L'ethnopsychiatrie suscite aujourd'hui des débats idéologiques passionnés, dans la presse grand public essentiellement. D'aucuns, au nom d'un certain universalisme (psychologique ? biologique ?) nient toute altérité, d'autres font de cette altérité une qualité irréductible ne pouvant être abordée que par des spécialistes. Il y a pourtant une place pour une ethnopsychiatrie raisonnée et pragmatique.
La dépression est reconnue depuis des siècles et dans des aires très différentes tant sur le plan géographique que culturel. Et pourtant, pour donner un exemple, il y a à peine quelques dizaines d'années, les manuels de psychiatrie occidentaux considéraient que la dépression était rarissime en Afrique Noire. Les hypothèses alors avancées étaient marquées du sceau du racisme et du colonialisme. Ainsi pouvait on voir évoquer il y a seulement trente ans dans un manuel français de référence, l'hypothèse d'un « défaut de télencéphalisation » au profit du cerveau primitif... Que se passait-il ? Les psychiatres cherchaient la mélancolie « à l'occidentale », et ce faisant, ils sont passés « à côté » des dépressions, celles-ci pouvant prendre des formes variées.
En effet, les représentations culturelles structurent à la fois l'individu et son rapport au monde, tous deux concernés de près par le phénomène dépressif. Ces représentations façonnent l'expression symptomatique des troubles, la nature attribuée au phénomène morbide, les théories étiologiques qui en rendent compte, les modalités thérapeutiques qui s'imposent.
Aujourd'hui, les migrations internationales ou intranationales ne cessent de progresser, souvent dans des conditions dramatiques (exilés, réfugiés...). La question des interactions entre la culture (au sens anthropologique) et le psychisme se pose ainsi avec de plus en plus d'acuité et de complexité au clinicien.
Par rapport à cette question, deux attitudes s'opposent :
- l'attitude comparatiste, qui, tout en tenant compte des particularités liées à la culture du patient, vise à la recherche d'hypothétiques invariants (en l'occurrence un « noyau invariant » de la dépression), afin d'agir sur celui-ci.
- l'attitude complémentariste, développée par Georges Devereux, qui exige que soient utilisées de manière non simultanée l'anthropologie et la psychanalyse, tant pour l'établissement du diagnostic que pour le soin. Ici, les logiques culturelles sont explorées en tant que telles et constituent un support pour l'élaboration du matériel individuel. C'est dans cette perspective que nous nous situerons.
L'anthropologie médicale a permis de repenser les rapports entre psychisme et culture, en considérant le terme de « maladie » dans une triple acceptation (Zempleni, 1985) :
- organique, renvoyant à une réalité biomédicale ;
- subjective, renvoyant à une réalité psychologique ;
- sociale, renvoyant à une réalité culturelle.
Le seul discours médical ne saurait suffire à apporter au patient une compréhension satisfaisante de ce qui lui arrive : l'exposé, fut-il détaillé, de l'étiopathogénie, du traitement, du pronostic par le médecin n'est pas porteur de sens pour le patient chez lequel va se dérouler un processus d'attribution de sens. Ceci est valable pour les maladies psychiatriques comme pour les maladies organiques, pour les patients occidentaux ou non. Ce sens se construit de manière congruente aux représentations culturelles du patient.
Certains tableaux cliniques, codés ainsi par la culture ont été bien étudiés.
SOUFFRANCE CODÉE PAR LA CULTURE : DES EXEMPLES ANTHROPOLOGIQUES.
Les désordres liés à la culture (« culture-bound syndromes ») sont des tableaux cliniques, assez homogènes, rencontrés dans certaines cultures au sein desquelles ils sont reconnus et compris comme cohérents et porteurs d'un sens. Il s'agit, au sein d'une culture, d'une façon « normale » d'être « anormal », ou pour reprendre le terme de Linton, d'un « modèle d'inconduite ». Il serait complètement illusoire de chercher à établir des correspondances définitives entre ces syndromes et des syndromes issus de notre nosologie. Même s'il n'y a pas d'équivalence, certains peuvent correspondre à l'expression d'affects dépressifs. On peut citer par exemple les syndromes suivants :
- Le Hwa-byung, observé en Corée, associe des douleurs épigastriques avec la sensation d'avoir une masse à ce niveau, asthénie, insomnie, anorexie, anxiété, peur d'une évolution fatale.
- Le tableau de sorcellerie anthropophagique, observé dans une large partie de l'Afrique Subsaharienne associe : anorexie, insomnie, asthénie, et peut conduire à la mort. Il s'agit d'un acte technique et psychique exécuté par un sorcier, parfois également réalisé au moyen d'un aliment que l'on fait ingérer à la victime, et qui aboutit à une dévoration de son principe vital. Le sujet atteint se sent victime d'une « attaque », d'une « dévoration » de son énergie, de son principe vital. Il est alors indispensable d'avoir recours à un guérisseur, seul à même de déterminer l'origine de l'attaque sorcière et les moyens de s'en protéger. Le sujet peut exprimer cela par des expressions telles que : « on m'attaque, on me mange »... Un tel énoncé survenant au cours d'un entretien, fera donc implicitement référence à une attaque sorcière... et non pas à une hallucination cénesthésique !
Ces tableaux, et bien d'autres, constituent des canaux communs au sein de groupes culturels déterminés permettant l'expression d'une souffrance individuelle. De tels tableaux admettent une étiologie implicite comprise par le groupe, ou bien requièrent qu'une démarche soit entreprise auprès d'un guérisseur pour en élucider la cause. Autrement dit, ces tableaux sont en quelque sorte « codés ».
LE CODAGE DES SYMPTOMES :
L'ETRE, LE SENS, LE FAIRE
La tentation est alors possible de croire que la culture ne fait que donner une coloration « exotique » à une symptomatologie ubiquitaire. Pourtant, le codage des symptômes n'est pas une simple mise en forme d'une symptomatologie qui serait « universelle ».
Le décodage des symptômes, qui permet de co-construire avec le patient un cadre porteur d'un sens congruent avec ses manières de voir, et donc de poser les bases d'une réelle alliance thérapeutique, intervient à trois niveaux décrits par Moro (1994).
Ces trois niveaux d'analyse des symptômes portent sur :
- les manières de voir et de considérer le monde, autrement dit, la dimension ontologique (l'être) ;
- l'attribution de sens aux symptômes (le sens) ;
- les logiques thérapeutiques qui en découlent (le faire).
Cultures et représentations culturelles : l'être
Les définitions de la culture sont très nombreuses. Pour simplifier, on peut dire que la culture est la somme des connaissances et des comportements qui caractérisent une société humaine. Elle permet ainsi aux membres de cette société d'appréhender le monde et d'attribuer un sens aux événements d'une manière homogène en leur fournissant une grille de lecture transmise de façon implicite à travers des représentations culturelles communes. Ces représentations culturelles varient d'une culture à l'autre, elles définissent la façon dont les membres de chaque culture considèrent les notions de normalité/anormalité, réel/non-réél, masculin/féminin, etc. Comme il acquiert une structuration psychique, le sujet acquiert ainsi une structuration culturelle. Celle-ci, et ce point a été décrit de façon précise par les anthropologues, est transmise à l'individu par l'entourage familial et le groupe au travers des soins apportés au petit enfant, de son éducation, des différentes étapes qui jalonnent sa maturation.
Les théories étiologiques : le sens
Face à la maladie, au désordre, un processus d'attribution du sens se met en place. Ce sens se construit à partir des représentations culturelles disponibles au sein de la société considérée constituant un corpus d'hypothèses communes à ses membres. Ainsi s'élaborent de véritables théories étiologiques.
La nosologie dans les sociétés traditionnelles n'est pas tant fondée sur la sémiologie que sur le sens, et l'élucidation de ce sens constitue le premier temps de la prise en charge du trouble. Ainsi les énoncés du psychiatre « vous êtes déprimé, vous faites une dépression, etc » peuvent-ils très bien se révéler vide de sens pour le patient. Ce qui fondera le sens des symptômes sera de découvrir leur étiologie. Le sens des symptômes peut être fourni par un guérisseur dépositaire d'un savoir, au moyen de procédés divinatoires, ou bien par inférence à partir de certaines caractéristiques du trouble qui permettent de le reconnaître.
Prenons l'exemple des Wolof, constituant l'ethnie majoritaire du Sénégal, originairement animistes, islamisés depuis plusieurs générations. La pathologie mentale procède de quatre types principaux d'étiologie (Ortigues, 1984) :
- la possession par les « rabs » : esprits ancestraux, tutélaires, la plupart du temps de lignée matrilinéaire ;
- la possession par les « djinnés », esprits invoqués dans tout le monde musulman, qui ne sont pas en rapport avec la filiation ;
- le maraboutage (« liggey »), renvoyant à un niveau de magie interpersonnelle c'est à dire un « travail » ;
- le « dëm » correspondant à une attaque de sorcellerie (tableau dit de « sorcellerie anthropophagique »).
Les théories étiologiques font donc appel à différentes catégories de causes :
- intervention d'un être culturel, par exemple un djinn ;
- procédé technique : sorcellerie, maraboutage ;
- manifestation d'un ancêtre offensé ;
- transgression d'un tabou, d'un interdit ;
- retour d'un mort...
L'élucidation du sens de la maladie, c'est-à-dire à la fois sa désignation et l'énonciation de son étiologie implique l'utilisation de moyens thérapeutiques particuliers.
L'élaboration de théories étiologiques « profanes » face à la maladie n'est bien sûr pas l'apanage des sociétés traditionnelles (Pédinielli, 1996).
Thérapies traditionnelles et itinéraires thérapeutiques : le faire
Lorsque le sens des troubles a été identifié, ou autrement dit qu'une étiologie a été invoquée, le guérisseur indique un procédé thérapeutique.
Ce procédé dépend de l'étiologie présumée : si un ancêtre a été offensé, il faudra réparer cette offense par un sacrifice, si c'est un être culturel qui possède le sujet, il faudra « négocier » avec lui, par exemple au moyen d'un rituel de possession, si le sujet a été « attaqué », il faudra s'occuper de sa vulnérabilité par la mise en place de systèmes de protection, etc.
Les psychiatres occidentaux sont fréquemment étonnés du peu de place apparemment accordé à la problématique individuelle dans ces théories étiologiques et dans leurs corollaires thérapeutiques. Ce serait cependant une erreur de considérer que le but n'est pas d'obtenir des remaniements intra-psychiques : simplement, ce but, obtenu à partir de la restructuration des liens du patient (avec le groupe, les ancêtres, etc.), est ici implicite.
Les procédés thérapeutiques utilisés face à la maladie mentale sont multiples (guérisseurs, médecine « occidentale »), mais complémentaires et non concurrentiels, chacun restant à sa place. On nomme itinéraire thérapeutique ce parcours par lequel les différents types de savoir sur la maladie sont tour à tour questionnés selon le type de trouble, son évolution, le moment de l'histoire du sujet... Le processus de recherche de soins répond ainsi à une double exigence : quête de la guérison, et quête d'un sens à la maladie. L'itinéraire thérapeutique n'est bien sûr pas l'apanage des sociétés traditionnelles.
La prise en charge psychiatrique du migrant, pour être efficiente, doit permettre que se construise un sens à la maladie qui soit culturellement conforme à son système de valeurs, un sens qui intègre le sens d'ici et de là-bas.
A PROPOS DES MÉDICAMENTS
L'utilisation de psychotropes chez le patient migrant pose deux types de questions. D'un point de vue pharmacologique, une nouvelle discipline est actuellement en plein développement. On la nomme parfois : "ethnopsychopharmacologie". Il s'agit de rechercher s'il existe des variations génétiquement déterminées entre des individus issus de groupes ethniques différents pour le métabolisme des psychotropes. En ce qui concerne les antidépresseurs imipraminiques et les sels de lithium, les résultats restent pour l'instant bien discordants.
D'un point de vue non pharmacologique, les données sont plus connues : le médicament apparaît être un objet thérapeutique. Dès lors, il se trouve « habillé » par les représentations culturelles du patient. Celles-ci viennent revêtir de sens l'objet lui-même (objet magique, objet par lequel s'exerce l'influence...). De plus, les représentations culturelles vont venir interpréter les sensations que le médicament procure, comme les effets qu'on en attend. Ceci peut contribuer à expliquer bien des problèmes d'observance chez les sujets migrants.
CONCLUSION
Nous venons de décrire les éléments qui constituent ce que nous avons nommé « l'altérité », et de souligner l'importance qu'il y avait à reconnaître la distance culturelle à même d'exister entre le thérapeute et le patient. Il ne s'agit pas pour autant de remettre en question l'universalité du psychisme, ni de fixer le patient dans une « différence » irréductible. L'ethnopsychanalyse, théorie énoncée par Devereux (1970, 1972), et dont les modalités techniques ont été précisées notamment par Nathan (1986), et Moro (1994), permet, lorsque le traitement du patient migrant déprimé échoue, ou bien lorsque celui-ci énonce une théorie étiologique « traditionnelle » de poursuivre la prise en charge en intégrant ces paramètres. Mais ceci ne concerne pas uniquement les consultations « spécialisées » dans l'ethnopsychiatrie : les données issues de cette discipline peuvent être utiles à tout psychiatre. En effet, on peut ainsi être amené à poser un diagnostic de dépression qui n'avait pas été fait, à reconnaître des formes particulièrement fréquentes de dépression chez le migrant de première ou de deuxième génération, à fonder une alliance thérapeutique qui peinait à se mettre en place.
Bien sûr, lorsque le patient décide d'aller voir un psychiatre, un psychologue, un psychanalyste, il ne va pas consulter un guérisseur. Il n'attend donc pas une réponse que pourrait lui faire un guérisseur. Toutefois, la pratique montre qu'il est indispensable - en dehors même de toute consultation spécialisée dans l'ethnopsychiatrie - qu'un patient migrant se sente autorisé par son thérapeute à énoncer ses questionnements sur l'étiologie de ses troubles, sur les représentations qui s'y attachent : autrement dit, un matériel culturel. C'est lorsque des implicites culturels sont considérés comme des symptômes psychiatriques ou interprétés comme du matériel individuel que l'on assiste à bien des errements dans l'établissement du diagnostic de dépression chez le migrant.
TROUBLES DE L'HUMEUR ET MIGRAINE : EXISTE-T-IL UNE COMORBIDITÉ ?
Françoise Radat
La migraine est une pathologie chronique évoluant sur un mode paroxystique et répondant à des critères cliniques précis. C'est un trouble fréquent puisque la prévalence retrouvée par différentes études épidémiologiques est en moyenne de 13 %. L'existence d'une psychopathologie particulière et caractéristique des migraineux a donné lieu depuis plus d'un siècle à une littérature abondante : « la plainte la plus fréquente est une dépression modérée avec apathie, somnolence, fatigue, manque d'énergie et anxiété » (Moersch, 1924), « les migraineux sont rigides, contraints, perfectionnistes, ambitieux, concurrentiels, ils éprouvent un ressentiment permanent et sont incapables de déléguer les responsabilités... L'obéissance et la subordination apparentes cachent une inflexibilité, un calme apparent des tensions cachées » (Wolff, 1959). La plupart de ces description confondent traits de personnalité, troubles de la personnalité et troubles affectifs. C'est cette question de la comorbidité entre migraines et troubles de l'humeur qui retiendra ici notre attention.
Si de très nombreuses études ont depuis une vingtaine d'années considéré cette question il convient d'en examiner soigneusement la méthodologie. En effet des critères diagnostiques précis sont utilisés pour définir les céphalées depuis seulement une dizaine d'années, la classification IHS étant relativement récente (1992). Les études dont la méthodologie peut être considérée comme satisfaisante devront se référer tant en ce qui concerne la migraine aux critères de l'IHS, qu'en ce qui concerne les troubles psychiatriques à la CIM 10 ou au DSM.
D'autres exigences concernent la population parmi laquelle se fait le recrutement. En effet d'excellents arguments permettent de penser que les patients migraineux consultant dans les centres spécialisés ne sont pas représentatifs de la population migraineuse générale et présentent un excès de risque par rapport à la pathologie psychiatrique : Stewart et coll, dans un échantillon de 10000 personnes de la population générale sélectionnées par téléphone, remarque que chez les migraineux le risque d'avoir un trouble panique est significativement associé au fait de consulter un médecin spécialisé dans la migraine.
Par ailleurs il est possible qu'en ce qui concerne la comorbidité psychiatrique le biais d'évaluation de l'exposition soit particulièrement important, les patients qui présentent des troubles affectifs déclarant plus de douleurs que le reste de la population. L'intérêt des travaux effectués avec des hétéroquestionnaires et de façon prospective est donc ici tout à fait remarquable.
Il faut également tenir compte du fait que le rapport hommes/femmes pour la migraine est de 1/4 environ. Or la prévalence des troubles de l'humeur est deux fois plus importante chez les femmes que chez les femmes.
Deux études prospectives effectuées sur de larges échantillons de population générale sont actuellement publiées.
À partir d'une population de 457 jeunes Zurichois interviewés en 1978 puis trois ans et huit ans plus tard, Mérikangas et coll présentent la prévalence à 1 an des troubles psychiatriques chez les 61 migraineux de cette cohorte. Il faut noter un pourcentage de perdus de vue assez bas (23 %) pour le temps de suivi. Le diagnostic de migraine n'est pas fait en fonction des critères IHS. Le diagnostic psychiatrique est porté en fonction des critères DSM III et RDC. D'autre part, Breslau et coll. suivent pendant 24 mois une cohorte de 1007 personnes comprenant 128 migraineux. Dans cette dernière étude le diagnostic psychiatrique est porté selon les critères du DSM III R par un entretien structuré.
Dysthymie
Dépression brève récurrente
Epsode dépressif majeur
Manie
Trouble bipolaire atténué
Merikangas et col 1993 prev. à 1 an O.R. +/-IC
NS
NS
2,2 (1,1 - 4,8)
NS
2,9 (1,1 - 8,6)
Brelan et col 1995 suivi 14 mois O.R. +/-IC ajusté sur le sexe
/
/
4,5 (3 - 6,9)
/
/
Ainsi, dans les deux études la fréquence de survenue d'un épisode dépressif majeur est significativement plus fréquent chez les migraineux que dans la population générale. Il faut noter l'ajustement sur le sexe dans l'étude de Breslau et coll.
Après un suivi de 3,5 ans Breslau et coll ont étudié la prévalence des tentatives de suicide dans leur population. Le risque de suicide est augmenté chez les migraineux même en l'absence de syndrome dépressif associé, surtout chez les migraineux avec aura.
Migraine -
Migraine +
Aura -
Aura +
Dépression -
/
3 (1,2 - 8,0)
Dépression -
2,7 (0,7 - 9,5)
4,4 (1,2 - 15,7)
Dépression
7,6 (3,4 - 16,8)
1(section),2 (6,7 - 39, 4)
Dépression
10,9 (3,1 - 38,6)
23,2 (8,4 - 63,8)
OR +/- IC ajusté / sexe et comorbidité psychiatrique
(Breslau et coll,1991)
Pour préciser la nature du lien unissant troubles anxieux, dépressifs et migraine, Mérikangas et coll ont recherché, grâce au suivi prospectif de leur cohorte sur 8 ans, la chronologie de la survenue de ces différents troubles. Ils trouvent dans la majorité des cas que la survenue des troubles anxieux précède la survenue de la migraine, qui elle même précède la survenue de la maladie dépressive. Ces données sont en partie contradictoires avec celles de Breslau et coll qui retrouvent un risque de comorbidité bi-directionnel entre migraines et troubles dépressifs. Ainsi il semble difficile de penser que de simples liens de causalité unissent les troubles affectifs et la migraine. La dépression n'est probablement pas la simple conséquence d'une affection douloureuse chronique, la migraine ; la migraine n'est pas la conséquence d'un trouble affectif.
Les facteurs étiologiques communs entre ces troubles pourraient être environnementaux, biologiques, génétiques. La littérature proposant d'éventuels facteurs environnementaux communs concerne le stress et les événements de vie. Il s'agit toujours d'études rétrospectives qui n'explorent donc que les inférences causales des individus pour la maladie. L'existence d'éventuels facteurs biologiques communs à la migraine et aux troubles affectifs a quant à elle donné lieu à une littérature aussi abondante que simpliste sur la sérotonine. Il semble pourtant que la sérotonine ayant un rôle modulateur ubiquitaire, l'existence de modifications des paramètres sérotoninergiques commune à ces affections ne constitue pas un élément de réponse, pas plus que l'utilisation dans l'ensemble de ces troubles de traitements à cible sérotoninergique.
Enfin la présence d'une éventuelle transmission familiale a été explorée par Mérikangas et coll. La méthodologie de son travail ne discrimine pas les facteurs environnementaux des facteurs génétiques. De toutes façons l'auteur ne retrouve pas de risque accru de transmission croisée entre troubles anxio-dépressifs et migraine.
Au total il semble exister une comorbidité réelle entre troubles dépressifs et migraines. S'il existe de très nombreux travaux peu acceptables sur le plan méthodologique il faut souligner que de récentes études prospectives et en population générale confirment les observations des anciens auteurs.
Les raisons d'une telle comorbidité restent peu claires et l'on ne peut actuellement faire la preuve de facteurs situationnels, environnementaux, biologiques, ou génétiques communs.
Il est possible que les patients souffrant de céphalées mixtes (migraines + céphalées de tension) et les patients souffrant de migraines compliquées de céphalées quotidiennes avec abus d'antalgiques représentent une population particulière sur le plan de la comorbidité avec les troubles affectifs. Les données de la littérature restent succinctes dans ce domaine.