Dictionnaire taxinomique de psychiatrie
(J. Garrabé)



ADAPTATION (trouble de l') [angl. adaptation, all. Aupassung, esp. adaptaciôn.].


Définition-Historique : Le mot adaptation - d'adapter, du latin ad - à et aptare, aptus - apte - est passé dans le langage scientifique par la biologie : « Modification d'une fonction ou d'un organe ayant pour résultat de les mettre en accord avec tout ou partie de leur milieu, soit interne, soit externe » (Lalande). Le mot peut être utilisé en psychiatrie dans le sens commun d'ajuster quelque chose à une autre. Alexander (1930) distingue l'adaptation alloplastique, réactions adaptatives qui modifient l'environnement, et l'adaptation autoplastique qui modifie la personnalité, les mécanismes de défense des psychonévroses étant pour lui des exemples d'adaptation alloplastique. Mais dans les classifications qui désignent des catégories diagnostiques comme trouble de l'adaptation le mot est utilisé en référence à des théories scientifiques pas toujours indiquées explicitement : soit au comportementalisme, soit au modèle proposé par Selye. Par exemple, Gelfand définit ainsi l'adaptation : « the process of fitting or conforming to the environment by behavioral or psychic changes that promote an optimal level of fonctionning ». Il note l'influence sur cette approche « adaptationnelle » de la conception psychodynamique du comportement de Sandor Rado. Adaptation a un sens précis dans la théorie de Selye qui a donné en 1936 de la réaction d'alarme une interprétation originale. Pour lui, il existe « une réponse non spécifique que donne le corps à toute demande qui lui est faite », c'est le stress. Ce mot que l'on considère comme intraduisible en français, désigne d'ailleurs tantôt « la réponse au stress », tantôt l'ensemble réaction - non spécifique + agent stressant, mais aussi cet agent seul. Le syndrome général d'adaptation (1950) est caractérisé pour Selye par une séquence de trois phases :

1) La réaction d'alarme « ensemble des phénomènes généraux non spécifiques provoqués par l'exposition soudaine de l'organisme à un agent nocif, à un stimulus, à un stress, auquel cet organisme n'est pas adapté ». Cette phase est subdivisée en choc « état de surprise à l'agression soudaine formé de symptômes d'altération passive de l'équilibre fonctionnel ». Il peut durer quelques minutes ou 24 heures et est suivi, s'il n'est pas mortel, du contre-choc.

2) La phase de résistance : « ensemble des réactions non spécifiques provoquées par l'exposition prolongée de l'organisme à des stimuli nocifs auxquels il s'est adapté au cours de la réaction d'alarme ».

3) La phase d'épuisement : « ensemble des réactions non spécifiques qui caractérisent le moment où l'organisme cesse de pouvoir s'adapter au stimulus auquel il est soumis ».

L'application de cette théorie en psychiatrie, mise à part la question des structures nerveuses concernées, soulève deux ordres de problèmes : existe-t-il des stress psychiques et psycho-émotionnels et quels sont les troubles dont ils peuvent provoquer l'apparition ? Le premier est analogue aux discussions autour des notions de traumatisme* psychique et de réactions*. Quant au second, si l'on s'en tient strictement à la description de Selye, la pathologie du stress, qui est indépendante de la nature de celui-ci puisque non spécifique, ne saurait correspondre qu'aux manifestations des différentes phases du syndrome général d'adaptation, c'est à-dire à des troubles psychosomatiques*.


INSERM : La pathologie réactionnelle* est répartie dans les rubriques correspondantes de chacune des grandes catégories nosologiques où l'on peut l'observer.

CIM 9 : La définition des 309 Troubles de l'adaptation est : « Troubles légers ou transitoires d'une durée supérieure à celle des réactions aiguës, classées sous 308, survenant à tout âge chez des sujets n'ayant jamais présenté auparavant de troubles psychiques ». C'est donc la durée qui permet la discrimination entre eux et les réactions*, ils apparaissent plus comme situationnels que réactionnels : « Ces troubles sont souvent relativement circonscrits ou propres à une situation ; généralement réversibles ils durent seulement quelques mois. Ils sont en général étroitement liés dans le temps et dans leur nature à des situations éprouvantes, deuil*, migration ou séparation ». Mais suit une mention du mot stress : « Les troubles réactionnels à des situations très éprouvantes (stress important) d'une durée supérieure à quelques jours appartiennent également à cette rubrique ». Il existe donc des stress qui sont des situations et, lorsqu'elles se prolongent au-delà de la première phase d'alarme, on entre dans la phase de résistance à laquelle correspondent ces troubles de l'adaptation.


D.S.M. Ill : Le glossaire ne définit ni ce qu'il entend par adaptation, ni ce qu'il entend par facteur de stress psychosocial. Il existe une catégorie codable Troubles de l'adaptation sur l'Axe 1 : « La caractéristique essentielle est une réaction non adaptée à un facteur de stress psycho-social identifiable, apparaissant dans les trois mois suivant la survenue de celui-ci ». L'emploi du mot stress pourrait faire supposer qu'il s'agit ici d'adaptation. Il n'en est rien comme le montre le délai et aussi la conception psychodynamique de la réaction : « Le caractère non adapté de la réaction se manifeste soit par un handicap de fonctionnement social ou professionnel, soit par des symptômes exagérés par rapport à une réaction normale et prévisible, à ce facteur de stress ». En outre « il est supposé que la perturbation va, en définitive, cesser après la disparition du facteur de stress ou, si celui-ci persiste, dès qu'un nouveau degré d'adaptation sera atteint ». Cette idée que, malgré la persistance du facteur de stress, une adaptation à un niveau autre serait possible faisant cesser le trouble est en contradiction absolue avec la conception de Selye. Les exemples de stress psycho-social que donne le D.S.M. Ill correspondent à ce qu'on nomme des événements en psychopathologie notamment les « états spécifiques de la vie ». L'Axe IV permet de coder la gravité du facteur de stress selon une échelle qui va de 1 (aucun) à 7 (catastrophique) et sa nature spécifique (répétons que pour Selye la nature du stress importe peu). L'Axe V permet au clinicien d'indiquer son jugement sur le niveau d'adaptation et de fonctionnement le plus élevé d'un individu dans l'année écoulée. Il montre que l'adaptation « telle qu'elle est ici conçue... a trois principales composantes : les relations sociales, le fonctionnement professionnel et l'utilisation du temps de loisirs. Il faut les considérer dans leur ensemble, bien qu'il faille évidemment accorder une plus grande importance aux relations sociales en raison de leur signification pronostique particulièrement marquée ». Ici aussi est proposée une échelle qui va de 1 (Supérieur) à 7 (Altération grave). Finalement facteur de stress et adaptation sont envisagés selon une perspective psycho-sociologique.


Bibliographie : Loo P. et Loo H. - Le stress permanent. Masson, Paris, 1986. SELYE H. et al. - Le stress. Hachette, Paris, 1980.


Dernière mise à jour : dimanche 4 novembre 2001 16:07:33
Dr Jean-Michel Thurin