La répartition des infirmiers dans les
établissements de santé publics et privés reflète
étroitement celle des capacités d’hospitalisation :
58 000 infirmiers équivalents temps plein[1] (ETP – y compris les
personnels d’encadrements infirmiers), pour un peu plus de 71 000 lits.
En raison de leur diplôme et de leurs
modalités d’exercice, il n’existe pas d’infirmiers de
secteur psychiatrique en milieu libéral.
La part prépondérante du secteur
public des capacités en lits et places (83 %) se retrouve
accentuée au niveau des densités d’infirmiers
exerçant dans ce secteur (94 %).
Dans les 15 départements où les
capacités d’hospitalisation totales sont les plus
élevées, la densité en infirmiers (personnel
d’encadrements compris) est ainsi supérieure à 150 pour 100
000 habitants. Dans les 15 départements où les capacités
sont les moins élevées, la densité en infirmiers est
proche de 80 pour 100 000 habitants.
Selon la
dernière enquête emploi, les psychologues sont estimés
à près de 36 000 personnes salariées ou
libérales. Les sources statistiques actuellement disponibles ne permettent pas de
recenser en totalité le nombre de psychologues libéraux.
Selon la
Statistique annuelle des établissements (SAE), on compte environ 4 000
psychologues ETP – soit seulement 1 pour 15 infirmiers – dans des
services de psychiatrie des établissements de santé. Parmi eux,
80 % travaillent dans le secteur public.
Les dotations en capacités d’accueil
(lits ou places) et la densité de psychiatres installés ne
coïncident pas. Les différents départements semblent au
contraire se développer suivant des dimensions différentes et
sans doute traduire une inégale transition entre deux modèles
d’offre de soins psychiatriques. Certains départements
présentent une offre de soins en psychiatrie exclusivement publique. Son
développement y apparaît globalement problématique,
d’autant que les capacités manquantes ne paraissent pas pouvoir
provenir de reconversions, et que l’offre privée y est
également faible.
Dans d’autres départements
l’offre de soins psychiatriques apparaît peu dynamique et les
capacités importantes en lits d’hospitalisation complète
semblent surtout procéder d’un effet de rémanence. L’adaptation
du dispositif de soins semble être d’autant plus difficile à
mener dans ces départements que les densités en psychiatres y
sont faibles.
La situation de certains départements
apparaît relativement favorable malgré des capacités en
lits et places faibles, car le dynamisme démographique et économique local se traduit par
des capacités d’accueil diversifiées et un nombre important
de professionnels.
Enfin, dans d’autres départements
où l’offre de soins en psychiatrie est élevée, deux
modèles semblent coexister : d’un côté, une offre
diversifiée associant hospitalisation complète et partielle,
secteurs publics et privés, et professionnels de santé en nombre
significatif ; de l’autre, la rémanence de capacités
d’hospitalisation complète importantes dont une bonne part est
d’origine ancienne et dont il faudra suivre à l’avenir la
transformation progressive.[2]
Le secteur social et médico-social compte : 24 500
établissements et services correspondant à 1.05 million de lits
ou places, plus de 400 000 salariés et des financements
conséquents : 84 milliards de francs financés par la
collectivité publique (42 milliards par l’assurance maladie, 33
milliards par les départements et 9 milliards par l’Etat).
Il existe actuellement en France 2.616 établissements
médico-sociaux d’hébergement proposant 86 065 places
à des personnes handicapées adultes, dont, pour les plus
handicapées, 11.618 places en maisons d’accueil
spécialisées (MAS). Les structures à vocation
professionnelle sont au nombre de 1.912 et comportent 112.029 places, dont
13.600 en atelier protégé, 88.952 en centre d’aide par le
travail (CAT) et 9.477 en centre de rééducation professionnelle.
Les établissements recevant des enfants et adolescents
handicapés, avec ou sans hébergement, sont au nombre de 2.497
(125.500 places), dont 1.194 établissements d’éducation
spéciale pour enfants et adolescents déficients intellectuels,
les plus nombreux, comportant 73.090 places.
Parmi les établissements pour enfants et adolescents, pour tous
types de handicaps, 563 (13.804 places) sont des services autonomes
d’éducation spéciale et de soins à domicile
(SESSAD).
Il existe par ailleurs des structures spécifiques, à
vocation régionale ou interrégionale, répondant aux
problèmes d’autisme, de traumatismes crâniens, ou de
certains handicaps rares.
Etablissements médico-sociaux pour adultes
handicapés en 1998
ETABLISSEMENTS |
PSYCHIATRES |
PSYCHOLOGUES |
|||||
|
Nombre
d’établissements |
Nombre de places en 98 |
Evolution des places 98/88 en % |
Effectifs en ETP |
Evolution 98/88 en % |
Effectifs en ETP |
Evolution 98/88 en % |
Centres d’aide par le
travail |
1313 |
88 985 |
+37.4 |
80.7 |
-7 |
195.7 |
+30.1 |
Ateliers protégés |
415 |
15 027 |
+130 |
|
|
|
|
Centres de rééduc. Et
form. Prof. |
84 |
9 477 |
+3.9 |
2.7 |
-41.6 |
30.6 |
+124 |
Foyers d’hébergement |
1 236 |
39 497 |
+27.7 |
0.3 |
|
0.7 |
|
Foyers occupationnels |
892 |
30 022 |
+117.4 |
0.2 |
|
0.6 |
|
Maisons d’accueil
spécialisé |
297 |
11 774 |
+149.1 |
35 |
+120 |
77.4 |
+167.8 |
Foyers à double
tarification |
191 |
6 427 |
|
18.6 |
|
45.7 |
|
Etablissements et services médico-sociaux
pour enfants handicapés
ETABLISSEMENTS |
PSYCHIATRES |
PSYCHOLOGUES |
|||||
|
Nombre
d’établissements |
Nombre de places en 98 |
Evolution des places 98/88 en % |
Effectifs en ETP |
Evolution 98/88 en % |
Effectifs en ETP |
Evolution 98/88 en % |
Et.d’éduc.
spéc. Enfts def. Intellec. |
1 194 |
73 518 |
-13,8 |
356 |
-46,5 |
924.5 |
+64.4 |
Instituts de
rééducation |
345 |
16 880 |
+23 |
133.4 |
+20 |
324.2 |
+48.7 |
SESSAD autonomes |
563 |
13 466 |
+176.2 |
51.5 |
+121.1 |
226.4 |
+229 |
C. médico
psycho-pédagogiques |
532 |
Nbre d’enfts suivis 104 081 |
+2.8 |
242 |
-23.3 |
947.8 |
+14.2 |
Les établissements d’éducation spéciale pour
enfants et adolescents déficients intellectuels comportent : IME,
IMP, IMPro et jardins d’enfants spécialisés. La diminution
du nombre de psychiatres semble avoir été compensée par
l'augmentation du nombre des psychologues.
Les services d’éducation spéciale et de soins
à domicile (SESSAD) répertoriés ici sont les services
autonomes, non rattachés à un autre établissement, pour
tous types de handicap.
Deux plans pluriannuels pour
les personnes handicapées sont en cours de réalisation pour
répondre aux besoins encore insatisfaits, selon deux axes
complémentaires : créer des places supplémentaires
dans les établissements pour les personnes les plus lourdement
handicapées, et améliorer l’intégration des
personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire.
Le premier (1999-2003)
comporte la création de 5.500 places en MAS et 11.000 places en CAT ou
atelier protégé.
Le second (2001-2003),
prévoit :
§
la création
de places dans les établissements d’éducation
spéciale pour les enfants
lourdement handicapés, et la création de places adaptées
pour les personnes handicapées vieillissantes, ainsi que pour les
enfants, adolescents et adultes autistes et traumatisés crâniens.
§
le
développement des services et aides à l’intégration
dans le milieu de vie ordinaire tels
que services de soins et d’accompagnement à domicile à
l’intention des personnes handicapées, auxiliaires de vie,
services d’éducation spéciale et de soins à domicile
pour enfants et adolescents, ainsi que diverses mesures telles le
développement de l’interprétariat pour personnes sourdes,
ou le renforcement du parc de matériels pédagogiques et
techniques des établissements scolaires pour la scolarisation des
enfants handicapés.
§
le soutien à
l’insertion professionnelle
par le renforcement et la modernisation des ateliers protégés.
Des “ sites pour la
vie autonome ” ont été expérimentés dans quatre
départements et seront mis en place progressivement dans tous les
départements d’ici trois ans : il s’agit de
créer un lieu-ressource en ce qui concerne les solutions de compensation
fonctionnelle du handicap. Un “ pilote ” est
chargé de rassembler les différents partenaires en un
comité, qui désigne une ou des équipes techniques
compétentes pour l’élaboration des projets
personnalisés avec des demandeurs, et qui rassemble les financeurs.
L’Etat finance la coordination du système.
L’objectif est de faciliter la
démarche de la personne handicapée, en lui offrant un
“ guichet unique ”, où elle trouvera une
équipe pluridisciplinaire qui pourra élaborer avec elle un bilan,
et lui proposer un plan d’aide personnalisé assorti de
préconisations pour des aides techniques (appareillages…),
humaines, ou animalières, ainsi que pour les aménagements
à apporter le cas échéant à son logement ;
l’objectif est également de faciliter le financement des aides ou
aménagements préconisés, en rassemblant les financeurs et
en créant un fonds de compensation, avec la participation
financière de l’Etat.
Un plan
d’amélioration du fonctionnement des Commissions techniques
d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) a été mis
en place, afin que ces commissions répondent mieux aux missions que leur
donne la loi : reconnaître et évaluer le handicap des
personnes qui en font la demande, les conseiller, décider des orientations
vers les structures médico-sociales et le milieu de travail
protégé, attribuer les cartes d’invalidité et les
allocations (AAH : allocation pour adulte handicapé, et ACTP :
allocation compensatrice pour l’aide d’une tierce personne). Pour
évaluer le handicap, ces commissions, comme leurs équivalentes
pour les enfants et adolescents, les commissions départementales de
l’éducation spéciale (CDES), utilisent un “ guide-barême ” qui est lui aussi
actuellement en révision afin de mieux prendre en considération
le retentissement du handicap sur la vie quotidienne des personnes.
Afin d’améliorer la scolarisation en milieu ordinaire, le
ministère de l’éducation nationale et le ministère
de l’emploi et de la solidarité ont lancé conjointement, en
avril 1999, le plan Handiscol,
qui comporte vingt mesures, telles l’édition d’un guide
à l’intention des parents et familles, la création
d’une cellule d’écoute sur toute question concernant la
scolarisation d’un enfant handicapé, la création d’un
groupe de coordination dans chaque département, le développement
des classes d’intégration scolaire (CLIS) dans le primaire et des
unités pédagogiques d’intégration (UPI) dans le
secondaire, ou la formation des enseignants. Le développement des
services médico-sociaux d’accompagnement, en particulier les
services d’éducation spéciale et de soins à domicile
(SESSAD), viendra à l’appui de cette politique
d’intégration.
Pour relancer l’insertion professionnelle des personnes
handicapées en milieu ordinaire,
l’Etat a passé avec l’AGEFIPH une convention pluriannuelle
d’objectifs (1999-2003) visant à faire progresser le taux
d’emploi des entreprises vers les 6% prévus par la loi
(actuellement le taux se situe à 4%), et à augmenter l’effort
de formation, d’apprentissage et d’orientation des personnes
handicapées. Un programme exceptionnel (1999-2001), est mis en place par
l’Agefiph pour la préparation et l’accompagnement de
l’insertion des personnes handicapées, le développement et
la modernisation des dispositifs d’orientation et de formation
professionnelle, et la valorisation de l’action des entreprises. Ce
programme est mis en œuvre par les délégations
régionales de l’Agefiph, en cohérence avec les programmes
départementaux d’insertion des personnes handicapées.
Présenté au parlement en juillet dernier, ce projet de
réforme de la loi sur les institutions sociales et
médico-sociales contient des dispositions visant :
§
à assouplir et
diversifier les institutions sociales et médico-sociales,
§
organiser leur
coordination et le partenariat, notamment avec les établissements de
santé,
§
promouvoir les droits
des usagers, et
§
instaurer les
schémas d’organisation sociale et médico-sociale,
principalement départementaux.
Le projet prévoit également l’obligation pour les
établissements de procéder à l’évaluation
de la qualité des prestations
qu’ils délivrent, au regard de références et
recommandations de bonnes pratiques professionnelles, qui seraient élaborées
par un conseil national de l’évaluation sociale et
médico-sociale. Il faut remarquer que, à l’instar des
établissements pour personnes âgées où les outils de
l’auto-évaluation sont déjà installés, les
établissements pour personnes handicapées amorcent une
démarche qualité et la construction d’outils
adaptés, prenant ainsi les devants.
Le droit des personnes souffrant de troubles mentaux suffisamment graves
et prolongés pour être invalidants, à
bénéficier de l’ensemble du dispositif destiné aux
personnes handicapées a rencontré dès l’origine des
obstacles majeurs :
§
du fait de
l’inscription dans la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées de 1975,
en son article 47, d’une disposition particulière aux “ malades mentaux dont
l’état ne nécessite plus le maintien en hôpital
psychiatrique mais qui requièrent temporairement une surveillance
médicale et un encadrement en vue de leur réinsertion sociale ”.
A l’époque, les professionnels de la psychiatrie répugnaient
eux-mêmes à “ enfermer les malades dans un statut de
handicapé ”. Il en est résulté un traitement
particulier des personnes handicapées du fait de la maladie mentale, en
quelque sorte soumises à une injonction de guérir, et exclues
notamment des structures relevant des conseils généraux, qui y
voyaient un transfert de charges indues.
§
du fait de la nature
du handicap,
“ invisible ” selon l’expression utilisée
par les spécialistes du traumatisme crânien, irrégulier,
imprévisible, et avant tout très méconnu de la population
comme de la plupart des professionnels dans le champ du handicap.
Cependant, une évolution considérable s’est
accomplie depuis. Tout d’abord, les concepts de déficience,
incapacité et désavantage avancés par WOOD au début
des années 80 ont clarifié la notion de handicap et permis de
sortir de l’opposition maladie/handicap ; le guide-barême pour
l’évaluation des déficiences et incapacités des
personnes handicapées comporte un chapitre sur les déficiences du
psychisme en totale rupture avec les logiques antérieures.
Ainsi, le dispositif médico-social s’est peu à peu
ouvert aux usagers de la psychiatrie. En 1998, 24,2% des demandeurs
d’allocation pour adultes handicapés le font au motif d’une
déficience psychique, dont 78% bénéficieront d’un
accord. Dans le CAT, 13,9% des
personnes accueillies au 1er janvier 1996 présentaient une
déficience principalement psychique.
Les carences restent
toutefois très importantes, en matière d’intégration
en milieu ordinaire, de soutien des familles, et peut-être de places en
établissements.
Il paraît indispensable, à la faveur de la dynamique
à l’œuvre dans le champ du handicap :
§
d’évaluer
le besoin dans les institutions d’hébergement et d’aide au
travail (en nombre et en qualité). Il importe notamment que la
transformation des hôpitaux psychiatriques s’effectue en
considération des besoins réels, et non de
nécessités institutionnelles.
§
d’utiliser toute
la palette du médico-social, et notamment les services
d’accompagnement ou d’aide à domicile, à
l’école ou sur les lieux de travail.
En termes de lits et
places, nous pouvons constater qu’à l’issue de cette
décennie il y eu suppression de 33420 lits en psychiatrie et
parallèlement création de 30000 lits en MAS et Foyers.
La loi n°90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à
la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux pose le principe du consentement des personnes
atteintes de troubles mentaux à leur hospitalisation et affirme le droit
à la dignité de ces personnes et à leur réinsertion
sociale.
La loi du 27 juin 1990 énonce l’exception de
l’hospitalisation sans consentement de la personne souffrant de troubles
mentaux, qui peut être déclinée sous deux régimes
d’hospitalisation sans consentement : à la demande d’un
tiers (HDT) ou d’office (HO), prononcée par le préfet pour
des motifs différents. Pour l’HDT, c’est
l’impossibilité de donner son consentement et la présence
d’un état nécessitant des soins immédiats assortis
d’une surveillance en milieu hospitalier. Pour l’HO, il
s’agit d’une atteinte à l’ordre public ou à la
sûreté des personnes. Le contrôle de ces mesures est
réalisé par le juge judiciaire a posteriori seul (HO) ou avec
le préfet (HDT).
De 1988 à 1998 on note une augmentation de 57% des
hospitalisations sans consentement.
Toutefois, il faut relativiser ce taux par rapport à l’ensemble
des hospitalisations. Le nombre
global des hospitalisations en psychiatrie ayant lui-même beaucoup
augmenté, le taux d’hospitalisation sans consentement
représentait en fait en 1997, 13 % du total des hospitalisations en
psychiatrie, contre 11% en 1988. Par
contre la durée moyenne de séjour est passée dans le
même temps à 37.5.
En outre, on assiste au développement des hospitalisations sans
consentement après une mesure d’urgence (61% des mesures
d’HO, et 30% des mesures d’HDT en 1998). Le public concerné
relève de plus en plus des troubles du comportement.
Les limites dont
souffre la loi spécifique sur les personnes souffrant de troubles
mentaux sont :
§
La restriction du
traitement psychiatrique au seul milieu hospitalier : la durée de
séjour diminue et le nombre de séjours est plus
fréquent ;
§
Le régime de l’HO
axé sur un objectif sécuritaire d’ordre public.
§
Des difficultés
au niveau des sorties des personnes sous HO ;
§
Des sorties
d’essai d’une durée exagérée maintenant de
fait une obligation de soins.
Le Conseil de l’Europe, la jurisprudence, l’évolution
des attentes par rapport à la psychiatrie et les dysfonctionnements
constatés dans l’application de la loi du 27 juin 1990 relative
aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en
raison de troubles mentaux impliquent une redéfinition des droits des
personnes atteintes de troubles mentaux, droits fondamentaux et droits aux soins. Le projet de loi portant modernisation du système
de santé renforcera les droits fondamentaux des malades et le
rôle des usagers dans le système de santé.
[1] Ce chiffre comprend les infirmiers de secteur psychiatrique et les infirmiers DE exerçant dans un service de psychiatrie.
[2] DREES, ibid cit.
suite
Dernière mise à jour : dimanche 4 mars 2001 0:24:10 Dr Jean-Michel Thurin |