par Gilles Deleuze
Seuil éd. 2002 (1°éd.1989) |
" Pitié pour la viande! Il n'y a pas de doute, la viande est l'objet le plus haut de la pitié de Bacon, son seul objet de pitié, sa pitié d'Anglo-Irlandais. Et sur ce point, c'est comme pour Soutine, avec son immense pitié de Juif. La viande n'est pas une chair morte, elle a gardé toutes les souffrances et pris sur soi toutes les couleurs de la chair vive. Tant de douleur convulsive et de vulnérabilité, mais aussi d'invention charmante, de couleur et d'acrobatie. Bacon ne dit pas "pitié pour les bêtes " mais plutôt tout homme qui souffre est de la viande. La viande est la zone commune de l'homme et de la bête, leur zone d'indiscernabilité, elle est ce " fait ", cet état même où le peintre s'identifie aux objets de son horreur ou de sa compassion. Le peintre est boucher certes, mais il est dans cette boucherie comme dans une église, avec la viande pour Crucifié (" peinture " de 1946). C'est seulement dans les boucheries que Bacon est un peintre religieux. " G. D. |
Un ouvrage indispensable au moins pour trois raisons: connaître et surtout pouvoir "lire" l'oeuvre de Francis Bacon, un des plus grand peintre contemporain avec Lucian Freud, n'est pas chose aisée même pour un bon amateur d'art, et l'essai de Gilles Deleuze est à ce titre époustouflant. Deuxième raison, l'approche de la Sensation par Deleuze-Bacon est l'indispensable complément à la lecture des avancées en psychopathologie (productive) et sur le Sentir de notre collègue et ami Adolfo Fernandez Zoïla, qui a été son élève assidu. Troisième motif, le texte de Deleuze est un modèle du genre pour l'application discrète et mesurée des concepts phénoménologiques (la figure versus figuration-représentation) et psychanalytiques aux oeuvres d'art et non aux artistes rejoignant en celà le grand philosophe et esthéticien H. Maldiney (reconnu par le Pr J. Schotte de Louvain comme son Maître) sur Cézanne, Bazaine, Tal Coat...Ouvrage donc indispensable avant de se prononcer sur F.Bacon. PB |