CONSOMMATION DE PSYCHOTROPES
ET MORBIDITE
EN POPULATION GENERALE :
INDICATEURS DE SANTE MENTALE

 

NOTE DE SYNTHESE

ANALYSE SECONDE DES DONNEES
DE L'ENQUETE INSEE-CREDES SUR LA SANTE ET LES SOINS MEDICAUX 1991-1992

 

F. FACY, F.CASADEBAIG, JM THURIN

 

Sous la direction de D. WIDLÖCHER, Directeur de l'unité INSERM U302

I- Contexte de la recherche : objectifs et méthodologie

Les études décennales menées par l'INSEE et le CREDES pour analyser les tendances de la consommation médicale en fonction des données de morbidité s'enrichissent progressivement d'apports complémentaires d'autres équipes de recherche, pour rentabiliser les investissement liés à de telles enquêtes et mieux répondre aux attentes sociales. Le thème "santé mentale et épidémiologie du bien-être", retenu par la MIRE pour des analyses secondes de l'enquête de 1991-1992, a suscité la mobilisation d'un groupe de chercheurs et de cliniciens autour de l'équipe d'épidémiologie en santé mentale de l'INSERM U.302 "Psychopathologie et pharmacologie des dépendances". Trois directions d'études sont proposées : la prescription de neuroleptiques, les usages de psychotropes, l'expression du mal être.

1.     Etude des sujets recevant une prescription de neuroleptiques

La quasi totalité des études ayant trait à la pathologie mentale sévère portent, en France, sur l'analyse de patients à partir des lieux de soins. En effet, la prévalence des maladies psychiatriques sévères est faible. La majorité des études internationales situe la prévalence de la schizophrénie à moins de 1%. Il s'ensuit qu'il est difficile de mener des études sur les malades mentaux à partir de la population générale. Le nombre de personnes à contacter, pour atteindre un nombre suffisant de malades et obtenir des résultats fiables, dépasse les possibilités matérielles de la plupart des équipes de chercheurs.

L'enquête INSEE-CREDES offre l'opportunité d'aborder, à partir de la population générale, une population présentant soit des diagnostics psychiatriques, soit une consommation de médicaments, les neuroleptiques, qui sont plus spécialement destinés aux sujets présentant une pathologie neurologique ou psychiatrique. Elle permet en conséquence de comparer ces sujets de la population générale à des sujets suivis dans des lieux de soins spécialisés et plus spécialement, de comparer à des patients schizophrènes, âgés de 18 à 64 ans, étudiés par l'Unité 302 de l'INSERM depuis 1993, avec le soutien du Groupe Français d'Epidémiologie Psychiatrique (GFEP). L’une des principales caractéristiques de ces patients schizophrènes suivis en secteur de psychiatrie générale est la consommation de neuroleptiques : presque tous les patients de l'enquête (97%) prennent au moins un neuroleptique.

Le premier objectif de l’étude est de repérer dans l’échantillon de la population française étudié les sujets présentant un diagnostic de schizophrénie ou de psychose. Le deuxième objectif est de comparer par diagnostic les sujets prenant des neuroleptiques. Le troisième objectif est de comparer une population générale traitée par neuroleptique à la population des schizophrènes suivis dans des secteurs de psychiatrie générale.

Le questionnaire utilisé dans l'enquête INSERM a été conçu pour pouvoir comparer les données de consommations de soins avec celles de l'enquête INSEE-CREDES, mais l’information sur la prescription de médicaments psychotropes reçus par le patient est fournie par le psychiatre concerné dans l’enquête INSERM, et il en est de même pour les maladies. Dans l’enquête INSEE-CREDES, il s’agit d’une auto-déclaration par le sujet interrogé.

2.     Recherche d'une typologie des usages de psychotropes (médicaments, alcool et tabac), pris seuls ou associés, jusqu'à la dépendance

Dans le contexte général français d'usages importants de produits psychotropes licites, en vente libre comme l’alcool ou le tabac ou prescrits dans un contexte thérapeutique, il s’agit d’étudier la répartition des différents usages dans les segments de la population générale, d’analyser les associations de produits, et de rechercher l’existence de typologie des usages. Le potentiel de description complète des comportements de consommation jusqu’à la dépendance sera testé pour une telle enquête en population générale.

De plus, au delà de la description synthétique des comportements, le projet vise à étudier la mise en relation des usages de substances psychotropes (prescrites ou non) avec un contexte de souffrance psychique et de besoins exprimés au niveau de la santé mentale.

Une deuxième analyse se limite aux jeunes adultes (20-35 ans), pour lesquels les résultats seront confrontés à ceux d’une étude faite en collaboration avec la CPAM auprès de consultants ayant bénéficié d'un bilan de santé. Cette comparaison devrait tester la représentativité des sujets ayant un examen de santé par rapport à une population générale et la validité des corrélations au niveau de la graduation des usages de substances psychotropes (de l'expérience unique à la répétition régulière), de leurs associations éventuelles et des contextes spécifiques à de jeunes adultes, qui permettent d'orienter des actions de prévention.

3.     Expression du mal être en population générale : souffrance psychique, maladies mentales et somatiques associées, contexte des événements personnels et comportements de soin

L'analyse des éléments concernant la santé mentale repose sur l'exploitation du questionnaire "anxiété, sommeil, irritabilité" de l'enquête. A partir des sujets déclarant des symptômes de mal être à des niveaux plus ou moins importants, un premier objectif est de dégager une typologie. La confrontation de cette typologie aux pathologies mentales déclarées par ailleurs doit permettre de juger de sa validité globale. Cette analyse s'intègre dans une recherche plus globale des déterminants de l'expression du mal être, mettant en jeu les données de morbidité, de recours aux soins, les variables sociodémographiques ainsi que les données relatives aux événements de vie personnels. Il s'agit également de situer l’influence de l’exposition à un événement marquant récent ou dans l'enfance sur l'expression du mal être et la consommation de psychotropes : les événements récents seront analysés en recherchant des événements de l’enfance ou des conditions affectives particulières (carences affectives du même ordre que les situations actuelles ou susceptibles de créer des conditions de vulnérabilité particulière).

II- Résultats

1.     Première étude : Sujets psychotiques et sujets consommateurs de neuroleptiques en population générale : comparaison avec une population schizophrène traitée

(Casadebaig F., Philippe A., Ruffin D., Lecomte T.)

1.1     Diagnostic de psychose dans l’enquête INSEE-CREDES : résultats et commentaires

Dans l'enquête INSEE-CREDES, sur un effectif de 13188 personnes âgées de 18 à 64 ans, on relève 40 personnes avec un diagnostic de psychose, soit une prévalence de 0,3%. Cette prévalence semble faible[1]. Quelques hypothèses peuvent être émises à ce sujet :

De par le champ même de l’enquête, tout sujet hospitalisé échappe à l’étude, ce qui contribue aussi à diminuer la prévalence des troubles psychotiques, même si actuellement les sujets en hôpital temps plein à un moment donné sont minoritaires, environ le quart des sujets d’une file active.

Dans les enquêtes de population, les sujets isolés sont les plus difficilement accessibles. Or les sujets psychotiques le sont souvent.

La reconnaissance par les sujets de pathologies dont l’acceptation est difficile peut être une source de sous-déclaration. Certains sujets qui par exemple se sont déclarés dépressifs ou ont décrit des troubles regroupés sous l’entité de symptômes névrotiques auraient sans doute pu être classés par un psychiatre dans une autre catégorie.

Parmi les 40 sujets avec diagnostic de psychose, 19 ont une prescription de neuroleptique et 21 n'en ont pas. La proportion de sujets psychotiques non traités par neuroleptique est étonnante. Il faut bien sûr  avoir en tête les limites méthodologiques énoncées plus haut.

On relève que la différence de consommation de neuroleptique entre les deux groupes n’est pas compensée par une consommation plus importante d’autres classes de psychotropes : les sujets sous neuroleptique sont aussi ceux qui prennent davantage de médicaments psychotropes autres. On constate que les sujets psychotiques traités par neuroleptique sont aussi les plus suivis, aussi bien par les généralistes que par les spécialistes. L’incapacité permanente, comparable chez les sujets psychotiques sans neuroleptique et chez ceux avec neuroleptiques, ne vient pas expliquer la différence de prise en charge entre les deux groupes. Le fait que les sujets psychotiques traités par neuroleptique apparaissent les moins isolés est probablement une des explications d’un meilleur suivi médical ou d’un suivi médical mieux repéré dans l’enquête.

1.2     Consommation de neuroleptique dans l’enquête INSEE-CREDES : résultats et commentaires

138 personnes ont déclaré avoir acquis des neuroleptiques pendant l'enquête. Pour ces sujets, on trouve quatre groupes diagnostiques à l’origine de ces prescriptions : 19 sujets (14%) avec un diagnostic de psychose, 66 sujets  (48%) avec un diagnostic de dépression, 28  sujets (20%) avec un diagnostic de névrose et 25 sujets  (18%) avec un diagnostic de maladie somatique.

Concernant la prescription de neuroleptique, plusieurs constatations se dégagent :

Il faut d’abord noter que la prescription de neuroleptique touche une partie faible de la population générale (1%), mais que cette prescription présente un champ beaucoup plus large que la pathologie psychotique pour laquelle elle est a priori destinée et va au delà même de la pathologie mentale. Pour des sujets étudiés en secteur public de psychiatrie, la proportion recevant des neuroleptiques mais ne ressortissant pas du champ de la psychose est de 36%[2]. Ils représentent 86% des sujets de l’enquête INSEE-CREDES.

L’indication de neuroleptique dans un champ aussi large que celui trouvé ici, avec des tableaux fonctionnels un peu flous, peut poser problème. Dans des états névrotiques avec décompensation dépressive sévère, l’association antidépresseur / neuroleptique est utilisée assez classiquement pendant des durées brèves. De même, certains neuroleptiques sont utilisés dans des pathologies alcooliques. Les troubles fonctionnels déclarés ici peuvent recouvrir d’autres pathologies, éventuellement même somatiques, dont le sujet peut avoir du mal à parler, comme le cancer par exemple, où le neuroleptique est parfois utilisé dans un rôle antalgique. Il faut souligner qu’il semble s’agir d’une consommation beaucoup plus ponctuelle dans le cas des sujets avec troubles somatiques. Le nombre moyen de boîtes de neuroleptiques acquises pendant l’enquête, s'il varie peu entre les groupes avec trouble mental (près de 4 boîtes), est par contre plus faible pour les sujets avec troubles somatiques (2,7 boîtes). Il semble toutefois qu’il existe peu d’indications thérapeutiques scientifiquement validées pour des usages aussi variés. Les neuroleptiques ont dans l’ensemble des effets secondaires sur la santé des sujets qui doivent rendre leur prescription particulièrement étudiée.

S’agit-il d’un glissement des prescriptions de benzodiazépines vers les neuroleptiques? Si l’on regarde les médicaments psychotropes autres que neuroleptiques, on voit qu’ils concernent avant tout les sujets avec troubles psychotiques ou les sujets dépressifs et sont prescrits de façon plus marginale pour les sujets avec troubles névrotiques ou somatiques.

1.3     Comparaison des schizophrènes suivis à l’INSERM et des sujets recevant un neuroleptique dans l’enquête INSEE-CREDES

La diversité des diagnostics traités par neuroleptique dans l’enquête INSEE-CREDES entraîne des caractéristiques sociodémographiques et cliniques tout à fait différentes de celles des patients schizophrènes suivis dans des secteurs publics de psychiatrie.

Quand on compare les patients schizophrènes (Casadebaig et al. 1997) à la population générale dans son ensemble, les patients schizophrènes ont plus de consultations tant chez le généraliste que chez le spécialiste et également plus d’hospitalisations au cours des six mois précédant l’enquête. A l’inverse, si l'on compare les patients schizophrènes à la population INSEE-CREDES prenant des neuroleptiques, ce sont ces derniers qui présentent les prises en charges plus nombreuses.

Si l'on compare les schizophrènes suivis en secteur aux seuls sujets de l’enquête INSEE-CREDES présentant des troubles psychotiques et traités par neuroleptique, on relève davantage de traits parallèles. Dans les deux cas, il s’agit d’une population plus masculine, plus jeune, avec une proportion importante de fumeurs. L’incapacité permanente n’était pas relevée comme telle chez les schizophrènes mais 50% d’entre eux avaient une AAH et 21% une pension d’invalidité. Toutefois, certaines différences  sont à noter. Elles concernent la vie familiale, beaucoup plus présente parmi les sujets  avec troubles psychotiques, l’activité exerçée qui est aussi beaucoup plus fréquente pour eux, de même que les consultations plus nombreuses tant chez le spécialiste que chez le généraliste. Ces différences mériteraient toutefois si les effectifs étaient plus importants d’être pondérées par le sexe et l’âge.

1.4     Conclusion de la première étude

L’analyse présentée ici des sujets de l’enquête INSEE-CREDES en population générale selon leur diagnostic ou leur consommation de neuroleptique présente plusieurs limites méthodologiques. La faiblesse des effectifs concernés par la pathologie mentale sévère rend plus aléatoire les informations relevées. L’auto-déclaration des sujets, notamment pour ce qui est du diagnostic, ajoute une part d’incertitude sur les données de morbidité. C'est probablement pour des pathologies dont la prévalence est faible et la reconnaissance par le sujet lui-même souvent douloureuse que les enquêtes en population générale sans utilisation d’outils standardisés peuvent poser le plus de problèmes. Pour ce qui est de la consommation de neuroleptiques, consommation marginale par rapport à d’autres médications, il serait souhaitable que dans une prochaine enquête, on puisse apprécier plus précisément quel est le prescripteur, et pour quelle durée et quel motif, cette médication est instituée.

2.     Deuxième étude : Recherche d'une typologie des usages de psychotropes en population générale

(Facy F., Ruffin D., Rabaud M.)

2.1     Description des consommations

Les consommations décrites dans l’enquête concernent uniquement les produits psychotropes licites. Aucune information relative aux produits illicites et aux usages détournés de médicaments n’est disponible.

La description des usages de chaque produit se révèle cohérente avec les études épidémiologiques générales, pointant les spécificités françaises d'usages répandus d'alcool et des médicaments, sans pour autant concerner la majorité.

Un peu plus de 15% des sujets ont acquis au moins une boîte de psychotropes pendant l’enquête, et près de 5% ont au moins cinq boîtes. 10% des sujets ont acquis au moins une boîte de tranquillisants, 6% d’hypnotiques, 4,5% d’antidépresseurs, 1,5% de neuroleptiques et 1,5% d’autres psychotropes. Ces prescriptions ne sont pas distinguées selon qu’il s’agisse d’un traitement initial ou d’un renouvellement d’ordonnance, ce qui entraîne une imprécision sur les parts respectives des precriptions des généralistes et des spécialistes, des médecins de ville et des hospitaliers. La médecine générale apparaît comme le secteur ayant prescrit le plus de traitements psychotropes (85%), les spécialistes en psychiatrie ayant prescrit près de 10% des traitements.

L’étude des motifs de prescription de psychotropes permet de préciser différents contextes de santé motivant ces consommations : diagnostic de trouble mental, symptômes et états morbides mal définis, diagnostics correspondant à des maladies organiques. L'état de santé mentale est à l'origine d’un peu plus de la moitié des prescriptions de psychotropes, les symptômes et états morbides mal définis motivent un tiers des prescriptions, les maladies organiques 13%.

2.2     Analyse typologique des comportements

Une classification automatique des sujets à partir des variables de consommation permet de quantifier les tendances et les sous-groupes existant en matière d'usage. Sept groupes sont obtenus. Deux groupes consomment des médicaments, l’un des hypnotiques (3,5% de la population), l’autre des antidépresseurs et tranquillisants (4%). Deux groupes associent alcool et tabac (7%), l'un étant tourné vers la bière ou le cidre (3,5%), l'autre vers le vin (3,5%). Un groupe déclare fumer sans abuser d’alcool (12%). Un groupe boit de l’alcool à dose modérée (16%) ; un dernier groupe rassemble les abstinents actuels et les faibles consommateurs (58%).

La comparaison de cette typologie avec celle du CREDOC réalisée en 1987-88 montre des différences dues essentiellement aux instruments de mesure différents. Le CREDOC a considéré également la consommation occasionnelle, introduisant une plus grande diversité dans les usages. De plus, avec l'impact des campagnes de prévention, une certaine évolution des usages en quatre ans est à évoquer (notamment la diminution moyenne de l’alcool).

2.3     Influence des données démographiques, familiales et sociales sur les comportements

Les différences d’usage sont marquées selon le sexe et selon l’âge. Schématiquement, on peut opposer des comportements masculins (consommation élevée d’alcool) et féminins (usage de médicaments, consommation faible ou nulle), de même que des comportements répandus chez les jeunes (la consommation faible ou nulle, la tabagie) et chez les personnes âgées (consommation de médicaments).

A sexe et âge égal, la consommation faible ou nulle est moins répandue parmi les veufs et les divorcés. Les veufs appartiennent plus souvent aux deux groupes consommateurs de médicaments. Les divorcés consomment davantage d’alcool associé au tabac.

A sexe et âge égal, la faible consommation reste plus répandue parmi les populations les plus diplômées, les plus grands consommateurs de médicaments, d’alcool et de tabac appartenant plutôt aux populations faiblement ou non diplômées. L’influence de la situation d’activité actuelle et antérieure sur l’usage de psychotropes est importante pour les différents produits. A sexe et âge égal, deux groupes s’avèrent consommer davantage de produits psychotropes : les chômeurs (alcool, tabac) et les inactifs n’ayant jamais travaillé (médicaments).

Pour ce qui est de la répartition des usages selon la région, les oppositions relevées reflètent les spécificités régionales en matière d’alcool. Le groupe de consommateurs modérés de vin est surreprésenté dans le Sud Ouest, le Sud Est et l’Ouest de la France, et le groupe consommateurs de bière et autres produits est implanté dans le Nord et le Bassin Parisien. Le pourcentage du groupe de consommation faible ou nulle  est maximal en régions parisienne et lyonnaise.

2.4     Mise en relation de la typologie des usages avec les données sanitaires

La typologie des usages de produits psychotropes peut être considérée comme un indice synthétique des comportements de consommation. Il est utile alors que des recherches de corrélation soient faites avec les données de santé, pour tester des hypothèses interprétatives, soit de conduites à risque, soit d’équivalents de traitements, soit de symptômes de souffrance psychique en fonction d’usages de produits.

Les quatre groupes consommateurs d'alcool et de tabac ont déclaré peu de troubles mentaux. Le groupe de consommation faible ou nulle est également peu concerné. En revanche, les trois quarts du groupe «antidépresseurs et tranquillisants» sont concernés. La part des troubles mentaux dans le groupe «hypnotiques» reste inférieure (40%), les pathologies mal définies (troubles du sommeil, fatigue, céphalées, autres symptômes mal définis) étant majoritaires (55%).

L’examen des corrélations entre le mal être exprimé et la typologie des usages fournit un résultat comparable, avec une opposition entre les deux groupes consommateurs de médicaments et les autres groupes. Le mal être exprimé n’apparaît pas plus important dans les groupes forts consommateurs d’alcool ou de tabac que dans les groupes abstinents ou consommateurs modérés.

Au niveau des maladies déclarées, la consommation de médicaments est liée à un état de santé dégradé, en particulier la prise d’hypnotiques. A âge égal, les quatre groupes consommateurs de produits hors médicaments déclarent moins de maladies que le groupe de consommation faible ou nulle. Ainsi, pour les groupes usagers de tabac et/ou d'alcool à doses élevées, la santé semble poser moins de difficultés. Cependant, certaines associations sont significatives, concernant des pathologies qui peuvent être reliées aux usages, voire à des dépendances. L’appartenance au groupe consommateur de vin à dose modérée apparaît corrélée à une prévalence moindre de plusieurs rubriques de la C.I.M..

La validité de la typologie des usages ayant été éprouvée à travers les corrélations avec les données sociales d’une part, les données médicales d’autre part, il apparaît nécessaire de rechercher une hiérarchie des corrélations dans le champ social ou dans le champ du comportement individuel. Une analyse logistique a confronté chaque groupe consommateur de psychotropes issu de la typologie au groupe de consommation faible ou nulle, considéré comme référence.

L’appartenance aux groupes consommateurs de médicaments est associée en premier lieu aux données de santé mentale (diagnostics de trouble mental, expression d’un mal être et pour le groupe consommateur d’hypnotiques mention de symptômes morbides mal définis). L’appartenance au groupe consommateur de vin à dose modérée dépend principalement de facteurs sociodémographiques (sexe et âge). Certains environnements sociaux et géographiques sont également associés à une probabilité plus grande (milieux ouvriers, ruraux et régions du Sud de la France). L’appartenance au groupe consommateur de vins et de tabac est associée à plusieurs caractéristiques d’ordre sociodémographique et sanitaire. Le sexe est la variable la plus influente. Certaines expériences au plan familial ou professionnel paraissent vulnérabilisantes (veuvage, chômage). Socialement, la probabilité de cet usage est importante dans différentes catégories socioprofessionnelles. La possession d’un diplôme du supérieur reste en revanche associée à un risque d’appartenance plus faible. L’appartenance au groupe consommateur de bière et d'autres produits et au groupe consommateur de tabac est associée en premier lieu aux facteurs sociodémographiques. Certains indicateurs subjectifs de l’état de santé apparaissent également associés à un risque d’appartenance plus élevé d'usage de tabac.

2.5     Comparaison des études en population générale et en population consultante

Les études de représentativité au plan sociodémographique sont réalisées sur un sous-échantillon tiré de l’enquête INSEE-CREDES (sujets âgés de 20 à 35 ans vivant en Ile de France), comparé à la population âgée de 20 à 35 ans consultante de deux centres d'examen de santé de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Paris (Etude CPAM 1995-1996).

Les différences sociodémographiques observées montrent les biais de sélection induits par l’offre de dépistage que constituent les bilans de santé de la CPAM, probablement modifiés actuellement du fait d’une politique volontariste d’accès aux populations les plus défavorisées. La similitude des usages entre les deux échantillons permet de relativiser fortement le poids des données familiales et sociales, à ces âges. L'influence des traits de personnalité étudiée dans l'échantillon CPAM peut par suite être extrapolée à l'étude générale pour expliquer les différents comportements.

2.6     Discussion

Les usages de psychotropes en population générale sont connus dans leurs grandes tendances et la situation française est bien établie depuis plusieurs enquêtes sur des échantillons représentatifs. Les difficultés principales rencontrées concernent les mesures qui sont utilisées, la sincérité des réponses, les interprétations qui en découlent et leurs utilisations pour établir des actions de prévention de santé, comme cela a déjà été évoqué dans les travaux cliniques pour l’alcool, le tabac et dans les enquêtes en population générale. Ainsi les situations de dépendance lourde sont très mal repérées dans l’enquête INSEE-CREDES 1991-1992.

Au-delà de la connaissance des usages de chaque produit psychotrope, l’approche typologique permet de délimiter les consommations associées et de définir les pôles d’usages les plus marqués. Un intérêt majeur de ces typologies est de créer un indice synthétique des usages qu’il est ensuite possible de croiser aisément avec les autres variables, sociodémographiques ou sanitaires. Les déterminants sociaux des comportements d’usages de psychotropes montrent le poids déterminant de deux facteurs principaux : l’âge et le sexe, auxquels s’ajoutent mais de façon plus nuancée des facteurs environnementaux ou occupationnels, comme l’ont montré certaines études régionales sur la mortalité ou l’offre de soins.

Quels que soient les modes d'analyse du mal être, les corrélations avec la typologie des usages de psychotropes sont significatives. Les groupes consommateurs de médicaments ont en moyenne les scores de mal être les plus élevés. Toutefois, les consommateurs les plus faibles n’ont pas les scores les plus bas. Les niveaux moyens ou élevés de mal être sont plus fréquents relativement pour les consommateurs de médicaments (70%), puis les consommateurs les plus faibles (40%), les fumeurs (35%), les autres (30%). Ces corrélations indiquent un sens général aux consommations, dont les cliniciens proposent des interprétations pour les médicaments ou plus généralement en psychopathologie.

L’influence des données individuelles et familiales est particulièrement nette sur les usages de psychotropes, en fonction également des données sociales. Chez les jeunes, les événements de vie sont corrélés avec la surconsommation de tabac, chez les plus âgés, la surconsommation de médicaments est conditionnée par la biographie. Il en est de même pour les conditions de travail, sans qu’il soit possible de distinguer les parts respectives des influences des facteurs strictement personnels ou socioprofessionnels.

2.7     Conclusion de la deuxième étude

La répétition d’enquête en population générale est indispensable pour la connaissance quantitative des comportements d’usage de produits psychotropes. Lorsque les enquêtes sont répétées à l’identique, l’évolution des comportements peut être analysée à biais constant. Ainsi en 1991-1992, il est possible d’apprécier la part des consommations, depuis l’abstinence jusqu’à des usages importants, les plus faibles consommations concernant 60% de la population alors que les conduites les plus extrêmes, prise de médicaments ou usage associé d'alcool et de tabac, représentent 15% de la population. L’intérêt d’une typologie des usages est d’apprécier schématiquement les comportements sans cibler a priori un produit ou un autre et la confrontation de différentes typologies issues de plusieurs enquêtes renforce l’hypothèse de l’existence de ces pôles :  consommation faible ou nulle, usages associés d’alcool et tabac, consommation de tabac, consommation de médicaments psychotropes, consommation modérée d’alcool. Toutefois, une telle enquête ne peut permettre d’avoir le panorama complet des usages de psychotropes, licites ou illicites, depuis des comportements épisodiques jusqu’à des conduites de dépendance, entraînant exclusion ou traitement. L’estimation quantitative ne peut provenir que du croisement de plusieurs indicateurs, spécifiques à des groupes d’usagers, y compris les patients traités, comme le recommande le Conseil de l'Europe pour l'étude des tendances actuelles dans le domaine de la toxicomanie.

Les corrélations entre usages de psychotropes, diagnostics de santé mentale et expression d'un mal être, si elles sont globalement significatives, suggèrent toutefois des interprétations nuancées suivant la typologie des consommations. Les plus grosses consommations correspondent aux situations les plus lourdes, mais les consommateurs les plus faibles ne sont pas les plus indemnes de difficultés. Les groupes «paradoxaux» pourraient être approfondis sur un plan clinique : sujets ayant des troubles mentaux (10% des plus faibles consommateurs), sujets usagers de médicaments sans trouble mental (5% à 8%).

L’expression de mal être, s’il distingue nettement les usagers de médicaments psychotropes des autres sujets avec les scores les plus élevés, ne différencie pas beaucoup les autres catégories d’usagers en fonction des produits (hors médicaments). Le recours aux produits serait-il alors plus lié aux facteurs sociaux qu’à l’intensité des difficultés ou bien serait-il un prédicteur de difficultés ultérieures, liées à la dépendance ou aux modes de vie associés? Une enquête transversale ne peut répondre à ce type de question.

Pour les usages de substances non médicamenteuses, les données démographiques et environnementales semblent prépondérantes. On note toutefois l’influence relative de certains aspects concernant la santé, en particulier les appréciations subjectives de l’état de santé général, notamment dans les groupes consommateurs de tabac.

Qu’il s’agisse du groupe des hypnotiques ou de celui consommateurs d’autres médicaments, les probabilités de consommation sont minimales lorsque les sujets ne déclarent pas de diagnostic de trouble mental et lorsqu’ils ne recourent pas au système de soins. Un tel résultat laisse entendre une bonne adéquation générale des prescriptions. La consommation de médicaments psychotropes tels que les antidépresseurs et les tranquillisants est dans l’ensemble quasi exclusivement expliquée par la santé mentale et le recours au secteur spécialisé en psychiatrie. Les seuls autres facteurs ayant une influence sont relatifs aux événements de vie récents et à l’expression d’un mal être général. Les résultats pour l’usage d’hypnotiques sont plus nuancés. Du point de vue des diagnostics déclarés, on retrouve à part égale l’influence des troubles mentaux et des symptômes mal définis. L’expression d’un mal être reste un facteur à noter, indice de l’existence de besoins non pris en charge. Les données relatives à l’état de santé physique ont une faible influence ; celle-ci semble pouvoir être résumée par l’âge qui, à l’inverse du groupe consommateur d’antidépresseurs et de tranquillisants, reste influent.

Les usages de psychotropes apparaissent corrélés à plusieurs caractéristiques d’ordre démographique, géographique et socio-économique. Qu’on s’intéresse aux différents produits ou à la répartition des usages, les résultats ajustés selon le sexe et l’âge montrent la permanence de certaines associations. Un registre de facteurs correspond aux pratiques socioculturelles. Il s’agit des traditions régionales, du clivage rural/urbain, des catégories socioprofessionnelles, du niveau de la formation. On observe également l’influence de facteurs fragilisants dans différents domaines : celui de la vie familiale (divorce, veuvage), celui de la vie professionnelle (chômage).

Des prolongements d’études pourraient être suggérés. L’utilisation de questionnaires utilisés pour dépister des conduites de dépendances pourrait être envisagée pour améliorer de tels recueils de données, à la lumière de l’expérience d’autres pays. De même, les conditions d’usages, particulières ou dans la vie courante, pourraient être approfondies, en confrontant différents outils déjà utilisés pour le tabac ou l’alcool. De façon complémentaire, les produits illicites pourraient être recherchés, à l’instar de l’étude de la CPAM sur un échantillon de sujets plus jeunes. L’exemple d’autres pays européens (l’Allemagne pour les sujets âgés de 12 à 39 ans, les Pays-Bas pour l’ensemble de la population) devrait servir à élaborer des questions plus complètes par rapport à l’ensemble des produits psychotropes (Conseil de l’Europe, 1994).

3.     Troisième étude : Expression du mal être en population générale

(Thurin J-M., Ruffin D.)

3.1     Mesure du mal être à partir de l'enquête sur la santé 1991-1992

La grille "Anxiété, sommeil, irritabilité" permet aux individus d’exprimer un certain nombre de difficultés dont l’appréciation globale fournit en population générale une mesure de la souffrance psychique, allant jusqu’à la pathologie lorsque la plupart des items sont de cotation élevée. Cette mesure a l’intérêt d’être systématique, et constitue un instrument précieux d’évaluation de la morbidité ressentie, indépendante des déclarations personnelles de maladie. Il faut cependant relativiser les réponses car les enquêteurs n’ont pas eu de formation particulière à l’entretien psychiatrique.

Les difficultés ne sont pas exprimées avec la même ampleur dans l’échantillon. Sont plus souvent énoncées : nervosité, souci, troubles du sommeil, douleurs, fatigue (11% à 13%). Si l’on prend en compte également les réponses "plutôt oui", trois difficultés se distinguent : nervosité (51%), souci et fatigue (45%), devant les troubles du sommeil et les douleurs (environ 33%). L’irritabilité et les problèmes de concentration, rarement cotés «tout à fait» (6% et 4%), sont toutefois fréquement cités (23% et 20% de réponses "plutôt oui"). Les autres symptômes reçoivent moins souvent l’assentiment relatif ou complet des personnes interrogées : 3% à 6% des sujets se déclarent tout à fait concernés par les problèmes de peurs, de solitude et de perte d’espoir en pensant à l’avenir, avec 13% à 17% de sujets plutôt ou tout à fait concernés. Ces derniers symptômes ne sont cités que lorsque le nombre de difficultés exprimées est élevé. Un tel résultat suggère l’existence de deux dimensions dans l’expression du mal être mesurable dans cette enquête, la première correspondant à stade «fonctionnel» d’entrée dans la psychopathologie, la seconde ressortant davantage de la pathologie psychiatrique, où l’on voit s’ébaucher un diagnostic de dépression majeure.

Quatre items sont particulièrement sensibles à l’âge, les plus jeunes éprouvant moins de difficultés que leurs aînés : douleurs, sentiment de solitude, perte d’espoir et troubles du sommeil. Quel que soit l’âge, les femmes expriment plus de difficultés que les hommes. L’hypothèse d’une surdéclaration féminine ou son corollaire, une moindre importance accordée en cours d’entretien par les hommes à ces mêmes problèmes, n’est pas à exclure. Rappelons qu’il s’agit d’une expression personnelle, empreinte de subjectivité. Le ressenti, mais également son expression à l’enquêteur, peuvent varier d’une catégorie à une autre.

Un score global a été calculé à partir des réponses aux dix items. Le groupe présentant les scores maximaux reste composite au plan démographique, certaines classes d’âge fournissant des effectifs importants : chez les hommes, les 35-39 ans, 50-54 ans et 65-74 ans, chez les femmes, les 40-44 ans et celles qui ont atteint 50 ans. Ce résultat suggère l’existence d’âges critiques, propices à l’émergence de difficultés. La différence des contributions selon le sexe tempère toute explication mettant en avant le vécu historique commun à certaines générations. L’expression du mal être doit être mise en relation avec des événements et phénomènes propres à différents cycles de vie, dont l’influence reste à apprécier. Outre le vieillissement, il faut considérer la vie active, la vie féconde, de même que l’entrée à l’âge adulte. L'influence des événements de vie récents et avant 18 ans doit intégrer ces contextes : la répercussion d’un événement n’est-elle pas accrue lorsque l’individu est dans une phase critique du point de vue de sa vie d’adulte, de sa vie professionnelle ou féconde?

3.2     Recherche d'une typologie de l'expression du mal être

La grille proposée dans l'enquête n'est pas validée suivant les critères habituels en psychométrie, ni en population générale, ni en population traitée. Son utilisation requiert l'hypothèse de sa pertinence en terme d'exhaustivité et de complémentarité des symptômes pour une population générale. La typologie obtenue à partir des réponses à la grille compte sept classes, évoquant un continuum dans l'expression de difficultés. L'absence de difficultés prédomine dans les trois premières classes (62% de la population) ; dans les 4° et 5° classes (26%), on compte en moyenne autant de réponses positives et négatives ; les 6° et 7° classes (12%) correspondent à l’expression d’un mal être important ou très important. Dans la 7° classe, le diagnostic d’affection psychiatrique que l’on pourrait poser individuellement est justifié par la mention d’au moins sept symptômes différents pour chacun des sujets. Il est renforcé par la mention des symptômes prévalant le moins dans la population d’ensemble (sentiment de solitude, peur, perte d’espoir en l'avenir, problèmes de concentration).

3.3     Mise en relation de la typologie de l'expression du mal être avec les données sanitaires et sociodémographiques

Les corrélations brutes entre le mal être exprimé et les données sanitaires et sociales indiquent avant tout l’intrication des différentes caractéristiques.

Diagnostics déclarés et évaluation du mal être sont fortement corrélés. On compte 10 fois plus de cas de trouble mental dans la 7° classe que dans la 1° classe. Toutefois, la liaison entre maladie mentale et mal être n’est pas absolue. Ainsi, dans les classes exprimant le plus de difficultés, les sujets déclarant un trouble mental ne sont pas majoritaires. De même, 30% des sujets avec trouble mental n'expriment pas de difficultés.

Outre la santé mentale, un état de santé général dégradé apparaît corrélé à l’expression d’un mal être plus important. Les différents indicateurs de l’état de santé général, subjectifs et objectifs, relatifs à l’état actuel comme aux perturbations causées par la santé dans le passé, sont convergents : les problèmes de santé sont d’autant plus nombreux que le mal être exprimé est important.

L’âge et le sexe semblent deux données déterminantes. Aux contextes d’isolement familial, corrélés à l’expression d’un mal être plus important, il faut également ajouter les effets perturbateurs sur la vie familiale des difficultés exprimées.

Un autre aspect de la vie personnelle corrélé au mal être est relatif aux événements familiaux de l’enfance et aux événements marquants récents. La proportion d’individus déclarant un événement marquant récent est deux fois plus importante dans la 7° classe que dans la 1° classe, et les sujets de la 7° classe déclarent également davantage d’événements familiaux graves intervenus entre la naissance et 18 ans. La prise en compte simultanée des événements récents et dans l'enfance accentue ces oppositions.

Quant aux données sociales, on retrouve des corrélations allant dans le sens d’un mal être moins important en présence de facteurs favorisant ou facilitant la vie sociale : occupation d'un emploi, revenu aisé, formation supérieure, nationalité française, etc.

Les résultats d'une analyse logistique montrent un rôle différent des facteurs relatifs à l'état de santé et des facteurs sociaux[3]. Les facteurs de santé, favorables ou défavorables, expliquent l'appartenance aux classes extrêmes. En dehors des groupes extrêmes, pour les deux tiers de l'échantillon, l'expression du mal être est corrélée à des associations de difficultés sociales et d'événements de vie. La mesure des événements de vie permet l'étude de leur corrélation avec d'autres difficultés sur le plan des cumuls ; elle permet également de resituer le poids des trajectoires antérieures, décrites sur un plan clinique.

3.4     Tolérance aux événements de vie au travers de la prise de psychotropes

Un quart de l’échantillon (26%) déclare un événement récent, les événements les plus cités évoquant la santé de l’entourage (situation qui peut être due au thème générale de l'enquête). Près de 30% des sujets déclarent un ou plusieurs événements familiaux graves survenus entre 0 et 18 ans. De manière générale, on peut s’interroger sur l’importance accordée aux événements survenus dans le passé proche ou lointain et évoqués dans la cadre d'un entretien d'enquête générale.

10% de l’échantillon déclarent à la fois un événement marquant récent et un antécédent familial grave avant 18 ans. Seuls 4% des sujets déclarent à la fois dans l’enfance et plus récemment un événement relatif à la santé d’un proche, les proportions pour les autres registres d’événements (santé personnelle, mésentente familiale et carences affectives, conditions matérielles) se révèlant infimes. De quelque nature qu’ils soient, les événements pendant l’enfance peuvent être considérés comme graves ; se pose alors la question de la réaction individuelle après la survenue d’un événement récent de caractère marquant, du même ordre ou non. L’analyse s'est intéressée à l’influence des événements de vie sur l’expression du mal être, ainsi que sur les consommations psychotropes (alcool, tabac, café et thé, médicaments). Dans l’interprétation des résultats, on ne peut parler que de corrélations. En effet, les données ne permettent en aucun cas de relier directement les différences de consommations observées à la survenue d'un événement.

Les sujets déclarant un événement marquant récent ont un score à l’échelle d’évaluation des difficultés plus élevé que les sujets n’en déclarant pas. Les différences sont hautement significatives chez les hommes comme chez les femmes dans les tranches d’âge inférieures à 70 ans. On repère également certaines surconsommations de produits psychotropes. Les jeunes adultes et les adultes jusqu'à 50 ans qui déclarent un événement récent fument davantage. Pour les femmes, on constate également une surconsommation de café entre 30 et 50 ans. Entre 30 et 50 ans chez les hommes, et jusqu'à 70 ans pour les femmes, la consommation de médicaments psychotropes est supérieure en cas d'événement récent. On peut émettre l’hypothèse de réactions différentes selon l’âge et le sexe, réactions qui seraient fonction des pratiques de consommation de ces sous populations.

Au sein des seuls sujets déclarant un événement récent, ceux qui ont vécu un événement familial grave avant 18 ans présentent des scores plus élevés à l’échelle d'évaluation des difficultés. Lorsqu’on examine les résultats selon le sexe et l’âge, ce surcroît de difficultés reste significatif pour les hommes de moins de 50 ans et pour les femmes de moins de 70 ans. La mention d’événements pendant l'enfance renforcent certaines surconsommations : tabac chez les sujets de 18 à 50 ans et médicaments pour les femmes de 50 à 70 ans. Les femmes de moins de 50 ans déclarant un événement pendant l’enfance boivent plus d’alcool que celles qui n'en déclarent pas. Si les jeunes hommes (18-29 ans) et les femmes (18-49 ans) sont moins souvent abstinents ou faible consommateurs d’alcool, tabac, café et thé et médicaments en cas d'événement récent et d'événement pendant l'enfance, les hommes âgés sont plus souvent abstinents.

L’influence des climats familiaux pendant l’enfance, déjà mise en évidence en matière de recours au soins et d’état de santé, se retrouve également lorsqu’on s’intéresse aux consommations et à l’expression du mal être. On se heurte à une limite lorsqu’on veut étudier les interactions fines, prenant en compte des facteurs de vulnérabilité du même ordre, notamment à propos des relations affectives. Cependant, on constate que les facteurs corrélés à l’expression d’un mal être plus important ne sont pas les mêmes : qualité des relations affectives et précarité des conditions de vie semblent être des aspects plus déterminants parmi les antécédents de l’enfance, alors que les événements récents les plus influents paraissent plutôt liés à la santé.

3.5     Discussion

La relation entre le mal être exprimé et la pathologie mentale est importante. Il existe une souffrance psychique qui est exprimée dans l'enquête et se traduit dans des corrélations fortes avec la santé physique et les répercussions sociales.

Parmi les sujets déclarant un trouble mental, l'état de santé général contribue à l’expression accrue de difficultés. Un tel résultat suggère une meilleure considération de la pathologie somatique dans le cadre des prises en charge de la pathologie mentale. Le mal être important exprimé par un tiers des sujets ayant déclaré un trouble mental est en effet en partie explicable par le poids de la santé physique, également une moins bonne insertion sociale ainsi que la mention de différents facteurs fragilisants, tant au plan personnel que professionnel.

Parmi les sujets exprimant un mal être important, ceux qui ne déclarent pas de trouble mental sont plus souvent des hommes, des jeunes, actifs au plan professionnel, ou encore résidents de communes rurales. Leur état de santé apparaît meilleur et ils ont moins eu recours au système de soins. Ce sous-groupe est sans doute composite : maladie mentale non déclarée, non diagnostiquée par un spécialiste, non repérée par les médecins, population à risque au plan de la santé mentale... Il paraît primordial de reconduire et d’améliorer une telle évaluation systématique de la santé mentale afin d’apprécier ces différents contextes.

3.6     Conclusion de la troisième étude

L'étude de la souffrance psychique, des maladies associées en population générale, resituées dans leur contexte psycho-social et mises en relation avec les comportements de recours qu'elles induisent fait apparaître les éléments suivants :

Plusieurs sous-groupes de population peuvent être différenciés, allant des sujets pour lesquels "tout va bien" aux sujets "dépressifs", qui regroupent la majorité des critères du questionnaire "anxiété, sommeil, irritabilité", avec la présence de symptômes particuliers que l'on ne retrouve fréquemment cités que dans cette classe (sentiment de solitude, peurs fréquentes, perte d'espoir en l'avenir, problèmes de concentration), en passant par les sujets "anxieux", qui déclarent des symptômes de nervosité, de souci, de fatigue[4]. Un tel résultat suggère l'existence de plusieurs dimensions dans l'expression du mal être, qui objectivent les formes de passage entre la santé mentale et les troubles mentaux. L'expression de ces formes particulières de mal être suggère l'existence d'un stade "fonctionnel" et d'un stade sinon "lésionnel", du moins ancré dans la pathologie psychiatrique. Certains symptômes comme les troubles du sommeil sont à la jonction de ces deux groupes et devraient faire l'objet d'une attention particulière dans une optique de prévention de la survenue de troubles plus importants. Les associations de difficultés restent secondaires si l’on n’attribue pas à certaines d’entre elles un caractère pathognomonique d’appartenance à une pathologie spécifiée. Dans la dépression, par exemple, les troubles du sommeil sont constants et deviennent donc un signe d’orientation autour duquel vont venir se ranger les troubles de l’appétit, la perte d’intérêt, le désespoir, la fatigue, etc.

Il existe un groupe important de la population exprimant peu (62%) ou pas (19%) de difficultés. Par contre, il existe un groupe (12%) qui exprime des difficultés importantes. La prévalence de ce groupe correspond aux enquêtes épidémiologiques internationales de prévalence des troubles mentaux (6% à 15%), l'essentiel correspondant à la dépression. On retrouve dans la 7° classe (sujets "dépressifs") une déclaration de trouble mental significative : 42% versus 4% dans le groupe "bien portant". Ce chiffre de 4% isole au sein du groupe "bien portant" une population fonctionnant sur le "déni des symptômes", qui a été isolée dans d'autres études épidémiologiques internationales.

Les problèmes de santé sont d'autant plus nombreux que le mal être exprimé est important. Ils concernent un tiers des sujets de la classe exprimant le plus de difficultés, contre moins de 1% des sujets de la classe exprimant le moins de difficultés. Certaines pathologies somatiques présentent dans le groupe "depressif" une prévalence supérieure à celle de l'ensemble de l'échantillon. C'est le cas pour les tumeurs (7% vs. 3%), les maladies du système nerveux (14% vs. 7%), les affections de l'appareil digestif (41% vs. 7%), les affections de l'appareil circulatoire (58% vs. 32%), les affections endocriniennes, immunitaires et métaboliques (42% vs. 29%).

La 7° classe des "sujets dépressifs", dans la logique de ce qui précède, est celle qui a le plus recouru au système de santé. C'est celle qui consomme de façon particulièrement importante des médicaments psychotropes (48% vs. 5% dans la 1° classe). Ces ordres de grandeurs corrrespondent à ceux des déclarations de troubles mentaux, et la consommation suit la courbe du mal être dans les autres classes. Cette étude montre l'existence d'un sous-groupe de population globalement malade, sans qu'il soit possible de déterminer un ordre de relation entre la pathologie somatique et la pathologie psychique. Le recours aux soins spécialisés n'intervient que dans 6% des cas dans la 7° classe et 3% des cas dans la 6° classe, ce qui devrait être considéré comme alarmant.

La 7° classe est caractérisée par certains facteurs contextuels : âge plus élevé, divorce ou veuvage, événements marquants récents et familiaux graves avant 18 ans, bagage éducatif plus faible, situation économique. Les difficultés entraînent des absences du travail et perturbent la vie familiale.

L'intérêt du paragraphe "anxiété, sommeil, irritabilité" est à souligner dans la mesure où cet instrument ne referme pas trop vite la psychopathologie sur des catégories préexistantes et fait réfléchir sur la pluralité étiogénique potentielle des symptômes. Il manque des questions sur les comportements d'adaptation (tendance au repli, conduites alimentaires, recherche de soutien social, action) et sur la compliance aux traitements. De même, les questions sur les événements de vie devraient être plus précises.

III- Conclusions générales

(Widlöcher D., Casadebaig F., Facy F., Thurin J-M.)

1.     Principaux résultats

1.1     Estimation quantitative des comportements de consommation de psychotropes et de souffrance psychique : une cohérence

Cette enquête en population générale à partir d’un échantillon représentatif de ménages ordinaires permet de retrouver des ordres de grandeur cohérents avec les connaissances actuelles, cliniques ou épidémiologiques, dans le domaine de la santé mentale et des comportements.

L’importance des troubles dépressifs et des usages de psychotropes est bien délimitée, dans un panorama général, depuis l’absence de difficultés jusqu’à des niveaux moyens ou élevés. Toutefois, une certaine sous-estimation est observée pour les sujets les plus gravement atteints (par exemple, patients traités sur un plan psychiatrique, alcooliques). Différentes hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces sous-estimations dans une population de ménages : groupes «extrêmes» non atteints par l’enquête (institutions sanitaires exclues du champ, sujets marginaux difficiles à contacter, diagnostics difficiles à poser, et surtout à rapporter dans des conditions d’entretien étrangères à tout soin).

1.2     La consommation de médicaments psychotropes : marqueur de morbidité psychiatrique

La prévalence de la psychose (0,3%) semble faible, mais cette estimation paraît cohérente étant donné l’exclusion des personnes en institution et la difficulté à rencontrer ces personnes dans le cadre d’une enquête auprès de ménages. Une part significative  (a minima 1/3) de ces personnes n’a pas de prise en charge médicale et paraît isolée sur le plan familial.

La consommation de neuroleptiques dépasse très largement le champ nosographique auquel elle était a priori destinée. Cette constatation pose la question de la fiabilité du diagnostic dans les enquêtes en population générale, sans l’utilisation d’outil standardisé d’évaluation.

L'enquête complémentaire du CREDES auprès des patients hospitalisés fournit un complément d'estimation pour approcher la situation globale, l'indicateur de morbidité étant d'autant plus pertinent qu'il concerne un nombre important de sujets (les sujets hospitalisés pour alcoolisme ou "à risque alcoolique" représentent 13% des hospitalisations). Toutefois l'exhaustivité est illusoire en matière de comportements à partir des seules sources de données sanitaires ou de ménages.

1.3     La continuité entre le normal et le pathologique

Une enquête en population générale devrait théoriquement refléter l’ensemble des situations ;  si on fait l’hypothèse que les sujets les plus gravement atteints, absents pour une grande part de l’échantillon analysé, ne modifient pas la répartition générale des troubles du fait de leur faible effectif, l’enquête INSEE-CREDES, montre alors un continuum des difficultés de comportement et de santé mentale avec une proportion importante de la population indemne de troubles (62%) avec peu d'usages de psychotropes (58%). Les groupes les plus à risque sur un plan sanitaire et social représentent 12% pour les difficultés les plus marquées en santé mentale et 15% pour les usages les plus extrêmes. Ce continuum recouvre les observations issues des domaines de la psychiatrie et de la santé mentale, avec les problématiques de reconnaissance des situations par des outils adaptés, depuis les cas les moins exposés jusqu’aux cas les plus marqués de souffrance psychique et de consommation de psychotropes.

La grille « anxiété, sommeil, irritabilité » n’est pas une échelle de la dépression. Elle complète les investigations psychiatriques et son utilisation suggère l'existence de sous-groupes non traités dont les besoins d'aide sociale ou médicale seraient à analyser.

Les catégories de souffrance psychique reconstituées conduisent à cerner une population exprimant une souffrance psychique importante, dont le poids correspond aux prévalences établies au plan international. Ces catégories sont corrélées aux diagnostics de psychopathologie relevée dans l’enquête. L’influence des événements de vie  sur l’expression d’une souffrance est un second élément permettant de valider cette grille. L'outil de mesure utilisé, du fait de sa non validation auprès d'autres populations générales ou traitées, pose le problème de la validité des seuils et de la continuité entre le normal et le pathologique.

Globalement, on observe une discrimination entre une population en bonne santé, non consommatrice de médicaments psychotropes, et une population exprimant une souffrance psychique, globalement malade si l’on considère les associations relevées au plan somatique.

La population indemne de tout symptôme de mal être est importante. Même si certaines études rappellent l'existence de groupes fonctionnant sur le déni ou la répression émotionnelle, il est probable que dans une telle enquête l'utilisation conjointe des consommations, du mal être et des troubles mentaux avérés améliore l'estimation de ces groupes, mais suggère aussi l'existence de besoins de santé non pris en charge.

1.4     L'utilisation pour les actions de prévention

La délimitation des groupes usagers de psychotropes, mais aussi des groupes paradoxaux (usagers sans problème de santé mentale et réciproquement), doit aider à définir les actions de prévention en caractérisant les niveaux de prévention primaire, secondaire ou tertiaire, mais aussi à nuancer les objectifs et les groupes cibles à retenir, en fonction notamment des âges critiques propices à l'émergence de difficultés qui peuvent renforcer celles préexistantes (événements de vie).

Plusieurs sous-groupes de population peuvent être différenciés, justifiant des niveaux de prévention adaptés : maintien de l'état de santé pour les groupes indemnes de difficultés, facilitation d'accès à des soins ou des accompagnements adaptés pour les sujets ayant des difficultés repérées par l'expression du mal être ou suggérées par des consommations, prévention secondaire ou tertiaire pour les sujets ayant des troubles diagnostiqués et traités.

Les sujets dépressifs sont ceux qui ont le plus recours au système de santé et qui consomment de façon particulièrement importante des médicaments psychotropes. La consommation de médicaments suit la courbe du mal être, mais le recours à des soins spécialisés semble insuffisant, compte tenu des conséquences de ces difficultés sur la vie familiale et professionnelle.

Toutefois, l'organisation d'actions globales de prévention, même si elle tient compte des caractéristiques sanitaires et sociales de sous-groupes distincts, ne peut couvrir toutes les situations individuelles. L'étude de l'influence particulière des événements de vie vient tempérer les résultats d'ensemble, en montrant que le niveau moyen de mal être est plus élevé en cas d'exposition à un événement récent et en présence d'antécédent pendant l'enfance, ces mentions d'événements de vie apparaissant associées à certaines surconsommations de produits psychotropes, médicaments ou autres, dont la nature peut varier selon les habitudes de consommation. C'est en particulier le cas du tabac chez les jeunes.

La délimitation des groupes sert plutôt à définir des niveaux de prévention, alors que la prise en compte de données événementielles cible à la fois les groupes et les objectifs, par rapport à des risques spécifiques.

Dans le débat actuel sur la prévention à partir des usages de produits, ou orientée vers des groupes cibles, les résultats issus d'une telle étude, où les postes d'observation sont multiples (diagnostic psychiatrique, expression subjective et usages de psychotropes) servent à articuler les préventions globale et spécifiques.

2.     Recommandations générales

2.1     Délimiter des objectifs précis pour les enquêtes en population générale

Certaines problématiques ne peuvent y être traitées. Il est illusoire par exemple d'espérer connaître le poids de l'alcool dans la survenue de maladies ou le recours au système de soins du fait de l'absence des sujets les plus atteints. La notion de temps n'étant considérée que de façon rétrospective, le schéma de causalité ne peut être envisagé au sein d'une seule enquête transversale. L'acceptation du rôle essentiel d'observation et de description d'une enquête en population générale doit être assumée par ses promoteurs, jusque dans ses prolongements avec des analyses secondes pour en faciliter l'analyse des tendances et les interprétations, par confrontation avec d'autres données.

2.2     Faciliter la pluridisciplinarité des équipes

Comme cela a déjà été recommandé dans le colloque de présentation des premières analyses, la réalisation d'analyses secondes associant psychiatres et épidémiologistes n'est possible qu'après la mise en place d'une plate-forme technique, avec personnel et équipement informatique qui assurent certaines interrogations de fichiers et prennent en compte les problèmes de compatibilité de matériel. L'interface avec des équipes peu familières à des aspects techniques spécifiques aux grandes enquêtes, comme dans les sciences humaines et sociales ou encore en Santé mentale où les échantillons sont petits et les informations qualitatives nombreuses, est indispensable et rapproche les disciplines.

2.3     Construire des échantillons

Le potentiel de représentativité de l’étude en population générale est extrêmement utile pour tester la validité d’enquêtes plus limitées et pour éprouver des résultats partiels. Ainsi, les données sur la sous évaluation des psychoses ou des sujets dépendants complémentaires suggèrent la prise en compte d’enquêtes sur des populations complémentaires, en institutions sanitaires, marginalisées comme les SDF par exemple. Il importe alors d'avoir un noyau commun des données.

Cette technique, qui s’apparente à la méthode de greffe d’enquête développée par le CREDOC, pourrait être utilement proposée pour des échantillons réduits, constitués par sondage stratifié tenant compte des sous-groupes les plus exposés, souvent les moins importants au plan numérique.

Se pose alors le problème d'accès aux données de source de l'enquête générale. Dans le domaine de la santé mentale, l'accès aux données sources, comme dans toute étude épidémiologique, est organisé à des fins de vérification ou de contrôle. Il est particulièrement important pour distinguer dans les phénomènes de sous-estimation, la part de responsabilité des outils, des enquêteurs, des sujets interrogés.

2.4     Utiliser des outils validés

Les corrélations avec les données de santé tempèrent l’influence des données sociales, notamment pour les groupes d’usagers de médicaments. Une concordance importante est retrouvée avec la connaissance de diagnostics de santé mentale.

Se pose évidemment comme problème la nature des outils utilisés pour caractériser l’état de santé mentale. Entre des grilles cliniques réservées à des spécialistes et des questions de sens commun, comment allier les impératifs liés aux enquêtes en population générale au souci de validité des interprétations des réponses en terme de groupes de différents niveaux de souffrance psychique ou de mal être[5]?

2.5     Approfondir la méthodologie de recueils croisés de données et les analyses multidimensionnelles

Au niveau des perspectives de recherche, pour approfondir les analyses de données, des modélisations mathématiques pourraient être proposées pour éprouver la validité et la spécificité des indicateurs issus des typologies en terme de probabilités de consommations[6]. Dans l'évaluation ultérieure des actions, ces critères devraient être retrouvés pour tester leur pertinence en tant que déterminants de santé.

2.6     Contribuer aux observatoires des prescriptions et des toxicomanies

Les consommations de produits psychotropes, de l’abus à la dépendance, sont actuellement reconnues comme faisant partie des comportements responsables de problèmes sanitaires et sociaux importants à travers différents indicateurs de Santé Publique de mortalité ou de morbidité ("La santé en France", 1994). Les comportements de violence et les dépendances expliquent une part non négligeable de la mortalité prématurée en France. Les risques de morbidité, simultanés ou différés, sont également bien établis. Il importe alors d’organiser des systèmes d’observation et de recherche épidémiologique pour suivre et évaluer les actions de prévention auprès des populations, à partir des indicateurs existants. L'enquête décennale INSEE-CREDES en population générale, en complétant son recueil de données de base par quelques informations complémentaires sur des échantillons partiels peut-être, devrait représenter un élément central dans un dispositif global d'observation. Au delà de la stricte mesure des comportements, leurs corrélations avec la morbidité psychiatrique étayent l'analyse des besoins en Santé mentale.



[1] WARNER R, DE GIROLAMO G. Schizophrénie. OMS, 1995.

[2] LACHAUX B, GAUSSARES C. Le patient sous traitement neuroleptique. Jama, suppl. Octobre 94, 13p.

[3] BILLIARD I. Dimensions psychiques et sociales dans l'étiologie des pathologies chroniques contemporaines. M.I.R.E., juin 1989.

[4] LEPINE JP. L'épidémiologie des troubles anxieux et dépressifs dans une population générale française in Confrontations psychiatriques.

[5] KOVESS V. Epidémiologie et santé mentale. Flammarion, Médecine-Sciences,1996 162 p.

[6] PADIEU R. L’information statistique sur les drogues et les toxicomanies. La Documentation Française, 1994.