Carré titre








F O C U S

  • Dépression et antidépresseurs: Nouvelles hypothèses (Françoise Radat)
  • ECT chez l'enfant (Patrick Delbrouck)
  • Intention suicidaire, tentatives de suicide et dépression >(Françoise Chastang)
  • Traitement infirmier ambulatoire des troubles émotionnels par résolution de problème (Jean Cottraux)
  • ECT et SMT : même combat ? (Patrick Delbrouck)
  • Profils de sommeil et réponse à la thérapie interpersonnelle (Jean Cottraux)
  • Importance de l'attitude des soignants dans la prise en charge des suicidants - (Françoise Chastang)
  • DÉPRESSION ET ANTIDÉPRESSEURS :
    NOUVELLES HYPOTHESES

    Françoise Radat
     
    Le mode d'action des antidépresseurs a été jusqu'à présent l'objet de nombreux travaux portant essentiellement sur les modifications monoaminergiques au niveau synaptique. On sait que l'administration aiguë d'antidépresseurs entraîne une augmentation du tonus des neuromodulateurs (NA, 5HT, DA), et que l'administration chronique entraîne la "down-regulation" des b adrénorécepteurs et des récepteurs 5HT 2. Ces régulations surviennent au bout d'un temps compatible avec le délai d'efficacité antidépressive mais ne peuvent constituer un phénomène suffisant pour expliquer l'efficacité antidépressive. En effet, bien que les électrochocs "down régulent" les b adrénorécepteurs, ils ne modifient pas les 5 HT 2. De plus, ni les antagonistes 5 HT 2, ni les antagonistes b adrénergiques ne sont des antidépresseurs efficaces.
    L' "up-régulation" des récepteurs 5 HT 1A post synaptiques qui est induite après un certain délai par l'administration chronique des antidépresseurs représente une autre hypothèse quant au mode d'action de ceux ci, tout aussi insatisfaisante. Rappelons que le mode et le type d'action des agonistes 5 HT 1A dans la dépression restent controversés.
    Mais comment un événement synaptique peut il entraîner des modifications au niveau neuronal ? On connaît maintenant un certain nombre de voies de "transduction" c'est-à-dire de systèmes conduisant l'information à partir du récepteur membranaire jusqu'au niveau du noyau de la cellule où a lieu une éventuelle transcription de gène et, par là même, une modification du phénotype de la cellule concernée.
    L'activation de certains récepteurs induit la modification d'une structure sous-jacente, "l'effecteur", qui est responsable de l'activation d'un "second messager". Dans le cas des récepteurs b adrénergiques, 5HT 4, 6, et 7 l'e ffecteur est une protéine G qui active l'adénylate cyclase ce qui conduit à la production d'AMPc (adénosine 3' 5' monophosphate cyclique). L'AMPc provoque à son tour l'activation de kinases qui induisent la phosphorylation d'une cascade de protéines.
    A la fin de cette cascade on retrouve une protéine nommée CREB (c AMP Response Element Binding Proteine) qui active la transcription d'un certain nombre d'ARN messagers ce qui permet à la protéine correspondante d'être traduite.

    Figure 1

    Figure 1 : Cascade de réactions aboutissant à la transcription de BDNF

    Duman et coll., du laboratoire de Psychiatrie moléculaire de Yale, proposent que ce mécanisme concerne en premier chef, dans le cas des antidépresseurs, un facteur trophique neuronal (BDNF) qui serait exprimé au niveau hippocampique. Le BDNF ainsi produit permettrait de contrebalancer l'effet toxique du stress et des glucocorticoïdes sur certains neurones hippocampiques, ce qui pourrait expliquer l'effet antidépresseur au moins pour les dépressions survenant à la suite d'un stress. En effet l'hippocampe est impliqué dans le contrôle des émotions et probablement, par le biais de réseaux cortico- et sous cortico- limbiques, dans le contrôle de fonctions cognitives et il est admis que la dépression résulte autant de facteurs génétiques que de facteurs environnementaux.
    Un certain nombre de faits expérimentaux étayent cette hypothèse.
    Un stress aigu, expérimentalement induit (immobilisation forcée) provoque chez le rat une baisse de la quantité de BDNF dans l'hippocampe. Or, si chez l'animal les stress chroniques expérimentaux entraînent l'atrophie d'un certain nombre de neurones de l'hippocampe, on retrouve chez l'homme en résonance magnétique nucléaire une diminution du volume de l'hippocampe des patients souffrants de stress post-traumatique et de dépression. Ainsi la diminution de l'expression de BDNF pourrait être responsable de l'atrophie hippocampique secondaire au stress, peut-être par le biais d'une élévation des glucocorticoïdes. L'auteur a observé après l'administration au long cours d'antidépresseurs et après une série d'électrochocs une augmentation de l'ARN messager du BDNF et de son récepteur dans l'hippocampe chez le rat. D'autre part le BDNF a un effet similaire à celui des antidépresseurs dans deux modèles expérimentaux de dépression, la nage forcée et le learned helplessness. Enfin le bourgeonnement des terminaisons que l'on observe habituellement après les électrochocs est inhibé chez les souris mutantes exprimant peu de BDNF.
    L'expression du BDNF induite par les antidépresseurs emprunte probablement la voie des second messagers décrite ci-dessus. En effet, d'une part le taux de CREB et d'ARN messager exprimant la CREB est augmenté dans l'hippocampe après administration au long cours d'antidépresseurs et ceci dans les mêmes populations neuronales et avec la même chronologie que le BDNF, d'autre part l'administration d'oligonucléotides antisens de l'ARN messager de CREB inhibe l'induction de BDNF dans l'hippocampe au cours de l'administration d'antidépresseurs au long cours.
    A partir d'un certain nombre de données expérimentales animales concernant les antidépresseurs, les auteurs proposent une participation neurodégénérative à la physiopathologie de la dépression. Cette hypothèse se rapproche de celle du "kindling" développée par R. Post dans la mesure ou elle théorise la possibilité d'une "fragilisation" du patrimoine neuronal de l'individu en cas d'exposition à des stress répétés.
    Il est admis que les troubles de l'humeur doivent être le résultat de facteurs génétiques et environnementaux.
    Ce type de travaux peut également représenter un axe de recherche pour la détermination de gènes candidats dans les études concernant la participation génétique à l'étiopathologie de la dépression.
    Enfin ces résultats pourraient également permettre d'orienter la recherche concernant le développement de nouveaux médicaments antidépresseurs sur d'autres cibles que les récepteurs synaptiques et les protéines de recapture.
     
    Duman R.S., Heninger G.R., Nestler E.J.
    A molecular and cellular theory of depression
    Arch. Gen. Psychiatry, 1997, 54 : 597-606.
     

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    ECT CHEZ L'ENFANT

    Patrick Delbrouck
     
    Si les indications de l'électroconvulsivo-thérapie font l'objet de relatives convergences, son application chez l'enfant reste source de polémique. Plusieurs cas cliniques concernant des adolescents ont été publiés avec des résultats satisfaisants, notamment lors d'épisodes dépressifs. Le cas d'enfants pré-pubères est plus rare et les deux exemples que rapportent M. A. Hill et coll. sont caractéristiques de cette situation à de nombreux égards.
    Le premier cas concerne un enfant de 7 ans, hospitalisé en raison de troubles du comportement à type d'agitation, de violences envers ses parents et ses professeurs, et de préoccupations sexuelles importantes. Un premier diagnostic d'hyperactivité et de trouble de l'attention est porté, secondairement complété d'un trouble oppositionnel. Un traitement par amphétamines, fluoxétine et trazodone est prescrit sans succès, de même qu'une prise en charge psycho-éducative dans le cadre d'une classe spécialisée. A noter qu'il n'existe aucun déficit intellectuel et que les auteurs rapportent l'existence d'antécédents dépressifs chez la mère et la notion de trouble bipolaire dans l'ascendance maternelle.
    Lors de son admission, il existe une agitation importante avec des idées de grandeur, une logorrhée, une impulsivité et une grande labilité de l'humeur alternant euphorie et agressivité. Le diagnostic d'état maniaque est porté et un traitement par lithium, halopéridol et benzatropine est instauré. L'amélioration est modeste mais permet la sortie, rapidement suivie d'une rechute qui impose une nouvelle hospitalisation. Le lithium est arrêté et remplacé par de l'acide valproïque, sans plus de succès, de même qu'une association acide valproïque-gabapentin. Devant l'aggravation de la symptomatologie et l'apparition d'idées suicidaires et homicides, la décision de recourir à une série d'ECT est prise. La méthodologie utilisée est classique. Il s'agit de sept chocs unilatéraux, sous anesthésie générale et curarisation. A noter deux crises "prolongées" de 160 et 210 secondes. L'effet thérapeutique est rapide et spectaculaire avec un score à la Mania Rating Scale passant de 32 à 4. Il n'a pas été noté d'effet secondaire majeur à cours comme à moyen terme. Un traitement préventif par valproate et carbamazépine est poursuivi.
    Le second cas est celui d'un garçon de 8 ans. La symptomatologie était comparable, et là aussi on retrouvait une notion d'antécédents bipolaires dans la famille. Les diagnostics évoqués furent les mêmes avec les mêmes choix thérapeutiques (méthylphénidate, clonidine, fluoxétine). L'absence de réponse clinique fit revoir le diagnostic et celui d'accès maniaque fut alors posé. C'est alors la valse des thymorégulateurs qui commence avec, par ordre d'apparition à l'écran : lithium, valproate, valproate + guanfacine, rispéridone + lithium + valproate, carbamazépine + halopéridol + benztropine et lithium + L-thyroxine. Aucune de ces associations thérapeutiques n'a apporté d'amélioration décisive et le recours aux ECT est décidé. Là encore, la procédure est classique. Dans un premier temps, l'enfant a reçu 12 chocs unilatéraux, sous anesthésie générale et curarisation. Devant l'absence d'amélioration, les auteurs ont enchaîné sur 5 chocs bilatéraux, associés à de la caféine pour les quatre derniers. L'évolution est alors favorable, le score à la MRS passe de 26 à 12, mais l'amélioration clinique est moins spectaculaire que pour le cas précédent. A noter également la survenue d'épisodes confusionnels lors des derniers chocs, se traduisant par une agressivité et une fluctuation de l'attention, sans conséquence 3-4 jours après l'arrêt de la série. Là encore un traitement relais par carbamazépine et valproate a été entrepris.
    Ces deux cas illustrent bien les difficultés qui se posent lors du recours aux ECT chez l'enfant. Les réticences se situent à plusieurs niveaux.
    D'abord au niveau diagnostique. Il n'existe pas encore de classification homogène en psychiatrie de l'adulte et de l'enfant. Le DSM-IV comme l'ICD-10 restent peu utilisés par les pédopsychiatres, qui souvent préfèrent recourir à une approche plus psychologique. Ainsi dans les deux cas, le diagnostic d'accès maniaque n'a été porté qu'après plusieurs années d'évolution et devant l'échec des psychostimulants... Il s'agit là malheureusement d'une pratique de plus en plus répandue, chez l'adulte mais apparemment aussi chez l'enfant. Ce n'est plus l'analyse clinique qui dicte le diagnostic et entraîne une démarche thérapeutique, mais l'écrémage médicamenteux dicté par des campagnes publicitaires qui impose des diagnostics à posteriori. Il aura, par ailleurs, fallu l'avis de cinq psychiatres (trois pédopsychiatres et deux psychiatres d'adultes) pour faire accepter ce diagnostic...
    Ensuite au niveau thérapeutique. Le recours au médicament reste encore problématique pour de nombreux thérapeutes d'enfant, arguant de l'importance de la dimension psychologique dans le comportement infantile et de notre ignorance sur les conséquences à long terme de la prise de psychotropes. Ces deux arguments ne sont pas sans fondement, mais ne sauraient justifier des errances médicamenteuses qui parfois ne sont que le reflet de l'ignorance pharmacologique des prescripteurs. Dans les deux cas rapportés, ce cheminement médicamenteux a duré plus d'une année...
    Enfin au niveau des ECT. Dans un éditorial de 1993, Max Fink insistait sur l'aspect irrationnel du rejet des ECT chez l'enfant, qui ne repose sur aucun travail systématique et scientifique. Les appréhensions des thérapeutes portent principalement sur les conséquences à long terme au niveau du développement intellectuel, dans une perspective comparable à celle qui invoquait la destruction de la masse cérébrale chère aux antipsychiatres des années 70.
    La méthodologie utilisée ici n'appelle que peu de remarques. Tout comme chez l'adulte, les chocs sont réalisés sous anesthésie générale (méthohexital) et curarisation. L'intensité du courant est adaptée pour obtenir une crise de durée thérapeutique (> 25 s), en sachant que chez l'enfant, le seuil épileptogène est en général inférieur à celui de l'adulte et que le risque de crise prolongée serait plus important. Ce seuil, comme chez l'adulte, s'élève avec le nombre de chocs et le recours à de la caféine peut être nécessaire. Les effets secondaires à court terme sont semblables à ceux de l'adulte et les conséquences à long terme, pour ces deux cas, sont inexistantes. A noter la préférence marquée pour les chocs unilatéraux, moins iatrogènes, mais également moins constamment efficaces.
    En conclusion, la rationalisation du recours aux ECT chez l'enfant passe autant par la reconnaissance d'un diagnostic répondant aux indications de ce traitement que par l'abandon d'une dialectique antibiologique plus militante que scientifique. S'il est évident que l'on ne peut réduire un enfant à un adulte en miniature, il apparaît aussi peu probable que l'adolescence soit le reflet de la métamorphose d'un être psychologique désincarné en une machine biologique sans âme. Si, comme disait Freud, "c'est par le rêve que l'enfant survit chez l'adulte", alors peut-être est-ce par le corps que l'adulte s'exprime chez l'enfant.
     
    Hill M.A, Courvoisie H., Dawkins K. et coll.
    ECT for treatment of intractable mania in two prepuberal male children
    Convulsive Therapy 1997, 13:74-82

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    INTENTION SUICIDAIRE, TENTATIVES DE SUICIDE
    ET DÉPRESSION

    Françoise Chastang
     
    Afin de préciser les interrelations entre idéation suicidaire, tentatives de suicide au cours de l'épisode dépressif considéré et pathologies dépressives, Van Gastel et coll. ont évalué 338 patients déprimés hospitalisés présentant selon les critères DSM-III soit un trouble de l'adaptation avec humeur dépressive (15%), soit une dysthymie (12,1%), soit un état dépressif majeur (45%), soit un état dépressif mélancolique (23,4%), soit un état dépressif avec éléments psychotiques (4,1%).
    Il n'est pas étonnant de constater que l'intensité des idées suicidaires évaluée par la SIS (Suicidal Ideation Score) et la BDI (Beck Depression Inventory) croît parallèlement à la gravité du sous-type de dépression, les idées suicidaires étant moins intenses dans les troubles de l'adaptation et dans les dysthymies, et particulièrement intenses dans les états dépressifs mélancoliques ou avec éléments psychotiques. Par contre, l'intensité des idées suicidaires ne s'accompagne pas d'une augmentation de la fréquence des tentatives de suicide. En effet, 17% des patients souffrant d'un trouble de l'adaptation avec humeur dépressive, 13% des dysthymiques, 22% de ceux présentant un état dépressif majeur ou un état dépressif majeur mélancoliques, et 14% de ceux ayant un état dépressif avec éléments psychotiques ont commis des gestes suicidaires. De plus, l'intensité de la symptomatologie dépressive décroît rapidement au décours du geste suicidaire. Par ailleurs, les patients déprimés avec trouble de personnalité expriment plus d'idées suicidaires et réalisent plus de tentatives de suicide que les patients déprimés sans trouble de personnalité.
    Aucun des facteurs prédictifs d'idées suicidaires lors d'un état dépressif, à savoir la sévérité et le sous-type de dépression, l'existence de symptômes dépressifs spécifiques, la notion d'une hospitalisation antérieure ou un fonctionnement social altéré pendant l'année écoulée, n'est particulièrement associé à la réalisation d'un geste autolytique.
    L'une des principales conclusions de cette étude est que le risque suicidaire chez les sujets présentant un trouble de l'adaptation est loin d'être négligeable, puisqu'il est comparable à celui des patients gravement déprimés. Ceci s'avère important dans l'évaluation quotidienne des suicidants, chez lesquels un tel diagnostic est souvent banalisé. Les événements initiateurs du trouble de l'adaptation (divorce, problèmes familiaux ou professionnels) témoigneraient alors d'une plus grande vulnérabilité de ces sujets aux modifications importantes et bouleversantes de leur vie. Mais se posera toujours la question de la nature des facteurs qui peuvent conduire une personne à passer de l'idée au geste suicidaire.
     
    Van Gastel A, Schotte C, Maes M.
    The prediction of suicidal intent in depressed patients. Acta Psychiatr Scand 1997, 96, 254-259.

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    TRAITEMENT INFIRMIER AMBULATOIRE DES TROUBLES ÉMOTIONNELS PAR RÉSOLUTION DE PROBLEME

    Jean Cottraux
     
    Nos amis anglais qui consacrent seulement 7 % de leur PNB à la santé contre 11 % en France présentent une étude tout à fait intéressante de coût/efficacité. La résolution de problème est une technique classique de thérapie comportementale qui consiste à aider un patient à définir clairement un problème pratique dont il souffre à envisager toutes les solutions possibles à sélectionner la meilleure, à développer un comportement de résolution pratique des difficultés et en cas d'échecs à recommencer le processus de résolution de problème. Le tout s'effectue avec l'aide d'un thérapeute. L'étude présentée par Mynors-Wallis inclut 70 patients qui présentent un trouble émotionnel, qui se présentait en général comme un état de dépression, d'anxiété et/ou d'anxiété-dépression. Ces patients ont été attribués au hasard soit à une thérapie par résolution de problèmes qui est effectuée par une infirmière dans la communauté, soit à un "traitement comme d'habitude" effectué par leur généraliste.
    Les évaluations ont été faites, en ce qui concerne la clinique et les résultats économiques, avant traitement, 8 semaines et 26 semaines après le traitement. Il n'y avait pas de différence entre les patients qui ont reçu la thérapie par résolution de problèmes et les patients qui ont reçu le traitement habituel. Cependant, les patients qui ont reçu le traitement par résolution de problèmes ont eu moins de jours d'incapacité et ont été moins souvent absent au travail.
    Le traitement par résolution de problème coûte plus cher que le traitement par les généralistes. En effet, il faut des séminaires intensifs pour apprendre la technique aux infirmières et il faut également superviser des cas cliniques, pour qu'elles acquièrent les compétences nécessaires. La thérapie par résolution de problème coûtait 45.50 £ de plus par patient que les soins du généraliste. Mais malgré ce coût, la différence est en faveur de la résolution de problème, car le groupe traité par les généralistes présentait en moyenne 12 jours d'arrêt de travail par patient sur une durée de 6 mois. Le coût indirect y était donc de 850 £ du fait de ces arrêts de travail. En conclusion, la thérapie par résolution de problèmes, si l'on considère les coûts dans leur ensemble pour la société, produit un gain de 804.50 £. quand on la compare au traitement comme d'habitude par un généraliste. Ces résultats sont à méditer par les décideurs, les médecins généralistes, les infirmiers et les psychiatres.
     
    Mynors-Wallis L. et coll. :
    A randomised controlled trial and cost analysis of problem-solving treatment for emotional disorders given by community nurses in primary care, British Journal of Psychiatry 1997, 170 : 113-119.

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    ECT ET SMT : MEME COMBAT ?

    Patrick Delbrouck
     
    Il est actuellement admis que nombre de troubles mentaux relèvent de dysfonctionnements neuronaux, plus ou moins localisés, dont on tente de préciser les caractéristiques. En parallèle à une approche biochimique, il existe une exploration électrophysiologique qui, avec des succès variables, fait jouer à l'électrogénèse une part non négligeable dans le fonctionnement cérébral. L'application thérapeutique la plus spectaculaire de cette approche est l'électroconvulsivo-thérapie (ECT) qui constitue l'un des traitements les plus efficaces des troubles dépressifs graves.
    Si le mode d'action de cette thérapeutique reste mal connu, la nécessité de déclencher une crise convulsive en constitue l'un des piliers actuels.
    Dans un récent article, M. Kirkcaldie s'attaque à cette position en comparant les actions de l'ECT et de la Stimulation Magnétique Transcrânienne (SMT).
    L'ECT consiste, comme chacun sait, à déclencher une crise convulsive à l'aide d'un courant électrique. Les effets secondaires en sont bien connus et se manifestent principalement par des troubles de la mémoire et des fonctions cognitives, contemporains des séances. La réalisation de chocs unilatéraux diminue ces effets mais également l'efficacité thérapeutique. Au niveau électrique, la boîte crânienne présente une forte résistance au passage du courant, quinze fois supérieure à celle de la peau. Aussi, la majeure partie de l'énergie fournie est-elle absorbée par ces tissus et seule une faible part parvient au tissu cérébral, en passant par les zones de moindre résistance que constituent les orbites, les fosses nasales et le foramen ovale. La précision anatomique est faible, faisant comparer cette action à celle obtenue en appuyant sur le bouton "reset" des ordinateurs. Par ailleurs, on sait que les chocs sub-convulsifs ne sont pas thérapeutiques, vraisemblablement en raison de la trop faible quantité d'énergie qui parvient au cerveau.
    Depuis une dizaine d'années, une nouvelle méthode de stimulation électrique du cerveau est apparue qui pourrait permettre une meilleure compréhension du mode d'action des ECT et peut-être, à terme d'en limiter l'utilisation.
    Les champs magnétiques induits par un courant électrique traversent sans difficultés les différents tissus, et sont capables d'induire des courants secondaires localisés, au sein de tissus cibles, avec une précision de l'ordre du centimètre carré. Ces courants secondaires, cent mille fois plus faible que ceux ayant donné naissance au champ magnétique, peuvent ainsi stimuler localement différentes zones du cerveau et permettre d'en observer cliniquement la réponse. La stimulation répétitive à fréquence variable (rSMT) tend aujourd'hui à supplanter la stimulation continue. D'abord limitée à la stimulation du cortex moteur dans une optique de diagnostic neurologique, cette méthode a également été utilisée pour évaluer certaines fonctions cognitives visuelles, verbales ainsi que les fonctions mnésiques.
    Les effets secondaires de cet outil sont en cours d'évaluation, mais la tolérance semble bonne. Il n'a pas été rapporté de troubles des fonctions supérieures. Les complications les plus fréquentes consistent en des céphalées modérées, répondant bien aux antalgiques habituels. On note également un inconfort sonore lors des séances. Il a aussi été rapporté la survenue de crises convulsives généralisées, essentiellement chez des sujets épileptiques non stabilisés par le traitement.
    L'application thérapeutique de la rSMT à la psychiatrie est également en cours d'évaluation. Au niveau animal, cette technique apporte des résultats comparables aux ECS (électroconvulsivo-stimulation) lors des épreuves d'évaluation du seuil épileptogène, d'impuissance acquise ou de réaction à l'apomorphine, laissant supposer une action antidépressive.
    Chez l'homme, les résultats sont plus contradictoires. Des études en double-aveugle, limitées à 80 % de l'énergie nécessaire à stimuler le cortex moteur (en raison de recommandations éthiques de la Food and Drugs Administration) n'ont pas montré d'efficacité manifeste chez des patients dépressifs. Plus récemment, une étude portant sur 17 patients dépressifs résistants va dans le sens opposé. Ces sujets recevaient une série de vingt stimulations répétitives d'une fréquence de 10 Hz et d'une durée de 10 s, au niveau du seuil d'excitation moteur, pendant cinq jours consécutifs. L'étude était effectuée contre placebo et comparait trois régions de stimulation : le cortex préfrontal gauche (région dorsolatérale), le cortex préfrontal droit (région dorsolatérale) et le vertex. Les résultats montrent une efficacité statistiquement significative pour la stimulation préfrontale gauche, qui se poursuit deux semaines après l'arrêt des séances. Ces résultats préliminaires appellent bien entendu de nouveaux travaux avant de permettre des conclusions plus formelles.
    Si l'efficacité de la rSMT dans les états dépressifs se confirme, ce qui reste largement à démontrer, notre compréhension du mode d'action des ECT risque d'en être modifiée. En effet, l'action de la rSMT ne nécessite pas de crise convulsive, ni de perte de connaissance, ni d'effets secondaires cognitifs. Par ailleurs, son mode d'action localisé peut apporter une plus grande précision dans la physiopathologie de la maladie dépressive, et laisse entrevoir d'autres indications (trouble obsessionnel compulsif notamment). A ces réserves près, la rSMT présente à priori de nombreux éléments prometteurs, même si la méthodologie reste à inventer.
     
    Kirkcaldie M., Pridmore S., Reid P.
    Bridging the skull : electroconvulsive therapy (ECT) and repetitive transcranial magnetic stimulation (rTMS) in psychiatry.
    Convulsive therapy. 1997, 13 : 83-91
     
     

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    PROFILS DE SOMMEIL ET RÉPONSE À LA THÉRAPIE INTERPERSONNELLE

    Jean Cottraux
     
    Michael E. Thase avait déjà montré qu'un profil anormal de sommeil dans l'EEG prédisait une mauvaise réponse à la thérapie cognitive (Thase et coll. 1996). Il récidive cette année avec la thérapie interpersonnelle dont on sait qu'elle est efficace dans la dépression et qu'elle a été bien étudiée par Weissman, Frank, Kupfer et Rounsaville. La conclusion est que les sujets qui ont un sommeil perturbé, en particulier en ce qui concerne l'efficacité du sommeil, la latence du sommeil paradoxal et la densité du sommeil paradoxal, ont un moins bon résultat avec la thérapie interpersonnelle. Les patients qui ont un profil de sommeil anormal ont des résultats cliniques plus médiocres en ce qui concerne les symptômes, la terminaison prématurée du traitement et la rémission que les patients qui ont un profil normal de sommeil. Les groupes étaient de taille statistiquement convenable puisque les patients qui avaient un profil de sommeil normal étaient au nombre de 50 et ceux qui avaient un profil de sommeil anormal étaient de 41.
    Il est intéressant de noter que 75 % des patients qui n'avaient pas répondu à la thérapie interpersonnelle ont répondu à la psychopharmacologie. Thase souligne, à juste titre, qu'on atteint là peut-être la frontière neurobiologique qui sépare les indications de la psychopharmacologie de celles de la psychothérapie. Mais il ne franchit pas le pas de recommander un tracé de sommeil pour poser l'indication en cas d'hésitation entre l'une ou l'autre méthode. La clinique mettant en évidence des signes végétatifs au premier plan, dont l'insomnie et la dysomnie, devrait, à mon sens, suffire pour préférer un traitement pharmacologique ou combiné.
     
    Thase M.E. et coll. :
    Which depressed patients will respond to interpersonal psychotherapy ? the role of abnormal EEG sleep profiles, American Journal of Psychiatry 1997, 154, 4 : 502-509.
    Thase M.E. et coll. :
    Abnormal electroencephalographic sleep profiles in major depressions : association with response to cognitive behavior therapy, Archives of General Psychiatry 1996, 53 : 99-108.
     
     

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    IMPORTANCE DE L'ATTITUDE DES SOIGNANTS DANS LA PRISE EN CHARGE DES SUICIDANTS

    Françoise Chastang
     
    Les conduites suicidaires, identifiées comme un des principaux problèmes de Santé Publique dans les pays industrialisés, sont plus souvent abordées sous l'angle de la dimension psychopathologique, familiale ou sociologique. Il est beaucoup moins courant d'évoquer l'importance de la qualité relationnelle et du lien thérapeutique qui se noue entre une équipe soignante et les suicidants. Samuelsson et coll ont pris le pari d'évaluer les attitudes du personnel infirmier en psychiatrie vis-à-vis des suicidants grâce à un questionnaire spécifiquement élaboré dans ce but et à une présentation de vignettes cliniques.
    Parmi les 242 infirmiers contactés pour participer à cette étude et travaillant dans 4 structures différentes (petite unité de 10 lits d'entrants, unité s'occupant de patients psychotiques chroniques, unité d'urgences psychiatriques, soins ambulatoires), 197 ont répondu, soit un taux de réponse de 81%. L'USP (Understanding Suicidal Patients), questionnaire de 22 items spécifiquement élaboré pour cette étude, abordait les différentes attitudes du personnel (empathie, perception des besoins des suicidants, idées propres des soignants sur les soins nécessaires aux suicidants). Trois vignettes cliniques de patients ayant transité dans le service de psychiatrie et décédés ultérieurement de suicide (ce que le personnel soignant étudié ignorait) ont été présentées ; elles concernaient une femme éthylique de 45 ans ayant réalisé une intoxication médicamenteuse volontaire par benzodiazépines et niant tout désir de mort, un jeune homme de 21 ans ayant fait une phlébotomie à la suite d'une rupture sentimentale, et un homme de 41 ans ayant tenté une intoxication au monoxyde de carbone et considéré comme dépressif.
    Les 3/4 des soignants ont ressenti le besoin d'une meilleure formation dans la prise en charge des suicidants. Le degré d'empathie envers les suicidants était plus important chez les soignants travaillant en petite unité ou aux urgences que chez ceux travaillant auprès des patients psychotiques, et plus important chez les femmes que chez les hommes. Le risque suicidaire était noté dans les 3 cas présentés, mais considéré comme moindre chez les 2 sujets non déprimés, et particulièrement peu important chez le jeune homme ayant réalisé une phlébotomie sous l'emprise de l'alcool. L'ensemble du personnel interrogé montrait par ailleurs plus d'attitudes positives envers le patient dépressif.
    La relation entre le soignant et le suicidant apparaît ici dans (presque) toute sa complexité. Elle prend en compte les caractéristiques du patient et du soignant ainsi que le contre-transfert qui en résulte. La relation thérapeutique est plus aisée avec les personnes avec lesquelles il est facile de s'identifier ou avec celles qui sont clairement reconnues comme souffrant d'un trouble psychique comme la dépression. Elle est plus difficile avec les patients éthyliques ou toxicomanes qui suscitent très souvent des réactions de rejet.
    Travailler sur la nature et la qualité de cette relation soignant-soigné est une étape incontournable dans les unités d'accueil des suicidants, son influence sur le devenir du sujet, peut-être même en terme de risque de récidive, est certainement non négligeable. Voici donc un thème de recherche dans l'air du temps, tant en ce qui concerne les priorités de Santé Publique comme les gestes suicidaires, que les procédures d'évaluation de la qualité des soins.
     
    Samuelson M, Asberg M, Gustavsson JP.
    Attitudes of psychiatric nursing personnel towards patients who have attempted suicide. Acta Psychiatr Scand 1997, 95, 22-230.

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    DÉPRESSION N°11 Mars/Avril 1998