Alain Grumbach
La vie psychique fait intervenir aussi bien des processus globaux et larges que des processus locaux dont le nombre d'éléments est relativement restreint.
Leur découverte et description a donné naissance à différentes disciplines qui privilégient chacune un niveau d'approche. Celui-ci est déterminé par différents facteurs : la conception générale de la psyché au moment où le chercheur fait sa découverte ; les outils dont il dispose pour l'appréhender et en rendre compte ; sa capacité de conception de la complexité du processus lui-même ; les spécificités de son propre fonctionnement psychique.
Ainsi, neurologie, physiologie, neuro-biologie, neuro-immunologie travaillent-elles d'abord sur l'architecture et les fonctionnements locaux ; cependant, l'observateur pense et aime ; son langage véhicule une part de son imagination.
Linguistique et psychanalyse appréhendent plutôt les manifestations verbales et affectives qui dépassent les limites du corps ; pourtant, elles se doivent de présenter des modèles explicatifs qui intègrent, ou au moins respectent les lois et les connaissances issues des sciences naturelles.
Psychiatrie, psychosomatique et éthologie se cherchent dans un intermédiaire en constante redéfinition, avec d'impressionnants mouvements de bascule. Reste l'intelligence artificielle qui se donne pour vocation d'intégrer différents savoirs et de simuler par des machines, différentes fonctions du psychisme.
Ces différents agencements et niveaux d'étude de la réalité psychique posent la question de principes de fonctionnement et même de structures qui seraient semblables, que l'on pourrait retrouver dans les travaux de chaque discipline. Est-ce que l'analogie des descriptions, biologique d'un côté, psychanalytique de l'autre, n'est qu'un simple jeu de langage ? Ou bien s'agit-il de l'expression à différents niveaux, d'une même activité humaine ?
Au delà de la nécessité de découpage, de décomposition du scientifique, du jeu de langage, nous nous poserons la question du caractère ontologique de la structuration en niveaux.
La question peut être même de savoir si telle structure, émergeant d'une approche locale, n'est pas le prototype de celle, analogue que l'on retrouve à un autre niveau d'approche.
Une autre façon de poser le problème est de se demander si l'on ne retrouve pas des modes de transformation identiques d'un fonctionnement «simple» à un fonctionnement «complexe».
Enfin, l'identité de description entre les supports matériels et les supports psychiques d'une même activité, la mémoire par exemple, peut aller jusqu'à introduire l'identité entre leurs éléments de base : ici le neurone, là la représentation. C'est ce pas qu'avait franchi Freud dans l'Esquisse.
Ces différentes questions sont sous-jacentes dans les contributions d'A. Grumbach, J.F.. Vibert, B. Cyrulnik et J.M.. Thurin qui traitent de l'utilisation de la notion de niveau d'organisation à la lumière d'observations effectuées en Intelligence Artificielle, en neurosciences, en éthologie et en psychanalyse.
Dernière mise à jour : lundi 20 octobre 2003
Dr Jean-Michel Thurin