Rapport préparé par le comité recherche de l'IPA à la demande du Président ’
Translated from the original English language version with permission of the International Psychoanalytical Association. For details of how to purchase the printed, English language edition of An Open Door Review of Outcome Studies in Psychoanalysis please visit the IPA’s website http://www.ipa.org.uk or email: Publications@ipa.org.uk"
Traduit à partir de la version originale en langue anglaise avec l'autorisation de l'Association Internationale de Psychanalyse. Pour obtenir des détails sur les modalités d'achat de l'édition en langue anglaise de "An Open Door Review of Outcome Studies in Psychoanalysis" veuillez visiter le site Internet de l'API http://www.ipa.org.uk ou adresser un email à : Publications@ipa.org.uk
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Cette partie, écrite par Roger Perron, a été publiée en français dans le Bulletin de la Société psychanalytique de Paris, n° 50, juillet-Août 1998, p 39-51.
Dans un rappel de létat de la question au sein de lA.P.I., qui a lancé un grand chantier avec lobjectif de réunir « une réponse organisée, cohérente et crédible aux affirmations fréquentes selon lesquelles il ny a pas de preuves de lefficacité de la psychanalyse ou des thérapies dorientation psychanalytique », lauteur fait part de ses réserves sur la conception de la recherche qui prévaut dans ce mouvement (méthodologie et théorie). La psychanalyse française est partagée depuis ses débuts sur deux notions de lefficacité et à partir de là sur deux courants. Le premier sappuie sur la tradition médicale dont le but essentiel est de soigner des troubles psychiques (des maladies ?) ; le second (dans un contexte plus humaniste) vise à favoriser un meilleur développement personnel. Le mouvement « recherche » de lA.P.I. est engagé dans une voie qui suppose une scientificité parfois bien naïve quand aux vues théoriques (sur le processus de la cure par exemple), à la méthodologie (procédures quantitatives) et à la pratique (enregistrements de séances danalyse).
Le texte développe les réflexions sur les problèmes de la recherche en psychanalyse où, parmi les éléments présentés, on trouve :
- La distinction de deux grands types de recherches : celles où prévaut lattitude clinique, et celles qui utilisent des procédures dobjectivation et de systématisation formelle ;
- La recherche clinique, selon le modèle traditionnel en médecine, est centrée sur le cas individuel : on sefforce de comprendre la spécificité du fonctionnement global de lindividu en cause ;
- Cest de la démarche clinique quont été jusquici issus tous les grands modèles théoriques proposés par Freud ; et cest sur la base de la clinique que se sont développées les controverses suscitées par ces modèles ;
- Lhistoire des théories se fait en général au niveau politique bien plus que sur des critères « scientifiques » dont nous ne disposons pas ;
- Les démarches dobjectivation et de systématisation sont inapplicables au matériel et au processus de la cure : toute procédure qui tente de les y introduire a pour résultat de « tuer » son objet même. La psychanalyse porte sur des "faits psychanalytiques". Cest la théorie qui prime dans la constitution et la construction des faits psychanalytiques ;
- Pour la cure classique, seule est utilisable la démarche clinique.
- Les mêmes objections sont avancées dans le cas des psychothérapies psychanalytiques, mais de façon plus nuancée (caractère parcellisant de la démarche objective, limitation du traitement statistique, juges dont lobjectivité risque de nêtre quapparente) ;
- Des études sur lintervention du psychanalyste dans dautre démarches thérapeutiques peuvent être envisagées. Elles peuvent concerner létude comparative des techniques thérapeutiques et éducatives effectivement utilisées, létude du déroulement de ces actions et lévaluation de leur issue. Les difficultés portent sur : les critères de changement (qui ne doivent pas se limiter aux symptômes, le choix du ou des juges, avec la prise en compte dune possible aggravation en dehors du traitement). Les études peuvent aussi porter sur lhistoire de la psychanalyse, le fonctionnement des institutions ;
En définitive, le texte initialement très négatif par rapport à la démarche de recherche réserve ce jugement à la cure psychanalytique classique et suggère même linstitution de Commissions recherche au niveau des régions et des sociétés elle-mêmes. Il sagirait également de mettre en place un groupe de travail chargé délaborer les vues, les assises théoriques et épistémologiques, les objectifs de recherche, les méthodes, les implications pour la pratique ...
(P. Fonagy : traduction Jean-Michel Thurin et Michael Villamaux ©)
En contraste avec la contribution francophone, cette perspective alternative, rédigée par Peter Fonagy, nest pas présentée sur la base dun échantillon significatif de vues de collègues psychanalystes dans les pays anglophones. Cela ne tient pas à un manque dopportunité et ne reflète certainement pas une absence de concertation. Plutôt, la raison pour laquelle les perspectives présentées ici sont seulement celles de lauteur tient à ce quactuellement le message radical concernant la psychanalyse proposé est clairement seulement tenu par une petite minorité de psychanalystes, ou en tout cas cest ce que croit lauteur courant (Schachter & Luborsky, 1998). Il nest pas impossible quil y ait du changement dans lair. Les nouvelles générations de psychanalystes qui ont reçu leur éducation professionnelle depuis la révolution des sciences biologiques et cognitives dans les années 1970 et 1980 sont probablement plus enclins à éclairer les principes généraux et les compréhensions spécifiques que ces disciplines avançant rapidement ont apporté avec elles. Tristement, comme pour Freud, pour beaucoup des psychanalystes formés initialement dans les années 50 et 60, il n ny avait pas de véritable corps de connaissance traitant réellement les problèmes de fonctionnement mental - autre que la psychanalyse.
La situation dans laquelle la psychanalyse a à exister aujourdhui a radicalement changé des conditions qui prévalaient il y a 30 ou 40 ans. Il y a deux aspects majeurs de ce changement : (a) il y a eu des avancées majeures dans les sciences fondamentales sous-tendant le travail clinique dans le champ de la santé mentale ; (b) il y a eu un rapide développement dapproches relativement « efficaces » dans le traitement de beaucoup des troubles mentaux qui auparavant étaient le domaine unique des psychanalystes cliniciens. Derrière la première catégorie, on pourrait discerner la révolution biologique, particulièrement notre compréhension accrue de la fonction cérébrale et derrière la seconde la révolution cognitive en psychologie.
Ce résumé est divisé en trois parties. La première examinera les problèmes épistémologiques courants de la psychanalyse incluant quelques indications préoccupantes dune fragmentation dans notre discipline. La seconde considèrera une approche épistémologique alternative, qui, si elle est adoptée, pourrait finalement changer radicalement le statut de la psychanalyse comme discipline. La troisième partie considèrera quelques uns des problèmes philosophiques et des difficultés qui entravent des études defficacité de la psychanalyse. Nous conclurons que les études defficacité sont nécessaires - mais elles constituent la bonne réponse à une mauvaise question et de la sorte elles ne donneront pas entièrement des résultats satisfaisants.
Nous sommes devenus presque habitués à nous soucier à propos du futur de la psychanalyse. Pour la plupart, quand nous nous interrogeons à propos du futur de notre discipline, nous avons tendance à nous focaliser sur le manque de patients, le manque de candidats psychanalystes appropriés, les critiques persistantes et de mieux en mieux reçues concernant la théorie et la pratique psychanalytiques, et le renforcement dapproches thérapeutiques alternatives (particulièrement la psychiatrie biologique et la thérapie cognitivo-comportementale). Plus inquiétante encore est peut-être léclosion dapproches psychothérapiques dorientation plus ou moins psychanalytique, qui envahissent insidieusement notre pratique. Ce sur quoi jaimerais insister est bien pire que chacun de ces éléments, et peut même être responsable de quelques uns de nos autres problèmes - la base de connaissance de la psychanalyse.
Létude de lIndex de Citation
Mes collègues et moi avons examiné le Social Science Citation Index (Fonagy, 1996). Nous étions curieux dexplorer selon quelle fréquence larticle moyen de lInternational Journal of Psychoanalysis et le Journal de lAssociation Psychanalytique Américaine étaient cités dans dautres journaux majeurs (médicaux ou non-médicaux). Dun bout à lautre, les nombres de citation sont en déclin, même en prenant en compte la tendance pour les articles les plus récents dêtre cités moins fréquemment à travers lindex de citation en entier. Cela signifie que lipact scientifique de la psychanalyse de la psychanalyse sur les autres disciplines est peut être sur le déclin. Cette tendance est même plus claire quand nous regardons le nombre de citations attendu de tous les articles sélectionnés de la première partie de lInternational Journal durant la dernière décade. A quoi est dû ce manque apparent dintérêt ? Est-ce que les non-analystes (ceux qui publient dans des journaux psychiatriques ou littéraires) sont moins intéressés par ce que nous écrivons ? Quand nous avons examiné ces journaux, la tendance indiquant un intérêt décroissant a disparu. Certes les taux de base ne sont pas très élevés mais ils ont pratiquement toujours été les mêmes. Les résultats surprenant ont surgi quand nous avons examiné le nombre de fois quun article paru dans lInternational Journal pouvait être cité dans des journaux psychanalytiques. Il semble que cest là que se situe le déclin dintérêt pour la psychanalyse. Pour les autres psychanalystes !
Quest-ce que cela implique ? Si ces observations doivent être crues, limplication claire est que nous ne tenons plus suffisamment compte des publications des autres pour vouloir les référer dans nos publications. Nous ne sommes plus en train daccumuler de la connaissance - mais plutôt (pour exagérer quelque peu ce point) nous développons la discipline dans nos propres directions, qui sappuient sans aucun doute sur les classiques, mais de façon de plus en plus large et croissante, en ignorant les contributions contemporaines.
Il y a des tendances statistiques et je suis sur quelles pourraient être interprétées de différentes façons. Il est probable que la psychanalyse nest pas la seule discipline manifestant cette tendance et que, au moment où nous avons précisé nos interprétations sur le fait que des articles récents semblaient être moins souvent cités, il ait pu exister certaines disciplines incluant la psychanalyse qui aient été caractérisées par la même tendance. Il est possible que le déclin soit spécifique à lIJPA et au JAPA et quil soit en fait un artefact de lémergence et de linfluence croissante de nouveaux journaux durant la période pendant laquelle létude a eu lieu. Dans ce cas, la tendance au déclin exprimerait essentiellement le déclin du marché des « journaux classiques ». Cependant, la réduction absolue en citations reste une observation importante, même si elle suggère quune cause de la fragmentation peut être la grande multiplication de canaux de communication. Par contraste, cela peut être que ce phénomène est spécifique des journaux de langue anglaise et quun effet similaire ne pourrait être démontré dans la littérature espagnole, française ou allemande. De façon plus contrariante, cela pourrait être que les articles récents sont véritablement de moins bonne qualité ; cela pourrait être que les gens, tout simplement ne lisent pas les journaux. Des études conduites par lAssociation Américaine de psychologie ont montré que la plupart des psychologues en pratique clinique lisent moins quun nouvel article par an. Je crains que lexplication la plus probable soit que ce phénomène signale le problème épistémologique majeur dune fragmentation conceptuelle et dela perte dun paradigme organisant.
Implications et causes possibles
Il semble à peu près évident que de moins en moins de publications anglaises sont suffisamment accueillies avec enthousiasme pour mériter dêtre citées. Les conséquences sont claires. Nous avons jusquà présent rencontré des difficultés pour communiquer entre professionnels (e.g. Wallerstein, 1992), mais ces difficultés sont négligeables, comparées aux problèmes auxquels nous risquons de nous trouver confrontés dans les années à venir. On pourrait rétorquer que les écoles psychanalytiques les plus importantes apparues durant les 50 dernières années du 20ème siècle et qui ont organisé notre discipline, sont battues en brèche. Les psychologues du Moi ne sont plus des psychologues du Moi, les Winicottiens ne sont plus uniquement des Winicottiens, les psychologues du Soi sont dispersés, les Kleiniens-Bioniens ont de moins en moins en commun avec ces deux géants de notre champ, les Anna Freudiens ne constituaient probablement qu'un improbable groupement même du temps dAnna Freud, et les inter-personnels nont jamais eu un thème commun hormis les citations de Harry Stack-Sullivan. De ce point de vue, le livre de Victoria Hamilton The Analysts preconscious, qui explore en profondeur la structure conceptuelle des théories de plus de 80 éminents praticiens analystes, est dune lecture éclairante (Hamilton, 1996).
Cette fragmentation et cette absence confuse dhypothèses partagées est ce qui mène selon moi à une inévitable disparition de la psychanalyse, bien plus que nimporte quel autre défi externe auquel nous sommes confrontés. En labsence dun langage commun, nous sommes obligés doccuper un espace intellectuel de plus en plus restreint. Cette fragmentation croissante de la base des connaissances psychanalytiques est après tout une caractéristique de la psychanalyse depuis ses débuts. Au final, nous devons protéger avec acharnement notre point de vue psychanalytique. Ainsi, quelle est la cause de cette tendance à lentropie théorique de la psychanalyse ? Roger Perron, dans son analyse incisive et érudite de lépistémologie (dans cette ouvrage) attire lattention sur ce point lors de la discussion sur les avantages et les inconvénients dune approche clinique psychanalytique. Il identifie le manque de puissance du critère fonctionnel (si un modèle est suffisamment utile à un nombre significatif de cliniciens) comme un inconvénient significatif de lapproche de la recherche en clinique. Je suis daccord avec lanalyse de Perron et je suggérerais quun examen plus minutieux de ce problème soit mis en oeuvre.
Arguments de linduction versus la déduction dans la construction de la théorie clinique
Le problème de la théorie clinique, rapporté à la pratique clinique de la psychanalyse est principalement une problème philosophique, habituellement considéré en philosophie de la science sous le terme de méthodologie. La corps du sujet de la méthodologie est défini en opposition à celui de logique (Papineau, 1995). Alors que la logique est la description formelle dun raisonnement déductif valide, la méthodologie couvre tout le raisonnement que nous entreprenons qui tend à conduire à un raisonnement déductif. En faisant des jugements cliniques et en prenant des décisions, nous utilisons des arguments qui peuvent nous donner de bonnes raisons daboutir à certaines conclusions mais elles nobligent pas à accepter la façon dont les arguments déductifs lon été.
Tous les cliniciens psychanalystes travaillent avec des inférences déductives et ainsi, par définition, font de la recherche clinique. Dans le travail psychanalytique, nous sommes confrontés à un lot fini dobservations, basé sur une évaluation formelle et informelle, ainsi que sur lévolution du processus de traitement. A partir dun tel exemple, le psychanalyste se déplace ensuite vers des conclusions sur la façon dont le patient se comporte et la façon dont il formule pourquoi il ou elle le fait. En pratique, linduction nest pas simplement constituée de laccumulation dobservations passées à propos dun individu particulier, mais de formulations de cas passés réalisées par dautres psychanalystes dans ce quil est convenu dappeler des « théories cliniques » (Klein, 1976). Nous considérons que le théories se prêtent à soutenir des observations inductives parce que nous présumons que les théories impliquent que le nombre des observations sur lesquelles une inférence déductive est tout à fait considérable et cela donne du poids aux conclusions. En faisant de cette sorte, toutefois, nous générons simplement des arguments inductifs pour linduction. Nous maintenons simplement que des arguments inductifs sont acceptables cliniquement parce quils marchent. Même si nos prémices ne garantissent pas logiquement nos conclusions, ils fonctionnent normalement pour être vrais de toute façon. Arguer que les inductions sont généralement acceptables parce que notre expérience a montré qu'elles marchaient est, évidemment, un argument inductif. Même si nos observations habituelles ont tendu à les soutenir jusque là, quest-ce qui garantit quelles continueront à le faire ? Comme Bertrand Russel (Russel, 1997) la soutenu, il peut être difficile d'observer que les futurs passés se sont conformés aux passés passés. Ce que nous voulons savoir, cest si les futurs futurs se conformeront aux futurs passés. Les arguments de co-occurrence passée ont peu de valeur prédictive (cest simplement rhétorique, cela ne prouve rien).
Ainsi, implicitement, les psychanalystes ont donné aux "théories cliniques" un statut de loi et ont revendiqué lexplication du comportement des patients selon le Covering-Role Model de Carl Hempel (1965) : Etant donné que certaines conditions initiales sont satisfaites et concernées par une loi spécifique qui spécifie également les événements qui en seront la conséquence, un événement précis apparaissant avec les conditions initiales est considéré comme expliqué par la loi. Parce que la déduction est faite à partir dune loi, ces explications sont appelées déductivo-nomologiques. Ce procédé a toutes les apparences dun raisonnement déductif. Mais de telles explications ne nous sauvent pas du problème de linduction, à partir du moment où "les lois" ont été, en réalité, induites par danciennes observations de résultats. Concrètement, de nombreuses lois cliniques sont, dans bien des cas, seulement probabilistes (Ruben, 1993), aussi ne permettent-elles que des explications sur la base de statistiques inductives plutôt que déductivo-nomologiques. Bien que nous sachions que les mauvais traitements sur des enfants peuvent provoquer des dysfonctionnements comportementaux, cela ne veut pas dire que cela sera inévitablement le cas (e.g. Anthony & Cohler, 1987). Le Covering-Role Model a, ainsi, des limites philosophiques cruciales et dont limpact est bien illustré dans lhistoire des théories de la pratique clinique psychanalytique.
Le point central ici, est que la fonction clé de la théorie, pour les praticiens, est dexpliquer les phénomènes cliniques. En dautres termes, cest plus un système heuristique quun outil pour permettre une véritable déduction. Cette approche, par ailleurs très importante du point de vue de la pratique clinique, est dune valeur limitée pour la construction et lélaboration dune théorie. La valeur des théories basées sur la recherche clinique se situe dans son rapport au travail clinique. Si faiblesse il y a, il faut la rechercher, dans la confiance considérable qui est faite en linduction et aussi dans léchec dramatique de ces théories pour faciliter la construction dune base de connaissance, cohérente, intégrée et solide, laquelle devrait systématiquement évoluer et définir lapproche psychanalytique. Trois conditions devraient être réunies afin que la recherche clinique soit un socle méthodologique adéquate pour construire la théorie psychanalytique. Il serait nécessaire (a) davoir un lien logique étroit entre la théorie et la pratique. (b) d'utiliser un raisonnement déductif approprié en relation avec le matériel clinique et (c) dutiliser des termes non ambigus. La première de ces trois conditions est une pré-condition essentielle pour nous permettre daccepter que la théorie nest pas issue de la technique. Afin dêtre assuré quil ny a pas de confusion possible entre la technique et la théorie, nous devons être capable de montrer que la technique est entraînée par la théorie. Ce qui signifie, que la technique a une relation spécifique et connue avec la théorie et aussi que la contamination des observations par la technique, même sil nest pas possible de la réduire, doit pouvoir au moins être spécifiée. La deuxième condition, qui concerne le raisonnement déductif, devrait être satisfaite si nous pouvons montrer que les observations peuvent nous permettre de confirmer ou dinfirmer les prémisses théoriques. La troisième condition est en rapport avec la possibilité détiqueter sérieusement les observations. Je vais essayer dans les chapitres suivant de démontrer quaucune des recherches menées actuellement nutilise ces trois critères.
Une des principales causes de linsuccès de la recherche clinique est que, alors que nous pourrions espérer que cela soit autrement, en réalité la pratique psychanalytique nest pas déductible logiquement de la théorie clinique psychanalytique. Alors que cest un prémisse radical, et même un prémisse que je crois partiellement vrai, il nest ni nouveau (e.g. Berger, 1985 ; Fonagy, 1999), ni sans confirmation de la littérature psychanalytique. Il y a des arguments puissants qui soutiennent lidée générale que la pratique psychanalytique na pas de relation logique à la théorie. Nous pouvons simplement en mentionner six :
a) La technique psychanalytique sest constituée largement sur la base de lessai - erreur, plutôt quelle a été conduite par une théorie. Freud (1912) le reconnut volontiers quand il écrivit : « Les règles techniques que je mets en avant sont issues de ma propre expérience qui sest constituée au cours de nombreuses années, après que des résultats malheureux maient conduit à abandonner dautres méthodes (p 111)
b) Il est impossible de réaliser une quelconque relation réciproque entre la technique thérapeutique psychanalytique et quelque cadre théorique majeur que ce soit. Il est facile dillustrer comment la même théorie peut générer différentes techniques, de la même façon que la même technique peut être justifiée par différentes théories. Par exemple, Gedo (1979) établit que : les principes de la pratique psychanalytique ... [sont] basés sur des déductions rationnelles issues de notre conception la plus courante du fonctionnement psychique (p 16). Son livre prétend que les résultats défavorables des problèmes de développement peuvent être inversés uniquement en faisant état avec ces résultats de toutes les vicissitudes développementales antérieures qui ont donné lieu ultérieurement à une désadaptation (p 21). Cependant, ce qui sonne comme une déduction, savère être une hypothèse après un examen plus précis. Cest une chose denvisager et une autre très différente de démontrer quen thérapie les vicissitudes développementales demandent à être traitées de façon séquentielle. Beaucoup ont avec force recouru à l'usage de la métaphore développementale (Mayes & Spence, 1994) et, sans aller jusquà lorientation d'une psychologie du moi à laquelle Gedo appartient, le soutien de cette forte assertion est limité (Kohut, 1984, pp 42-46). De façon contrastée, il est également frappant quen utilisant différentes approches théoriques on puisse arriver à des approches thérapeutiques tout à fait similaires (Wallerstein, 1989).
c) Le fait que nous ne sommes pas daccord à propos de la façon dont le psychanalyste travaille suggère également que la pratique nest pas logiquement occasionnée par la théorie. La nature de laction thérapeutique de la psychanalyse est un thème invétéré pour les conférences de psychanalyses - qui a peut être commencé à la conférence IPA de Marienbad (Panel, 1937). Depuis cette période, à peu près tous les dix ans, il y a eu un congrès majeur sur ce thème soit à lAssociation Américaine, soit à lAssociation Psychanalytique Internationale et probablement une dans lintervalle dans chacune des principales organisations. Si la pratique était logiquement contenue dans la théorie, nous aurions indubitablement une explication théorique claire de laction thérapeutique.
d) La théorie et la pratique ont progressé à des niveaux différents, très modéré pour la pratique, comparativement aux grandes avancées de la théorie. Il est réaliste denvisager le compte-rendu de lensemble des avancées techniques majeures en un seul volume (e.g. Clarkin, Kernberg, & Yeomans, 1999 ; Greenson, 1967 ; Kernberg, Selzer, Koenigsberg, Carr, & Appelbaum, 1989 ; Luborsky, 1984). Néanmoins, aucune personne ne peut espérer fournir, seul, un compte-rendu encyclopédique et intégré qui resterait fidèle aux énormes développements théoriques de ces 100 dernières années. La différence de niveau de progrès entre la théorie et la pratique est incroyable et sera difficile à comprendre si ce nest en terme dindépendance relative entre ces deux activités.
e) La théorie psychanalytique ne traite pas pour une large part de technique. A peine, un seul volume des 23 quécrivit Freud est consacré à la technique. Aussi, de quoi parle la théorie psychanalytique si elle ne parle pas de technique ? Elle était voulue comme et reste lélaboration dun modèle psychologique, lequel pourrait être appliqué à la compréhension des désordres mentaux et par extension, à dautres aspects des comportements humains - la littérature, les arts, lhistoire, etc.
f) Le rôle de la théorie dans la pratique fait ressortir la nature inductive de la recherche clinique. La valeur de la théorie pour les psychanalystes est quelle permet lélaboration de la signification des comportements en termes de stades mentaux. Aussi, il ne peut y avoir de questions sur la valeur de la théorie, cependant, cest intrinsèquement contaminé par la pratique. Celle-ci est dirigée par ce qui est concrètement utile pour pratiquer, plutôt que par ce qui est vrai à propos du fonctionnement psychique. Aussi, le critère majeur pour mesurer la validité des découvertes en recherche clinique est contaminé par un ensemble de considérations sans soucis dexactitude. Il est certain quen principe une théorie peut-être vraie mais avec peu de valeur pratique (e.g. les théorèmes mathématiques) ou fausse mais avec une grande pertinence pratique (e.g. la religion, la politique etc.). Le manque de lien entre la technique et la théorie pèse lourdement sur la recherche clinique. La théorie sert à justifier la pratique par lutilisation danalogies et de métaphores et nous devons en permanence garder à lesprit que, ce que nous pratiquons est le produit dune accumulation dexpérience clinique et ce que nous théorisons peut être un apport utile à notre pratique clinique - mais que cela ne peut être une justification épistémologique.
Le travail clinique et les observations cliniques constituent les principales sources de la construction de la théorie en psychanalyse. Il ny a pas débat sur le fait que les traitements psychanalytiques produisent une perspective unique sur le comportement humain et quainsi les théories psychanalytiques sont riches et imaginatives dans les compte rendus développementaux, cliniques et appliqués. La limitation qui simpose est en partie logique et en partie psychologique. La stratégie épistémologique des cliniciens est, comme nous lavons vu, nécessairement inductive. Ils sont prédisposés à trouver des configurations de linteraction thérapeutique quils peuvent expliquer en utilisant les constructions théoriques existantes. En observant le matériel clinique, les psychanalystes optent pour un raisonnement inductif en faveur dun repérage dexemples où ce qui précède nest pas suivi par une conséquence. La stratégie épistémologique dominante, en capsulée dans le compte rendu de cas clinique, est devenue un inductivisme énumératif (quelquefois lénumération exhaustive dexemples correspondant aux prémisses).
Dun point de vue clinique, il sagir dune stratégie appropriée. Pour énumérer des exemples de linfluence dune configuration inconsciente, ce nest pas seulement un complément utile des interprétations (« chaque jour vous ressentez les choses ainsi, et vous faites de telle façon, et ainsi de suite »), mais aussi une aide pour le psychanalyste à se sentir sur un terrain plus ferme en travaillant de façon créative à élaborer une représentation du monde interne du patient.
Mais, en rappelant une fois de plus lesprit de Bertrand Russel, cela ne suffit pas à montrer que des passés anciens se conforment à des futurs passés ; quune association qui a déjà été observée est un exemple de plus dune famille connue dassociations. Ce que lesprit du clinicien a le plus de mal à aborder, cest lidentification dexemples négatifs - quand A nest pas suivi par B - qui peut le conduire à se questionner le prémisse selon lequel A est toujours suivi par B.
Les psychanalystes ne sont pas seuls avec ce problème. Tout le raisonnement humain est imparfait dans cette optique (Johnson-Laird & Byrne, 1993 ; Watson & Johnson-Laird, 1972). Même quand on nous le demande spécifiquement, nous sommes peu enclins à reconnaître la pertinence de la non observation de B suivant A quand nous évaluons le prémisse que A suit toujours B. Nous nobservons pas non plus, ni utilisons dans la construction de la théorie psychanalytique, les différents exemples où la réaction du patient nest pas celle que nous pourrions attendre sur la base dun prémisse spécifique.
Pour prendre un exemple délibérément simpliste, des signes de colère inconsciente avec un objet investi de façon ambivalente sont couramment identifiés dans des cas de dépression (Freud, 1915). Mais quen est-il des cas où la colère tournée vers lintérieur napparaît pas conduire à la dépression ? Si de tels cas étaient traités avec une égale attention que ceux où le prémisse se retrouve clairement, le développement de la théorie pourrait, juste pourrait, être plus rigoureux. Demander à des cliniciens dêtre attentifs à de tels exemples négatifs me semble, cependant, leur demander quelque chose de profondément contre thérapeutique et être spécifique dune situation clinique où les buts de la thérapeutique et de la recherche ne peuvent pas être plus longtemps poursuivis à égale mesure. La limitation du raisonnement humain identifiée par Wason, Johnson-Laird et leurs collègues peut être une limitation centrale à la méthodologie de la recherche clinique.
Comme le matériel clinique est utilisé de façon limitée par des théoriciens qui sont eux-mêmes cliniciens, de nouvelles théories tendent à être développées et à être facilement confirmées. Malheureusement, ce procédé tend à se produire sans quil y ait une référence systématique aux élaborations précédentes, comme supplément à la théorie initiale. Aussi, les nouvelles idées se chevauchent-elles, plutôt que dêtre ré-intégrées dans les formulations initiales (Sandler, 1983). Cela donne très rapidement lieu à des formulations partiellement incompatibles, lesquelles doivent, néanmoins, être confrontées. Un seul exemple, Freud, en passant dune topographie à un modèle structural, a complètement reconfiguré la nature et le rôle de lobjet. Comme, les psychanalystes parlaient encore avec leur patient de questions en rapport avec le modèle topographique (e.g. les rêves, diriger les fixations), et que dans un même temps, parce quil manquait quelque chose, ils abordaient des questions dadaptation et de liens (utilisation des idées issues du modèle structural), ils ont été obligés délargir la définition de la notion dobjet.
Cette stratégie a été, par extension, utilisée pour traiter la plupart des cas où plusieurs champs de référence partiellement incompatibles ou partiellement applicables avaient besoin dêtre utilisés point par point (Sandler, 1983). Je dois le répéter , cela n'est ni inhabituel, ni répréhensible. Cest le chemin trouvé, pour donner du sens, par le langage humain et en fait, par tous les systèmes conceptuels humains, qui ont à traiter avec la complexité des phénomènes. Rosch (1978), sur la base du travail de Wittgenstein (1969), a appelé de tels concepts vagues, mal affutés (fuzzy-edged), des concepts polymorphes. Ils ne peuvent être définis par des traits distincts (un ensemble de traits nécessaires et suffisants), mais plutôt par des exemplaires identifiés dune catégorie en terme de niveaux requis de similarité avec un prototype. Ainsi, Chaise représente telle catégorie hétérogène qui ne peut être définie par chacune des fonctions qui sy rattachent : leur structure, leurs propriétés, leur forme etc. Par exemple, quest ce quont en commun un strapontin et un siège davion, lesquels diffèrent du siège dun arrêt de bus ? De nombreuses personnes identifieraient les deux premiers objets comme des chaises mais plus rarement le troisième. Le problème du langage psychanalytique n'est pas, par essence, plus difficile que les problèmes de langage rencontrés dans la vie quotidienne.
Ce qui est décevant, cest que les psychanalystes tendent à accepter que largument, selon lequel la complexité rend impossible toute définition sans équivoque, soit une bonne raison pour tenter rarement dopérationnaliser et pour fréquemment choisir lambiguïté. Ici, je voudrais dire mon désaccord avec Roger Perron, qui dénie la possibilité délaborer des définitions sans équivoque pour nos concepts. Il ne fait plus de doute que tant que le même terme scientifique peut être utilisé avec des sens très différents, la tendance à la fragmentation sera renforcée, dautant que lutilisation dun même terme dans des contextes vraiment différents rend impossible lexplication de différences importantes entre approches théoriques. Nous devons aller au-delà de la recherche clinique, si nous voulons dépasser le problème des sens multiples.
La psychanalyse sest développée de façon quelque peu différente dans la plupart des pays où elle a été pratiquée. Dépendant du contexte culturel particulier, elle sest intégrée à un degré plus ou moins grand avec les services institutionnels de santé mentale tels que la psychiatrie, la psychologie, le travail social, etc. Dans certains pays, comme lAngleterre, lintégration entre la psychanalyse et lorganisation de santé mentale a été minimale. Dans dautres, tels que la Scandinavie, lAllemagne ou le Canada, lintégration avec la psychiatrie a été large, avec des fonds détat pour le traitement médical psychanalytique et même, dans quelques cas, un soutien financier pour la formation. Aux Etats Unis, les compagnies dassurance se sont impliquées financièrement jusquil y a relativement peu de temps.
Une généralisation relativement honnête des tendances historiques internationales pourrait être que dans les pays où de hauts niveaux dintégration entre les services de santé mentale étaient établis, la psychanalyse s'est développée plus vite, est restée sous domination médicale, a développé des corps professionnels politiquement puissants, mais s'est définie elle-même en distinction avec les autres branches de la médecine. En revanche, dans les pays où la psychanalyse a été rejetée par les responsables des professions de santé mentale (en particulier la psychiatrie), la psychanalyse est restée une profession plus petite, plus tournée vers lintérieur, probablement plus créative, avec une plus grande influence sur les non-professionnels de la santé mentale. Sur le fond, bien que lidentité et lépistémologie psychanalytique existent dans les deux groupes, ils sont plus puissamment établis comme indépendants et non reliés aux objectifs de la santé mentale dans le second groupe, tandis quils sont plus discrètement et intriqués à la philosophie environnant la santé mentale dans le premier.
Ces différences ont été presque imperceptibles aux changements dans la santé mentale qui ont eu des effets très différents, et déjà profonds, sur les deux types de groupes psychanalytiques. Laccent sera mis ici sur les sociétés qui sont très intégrées avec la délivrance des services de santé mentale, car ce sont les groupes les plus affectés par la pression sollicitant une information sur les résultats.
Dabord, nous reprendrons les développements majeurs qui ont été les enjeux de la psychanalyse dans le champ de la santé mentale au cours du dernier demi-siècle et ensuite nous proposerons de reprendre la relation entre la connaissance psychanalytique et une investigation des autres champs de la santé mentale.
Les psychanalystes ont essayé, au cours de ces 50 dernières années, de définir leur champ indépendamment de deux branches majeures de lactivité scientifique qui appartiennent à leur domaine : (a) la neurobiologie et (b) la psychologie. Nous allons explorer ces deux domaines :
Psychanalyse et neurobiologie
Les premières objections
Sauf exceptions, les psychanalystes depuis Freud nont jamais reconnu la pertinence de la neurobiologie pour les idées psychanalytiques. Lobligation de soigner les patients, associée à linadéquation des neurosciences, ont conduit la science psychanalytique à être à lorigine une forme de psychologie finalement uniquement préoccupée à ce que les traitement psychologiques soient prescris de la façon la plus systématique et organisée possible.
Le rejet de la biologie nétait pas arbitraire mais raisonné - pas politique mais conceptuel. Ce qui suit pourrait en être les raisons :
(a) Les psychanalystes ont été fortement influencés par léchec de Freud à créer une neurobiologie psychanalytique (Freud, 1895) et ont opté pour un modèle purement mental, basé sur la verbalisation de l'expérience interne.
(b) Dans les année 40 et 50, la neurobiologie était dominée par la "mass action theory" (Lashley, 1923 ; 1929), laquelle soutenait, que le cortex était en grande partie indivisible dun point de vue fonctionnel et qu'il nétait pas approprié détudier les comportements du point de vue du cerveau.
(c) Les "neuroscientistes" nétaient pas concernés, pour une grande part dentre eux, par les problèmes de santé mentale, ils concentraient leur centre dintérêt sur le fonctionnement cognitif plutôt que sur la régulation des affects.
(d) Les psychanalystes se sont développés en opposition radicale à lopinion dominante selon laquelle les désordres mentaux seraient le résultat dune vulnérabilité de lindividu, à laquelle on ne pourrait pas remédier par la manipulation de lenvironnement.
(e) Une distinction inutile, entre ce que lon nomme les désordres fonctionnels et les désordres organiques a été acceptée à lintérieur de la psychiatrie et dans dautres professions en santé mentale, laquelle, bien que rarement examinée de ce point de vue, accepte finalement implicitement le dualisme corps-esprit.
Progrès en neurobiologie
Alors de façon générale il aurait pu être utile pour la qualité du soin du patient et le développement de la psychanalyse comme discipline, disoler la psychanalyse des sciences du cerveau en mettant particulièrement un accent inconditionnel sur les déterminants de linconscient, un certain nombre d'effets latéraux de lisolationnisme ont créé des problèmes alors que les objections originelles vis à vis d'un lien plus étroit commençaient à s'estomper. Les 30 dernières années ont vu une avance révolutionnaire qui ont réduit toutes les raisons historiques dun développement isolé de la psychanalyse (Westen, sous presse). Si Freud était vivant aujourdhui, il aurait un ensemble considérable de connaissances et de théories à mettre sur le devant en re conceptualisant LEsquisse et aurait beaucoup de mal à abandonner lentreprise de développer un modèle neuronal du comportement. On connaît maintenant beaucoup de choses sur la façon dont les fonctions cérébrales, incluant le développement des réseaux neuronaux, la localisation de capacités spécifiques avec la tomographie fonctionnelle à émission de positons et on peut difficilement soutenir que les neurolinguistiques soient exclusivement concernés par les troubles cognitifs ou de soi disant troubles organiques (Kandel, 1998 ; LeDoux, 1995 ; LeDoux, 1997).
Si quelque chose a progressé, cest bien la génétique, de façon encore plus rapide et en balayant les idées naïves à propos des troubles constitutionnels, à partir des mécanismes qui sous-tendent et soutiennent une interaction complexe gène-environnement (Plomin, DeFries, McLearn et Rutter, 1997). Pour donner juste un petit exemple des avancées que de tels progrès génèrent dans la délivrance du soin en santé mentale : lefficacité des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (SSRIs) à la fois dans la dépression et dans le trouble obsessionnel compulsif (Joffe, Sokolov et Streiner, 1996 ; Piccinelli, Pini, Bellatuno et Wilkinson, 1995), les bénéfices indubitables pour les enfants souffrant de troubles de lattention avec hyperactivité dêtre traités par le methylphenidate (Fonagy, 1997b), la relative efficacité des neuroleptiques dans la psychose (Barbui et Saraceno, 1996 ; Barbui, Saraceno, Liberati et Garattini,, 1996), la reconnaissance croissante concernant le manque defficacité de périodes prolongées dhospitalisation et - en contrepartie - les bénéfices du traitement dans la communauté (Holloway, Oliver, Collins et Carson, 1995 ; Johnstone et Zolese, 1998), la potentialité dun diagnostic précoce via limagerie cérébrale de lésions traitables au niveau neurochirurgical (Videbech, 1997) etc. En fait, au cours des 15-20 dernières années, le champ des neurosciences sest largement ouvert pour une large participation de ceux qui ont une compréhension adéquate des déterminants environnementaux du développement et de ladaptation.
Les obstacles dune intégration
Paradoxalement, la réponse des psychanalystes, à cette remarquable avancée des connaissances, fut défensive plutôt quenthousiaste. Malgré lengagement individuel de nombreux analystes pour appréhender toutes les connaissances, même si cela peut provoquer douleur et anxiété, pour une large part, la réponse de la communauté psychanalytique fut inutilement rejetante et critique. Comme en réaction à un empiètement, la réponse fut de se retirer de plus en plus loin dans des zones de plus en plus spécialisées, plutôt que de chercher à se rencontrer et à se développer ensemble, en fonction de lévolution des connaissances acquises sur le cerveau. Lidée dominante, que je qualifierais dirrationnelle, semble être que la finesse dinvestigation psychanalytique, si durement gagnée, serait dune façon ou dune autre détruite plutôt quaméliorée et enrichie par les nouvelles méthodes de recherche.
Un autre obstacle, généré par la dichotomie posée entre la biologie et le soin aux patients, a été la tendance anti-intellectuelle de certains groupes psychanalytiques (Kandel, 1998). Il y a une incompatibilité supposée entre une attention astucieuse et une attention fine à létat mental du patient. Cest comme si notre observation dune intellectualisation chez notre patient pouvait être dune façon ou dune autre être généralisée à notre propre pratique : parce que nous observons quun patient qui lit des documents scientifiques et qui parle de science plutôt que de ressentis ne fait pas danalyse, nous pouvons supposer quun analyste qui lit des documents scientifiques, ne peut pas, de la même manière, ressentir et donc ne peut pas pratiquer lanalyse. Il y a un élément de vérité évident dans cette attitude dans la mesure où le fait de lire et de rester en contact avec la science doit un moment sarrêter et laisser place à un temps dévolu au travail clinique. Cependant, exiger que les deux activités sopposent entre elles, est clairement lexpression dun parti pris, plutôt quun fait et est quelque-peu intéressé, de la part de ceux qui ne désirent pas sengager dans de telles activités. Heureusement, la génération des cliniciens psychanalystes pour qui la formation professionnelle initiale englobait déjà une sensibilisation aux progrès scientifiques dont nous venons de discuter, ne peut ni comprendre, ni même avoir une certaine sympathie pour cette approche.
Aucune des principales avancées faites en psychiatrie ne le fut sans problème. Les IRS semblent avoir une composante placebo significative (Verkes et al., 1998) ; lADHD est sur-diagnostiqué, au moins au Etats-Unis (Goldman, Genel, Bezman, & Slanetz, 1998) ; il y a des problèmes de compliance avec les neuroleptiques (Kasper, 1998) ; il y a de très bonnes études de cas publiées qui montrent les loupés des soins communautaires ; limagerie cérébrale et la recherche en génétique sont actuellement dune valeur pratique limitée. De tels arguments ne devraient pas sopposer au développement de la psychiatrie, mais devraient être des opportunités pour appliquer la finesse psychanalytique dans les domaines de la révolution biologique où il y a dimportantes imperfections. Cela demande dadopter une attitude différente : la collaboration plutôt que la confrontation. Avant dexpliquer les spécificités de cette collaboration, nous allons examiner les développements parallèles observés en psychologie.
Lisolement de la psychologie
Les objections originelles
Lattitude psychanalytique envers la psychologie est en miroir avec lattitude des psychiatres psychanalystes vis à vis de la médecine expérimentale et du reste de la biologie. Le progrès en psychologie a été largement ignoré des psychanalystes, en dépit du fait quun ombre croissant de praticiens psychanalystes aient reçu leur formation de base dans le cadre de la psychologie clinique. De nouveau, il existe historiquement un certain nombre de raisons à cela :
a) la psychologie, jusquaux années 60 a été presque exclusivement concernée par le comportement et ses modèles étaient largement basés sur lapprentissage chez lanimal (Skinner, 1953).
b) La psychologie a traditionnellement eu une attitude antagoniste à la psychanalyse, la voyant comme une rivale majeure, dominée par la médecine dans son offre de soin psychologique dans les organisations de santé mentale (Eysenck, 1952)
c) La psychologie a conservé une influence du positivisme dans son épistémologie plus longtemps que la plupart des autres disciplines des sciences sociales. En fait, sa libération du positivisme est au moins autant à devoir être mise au crédit du progrès dans des disciplines telles que la linguistique et la sociologie, autant que dans les progrès quelle a fait dans ses propres domaines (Chomsky, 1968).
d) Principalement comme conséquence des facteurs précédents, la psychologie clinique était fréquemment naïve dans son évaluation et traitement des troubles mentaux (Ullmann et Krasner, 1969 ; Wolpe, 1969) - une naïveté qui faisait horreur aux psychanalyste qui avaient combattu durement pour acquérir une perspective sophistiquée de la nature des processus et des phénomènes mentaux.
Les progrès en psychologie
Dans la même période où la révolution commençait dans les sciences du cerveau, la psychologie a entrepris une transformation radicale, passant dune position en marge de létude de la pensée, à sa position actuelle, de leader reconnu dans létude scientifique des processus mentaux (Westen, 1999). La principale force dentraînement à lorigine de ce changement fut :
(a) Lélaboration dune métaphore informatique pour formaliser les processus psychologiques et lutilisation dun modèle informatique pour tester la pertinence des théories psychologiques (e.g. Schmajuk, Lamoureux, & Holland, 1998).
(b) Larrimage à la technologie pour améliorer la qualité des observations, incluant du matériel denregistrement, des mesures physiologiques améliorées, des analyses génétiques ou endocrinienne (e.g. Plomin et al., 1997).
(c) Des méthodes danalyse des données toujours plus sophistiquées, dont des techniques danalyse causale et des méthodes spéciales pour analyser un grand ensemble de données (McClelland, 1997).(d) En reconnaissant les limites de leur premières tentatives dinterventions psychologiques, les psychologues cliniciens ont travaillé dur pour proposer des traitements psychologiques adéquats, ces derniers étant rarement en opposition avec les autres traitements, mais plutôt utilisés comme un complément pour construire un pont avec des traitements pharmacologiques moins chers, souvent oubliés (Salzman, 1998 ; Thase, 1997).
(e) Contrastant avec lattitude des psychanalystes, les psychologues embrassèrent et développèrent des projets dans des domaines proches et ont entrepris des collaborations à grande échelle (e.g. Offord et al., 1992 ; Rutter, Tizard, & Whitmore, 1981).
Les obstacles à une intégration
Les problèmes créés par la combinaison des parti-pris psychanalytiques contre les disciplines non-médicales en général et la psychologie en particulier, ont augmenté au cours des années. Lun des aspects du problème est labandon volontaire par les psychanalystes des opportunités leur permettant une contribution majeure aux sciences du comportement. Un bon exemple de cela est la controverse concernant les études développementales à laquelle Roger Perron fait référence. La tendance à réduire la perspective développementale psychanalytique à une simple métaphore ne rend pas compte des intentions de Freud comme il a pu lindiquer dans ces propres études (voir Freud, 1909a ; 1919 ; 1920), tout comme chez certains des plus brillants cliniciens psychanalystes, incluant Anna Freud, René Spitz, Margaret Mahler, Esther Bick, Donald Winnicott - lesquels ont tous qui attribué une valeur à lobservation des jeunes enfants, tout particulièrement lorsquils étaient en interaction avec des soignants. Ces travaux furent des sources importantes dinspiration pour construire la théorie et tracer une ligne nette entre les études dobservation et la théorie psychanalytique comme une sorte de principe à ce moment particulier, paraît arbitraire, non-scientifique et contre-productif. Il ny a pas de raisonnement perceptible, hormis des incompatibilités entre la théorie psychanalytique surgissant loin des observations psychanalytiques et celles entretenues par certains théoriciens. Exclure soudainement les observations parce quelles ne sont plus en accord avec lidée préconçue, nest certainement pas ce que Freud nous a appris de la science. Le modèle développemental scientifique na jamais été métaphorique - de même quil na jamais été fermé à la validation empirique (voir, par exemple, Westen, sous presse). Par exemple, alors que Anna Freud et Glover critiquaient Klein pour les extravagances développementales impliquées par sa théorie, des observations plus récentes sont, pour une bonne part, compatibles avec les revendications Kleiniennes - certainement celles présentées en termes de capacités cognitives du nourrisson (Gergely, 1991).
Il existe un domaine encore plus problématique concernant les thérapies psychologiques où lattitude isolationniste des psychanalystes a indubitablement créé un problème à long terme. La pression pour des thérapies meilleur-marché, efficaces en relation au prix ont incité quelques psychiatres cliniciens à expérimenter des méthodes alternatives de traitement - des thérapies plus brèves, plus focalisées, des thérapies spéciales pour des groupes particuliers (par exemple Malan & Osimo, 1992 ; Sifneos, 1992). Ces expérimentations étaient, dans lensemble faiblement soutenues par létablishment psychanalytique qui peut -être se sentait surtout préoccupé par lapparente superficialité de la thérapie brève. Lespace fut rapidement occupé par les thérapies alternatives, avec souvent des bases dobservation et théoriques très limitées, empruntant de façon nettement plus légère et relativement ouverte aux découvertes psychanalytiques (par exemple, Ryle, 1994). Cela a atteint un point où certaines thérapies focales qui représentent une extension de la tradition cognitivo comportementale sont difficiles à différencer des thérapies psychanalytiques (Meichenbaum, 1997 ; Young, 1990). Nous avons essayé de montrer ci-dessus que la technique psychanalytique est seulement basée sur la théorie psychanalytique de façon illusoire. A la fois les découvertes et les effets des thérapies cognitivo comportementales et même la thérapie comportementale sont faciles à expliquer aussi bien en termes didées psychanalytiques quen termes de comportement ( Fonagy, 1989 ; Watchel, 1977). Il semble, ainsi, regrettable que les psychanalystes naient pas été plus vigoureux durant les 25 dernières années en expérimentant et en évoluant avec les nouvelles techniques psychothérapiques, mais se soient plutôt tenus rigidement au principe « dune taille convient à tous ». Ils ont abandonné le champ de linnovation technique aux psychologues qui, en partie à cause de lopposition à la psychanalyse, sont venus à se définir eux-mêmes comme « neufs et innovants » en contraste avec les idées psychanalytiques.
Cette situation sest modifiée quelque peu, mais seulement au cours des années très récentes. Beaucoup dinstituts américains de psychanalyse ont commencé à former les candidats à la psychothérapie, dont on attend seulement de certains quil aillent au bout de la formation psychanalytique. Dautres ont accepté directement lenjeu des psychothérapies alternatives et sont dautre part en train de travailler à en intégrer des éléments actifs dans des traitements dorientation psychanalytique (Goldfried, 1995) ou sont en train de travailler à différencier les éléments actifs de chacun (par exemple, Jones, 1997). Il y a toujours un fossé important dans lintégration de la psychanalyse et de la psychologie, particulièrement en prenant en compte les avancées majeures que les études expérimentales, contrôlées des processus mentaux humains ont apporté à la psychologie du langage, de la perception , de la mémoire, de la motivation, de lémotion, du développement, des relations sociales, et ainsi de suite.
Le généticien Eric Kandel (1998), a soutenu de façon convaincante que « le futur de la psychanalyse, si elle doit avoir un futur, se situe dans le contexte dune psychologie empirique, encouragée par les techniques dimagerie, les méthodes neuro-anatomiques et la génétique humaine. Intégrées dans les sciences de la cognition humaine, les idées de la psychanalyse peuvent être testées, et cest là que ces idées peuvent avoir le plus grand impact » (p 468)
Et la formation ?
En second lieu, beaucoup de psychanalystes, en particulier ceux qui ont été formés par des instituts où les psychanalystes ont limité leur engagement dans la délivrance de soin en santé mentale, peuvent paraître être désavantagés dans ce nouveau cadre de travail pour lépistémologie psychanalytique. De façon importante, beaucoup de cliniciens extrêmement talentueux dans ces sociétés sont venus à la psychanalyse à partir de disciplines autres que la psychiatrie ou la psychologie - les arts, la philosophie ou léducation. Ils ont contribué énormément à la richesse de la discipline avec des géants tels que Erik Erikson, Anna Freud, Melanie Klein et des figures clés telles que Kit Bollas, Charles Hanly, et beaucoup dautres. Ils ont rejoint une profession de santé mentale ouverte de façon appropriée par Freud à tous (Freud, 1926).
Le fait quaucun arrière plan scientifique ne soit nécessaire pour pratiquer la psychanalyse dans les premières décades du siècle, nimplique pas nécessairement que cela reste le cas. Les sociétés qui forment les individus sans bases concernant la santé mentale sassurent normalement que ces individus acquerront une expérience de la santé mentale. Un cas similaire pourrait être fait pour sassurer que ceux qui pratiquent la psychanalyse et qui sont ainsi dans une position de développer le sujet ont une base adéquate dans les domaines des sciences biologiques et sociales correspondantes. Cest peut être moins important quune initiative concertée pour identifier et chérir un groupe spécial de psychanalystes cliniciens susceptibles de poursuivre le développement de la science psychanalytique dans le cadre des nouvelles sciences (Kerrnberg, 1993).
La dialectique entre préserver la pureté et améliorer la qualité de lobservation
Roger Perron invoque implicitement limportante dialectique entre limpératif de faire des observations sérieuses et, en le faisant, dopérer une distorsion des phénomènes à un tel point que la signification de ces phénomènes nest plus possible. Son commentaire est restreint avec soin à létude du processus psychanalytique - celui du patient en psychothérapie intensive. Dans lensemble, je suis daccord avec le Dr Perron dans son analyse, même si je ne partage pas ses conclusions.
Les enregistrements audio instaurent le risque que ce qui est observé ne soit plus la psychanalyse, de la même façon que la psychologie comparative a trouvé des conditions de laboratoire pour contraindre la gamme des comportements animaux qui pourraient être sujets à une scrutation scientifique (Hinde & Stevenson-Hinde, 1973. Je ne suis pas daccord, cependant, avec le ton dogmatique de lanalyse de Perron et la certitude ce quil implique. Je ne crois pas que nous sachions jusquà quel point lenregistrement sur bande peut ou ne peut pas interférer avec le processus psychanalytique. Nous concevons quil le puisse, mais cela ne signifie pas quil le fait. Même sil le fait, il nest pas certain quil le fasse de telle façon que cela devrait contrecarrer létude de certains aspects clés du processus.
Ce sur quoi nous pouvons raisonnablement être catégorique, cest que les récits de vie, quelque soit la qualité du recueil, sont nécessairement sélectifs, ce qui clairement mine leur utilité scientifique (Brown, Scheflin & Hammond, 1998). Un élément central de notre théorie concerne les aspects non-conscients des fonctions psychiques. Notre théorie nous raconte que nous ne pouvons et ne devrions pas attendre dun participant à un échange interpersonnel dêtre non-biaisé, dêtre aléatoire dans les erreurs et oublis dans le compte-rendu des séances. Je ne peux pas penser quun psychanalyste pourrait sérieusement défendre que le simple fait davoir soi-même participé à un processus analytique, garantisse la diminution des biais dans lobservation. Cependant, bien plus important que les biais, est le degré avec lequel chacun de nous peut prétendre prendre conscience de la finesse de linteraction patient-analyste, uniquement à partir de lobservation participative. Nous savons que le gros de telles interactions est gouverné par des mécanismes non-conscients, vraiment inaccessible à lintrospection. Il existe des illustrations vraiment fondamentales de ces phénomènes - dont les plus frappantes sont certainement, les études de Rainer Krause (1997) sur les expressions faciales daffect dans la psychothérapie en face à face et les travaux sur les interactions mère-nourrisson de Beatrice Beebe (1997) et de Ed Tronik (1989).
Des études imaginatives utilisant les avancées de lenregistrement et des techniques de codage, tout particulièrement, les analyses linguistiques et phonétiques du langage, devraient, sans aucun doute, faire progresser notre compréhension des processus psychanalytiques (Fonagy & Fonagy, 1995). Interdire de telles procédures complètement, serait léquivalent dattacher nos mains derrière notre dos, pour affronter les autres pratiques thérapeutiques. Pour moi, le problème de lenregistrement dépend fortement des questions qui ont été posées par la recherche. Aussi longtemps que lon garde comme perspective quil sagit dune des fenêtres possible pour létude des processus psychologiques et de leur changement dans le cadre du traitement psychanalytique, et étant donné la bonne volonté du patient et du thérapeute pour accepter lenregistrement, cest dur de voir en quoi cela peut être mal. Si cependant, nous finissons par confondre lenregistrement de lanalyse avec la psychanalyse elle même - i.e. amalgamer lobservation du phénomène avec le phénomène lui-même - nous sommes en difficulté à plus dun titre et pas seulement par rapport à la validité de nos observations.
Il ne peut y avoir de question sur le fait quà ce jour la psychanalyse nest pas une science. Tout simplement, elle ne réunit pas les principaux canons dune telle activité. Beaucoup dentre eux ont été listés par Roger Perron. La question est plus utilement posée en termes de notre vision de la psychanalyse. Est-ce que nous pourrions avoir pour objectif de la modifier de telle façon quelle puisse être plus acceptable pour la communauté des étudiants qui se considèrent eux-mêmes comme scientifiques ? Ou bien devrions nous nous contenter doccuper une place moyenne entre lart et la science, comme nous en avons lhabitude ? Comme dhabitude, il y a beaucoup darguments forts des deux côtés du débat. La plupart dentre eux, cependant, sont posés en terme du plus grand respect qui devrait être accordé à notre discipline si elle réunissait les canons de la science, versus les sacrifices que nous aurions à faire pour y parvenir. Il y a toujours eu ceux qui ont fait entrer les eaux troubles de la philosophie de la science afin de montrer que selon tel ou tel cadre de définition la psychanalyse serait susceptible ou non de se qualifier (Shevrin, 1995).
Aussi importants que ces débats puissent être, je pense quils manquent lessence de la question pour trois raisons. Dabord, même si nous réunissons ces critères pour la scientificité, il ny a aucune garantie que nos théories seront prises sérieusement. Il existe plein dexemples de théories scientifiques qui ne préoccupent pas grand monde. La question est peut-être plus celle de la pertinence perçue que celle de la possession du label de la science. Ensuite, comme létude de Roger Perron la démontré, il y a évidemment une limite sur la façon dont la psychanalyse peut aller en réunissant ces critères avant quelle cesse dêtre la psychanalyse. Troisièmement, les critères sont établis à partir des propriétés de disciplines généralement considérées comme étant des sciences mais il existe tout un ensemble dexceptions. Quels sont les critères que la psychanalyse peut tenir sérieusement ? Et quels sont ceux quelle peut négliger ? Et qui décide lequel est lequel ?
Plutôt que de parler de science, je pense quil serait plus utile de parler de lattitude ou de la culture qui caractérise la science, sans que ces dernières soient lexclusivité de celle-ci. Dans ce qui suit, nous allons lister quelques aspects des changement dans lattitude qui seraient requis, si les psychanalystes décidaient dadopter une attitude plus scientifique dans lespoir de régler certains de ses problèmes épistémologiques.
Consolider la base d'évidence de la psychanalyse
Bon nombre des théories psychanalytiques ont été produites par des cliniciens qui nont pas testé empiriquement leurs hypothèses. Aussi, sans grande surprise, lévidence des bases de ces théories est souvent peu claire. En questionnant lévidence, je crois que nous ne retournons pas vers lopérationnalisme, le verificationisme ou tout autre résidu de la logique positiviste (voir, par exemple, Leahey, 1980 ; Meehl, 1986). En se focalisant sur lexploration de domaines incompatibles avec des observations contrôlées et des hypothèses testables, la psychanalyse se prive du jeu croisé entre les données et la théorie qui a tellement contribué au développement de la science au 20ème siècle. En labsence de données, les psychanalystes sont souvent obligé davoir recours soit à lévidence indirecte de lobservation, soit à largument dautorité.
La validation de variables impliquées par la théorie psychodynamique est un challenge formidable pour les chercheurs. De nombreuses variables appartiennent à la sphère privée, nombre dentre elles sont complexes, abstraites et difficiles à opérationnaliser ou à tester avec précision. La psychodynamique rend compte de variables étiologiques qui ne peuvent probablement pas être facilement englobées dans le cadre dun modèle psychologique empirique. Même lorsque les constructs sont apparemment opérationnalisables, ils sont rarement formulés avec une finesse suffisante pour être analysés en profondeur. Par exemple, les concepts tels que la faille narcissique, le masochisme et la toute puissance, sont rarement définis avec une exactitude suffisante pour lopérationnalisation.
Il y a un autre problème logique lié à la lorientation dune reconstitution adoptée par la plupart des cliniciens (voir la présentation densemble de Perron). Au niveau le plus simple, les théories cliniques du développement sont basées sur les compte rendus dindividus ayant une symptomatologie courante qui tentent de raconter les événements qui leur sont arrivés durant leur enfance précoce, dont la plus importante part recouvre les stades pré-verbaux du développement. La psychanalyse a contribué de façon significative à notre sophistication courante à propos des sources de biais qui peuvent transformer les souvenirs de nos expériences précoces (voir Brewin, Andrews, & Gotlib, 1993). Le danger évident est celui de lerreur logique de soutenir que quelque chose sest produit de travers durant lenfance, sinon ces individus ne seraient pas dans de telles difficultés. Ainsi, la plupart des théories développementales recourent à des erreurs variées domission ou denquête sur la part de la mère qui serait difficile à vérifier. Le contraire est aussi vrai ; la présence daspects de « santé » chez un individu par ailleurs sérieusement perturbé peut conduire les cliniciens à postuler des facteurs protecteurs tels que la présence dun « bon objet » dans un environnement interpersonnel par ailleurs dévasté. Comme nous lavons vu, il y a un biais majeur inhérent à linductivisme énumératif, que les théories cliniques du développement ont du mal à circonvenir.
Les illustrations cliniques ont une valeur énorme en résumant les thèmes centraux et récurrents émergeant dans un groupe particulier de patients. Elles ont aussi été utiles en générant des hypothèses qui peuvent être examinées à travers des techniques dinvestigation plus formelles. Lintuition clinique, cependant, nest pas vraiment utile pour résoudre des théories différentes concernant les variables externes de développement qui sont considérées placer un individu à un état de risque de trouble. La raison en est, comme nous espérons que ce chapitre la montré, que les observation de cliniciens fins et expérimentés ne convergent pas toujours vers des interprétations communes.
Il ne devrait pas, cependant, être trop facilement considéré que les données empiriques qui sont le plus utiles dans le contexte de la justification, qui permet un contrôle optimal des variables, minimise les menaces concernant la validité interne et maximalise les possibilités de linférence causale, sont aussi les plus favorables dans la construction dune théorie psychologique. Westen (1991) insiste sur la relative pauvreté de théories riches dans la psychiatrie courante et la psychologie qui sont basées sur des études contrôlées. Et donc, beaucoup de théories psychologiques de la psychopathologie admettent explicitement leur dette aux idées psychanalytiques, qui ont inspiré des voies spécifiques dinvestigation. Les données cliniques offrent clairement un support fertile à la construction théorique, mais pas pour distinguer les bonnes théories des mauvaises ou de meilleures. La prolifération de théories cliniques qui sont couramment en usage est la meilleure preuve que les données cliniques sont davantage profitables pour générer des théories et des hypothèses que pour les évaluer. La convergence de lévidence émanant de différentes sources (clinique, expérimentale, comportementale, épidémiologique, biologique, etc.) produira le meilleur soutien pour les théories de lesprit proposées par la psychanalyse (Fonagy, 1982)
Ainsi le futur travail psychanalytique devrait se déplacer de linductivisme énumératif et développer des liens plus étroits avec les données alternatives réunissant des méthodes disponibles dans la science moderne sociale et biologique. Réunir ces données, sans faire disparaître les phénomènes que de telles investigations ont pour objectif dexaminer attentivement, est un important enjeu pour la génération actuelle des analystes.
Passer dune construction globale à une construction spécifique
Dune façon générale, les propositions théoriques de la psychanalyse manquent de spécificité. Par exemple, le modèle développemental de la psychanalyse a atteint un degré dabstraction où il est possible didentifier une relation stricte entre un pattern psychopathologique particulier et un niveau de développement particulier. Ainsi, à lintérieur de chacune des principales orientations théoriques, il existe un modèle pour les troubles de la personnalité limite, pour la pathologie narcissique, pour les troubles de la personnalité anti-sociale et ainsi de suite. Dans le cadre de la psychopathologie moderne et de la psychiatrie, la tendance soriente vers la différentiation et la spécialisation. Lévidence se fonde rarement sur le lien entre des classes entières de troubles avec des entités pathogènes particulières, mais plutôt entre des entités pathogènes spécifiques en relation avec des sous-classes spécifiques à lintérieur de groupes diagnostiques. Dans ce contexte, lutilisation de létude de cas pour la recherche clinique na pas rendu service à la psychanalyse. Il est difficile de créer une nosologie spécifique qui utilise de nombreuses études de cas, toutes observées à partir dune position avantageuse légèrement différente. De ce point de vue, les séries détudes de cas faites en référence à un schéma unique sont plus productives. Le travail de John Clarkin (1994) est un excellent exemple de la valeur de cette approche. Il a proposé une sous-classification des troubles la personnalité limite en combinant le DSM-IV et une théorie structuraliste de la relation dobjet.
Il existe une autre raison pour laquelle les constructions psychanalytiques sont souvent trop vastes. Par exemple, les relations dobjets sont souvent encore clairement considérées comme un phénomène singulier, de même quà un niveau descriptif, elles englobent de nombreuses fonctions subordonnées. Cela inclut, lempathie, la qualité de la représentation de lobjet, la tonalité affective de la relation, la capacité à la maintenir et à linvestir émotionnellement, la compréhension des relations interpersonnelles et ainsi de suite. Cest compréhensible dun point de vue clinique, mais cela est probablement contre-productif du point de vue de la recherche, de concevoir les relations dobjets, tout comme dautres concepts proches, dans un sens aussi global. La catégorisation intelligente des formes de pathologie sera compromise à moins que nous soyons capables dêtre plus précis à propos des aspects particuliers de la pathologie des relations dobjet, que nous considérons commun à un trouble spécifique.
De nombreuses théories actuelles ne parviennent pas à distinguer les composantes dun processus de lévolution développementale, et créent ainsi potentiellement des ambiguïtés. Cest une caractéristique générale regrettable de nos théories de ne pouvoir expliquer les troubles spécifiques quun individu est susceptible de développer en fonction des caractéristiques générales de ses expériences primaires. Nos modèles ne peuvent pas, de façon régulière, identifier les variables internes ou externes qui jouent un rôle dans lémergence de symptômes spécifiques ou la nature de linteraction entre ces différentes variables et dautres facteurs. Aussi, nous pouvons rarement donner un sens aux tendances démographiques, comme la récente augmentation de la prévalence des troubles du comportement alimentaire ou la variation de la prévalence des désordres psychiques tout au long de la vie - par exemple, laugmentation spontanée des troubles limites en milieu de vie (Stone, 1993). Les concepts psychanalytiques, comme nous lavons vu, ont souvent plusieurs références (e.g. le narcissisme). Certains renvoient au développement du sujet (e.g. des expériences inadéquates de mirroring et de soothing), dautres sous-tendent des états mentaux (e.g. la sensation dun soi fragile) et dautres, encore, sont la manifestation de représentations (e.g. la perception dun soi magnifique). Formuler cela dans des termes plus généraux semble nécessaire pour réussir à se démarquer dun intérêt pour les formulations globales et se soucier des processus mentaux individuels, leur évolution, leur vicissitudes, et leur rôle dans le fonctionnement pathologique. Il pourrait y avoir un compromis entre la force explicative dune part et la différentiation et lexactitude dautre part. En dautres termes, lanalyse à un niveau globale offre apparemment une force explicative. Celle-ci sera perdue, si le niveau danalyse devient létude dun processus mental spécifique. Cependant, linexactitude de lanalyse en niveau globale, finalement, fragmente et empêche lintégration des données provenant de différentes observations.
La prise en compte dexplications alternatives
En parlant de nouveau de façon générale, il existe dans la recherche clinique actuelle un manque notable dexplications alternatives quand des relations sont proposées entre lobservation clinique et la théorie. Il est très rare que les auteurs considèrent véritablement comment les observations quils rapportent peuvent être expliqués par dautres cadres théoriques que ceux quils épousent. Il ny a pas de tradition détudes psychanalytiques comparatives, où les modèles alternatifs sont placés côté à côte dans un contexte spécifique. En fait, cest un fait général, sil est pris en compte, que ceux qui nont pas été formés dans une tradition spécifique puissent se trouver sur un terrain précaire quand ils utilisent des constructions enracinées dans cette tradition. Il est difficile dimaginer comment cela pourrait conduire à autre chose quune fragmentation. De la sorte, chaque cadre de travail, une fois établi, tend à se donner comme enjeu dintégrer toutes les nouvelles données, les rendant progressivement peu maniables et accentuant le contraste entre des théories de fonctionnalité pratique faible.
Il y a deux facettes du problème. La première est que le principe de parcimonie ( le rasoir de Occum) est difficile à appliquer quand les explications sont rarement placées les unes à côté des autres. Par exemple, le concept de clivage a été largement utilisé depuis lintroduction de la notion par Freud (Breuer & Freud, 1895 ; Freud, 1923) et la popularisation que Fairbairn fit de cette idée (1952). Comme phénomène comportemental, le clivage est observé dans la plupart des psychopathologies sévères, en particulier les troubles de personnalité limite (American Psychiatric association, 1994 ; Perry, 1992 ; Westen, 1997). La utilisation du concept varie cependant, les uns rapportant ses origines à des états mentaux infantiles et au besoin de protéger le bon objet de lattaque interne, les autres plaçant sous ce chapitre la séparation de létat mental de la conscience (Roussillon, 1998). Le cadre conceptuel dans lequel le clivage est considéré influence profondément le type de phénomènes qui est utilisé pour lexplication. Déjà depuis la description de Hartmann (1964) de la « lerreur génétique » nous comprenons que lorigine dune défense du moi na aucune implication dans sa fonction et son usage courants. La prise en compte la plus parcimonieuse du phénomène de clivage pourrait être quil sagit dune réponse cognitive normale et se produisant normalement au cours de niveaux extrêmes de conflit et de stress (Linehan & Heard, 1993). Lusage extensif du clivage comme défense peut avoir moins à faire avec une histoire passée dambivalence non résolue ou de traumatisme inaccessible quavec le stress courant de lexpérience dindividus limites.
Le second aspect est lidentification de lexplication la plus appropriée parmi celles en compétition. Par exemple, lhostilité et la tendance destructrice des patients limites furent, selon le moment, attribuées à une agression constitutive, à lattitude non-empathique des soignants, à des stratégies défensives de protection de soi, etc. . On ne sait pas clairement si ces explications concurrentes devaient être appliquées à un même individu à différents moments, à des individus différents, ou si seule une de ces explications est correcte et doit être appliquée à tous les individus de la catégorie.
Le défi, dans le futur, sera dêtre plus constant dans notre exploration dexplications alternatives, ainsi que dans lidentification des sous-populations appropriées pour lesquelles ces explications collent le mieux ou en abandonnant lutilisation que lon en faisait pour les remplacer par dautres plus appropriées. Un tel effort demande un examen systématique minutieux.
Améliorer nos recherches concernant les influences sociales
Les théories psychanalytiques varient dans limportance quelles accordent à limpact de lenvironnement. Cependant, on considère, traditionnellement, quelles souffrent dun manque délaboration quant à létude des effets du monde extérieur. A certains égards, cela est compréhensible car la psychanalyse concentre son intérêt explicitement sur lintrapsychique. Cest ce manque délaboration qui laisse la psychanalyse vulnérable face aux accusations de théorie culpabilisante pour les mères, et qui sur-valorise de façon irréaliste linfluence des facteurs externes pendant les premières années de la vie.
Il est maintenant généralement accepté que les influences entre lenfant et lenvironnement sont réciproques. Les facteurs parentaux et constitutionnels interagissent dans lapparition de risques (Rutter, 1993). De tels modèles interactionnistes suggèrent que les risques et les traumatismes sont des processus plutôt que des évènements et que les problèmes surgissent quand une vulnérabilité constitutionnelle est combinée avec un environnement sous-optimal qui génère une réponse mal adaptée qui pour sa part sape, par la suite, ladéquation aux ressources de lenvironnement et ainsi de suite. Adopter une attitude scientifique dans le champ psychanalytique demanderait délaborer des modèles développementaux psychanalytiques actuels, cest à dire plus spécifiques, qui concerneraient les aspects transactionnels dans la genèse du traumatisme.
Il existe un aspect supplémentaire où les perspectives des influences comportementales manquent de sophistication. Le contexte élargi social et culturel dans lequel les relations dobjet se développent est souvent ignoré par les théoriciens psychanalystes. Cette observation est seulement partiellement justifiée car beaucoup de théoriciens individuels ont porté une attention spécifique aux facteurs culturels (voir par exemple, Erikson, 1950 ; Lasch, 1978 ; Sullivan, 1953). Cependant, limpact de la race et de la culture sur le développement et la pathologie est rarement un point de focalisation pour la théorie psychanalytique, peut-être comme un reste de lorigine biologique des idées psychanalytiques.
Un exemple particulièrement dramatique de linfluence des facteurs culturels peut être trouvée dans les approches du développement du soi. Les psychanalystes ont traditionnellement insisté, dans leurs théories générales du développement, sur le moi individualisé (voir, par exemple Kohut & Wolf, 1978 ; Mahler, Pine & Bergman, 1975). En généralisant ces modèles à dautres cultures, nous pouvons ignorer létendue de la façon dont ces idées sont enracinées dans la pensée occidentale. Dans les cultures non-occidentales, le moi relationnel est bien plus représenté que le moi individuel (Sampson, 1988). Le moi relationnel est caractérisé par des limites plus perméables et fluides et un accent sur le contrôle social où il sinclut tout en allant au delà de la personne. Lunité de lidentité pour le moi relationnel nest pas une représentation interne de lautre ou de son interaction avec un moi idéal, mais plutôt la famille ou la communauté. Dans les théories psychanalytiques traditionnelles une personne qui est sur dépendante et influencée , change à tout moment dans son expérience interpersonnelle pourrait être considérée comme immature et même pathologique. Il ny a rien duniversel à cette théorie du moi. Ces idées nont émergé que progressivement dans le monde occidental au cours des 200-300 dernières années (Baumeister, 1987). La bien connue asymétrie suivant le sexe dans le monde occidental dans le diagnostic de trouble limite de la personnalité peut être interprétée comme une conséquence du plus grand enjeu expérimenté par les femmes que par les hommes quand ils sont confrontés avec lidéal occidental dun moi individuel (Gilligan, 1982). Placer le moi individualisé implicitement ou explicitement au sommet de la hiérarchie développementale peut porter le risque dun ethnocentrique tout autant que la mise en pathologie dun mode de fonctionnement qui peut être hautement adaptatif étant donné les contextes sociaux spécifiques.
Le manque dexplication de la psychanalyse concernant lenvironnement social représente un défi majeur pour lévolution de la psychanalyse au-delà de la question de son statut scientifique. Etant donné la nature intensive du traitement psychanalytique, son influence sera toujours limitée au relativement petit nombre dindividus qui ont le bénéfice de cette forme intensive de psychothérapie. Le déclin de linfluence sociale de la psychanalyse depuis la seconde guerre mondiale a peut être plus à voir avec laugmentation de lintérêt pour la santé mentale dune plus grande partie de la population. Etant donné le nombre des personnes maintenant concernées, la psychanalyse a tendance à être moins considérée comme une approche thérapeutique. Pour que la discipline survive et soit florissante, il est essentiel que notre théorie soit rendue pertinente pour lensemble de la communauté et que nous puissions offrir des clés pour les préoccupations de notre communauté locale. Il est probable quen létat actuel de nos connaissances, de telles clés ne seront jamais didactiques mais quelles permettront au moins lapprentissage autant que lenseignement. Il existe déjà dans cet esprit plusieurs projets dans dimportantes villes des Etats-Unis, dont Michigan, New Haven, Los Angeles et New Orleans. Traditionnellement notre discipline fut fortement ethnocentrique. Par exemple, les recherches psychanalytiques sur les traumas multi-générationnels se sont principalement concentrées sur les survivants de lholocauste (Bergmann & Jucovy, 1982 ; Kogan, 1995). Cependant nous pouvons peut-être apprendre autant - voir plus - sur ce processus grâce à létude de la communauté Afro des Etats-Unis, dont beaucoup des problèmes actuels pourraient être vus, suite à nos échecs, au regard de leur histoire en Amérique du nord, comme un groupe asservi (e.g. Belsky, 1993).
En bref, en tenant compte des influences sociales, la psychanalyse devrait développer un système de catégorisation amélioré pour décrire linfluence de lenvironnement. Les modèles transactionnels du développement tiennent plus compte des facteurs culturels, montrent une plus grande conscience de leur contexte culturel et vont au delà de lethnocentrisme.
Collaboration avec dautres disciplines Pour certains psychanalystes, la séparation de la discipline psychanalytique de celles dont la matière recouvre la nôtre a été une source de fierté jusquà ce que des analystes aient été critiqués davoir inclus trop de citations bibliographiques à un travail non psychanalytique parmi leurs références (Green & Stern, sous presse). La peur qui est apparue a été que les champs adjacents à la psychanalyse aient le potentiel de détruire les perspectives uniques offertes par la recherche clinique. Comme ce nest pas une vision dominante en psychanalyse et que la plupart des psychanalystes accueillent avec satisfaction les perspectives de connaissance que les aires connexes peuvent apporter, des organisations de collaboration active avec des disciplines voisines se sont penchées de façon irrégulière et non systématique sur des trouvailles, des découvertes ou des idées qui sont presque convergentes avec une conception particulière de lauteur (cf. Wolff, 1996).
A linverse de la conception suivant laquelle une plus étroite proximité avec les sciences présentant des intérêts similaires aux nôtres peut détruire la psychanalyse, Kandel (1998) à fait un grand cas que les riches découvertes issues de la psychanalyse seront très probablement le mieux préservées si elles sont intégrées à la psychiatrie biologique. Il a basé son argumentation sur trois principes généraux.
a) toutes les fonctions de lesprit reflètent des fonctions du cerveau. Le principe peut être maintenu même si il est trouvé que, pour de nombreux aspects du comportement, une analyse biologique peut ne pas en apporter la démonstration. Les psychanalystes peuvent avoir une certaine difficulté avec deux aspects. Dabord, quune approche biologique est invariablement réductible à la génétique, et ensuite que la transmission génétique les laisse aucun espace pour une intervention environnementale. Kandel, cependant, démontre de façon convaincante que la capacité dun gène donné de contrôler la production de protéines spécifiques dans une cellule est sensible à des facteurs denvironnement et que le fait que seulement 10 à 20 % de gènes soient transcrits ou exprimés dans chaque cellule laisse un espace considérable pour les facteurs sociaux : « les influences sociales seront incorporées biologiquement dans les expressions altérées de gènes spécifiques dans des neurones spécifiques de régions spécifiques du cerveau » (p. 461).
b) Les gènes contribuent de façon très importante au fonctionnement mental et peuvent contribuer lapparition de la maladie mentale, mais les comportements eux-mêmes peuvent modifier lexpression des gènes. Les recherche sur les jumeaux, sur ladoption et la généalogie ont fourni dabondantes preuves que les gènes déterminent autour de 50% de ce que nous appelons traditionnellement la personnalité. Des variables telles que le goût, les préférences religieuses et même les troubles névrotiques clairement déterminé par lenvironnement comme le syndrome post traumatique ont des composantes génétiques importantes. Dautre part, les recherches sur lapprentissage chez lanimal ont démontré, il y a quelques années, des changements durables dans lefficience des connections neuronales en altérant lexpression des gènes. Ces interactions suggèrent que les distinctions traditionnelles entre les troubles organiques et fonctionnelles sont insoutenables. Toutes les maladies mentales sont organiques depuis que les techniques dimagerie fonctionnelle peuvent démontrer de façon fiable que la structure biologique du cerveau est altérée (Jones, 1995). Cette observation est une conséquence triviale du principe précédent. La remarquable question en deux parties qui peut être posée est, comment les processus biologiques module les évènements mentaux et comment la structure biologique est modulée par les facteurs sociaux. Cest en répondant à la seconde question quune psychanalyse scientifique à un rôle clair à jouer.
c) Les altérations dans lexpression des gènes comme la conséquence dun impact de lapprentissage sur le cerveau causant des changements dans les patterns des connections neurales. De la même manière, les interventions psychologiques comme la psychanalyse doivent donc produire des changements dans lexpression des gènes qui altèrent la force des connections synaptiques. Il est possible de soutenir que les deux interventions, pharmacologiques et psychothérapeutiques, produisent des changements fonctionnels et structurels dans les circuits neuronaux. Le premier est peut-être plus non-spécifique que le second et donc plus efficace pour certains troubles psychiques plutôt que dautres. Lévidence concernant lassociation dinterventions pharmacologiques et psychothérapeutiques implique quil y a un bénéfice considérable à lutilisation dune approche intégrée des traitements (Roth & Fonagy, 1996).
Le même type darguments pourrait être utilisé pour une intégration plus profonde de la psychologie et de la psychanalyse Dès 1982, jai proposé que beaucoup de ce qui a été appris en psychologie sur les processus mentaux était applicable à la psychanalyse et devrait lui être intégré (Fonagy, 1982). Depuis cette époque, avec un certain nombre de collègues, jai travaillé sur lintégration de la fonction mentale associée avec la représentation et la compréhension des états mentaux avec les idées psychanalytiques. Il sagit juste là de lun des processus mentaux ou modules au sein dune large variété (Fodor, &983). Une étude systématique pourrait atteindre un haut niveau dintégration et un grand enjeu délévation de la complexité dans la façon dont les psychanalystes parlent mémoriser, dimaginer, de parler, de penser, de rêver, et ainsi de suite.
Tout ce qui est requis pour ces deux initiatives intégratives, cest une attitude plus scientifique, une panel plus large de méthodes une ouverture et une excitation intellectuelle pour les nouvelles idées.
Dernière mise à jour : dimanche 11 janvier 2004
Dr Jean-Michel Thurin