, noradrénaline, dopamine chez les enfants autistes. Ce deuxième volet de la recherche a été réalisé dans le cadre d'un contrat de recherche externe INSERM (directeur de programme : Docteur S. TORDJMAN ; Directeur du Laboratoire Principal : Professeur P. ROUBERTOUX.

L'analyse des résultats de ces études est en cours.

2 - ETUDE DE L'EFFET NOCIF DE LA PERTURBATION DES RELATIONS PRECOCES

Deux équipes travaillent parallèlement sur cette question avec l'objectif de dégage, non pas des modèles animaux d'autisme, mais des modèles animaux de processus épigénétiques avec des conséquences développementales.

- EQUIPES DE MADAME C. HENRY (INSERM 394, Bordeaux) ET PROFESSEUR J.D. VINCENT (CNRS UPR 2212, Gif-sur-Yvette)

"MODELES ANIMAUX : EVENEMENTS DE VIE PRECOCES ET PERTURBATIONS NEURO-DEVELOPPEMENTALES"

Aucun modèle animal ne rend compte d'un trouble du développement aussi complexe que l'autisme. Cependant, comme "celui qui parlait presque", l'autiste suscite les plus vifs débats dans la mesure où sa pathologie affecte l'homme dans l'une de ses fonctions les plus valorisées qu'est la communication interindividuelle, non verbale puis verbale. Les polémiques autour de l'étiopathogénie de l'autisme épousent l'opposition classique entre théories psychodynamiques et modèles organiques. Il est pourtant possible de dépasser de tels clivages en montrant que des facteurs épigénétiques, sous la forme d'événements de vie précoces, peuvent modifier le programme génétique de développement du système nerveux et provoquer des modifications durables du comportement et des caractéristiques neurochimiques et fonctionnelles de leur cerveau.

Sans prétendre reproduire une pathologie aussi singulière que l'autisme, les modèles animaux peuvent, en revanche, illustrer l'influence de l'histoire individuelle sur le développement du cerveau et des comportements. Plusieurs modèles prennent en compte l'influence des événements de vie précoces sur le devenir du sujet. En particulier, le modèle du stress prénatal permet de montrer l'influence d'un stress appliqué à la mère durant la gestation sur le développement de sa progéniture. Des rates gestantes, soumises à des stress répétés donnent naissance à une descendance affichant un certain nombre de perturbations comportementales dont la plupart perdurent jusqu'à l'âge adulte. Ces rejetons présentent en effet des anomalies qui affectent leur réactivité au stress, leur comportement sexuel, leurs capacités d'apprentissage ou encore leur appétence pour les psychostimulants. De plus, il est possible de rattacher certaines ce ces particularités comportementales à des modifications fonctionnelles de leur système nerveux. Enfin, il est probable que certaines de ces perturbations de la progéniture découlent de la réponse endocrinienne de la mère durant l'exposition au stress. Les glucocorticoïdes libérés par la mère au cours du stress peuvent en effet traverser la barrière placentaire, puis la barrière hémato-encéphalique du foetus pour modifier le développement de son système nerveux.

Ce type de modèle animal illustre l'importance de facteurs épigénétiques dans le développement normal et pathologique du système nerveux et dans le déterminisme des comportements et propose des concepts de nature à réconcilier l'approche psychodynamique fondée sur l'histoire précoce du sujet et les modèles organiques plus attachés aux perturbations neurobiologiques dans les troubles du comportement.

- EQUIPE DU PROFESSEUR GEISSMANN ( Bordeaux)

"UN MODELE ANIMAL : ETUDE DE L'EFFET NOCIF DES INTERACTIONS FOETO-MATERNELLES PERTURBEES"

I - OBJECTIFS

A l'origine de l'autisme, des anomalies chez l'enfant peuvent être génétiquement programmées ou acquises par suite d'un processus interactif défavorable, ces anomalies se développant dans le contact avec l'environnement. C'est dans ces conditions qu'une recherche expérimentale a été initiée dans le laboratoire de M. LE MOAL qui dirige cette expérimentation. Comme il n'était pas question de procéder à une recherche expérimentale sur l'enfant, il a été proposé une expérience chez l'animal et pour cela nous avons utilisé les capacités de recherche du laboratoire de M. LE MOAL sur le rat. Il a été recherché, chez un animal simple, donc à priori très "biologique", si des influences psychiques" pouvaient déterminer l'apparition de symptômes chez le petit rat.

II - METHODE

Chez des animaux génétiquement connus et tous semblables , il a été procédé à des expériences de stress chez des mères gestantes, comparant deux populations de mères stressées et de mères non stressées. En compliquant les choses, quatre populations ont été obtenues en faisant adopter un certain nombre de petits rats issus de mères stressées par des mères non stressées et vice versa.

III - RESULTATS

Il a ainsi pu être montré que le stress prénatal provoquait un retard du développement psychomoteur chez le rat nouveau né et d'autre part que ces animaux devenus adultes présentaient une réactivité accrue à l'administration d'amphétamines et une propension à acquérir plus rapidement et plus durablement la réponse d'auto-administration de cette drogue. Il a pu être observé aussi des modifications du comportement maternel chez des mères non stressées lorsqu'elles élèvent des petits qu'elles ont adoptés et qui sont issus de mères stressées. Par ailleurs, les petits rats issus de mères stressées présentent de façon tout à fait significative une hyperkinésie locomotrice après manipulation. Ces petits rats hyperkinétiques présentent par ailleurs des phénomènes tout à fait étonnants d'insensibilité à la douleur. Enfin, les tout derniers résultats de ces expériences, qui se poursuivent, semblent indiquer que chez ces rats, issus de mères stressées, on noterait l'absence d'une plage normale réfractaire à la perception de stimuli : animaux hypersensitifs à la naissance.

IV - CONCLUSIONS

Ces expériences permettent d'une part d'étudier par la suite d'un point de vue biologique, le retentissement du stress prénatal sur le système de neuro-régulation dopaminergique, retentissement qui peut être à l'origine d'un certain nombre de conséquences comportementales et, d'autre part, d'un point de vue du psychisme grossier de l'animal de se poser la question de savoir comment, dans ces conditions, les animaux arrivent à présenter des symptômes qui évoquent ceux que l'on rencontre dans l'autisme, par exemple l'hyperkinésie ou l'insensibilité à la douleur, ou l'appétence pour les drogues, ou l'hypersensitivité à la naissance. Bien entendu, il ne s'agit pas de faire des comparaisons entre le psychisme de l'animal et celui de l'enfant, mais de montrer qu'effectivement des stimulations liées à l'environnement pur, sans aucune atteinte génétique ni lésionnelle peuvent donner lieu à une symptomatologie aussi grave chez l'animal que l'est l'autisme chez l'enfant.