A travers l'Esquisse ...

Première approche du modèle freudien du psychisme

Olivier Douville, Alain Maruani, Monique Thurin, Jean-Michel Thurin

MEMOIRE ET PENSEE : Structuration des traces mnésiques par le langage; de l'évènement au symbole, par Olivier DOUVILLE et Monique THURIN

Olivier DOUVILLE :

L'esquisse de FREUD est composée de trois parties :
1/ Le plan général.
2/ Une partie intermédiaire avec un cas clinique avec lequel j'ai introduit mon exposé.
3/ L'étude des processus psychiques normaux.
On a déjà vu que l'Esquisse pouvait permettre de rendre compte d'un certain nombre de schémas dynamiques quant à la génèse des opérations mentales.
Des analogies sont à éviter entre le terme de Moi tel que FREUD l'entend dans l'Esquisse et tel qu'il deviendra plus tard dans le moi et le ça. Il est tout à fait juste de repérer avec Jean-Michel THURIN que le terme de censure et de surmoi ne sont pas encore sous la plume de FREUD. En fait, le terme d'inconscient on en a pas encore parlé cet après-midi.
Un des enjeux très importants est interposé comme FREUD avait glissé le système omega entre le système phi et le système psy, entre le plan général et l'étude des processus normaux, un cas clinique où déjà se singularise un concept fondamental de la théorie psychanalytique : le refoulement.
Le refoulement tout comme la mémoire étant pris par FREUD comme des dimensions tout à fait individuelles. L'Esquisse est juste de l'ordre de la préhistoire de la psychanalyse; il faut, pour bien apprécier ce texte, le reprendre en fonction d'autres textes métapsychologiques. J'en verrais deux :
- La contribution à l'étude des aphasies (1891).
- La note sur le bloc magique (1926).
Il n'est pas dans mon propos de donner à tire-d'aile une synthèse chronologique de ces trois écrits mais la "Contribution à l'étude des aphasies" pourrait déjà nous retenir.
Pour introduire le propos sur le langage, je dirais que la théorie de FREUD sur la localisation préfigure ce qui sera dévelopé dans l'Esquisse. FREUD, lorsqu'il travaille sur les aphasies, prend l'argument des sujets aphasiques et des sujets bilingues-polyglotes, afin de défaire toute compréhension réductionniste qui viserait à attribuer spontanément une contrée d'une cartographie du cerveau à tel ou tel centre du langage. Il se fait architecte et ne fournit pas une théorie précise de localisation, tel neurone étant un petit bout de mémoire et un petit bout de langage, ou un petit bout de signifiant ou un petit bout de signal. la distinction est importante mais j'y reviendrais. Il travaille sur les processus d'activation, les processus de construction, de déconstruction et de reconstruction.
Si l'enjeu de mettre en parallèle les démarches de psychologie cognitive et les cartographies, les débats, les schémas freudiens, si l'enjeu est important pourquoi ne pas le tenter? Seulement, je crois qu'effectivement cet enjeu doit prendre en considération cette découverte bouleversante que Freud cerne dans L'esquisse, à savoir la temporalité même de l'appareil psychique. L'appareil psychique est soumis à l'après-coup. Il y a dans le texte freudien de l'Esquisse, déjà et formidablement structuré, deux des concepts majeurs, structuraux, à l'oeuvre et dans la théorie psychanalytique et dans l'écoute d'un analyste: ce sont les concepts de refoulement et d'acting out. C'est aussi en fonction de ces concepts que l'on peut travailler sur un certain nombre de symptômes. Pour FREUD, c'est clair, le mécanisme du refoulement dépend d'une symbolisation et, en retour, active cette symbolisation.

Après tout, une des possibilités de lire l'Esquisse est de prendre (2ème schéma) un symptôme et de le référer à la notion de refoulement Alors, logiquement, il convient aussi de se demander s'il n'y a pas des symptômes qui sont produits par des circuits où il n'y aurait pas un refoulement symbolique; il n'y aurait pas une symbolisation et en somme la lecture de l'Esquisse permettrait, pour la clinique, de s'interroger sur deux émergences de symptômatologie, voire deux émergences de troubles : celles qui seraient sur le modèle de l'hystérie, des troubles où des sujets sont donnés par l'opération d'opacité, de profondeur que confère le refoulement et d'autres qui serait produits par des circuits qui échapperaient (ce qu'on appelerait maintenant les forclusions partielles) à la symbolisation. Il me semble que là, la question de la psychosomatique a beaucoup à travailler ces moments où la thérapeute connaît ce sentiment qu'il a affaire à des sujets qui sont comme crées au moment où ils parlent, des sujets qui sont concrétisés comme dans une opération de concassage par le ratage d'un relai symbolique (un sujet ce n'est pas un personnage).

C'est logiquement, d'emblée chez FREUD et on retrouve celà tout à fait dans la clinique psychanalytique actuelle. De nos jours, il décrit des choses tout à fait éparses sur la question d'une théorisation des moments de sujet qui ne seraient pas produit purement et simplement par le modèle princept qui est celui du refoulement.

Bien sûr, la lecture de l'Esquisse, on vous l'a dit plusieurs fois, nous l'avons éprouvé lorsque nous nous sommes confrontés à ce texte, est une lecture ardue, difficile, d'autant plus que l'on se saurait dire que l'Esquisse soit simplement pour FREUD une façon comme ça de napper ses constructions de scientisme. Qui connaît tant soit peu la vie de FREUD sait qu'il n'en avait pas besoin. Ses découvertes étaient novatrices pour l'époque, certains ont même dits que les avancées proposées dans le domaine de la neurologie étaient "nobélisables". Si son souci avait été celui de la considération scientifique, il aurait fait preuve de beaucoup plus de prudence. Mais FREUD, que voulez vous, était un scientifique de haut vol. Dès son origine, la psychanalsye s'inscrit dans une démarche, une rigueur et une éthique scientifique c'est-à-dire que même s'il avait horreur de ses propres trouvailles et de ses propres reflexions et ses propres théories, quand il sentait que c'était cohérent, il les exposait au risque d'en prendre plein la figure.

Il y a des paradoxes dans le texte freudien. C'est une écriture de somnambule, nous disait Alain. Belle image. Est-ce que le somnambule est un égaré exclu de toute orientation, où plus exactement soumis à sa marche lunaire est-ce qu'il ne trace pas les voies qui mènent au lieu d'une connaissance inédite ? C'est plutôt dans ce sens là qu'il faut le comprendre. Un des paradoxes de ce texte freudien est qu'il tente de rendre compte à la fois et de la permanence de la trace et de la virginité de la substance d'accueil. Les neurones "Psy" offrent au lecteur une possibilité de se représenter la mémoire. FREUD n'accorde l'activité psychique qu'à ses derniers neurones. On pourrait dire, dans un premier temps, que la mémoire est l'essence même du psychisme. La différence entre les frayages, telle est la véritable origine de la mémoire et donc pour FREUD en I895 dans l'Esquisse, la véritable origine du psychique. La mémoire, écrit-il, est représentée par les différences de frayage entre les neurones.

La trace comme mémoire n'est pas un frayage pur qu'on pourrait toujours récupérer comme une présence simple. C'est la différence insaisissable et invisible entre les frayages. De même qu'il désenclave, décloisonne une certaine topologie du neurone qui serait doué de la capacité de connaître un mot et de s'en souvenir une bonne fois pour toute. La trace c'est la différence et du frayage pur.

L'interrogation freudienne est très simple à aller droit au but de se demander: comment la vie se protège -t-elle ? Parcequ'elle se protège par la répétition, la trace, la différence. Comment elle se protège par rapport à cette invasion de la douleur qu'est l'invasion de ce qui peut détruire les frayages et ce qui peut revenir à l'indifférence. Ceci dit, la conceptualisation la plus rigoureuse de FREUD, ne tient pas en cette élémentaire interrogation : "comment la vie se protège" puisque si l'on suit bien la logique de la trace et des frayages il ne nous est pas loisible de penser autre chose que celà: il n'y aurait pas de vie présente qui viendrait ensuite s'ajourner ou à se réserver dans la différence. Je me demande si FREUD ne nous invite pas à penser la vie d'abord comme trace avant de déterminer la vie comme présence.

Certes si on veut aller plus loin, mais j'y reviendrai et je me limiterai à l'Esquisse, pour FREUD la question de la mémoire, du passage de la trace à la lettre, est problématisée dans "l'Esquisse" et va parcourir un certain nombre de textes "anthropologiques", de "TOTEM et TABOU" pour la fiction originelle au "MOISE" où se fonde l'écriture de l'écart entre l'origine et la fondation c'est-à-dire qu'une fiction trans-historique donne au statut de l'après-coup une dimension d'épreuve fondatrice de civilisation.

Revenons à ce point de la deuxième partie où FREUD parle du refoulement qui travaille, nous apprend t-il, de manière parfaitement individuelle. Cela peut s'entendre ainsi: il y a autant d'indices de refoulement qu'il y aurait de sujets. Il faut aller plus loin, dans la compréhension que nous donnons à ce terme d'individuel qui recouvre pour un appareil psychique l'individualité de chaque rejeton refoulé.

Voilà l'anecdote clinique que FREUD nous relate :
Il s'agit d'une jeune femme, EMMA, qui ne peut rentrer dans un magasin sans être saisie par une sensation de honte, sensation dont on sait la facture de signature de la composante hystérique. Elle relate un premier souvenir remontant à sa puberté qui s'impose à elle d'une manière particulièrement précise et vigoureuse . Elle rentrait dans un magasin pour y faire des emplettes de vêtements et deux des commis qui tenaient la boutique se sont mis à rire. Voilà, pour simplifier, que cette jeune femme dit qu'elle ne peut entrer seule dans un magasin. Cette difficulté provient de quelque chose qu'elle relate presque comme un traumatisme : au moment où elle voulait acheter des vêtements, il y a eu un éclat de rire des commis et ces éclats de rire désignaient pour elle quelque chose de sexuel. C'était une moquerie à son égard et c'était quelque chose qui la prenait au corps. Elle en vient ensuite à associer sur un souvenir cette fois ci refoulé où plus jeune, avant la puberté, elle s'était rendue dans la boutique d'un épicier qui avait commis sur elle un attentat sexuel, en voulant toucher son sexe (à elle) à travers ses vêtements. (voir schéma n°1)
En somme, l'information clinique est simple. Elle est dans la droite ligne de ces "Etudes sur l'hystérie" contemporaine de l'Entwurf. Un symptôme, une narration recouvrent un noyau refoulé. Pourquoi FREUD nous parle de cela dans l'Esquisse ? Il s'interesse à la question de la symbolisation. La symbolisation par rapport à quelque chose de psychopathologique. C'est-à-dire que ce n'est pas le traumatisme en tant que tel c'est de savoir en quoi des évènements qui seraient de l'ordre du signal et du signal d'angoisse recouvre de fait une structure signifiante. Commis - rire - vêtements voilà donc une scène gênante. Mais, cela s'éclaircit un peu lorsque l'on sait que EMMA ne pouvait rentrer dans un magasin, (FREUD n'insiste pas trop la-dessus, mais c'est relaté), qu'accompagnée d'un enfant. Dans cet objet que l'on pourrait appeler contra-phobique, le fait qu'elle présentait un enfant, voire qu'elle se présentait enfant, que son moi en fait était l'enfant qui lui servait de paravent, pas simplement à l'instant comme accessoire contra-phobique, mais aussi comme barrière narcissique de résistance à l'irruption de remémorations. Commis - rire - vêtements voilà aussi des signaux devenus signifiants par l'opération du refoulement, par leur connexion avec la scène refoulée, qui ont à voir avec le rire, le regard et avec la voix, donc avec des objets partiels. Surgit sous la cape du rire une formulation paradoxale : Emma s'entend la naissance d'un regard. Elle entend qu'elle est regardée. Elle entend le regard de l'autre dans le rire de la moquerie. Voilà, quelque chose qui relie, condense, colmate deux objets de la pulsion. Ce n'est pas pour rien que FREUD en parle à ce moment là dans l'Esquisse. On verra que l'activité de la symbolisation, ce n'est pas simplement mettre des mots sur des choses, mais que c'est introduire une certaine division des objets pulsionnels, introduire un certain ordre dans les pulsions partielles, ce que quelqu'un comme DOLTO nomme castrations.

L'enseignement clinique à mettre à l'épreuve d'une écriture logique de la théorie, que FREUD extrapole à partir de ce cas, concerne ces moments où les sujets souffrent de compulsion. Cela peut surprendre, nous n'avons plus l'habitude de voir dans un même texte le terme de compulsion qui évoque plutôt la névrose de contrainte (autrefois névrose obsessionnelle) et l'hystérie. De quoi Freud parle-t-il lorsqu'il associe compulsion et hystérisation? Tout cela c'est un frayage. II y a un frayage entre un groupement A et un groupement B. Il y a une construction monotone, rigide entre A et B. Cette construction monotone et rigide, le clinicien ne la comprend pas. Mais sommes nous pour autant dans un insensé? FREUD dit qu'il ne comprend pas la symbolisation affectant la symptomatologie hystérique produite par refoulement et maintenue par la
contrainte. Elle est par trop singulière: pour autant elle obéit à des lois, à des processus psychiques. Autre façon de dire les choses, la symbolisation pathologique, ce serait une condensation de traces mnésiques qui deviendrait signal, qui coaliserait des objets de pulsion : le regard et la voix. Derrière cette symbolisation, serait préservée par le refoulement une scène où le sujet trop tôt est aux prises avec l'intentionalité et la libido de l'autre.

Faisons un pas plus loin et suivons FREUD dans ce qu'il nous dit. Il nous dit que la scène 1 refoulée n'était pas au moment où EMMA l'avait vécue une scène traumatique mais qu'elle est devenue traumatique après-coup. En d'autre termes, c'est au moment de la puberté, que se resexualise le souvenir et c'est au moment où le souvenir est resexualisé qu'il devient insupportable à la conscience. Cette resexualisation du souvenir, comprenons que c'est une autre façon de dire que des neurones vont être investis d'une autre façon, des voies de frayage vont être investies d'une autre façon et qu'il est impossible de garder un lien entre une construction et une autre.

Alors, que se passe t-il à ce moment là ? (schéma n°1)

Entre la ligne :commis - rire - vêtements et la ligne : épicier-vêtements - attentat, un fait est investi en processus primaire mais un seul et même fait. Donc, encore une fois, l'intérêt (théorie-clinique) se déplace; ne plus travailler sur les traces dans l'obsession de thématiser le souvenir-écran comme une cause ouvre à la pensée de la façon dont l'économie psychique investit ces traces dans l'après-coup.

Tout cela peut paraître un peu rapide, mais je pense qu'il était nécessaire de l'introduire pour dire la question de la symbolisation chez FREUD. La question de la représentation mentale dans des possibilités sans cesse de réélaborer l'appareil psychique, est liée aux conditions de circulation d'un investissement qui déjà dans ce texte, est un investissement sexualisé des représentations.

A cet égard, que l'on fasse des modèles en psychologie cognitive est tout à fait important mais il faut comprendre que l'énergie qui circule est une énergie de sexualisation du refoulement.

Pour FREUD, quel est l'interêt que cette patiente se souvienne au point de dire ce qu'elle "Aima ...EMMA" ? L'intérêt de défaire ce lien obstiné entre la compulsion et le souvenir refoulé est justement d'établir de nouveaux liens, de nouveaux ponts et de passer à cette représentation de mots dont vous avez là le schéma: schéma psychologique de la représentation de mots (schéma n°2).
Ce n'est pas simple. L'énonciation peut, comme la perception, impressionner la mémoire, et l'activation d'un souvenir peut aboutir en perception hallucinatoire ou en verbalisation.

Premier point: lorsque le souvenir n'est pas repris par le signifiant, il resterait dans une contagion de signal et bien des souvenirs réapparaissent de façon traumatique sous une forme plastique, le plus souvent visuelle. Nous aurions là un des premiers degrés de présence du signifiant lorsqu'il se présente comme le fait d'un spectacle compact, une icone ou une forme non allégée par la division et le jeu d'ubiquités et de divisions que promeut l'économie signifiante . Voilà pourquoi la distinction entre signal et signifiant est tout à fait fondamentale pour la psychanalyse actuelle à la condition de comprendre comment s'opère pour un sujet sa prise dans l'économie signifiante de la représentation de chose à la représentation de mot. FREUD, essayait d'amener le sujet à l'énonciation de ce souvenir et il se produisait alors en cas de réussite une sorte de transfert. Ce qui est important c'est la question du transfert qui est d'abord posée par FREUD en tant que transfert de représentation. C'est là-dedans que cela se joue dans le passage de la plasticité ou la concrétude du souvenir à son expression verbale, passage dans lequel le sujet trouvait le repos.

"Une sorte de transfert de la plasticité du souvenir à son expression verbale dans lequel le sujet pouvait enfin le rejouer." (FREUD)

De même que plus tard, dans son étude sur le mécanisme psychologique de l'oubli et bien lorsque FREUD cherche sans succès le nom du peintre des fresques d'Orvietto se présente à lui l'obsession du souvenir plastique du portrait de l'artiste.

"La présentation de mot apparait comme un complexe représentatif cloué, la représentation d'objet comme un complexe alléatoire et ouvert." (FREUD)

Le lien que nous enseigne FREUD entre la représentation de mot et la représentation d'objet est un lien qui fait passer l'association verbale de l'image sonore à cette image de lecture, à cette image d'écriture qui définit la trace là où elle aurait finalement un statut de lettre. L'image sonore représente le mot, l'image visuelle représentant l'objet.La représentation de mot apparait comme un complexe représentatif clos, la représentation d'objet comme un complexe représentatif ouvert. Mais, ce lien entre l'image visuelle et l'image sonore se révèle être un lien entre oeil et parole.

Lorsque le pôle énonciateur se tait, le pôle visuel semble être surinvesti et surexcité et cette charge supplémentaire se retire dès qu'une excitation apparaît. Est-ce à dire que le langage peut apparaître comme une anesthésie des investissements perceptifs en processus primaires? C'est sans doute cela mais subsiste quand même le rappel de la précarité de ces liens car "si nos propres cris confèrent son caractère à l'objet", il est quand même bien rare qu'ils le mettent en fuite ou qu'ils l'anéantissent.

Monique THURIN :

Je vais essayer de vous expliquer où se situent les associations verbales et leurs conséquences dans le système de FREUD.
Repartons du schéma général de Freud.

Le système j reçoit des perceptions. La partie ondulatoire de ce matériel (quantité) est transmise au système w et donne ainsi conscience d'une qualité. Cette conscience de qualité étant produite, une fraction de la décharge de w est transmise à y et devient pour ce système un indice de qualité ou indice de réalité.
Nous avons donc trois systèmes et nous voyons que chacun d'entre eux a une fonction spécifique : perception (j) -> conscience (w) -> mémoire, reconnaissance et intégration des indices de réalité (y).

Les associations verbales motrices, inscriptions des perceptions sonores associées à la phonation, fournissent également, au moment de leur décharge après investissement, un indice de qualité en y.
Les images verbales auditives (issues de l'audition de mots prononcés par autrui ou soi-même) sont associées directement aux images verbales motrices.

schéma 1.

L'indication de qualité, issue des images verbales motrices, entraîne par un mécanisme analogue à celui général de l'attention, un investissement régrédient par le moi qui va investir les associations verbales associées à celle qui est investie. Les neurones alors investis en y constituent alors un complexe de neurones formé par les images auditives et les images verbales motrices. Ces investissements vont être mis au service du but recherché (identité, expression ...) Leurs connexions constituent donc un deuxième type de frayages entre neurones y.

Schéma 2.
Mais revenons bien avant, à ce qui inaugure la liaison entre traces perceptives et inscription linguistique...
"Initialement nous dit FREUD, l'innervation du langage est une décharge qui se réalise au bénéfice de y pour diminuer les quantités." (FREUD)
Il s'agit alors d'un mécanisme interne à l'organisme. Une éventuelle réponse extérieure n'est pas considérée. Suivant le principe d'inertie, une quantité arrivée en y se décharge. Extérieurement, on peut observer les manifestations de l'enfant: manifestations musculaires, spasmes, crispations, cris. Tout cet ensemble, non dirigé au départ, attire l'attention d'autrui. Cette expérience est mémorisée et sera utilisée secondairement par le nourrisson pour obtenir ce dont il a besoin, ultérieurement ce qu'il désire. Ainsi, une décharge indifférenciée aboutit-elle à des modifications internes et attire secondairement l'attention d'une autre personne sur les besoins de l'enfant.

Schéma 3.

Autre point sur lequel FREUD insiste et qui me semble extrêmement important, c'est que "si nous ne criions pas quand nous ressentons une douleur nous ne pourrions pas avoir de souvenir clair de l'objet et de la perception qui nous a occasionné cette douleur." L'association du cri et de la perception fournit le moyen de rendre conscients des souvenirs pénibles. Ensuite nous pouvons comprendre que les sons volontairement émis, qui sont aussi des indications sonores de décharge, sont associés aux perceptions. Les souvenirs deviennent conscients comme des perceptions par l'intermédiaire des mots et non pas par des impressions initiales. Ils peuvent être investis par y. Ceci correspond aux processus de la pensée cognitive.
D'autre part, "Les indices de décharge par la voix du langage portent les processus cogitatifs sur le plan même des processus perceptifs en leur conférant une réalité et en rendant possible leurs souvenirs".(Freud p. 376).
Ce qu'il faut bien comprendre c'est que ces indices de décharge issus des images verbales sont dans un certain sens des indices de réalité mais de réalité de pensée et non de réalité extérieure.
Quant au but de ces associations verbales c'est de structurer la connaissance, de repérer la pensée, de raccourcir ses circuits en lui associant des étapes verbales dont certains chainons, qui ne sont pas indispensables au sens, peuvent être mis entre parenthèse pendant la pensée inconsciente et remis à jour au cours de la parole ou de la pensée consciente. Le but des associations verbales est également de constituer la mémoire des relations d'objet.

Schéma 4.

Sur le schéma 4, on voit la chaîne des impressions et des sensations brutes et tout ce qui fait la chaîne de la parole, du langage. Pendant la pensée inconsciente tout ces mots là sont mis entre parenthèses et c'est l'association répétée -par exemple : "le chat mange la souris"- qui fait que le système mnésique peut être simplifié ; les mots chat et souris deviennent suffisants pour donner le sens. L'individu peut reconstituer quand il parle le schéma total .


Dernière mise à jour : lundi 6 octobre 2003
Dr Jean-Michel Thurin