DIRECTION GENERALE DE LA SANTE
Sous-direction de la santé et de la société
Bureau de la santé mentale
Les travaux du groupe ont abouti à une approche par compétence permettant didentifier trois niveaux dintervention complémentaires à mobiliser pour la prévention, lurgence, le soin et la (re)insertion en santé mentale :
- les professionnels du champ sanitaire, spécialisés en psychiatrie ;(cf. 3 tableaux pages suivantes : Intervenants / Compétences / Savoir-faire à mobiliser)- les professionnels de soins primaires ;
- les intervenants de première ligne auprès de personnes en difficulté psychique ou atteintes de troubles mentaux (dont lénumération présentée dans le schéma est non exhaustive) ;
Cette clarification attendue tant par les usagers que par les professionnels eux-mêmes, permet déviter des glissements de compétences indus. Elle est la garantie dun savoir-faire au regard de la formation qui sy attache. Elle contribue à mieux spécifier le rôle de chacun et à répartir les charges entre les acteurs. En ce sens, cette organisation doit alléger le fonctionnement des équipes, notamment celles du champ spécialisé, leur permettant ainsi de mieux se centrer sur leur pratique clinique.
Les représentants des familles et des usagers dont le rôle a été jugé essentiel, interviennent au sein de ces trois niveaux. Ils contribuent notamment à créer des liens entre ces niveaux.
Ce schéma ne doit pas être analysé de manière linéaire comme un mode unique et modélisé de prise en charge. Il ne sagit pas non plus de réserver lintervention des professionnels spécialisés à celle préalable des autres acteurs. Il est en effet essentiel que la personne soit prise en charge à partir du niveau où elle exprime et/ou est repérée sa souffrance psychique ou sa maladie mentale avérée.
Cette organisation vise à :
- impulser une nouvelle dynamique de prise en charge dans laquelle les partenaires, intervenants de premières lignes et acteurs de soins primaires, sont mieux intégrés, et les besoins et droits des personnes malades de fait mieux pris en compte.
- mieux repérer les personnes en difficulté psychique pour les orienter, au besoin, vers une prise en charge précoce adaptée. Laccès aux soins, le plus souvent en urgence et souvent sur le mode de lhospitalisation, lorsque létat de santé est très détérioré devrait ainsi être évité. Il est essentiel également de permettre aux professionnels non spécialisés de distinguer ce qui relève de la plainte et de la souffrance inhérente à la personne, de ce qui relève de la pathologie. Lobjectif étant de ne pas médicaliser toute plainte ou souffrance psychique.
- faire coexister chaque fois que nécessaire, des phases coordonnées de prise en charge sanitaire et sociale dépassant le partenariat ponctuel.
Cette organisation permet :
- de faire prendre conscience aux différents intervenants de leur position actuelle face à la problématique de santé publique que constitue la santé mentale, qui ne concerne pas le seul milieu médical ;
- de renforcer et de valoriser limpact des interventions de chacun des professionnels sur la prévention en santé mentale, le soin, et linsertion des personnes en souffrance psychique invalidante et/ou atteintes de troubles mentaux avérés ;
- de rationaliser les importantes sollicitations du champ médical et social auprès des secteurs de psychiatrie, plus particulièrement auprès des psychiatres, publics ou libéraux, et ainsi de requalifier la spécificité de leur travail thérapeutique.
Il y a consensus des membres du groupe pour reconnaître que les prises en charge de qualité font généralement intervenir alternativement ou conjointement, les trois niveaux complémentaires de compétences, quil convient généralement de mettre en relation de façon systématisée et non hiérarchisée.
Cette orientation nécessite :
- un travail de déstigmatisation des représentations attachées à la maladie mentale afin :
. daborder le sujet de la santé mentale dans les différentes institutions confrontées à des personnes en difficulté psychique ;. de favoriser la demande daide par les personnes en souffrance et leur famille ou proche (la question du choix du praticien ou de la prise en charge est difficile pour les patients),
. et dapporter une réponse précoce aux problématiques.
- un travail préalable de lisibilité et de communication du secteur de psychiatrie et des professionnels spécialisés libéraux envers leurs partenaires institutionnels et associatifs (représentant des usagers) notamment par :
. la mise au point dun guide de ressources en santé mentale par territoire pertinent (département ou bassin de vie) à destination des professionnels des champs sanitaires, médico-sociaux et sociaux et des représentants des usagers ;. le développement déchanges de pratique, notamment des formations communes et des groupes de parole permettant un premier temps de connaissance mutuelle des professionnels et un accroissement de la lisibilité des compétences de chacun.
- un engagement commun des responsables institutionnels (Etat, ARH, Conseils généraux, Municipalités, Education nationale, Justice...) sur les orientations de la politique de santé mentale menée au plan local. Cet indispensable partenariat doit conduire à mieux identifier les rôles et compétences attendues de chacun des intervenants des trois niveaux. A titre dexemple, il nappartient pas aux professionnels spécialisés de gérer à part entière des problématiques sociales (logement...) mais bien détablir le partenariat utile à la gestion de ces questions avec des professionnels relevant le plus souvent des collectivités locales. Le rôle de chacun sera donc facilité par ce partenariat institutionnel, qui donnera lieu à une contractualisation spécifique sur des objectifs précis de réponse aux besoins des personnes souffrantes (contrats pluriannuels de développement de la santé mentale).
- la mise en œuvre, tant au niveau local que national, de nouvelles modalités de formation des professionnels, par décloisonnement entre professions et institutions. Le travail interprofessionnel, interdisciplinaire ou de partenariat entre les niveaux de compétences doit certes favoriser lémergence dune culture commune mais aussi garantir :
. la prise en compte effective de la spécificité de chaque métier ou compétence, par le maintien de lidentité du professionnel face à lévolution des pratiques induite par lévolution des besoins de prise en charge. Par exemple dans les secteurs de psychiatrie, les cadres infirmiers et socio-éducatifs doivent fortement contribuer à cette dynamique de formation et de recherche. Il en est de même dans les institutions sociales ou médico-sociales.. lélaboration dune réflexion propre, voire de références sur les pratiques en santé mentale, pour les nouveaux métiers émergents dans le social confrontés à des publics en souffrance psychique ou atteints de troubles mentaux (travailleuses familiales, médiateurs sociaux, conseillères en économies familiales...) et éviter ainsi le risque de leur éventuelle instrumentalisation par les institutions sociales ou sanitaires.
- Le développement de la recherche, particulièrement par la mise en place de programmes innovants de recherches/actions sur les pratiques professionnelles dans le domaine de la santé mentale. Le groupe de travail préconise également de renforcer la formation à la méthodologie de la recherche, afin de favoriser lémergence de ces démarches et laugmentation du nombre des professionnels impliqués dans des recherches pluridisciplinaires, à même de renforcer les identités respectives et à terme une meilleure évaluation des pratiques professionnelles.
Ce schéma ne doit pas être analysé de manière linéaire comme une mode unique et modélisé de prise en charge. Il ne sagit pas non plus de réserver lintervention des intervenants spécialisés à celle préalable des autres acteurs. La personne est en effet prise en charge à partir du niveau où elle exprime et/ou est repérée sa souffrance psychique ou sa maladie mentale avérée.
Professionnels du champ sanitaire spécialisés en psychiatrie | Professionnels de soins primaires | Intervenants de 1ère ligne auprès de publics en difficulté psychique et/ou atteints de troubles |
Ce schéma ne doit pas être analysé de manière linéaire comme un mode unique et modélisé de prise en charge. Il ne sagit pas non plus de réserver lintervention des intervenants spécialisés à celle préalable des autres acteurs. La personne est en effet prise en charge à partir du niveau où elle exprime et/ou est repérée sa souffrance psychique ou sa maladie mentale avérée.
Les travaux du groupe ont conclu à la nécessité dimpulser un réel travail en réseau. Il sagit de favoriser la constitution de réseaux axés sur laction, par la mobilisation des partenaires et institutions impliqués dans les prises en charge, quel que soit le stade de celles-ci (prévention, soin, (re)insertion).
Ces réseaux fondés sur les nécessités des différents exercices doivent avoir pour objectif daméliorer les prises en charge. Ainsi, linstauration de temps danalyse conjointe des pratiques inter-professionnelles ou inter-institutionnelles contribue à la prévention, au soin et à la (ré)insertion des personnes en souffrance, en dehors de toute situation durgence ou dramatisée.
Les réseaux sont ici entendus au sens de la loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (art 84) rappelée ci-dessous :
Les réseaux de santé ont pour objet de favoriser laccès aux soins, la coordination, la continuité ou linterdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de léducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins. Ils peuvent participer à des actions de santé publique. Ils procèdent à des actions dévaluation afin de garantir la qualité de leurs services et prestations.
Ils sont constitués entre les professionnels de santé libéraux, les médecins du travail, des établissements de santé, des centres de santé, des institutions sociales ou médico-sociales et des organisations à vocation sanitaire ou sociale, ainsi quavec des représentants des usagers.
Les réseaux de santé qui satisfont à des critères de qualité ainsi quà des conditions dorganisation, de fonctionnement et dévaluation fixés par décret peuvent bénéficier de subventions de lEtat, dans la limite des crédits inscrits à cet effet chaque année dans la loi de finances, de subventions des collectivités territoriales ou de lassurance maladie ainsi que de financements des régimes obligatoires de base dassurance maladie pris en compte dans lobjectif national de dépenses dassurance maladie visé au 4° du I de larticle L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale .
Les dispositions de larticle 36 de la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002 offrent en outre un cadre précis de financement des réseaux. Celles-ci prévoient en effet la création, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, dune dotation nationale de développement des réseaux ainsi que pour chaque région, le montant limitatif de la dotation régionale de développement des réseaux. Les dépenses correspondant à ces dotations seront imputées en plusieurs parts sur les dépenses hospitalières, de ville ou médico-sociales, lobjectif étant de favoriser le décloisonnement des pratiques professionnelles par des financements conjoints.
La loi précitée confie au directeur dagence régionale dhospitalisation et au directeur de lunion régionale des caisses dassurance maladie de décider conjointement, et dans le cadre des priorités pluriannuelles de santé, des financements accordés à ces réseaux. En outre, il est prévu quafin dorganiser la coordination et la continuité des soins, la décision de financement peut prévoir la prise en charge par lassurance maladie sous la forme dun règlement forfaitaire de tout ou partie des dépenses du réseau. Ces mesures devraient rapidement favoriser le développement des objectifs recherchés par les travaux du groupe, et notamment lorganisation coordonnée des interventions des trois niveaux précités.
Néanmoins, il est important de distinguer :
. le travail en réseau institutionnel au sens du projet de loi précité, permettant de favoriser un cadre de cohérence et de complémentarité pour les interventions spécifiques de chaque institution ou professionnel libéral impliqués dans la prise en charge des personnes en souffrance et/ou atteintes de troubles mentaux ;
. le travail partenarial de professionnels autour dune prise en charge particulière dune personne en souffrance et/ou atteinte de troubles mentaux.
Il y a consensus du groupe de travail pour considérer que la constitution de réseaux et le développement des interventions en complémentarité par les acteurs des différents champs éducatif, social, médico-social et sanitaire, devraient permettre à terme :
- une programmation des actions de prévention et le développement dactions de promotion de la santé mentale pour éviter la segmentation de ces actions ainsi que pour enclencher des prises en charge utiles et à terme leur continuité. Dans cette optique, la mutualisation des moyens (humains et financiers) renforce, in fine, la qualité de la prise en charge sociale et/ou soignante.
- une graduation des réponses aux urgences psychiatriques, afin de répondre au souci de prendre en compte la diversité des situations composant lurgence psychiatrique :
. les urgences psychiatriques pures par décompensation dune affection psychiatrique ;
. les urgences médico-psychiatriques ou mixtes (manifestations organiques et psychiatriques simultanées) ;
. les états aigus transitoires (tentatives de suicide, ivresse).
. les crises ou urgences psycho-sociales (en amont de lurgence stricto-sensu ; situation interactive conflictuelle impliquant le malade et son environnement ; état instable) qui, en labsence dintervention appropriée, se résout exceptionnellement de manière positive et évolue au contraire vers laggravation des troubles et lurgence médicale, psychiatrique ou mixte).
- une mobilisation de compétences diversifiées (sociales, psychologiques, médicales et paramédicales) pour la mise en place dun projet de prise en charge individualisée autour du patient ;
- le développement, dans le domaine de la (ré)adapation et de la (ré)insertion des patients atteints de troubles mentaux graves et durables, dune complémentarité et dune articulation entre le sanitaire (équipe de secteurs psychiatriques et/ou libéraux), le médico-social et le social.
Linscription dans ce travail en réseau permet de dépasser le partenariat ponctuel, reposant le plus souvent sur des échanges informels entre professionnels, indépendamment dune implication institutionnelle..
Le groupe de travail pose ainsi la question de lorganisation de ces échanges. Il y a consensus du groupe pour que cet objectif comprenne :
- une inscription dans la durée des échanges interprofessionnels entrepris ;
- une structuration du temps pour chaque partenaire, et plus particulièrement pour les professionnels libéraux ;
- un renforcement du temps non programmé pour répondre aux situations durgence.
Une formalisation de ces échanges de pratique inter professionnels est préconisée quel que soit le mode de prise en charge envisagé. Il est proposé :
- le conventionnement entre institution définissant le cadre dintervention de chacun des professionnels ;
- le développement des consultations davis spécialisés entre les médecins psychiatres et les professionnels soignants non spécialisés (médecins généralistes ; pédiatres ; équipes thérapeutiques dans le domaine des addictions),
- lidentification dun référent de la prise en charge médico-psychologique au long cours permettant notamment une médiation entre le soin et la réinsertion et garantissant la réalité dune prise en charge globale des besoins du patient.
Il y a, en outre, consensus du groupe sur la nécessité dinstituer une instance locale de régulation inter-institutionnelles des pratiques soignantes et sociales, impliquant également les professionnels libéraux et les représentants des familles et des usagers, qui à partir dune analyse des besoins, en relation avec les orientations des planifications sanitaires et médico-sociales et sociales aura pour vocation de proposer les compétences à mobiliser et les modalités dintervention ou les actions à mettre en place dans le domaine de la santé mentale (cf. point 3 du préambule).
Afin de permettre une véritable synergie entre les interventions du champ éducatif, social, médico-social et de la psychiatrie, le groupe considère que cette instance doit dépasser le cadre du conseil de secteur.
Le groupe propose de faire émerger une fonction de technicien réseau pour aider à la mise en place des réseaux à constituer. Cette fonction na pour vocation ni de définir lobjectif des réseaux, ni de les initier ou de les coordonner. Au service du réseau, cette fonction doit permettre le développement de compétences spécifiques (juridiques et administratives concernant les cadres formels dorganisation des réseaux ou les démarches pour obtenir des financements) et une dynamisation du réseau (motiver les professionnels de champs différents à travailler autrement en vue de créer et stabiliser des liens).
Le groupe na pas précisé auprès de qui serait rattaché cette fonction.
En outre, la fonction de coordonnateur de prévention mentionnée au III.1.1.C) sera particulièrement utile à la constitution et au bon fonctionnement des réseaux.
Dans le respect du droit des patients à la garantie du secret professionnel et des règles déontologiques, les professionnels doivent apporter les informations utiles aux usagers et à leurs familles dès le début des prises en charge.
En sus du rôle des usagers, linformation générale sur la souffrance psychique, la maladie mentale, et les différentes modalités de prise en charge sanitaire et sociale existantes ainsi que sur les lieux de soins, nécessite un lieu social dinformation permettant la rencontre des professionnels de secteur, des libéraux (psychiatres et psychologues) et des associations de parents ou dusagers.
Les membres du groupe estiment que cette proposition doit se traduire par un renforcement du rôle des CMP caractérisés par une permanence douverture, au besoin étendue, la proximité et une intégration dans le tissu social.
Il sagit dintégrer lusager et la famille aux stratégies thérapeutiques pour faciliter ladhésion au traitement et son observance par le patient.
Outre le rôle précieux de ces acteurs lors de laccès aux soins, il est indispensable dassocier étroitement lusager et sa famille aux soins, afin déviter toute rupture préjudiciable à létat de santé de lusager.
A cet égard, il est proposé lidentification dun référent libéral ou exerçant en secteur pour les familles, notamment dans le suivi au long cours de patients souffrant de pathologies lourdes (schizophrénie, troubles de la personnalité). Lorsque le référent exerce à titre libéral, les familles doivent pouvoir être soutenues ou suivies par le secteur si elles le souhaitent, notamment à loccasion de soins ou dactivités proposées en complément par le secteur compte tenu de la gamme de prestations quil peut offrir.
Outre la présence des usagers dans les instances des établissements de santé, la participation des représentants des usagers, peut trouver une forme totalement aboutie par lintégration dans les réseaux de santé mentale. Cette intégration permet aux représentants des usagers de mieux comprendre la finalité du travail spécialisé. Elle offre également aux usagers la faculté de partager collectivement leurs besoins et leurs attentes.
Dernière mise à jour : lundi 3 juin 2002 14:16:06 Dr Jean-Michel Thurin