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FOCUS

     
  • Evénements de vie et dépression : la "Havard Grant Study" (Françoise Radat)
  • Antidépresseurs et/ou ECT ? (Patrick Delbrouck)
  • Anesthésie et ECT : quel produit choisir ? (Patrick Delbrouck)
  • Importance de la continuité des soins chez les suicidants (Françoise Chastang)
  • Vers une prévention secondaire des conduites suicidaires chez les adolescents présentant des conduites addictives ?









  • ÉVÉNEMENTS DE VIE ET DÉPRESSION : LA « HARVARD GRANT STUDY »

    Françoise Radat
     
    G.E. Vaillant a publié successivement, à un an d’intervalle, les résultats d’une étude longitudinale concernant le lien chronologique entre événements de vie négatifs et dépression.
    L’étude est exceptionnelle en ce qu’il s’agit d’un suivi prospectif de maintenant 55 ans d’un groupe de sujets caractérisés à l’inclusion par l’absence de maladie mentale et par la présence de facteurs de réussite socioprofessionnelle : 204 jeunes hommes ont été recrutés a Harvard entre 1940 et 1942 sur des critères de bonne santé physique et mentale, l’expression de rapports sociaux satisfaisants avec leurs pairs et une réussite scolaire supérieure à celle de la moyenne de la classe d’âge.
     
    Ainsi, pendant plus de 50 ans, les sujets ont répondu à un questionnaire bisannuel. Ils ont été interviewés à l’aide d’un entretien semi-structuré à 30, 47 et 57 ans. Ils ont été examinés sur le plan physique tous les cinq ans à partir de l’âge de 45 ans.
     
    Plusieurs auteurs, au regard de l’approche événementielle, ont posé la question de la pertinence de la dichotomie dépressions « endogènes » versus dépressions « psychogènes », tous les types cliniques de dépressions semblant susceptibles d’être réactionnels. Récemment la question de l’évolution au cours de la vie de la capacité qu’ont les événements négatifs d’induire une dépression chez un sujet donné a été l’occasion de résultats contradictoires (1). R.Post (2) a fait de la constatation que les événements déclencheurs d’épisodes thymiques chez un même patient sont de moins en moins importants, un argument clinique pour sa théorie du « kindling ».
    Dans un grand nombre d’études portant sur les événements de vie chez les sujets souffrant de troubles dépressifs il existe de nombreuses sources d’erreurs dans l’interprétation des résultats. La plus fréquente est due au fait que les patients attribuent rétrospectivement avec excès la cause des épisodes thymiques qu’ils traversent aux événements de la vie. Lorsque le recueil des données concernant les événements de vie est réalisé de façon rétrospective chez des patients déprimés il convient de prendre en compte le fait que les événements à tonalité négative seront retenus alors que les événements positifs sont oubliés. Tous ces biais plaident en faveur d’études prospectives. C’est justement ce que propose le suivi longitudinal des sujets de la « Harvard Grant ».
    Vaillant se place dans la perspective diachronique de l’étude de la dépression, considérant que cette affection ne se résume pas à l’épisode mais entraîne des dysfonctionnements beaucoup plus durables à type par exemple de modification de l’estime de soi, de réactualisation de schémas cognitifs négatifs. Ainsi, il pose l’hypothèse d’une relation en cercle vicieux entre événements de vie négatifs et dépression, les événements précipitant la survenue des épisodes dépressifs qui eux mêmes vont entraîner des événements négatifs.
    Il faut bien sûr souligner qu’à l’époque où l’étude a été initiée ni les critères diagnostiques actuels, ni les instruments de mesure modernes n’existaient. Les auteurs ont donc élaboré une méthodologie originale pour évaluer la probabilité de survenue d’un trouble du spectre thymique : probabilité évaluée en fonction de symptômes rapportés par les sujets eux même, d’un diagnostic porté par un psychiatre, de la prise de traitements antidépresseurs, d’une hospitalisation. Tous ces événements ont été évalués en aveugle, par un psychiatre, à la lecture des questionnaires remplis tous les 6 mois par les sujets.
    Au total sur les 113 survivants en 1983 on pouvait porter le diagnostic de trouble du spectre affectif chez 12 sujets.
     
    Dans le premier article (3), l’auteur met en évidence l’existence d’une corrélation entre les événements de vie négatifs passés et la survenue d’un trouble du spectre affectif. Cette corrélation n’est pas retrouvée pour l’alcoolisme ni pour les problèmes de santé physique. L’étude permet de déterminer grâce à un modèle de Cox les facteurs prédictifs des troubles du spectre affectif. Trois facteurs interviennent : l’histoire familiale de dépression qui pour l’auteur représente le poids génétique, la stabilité psychosociale pendant les années de collège qui représente une variable de personnalité et enfin le score des événements de vie négatifs passés qui a le poids prédictif le plus important.
    Dans le second article (4), Vaillant s’intéresse à la possible induction d’événements de vie à tonalité négative par la dépression. Il différencie les événements négatifs « dépendants » de l’interaction du sujet avec l’environnement tels les séparations, divorces, difficultés au travail, difficultés avec la justice... et les événement négatifs « indépendants » tels la maladie ou le décès des parents, de l’épouse, des enfants...
    L’auteur montre que les événements négatifs « dépendants » sont significativement plus fréquemment retrouvés après la survenue d’un trouble du spectre affectif que chez les autres, résultat qui n’est pas retrouvé pour les événements négatifs « indépendants ». A l’inverse les comportements de recherche d’aide spécifique (prise de traitement, consultation chez le psychiatre) ne sont pas associés à un type particulier d’événements.
    Bien entendu la variable trouble du spectre affectif est peu spécifique, la liste des événements est arbitraire, le stress chronique est occulté, mais ces articles mettent en lumière l’interrelation entre la dépression et l’échec affectif et socioprofessionnel chez des sujets ayant justement tous les facteurs de réussite de leur côté. On conclut bien entendu à l’intérêt de traiter les symptômes résiduels de la dépression. Ils confirment également le modèle étiologique plurifactoriel de la dépression tel qu’il a été proposé par Klerman (5) : les variables prédictives de l’adaptation d’un individu aux événements stressants sont l’hérédité, la survenue événements négatifs dans l’enfance, le support psychosocial actuel.
     
    (1) Hammen C., Gitlin M. : Stress reactivity in bipolar patients and its relation to prior history of disorder ; Am. J. Psychiatry 1997 ; 154 : 856-857.
     
    (2) Post R. M. : Transduction of psychosocial stress into the neurobiology of recurrent affective disorder ; Am. J. Psychiatry 1992 ; 149 : 999-1010.
     
    (3) Cui X., Vaillant G.E. : Antecedents and consequences of negatives life events in adulthood : a longitudinal study ; Am. J. Psychiatry 1996 ; 152 : 21-26
     
    (4) Cui X., Vaillant G.E. : Does depression generate negative life events ? J. Nerv. Dis.1997 ; 185 : 145-150.
     
    (5) Barret J. E., Rose R.M., Klerman G.L. : Stress and mental disorder ; a three factor causal model of depression ; New York, Raven Press, 1979.
     
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    ANTIDÉPRESSEURS ET/OU ECT?

    Patrick Delbrouck
     
    L’efficacité thérapeutique des électrochocs (ECT) dans les états dépressifs n’est plus à démontrer, pas plus que celle des molécules de la classe des antidépresseurs. Le choix de l’une ou l’autre approche dépend de l’intensité de l’état dépressif, de sa réponse antérieure éventuelle à l’un ou l’autre traitement, des disponibilités locales et des convictions idéologiques du thérapeute...
    Pourtant, aucune des deux méthodes n’est totalement efficace et bien souvent, c’est le recours aux deux stratégies qui permettra l’obtention d’un résultat satisfaisant.
    Ainsi, comme le rappelle Charles Kellner dans un récent éditorial, les ECT utilisés seuls présentent un taux de rechute élevé, supérieur à 50 % à six mois dans plusieurs études. L’association avec un traitement antidépresseur est donc en pratique indispensable. Le taux de récidives descend alors à moins de 20 %. La question n’est donc pas antidépresseur OU ECT, mais quel antidépresseur choisir et à quel moment l’administrer ?
    Quel antidépresseur choisir ? Les données de la littérature opposent les produit dérivés de l’imipramine qui auraient un effet potentialisateur de l’action des ECT, et les sérotoninergiques qui présenteraient un intérêt sur la prévention des rechutes. Ainsi, à la phase aiguë, l’association ECT-imipramine s’avère supérieure à ECT-paroxétine. Par contre, à six mois, le taux de rechute est supérieur chez les patients sous imipramine que chez ceux sous paroxétine.
    A quel moment l’administrer ? Faut-il interrompre le traitement antidépresseur durant les chocs et le reprendre après ou le changer compte tenu de son insuffisance d’efficacité ? Là encore, la réponse à ces questions est loin d’être univoque.
    Elle rejoint en effet celle des interactions médicamenteuses avec le protocole de l’anesthésie à la phase aiguë. Les interactions anesthésie - curarisation et antidépresseurs ont fait l’objet de nombreuses publications. Il est classique de distinguer trois grands groupes pharmacologiques : les IMAO, les imipraminiques et les sérotoninergiques. Sans reprendre la pharmacologie des IMAO, très peu prescrits en France, on doit cependant rappeler que les principales complications de ce type de traitement sont cardio-vasculaires. En dehors des situations exceptionnelles où il sera possible d’attendre deux... trois semaines d’arrêt du traitement IMAO avant d’entreprendre les séances, le recours aux ECT pour ces patients va nécessiter certains aménagements du protocole anesthésique : les analgésiques morphiniques, les neuroleptiques (phénothiazidiques) et les barbituriques sont contre-indiqués du fait de possibles accidents tensionnels graves. Les benzodiazépines ainsi que les curarisants ne présentent par contre aucune contre indication.
    Les antidépresseurs imipraminiques présentent moins d’inconvénients. Ils interfèrent cependant avec les barbituriques, par l’intermédiaire d’une diminution d’activité du système microsomial hépatique. Ils majorent la durée des apnées sous thiopental et celle de l’anesthésie. En raison de leur action anticholinergique, ils potentialisent également l’action de l’atropine et antagonisent celle des curares dépolarisants (Célocurine). Par ailleurs, l’amitriptyline augmenterait la durée de la curarisation en diminuant l’activité pseudo-cholinestérasique plasmatique et abaisserait le seuil d’irritabilité myocardique par l’intermédiaire d’une action « quinidine-like ». Leur emploi nécessite donc aussi des ajustements posologiques, mais n’est pas incompatible avec la pratique d’une anesthésie générale. Ils présenteraient en plus un effet potentialisateur sur l’action des ECT.
    Les données pharmacologiques dont on dispose sur les sérotoninergiques permettent de supposer qu’ils présentent peu d’inconvénients, principalement en raison de leur moindre toxicité myocardique, et de l’absence d’effet anti-cholinergique. A la phase aiguë, ils n’auraient que peu d’effet sur le résultat des ECT.
    En pratique, comme le suggère l’auteur, il faut avant tout faire preuve de bon sens ! Le recours aux ECT ne justifie en rien l’arrêt du traitement antidépresseur (sauf pour les IMAO) qui bien souvent s’avérera efficace après les séances.
    En l’absence de traitement antidépresseur antérieur et si les ECT s’avèrent efficaces, un relais par un sérotoninergique semble préférable pour prévenir les rechutes ; en cas d’inefficacité, l’adjonction d’un imipraminique pourrait être proposée.
     
    Kellner Charles H.
    Combining ECT and antidepressants : time and reassess.
    J. of ECT 1998, 14 (2) : 65-66
     
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    ANESTHÉSIE ET ECT : QUEL PRODUIT CHOISIR ?

    Patrick Delbrouck
     
    La réalisation pratique d’électrochoc (ECT) nécessite une anesthésie générale en raison de la curarisation du patient. Il s’agit là d’une pratique aussi ancienne que l’ECT elle-même. Le choix du produit anesthésique n’est pas sans conséquence sur les caractéristiques de la crise d’épilepsie dont certains paramètres seraient garant de l’efficacité thérapeutique (durée de la crise, durée cumulée des crises, rapidité d’arrêt de la crise...). Il doit donc faire partie intégrante de la démarche thérapeutique, en accord avec l’anesthésiste.
    Différentes substances sont aujourd’hui disponibles. La plus utilisée et la plus ancienne est un dérivé barbiturique, le méthohexital (Brietal®). Il s’agit du produit de référence en matière d’ECT. Les données de la littérature sont nombreuses. Cependant, depuis quelques années, d’autres produits sont venus le concurrencer. Les inconvénients principaux de cette molécule sont d’être un antiépileptique notoire, ce qui est en contradiction avec la prescription d’ECT, de provoquer un réveil parfois difficile et d’induire une instabilité cardiaque et hémodynamique, notamment chez les sujets fragilisés en raison d’une accumulation du produit lors d’inductions itératives comme c’est le cas en matière d’ECT.
    Parmi les alternatives, non barbituriques, le propofol (Diprivan®) est l’un des anesthésiques les plus utilisés, notamment en France. Contrairement au méthohexital, il est métabolisé plus rapidement ce qui permet un éveil de meilleure qualité. Il est par ailleurs mieux supporté au plan hémodynamique, limitant même la poussée hypertensive induite par la crise d’épilepsie. Il possède en outre une activité antiémétique et antinauséeuse qui peut-être intéressante dans la prévention des pneumopathies de déglutition post-crise. Cependant, en raison de l’absence d’action anticholinergique, il existe un risque réel de réaction vagale lors de la première phase de la crise et plusieurs cas d’arrêt cardiaque ont été rapportés. Par ailleurs, bien que non barbiturique, le propofol provoque un raccourcissement de la durée de la crise EEG.
    Geretsegger et coll. (1) ont comparé les avantages et les inconvénients respectifs de ces deux molécules. Pour ce faire, ils ont réalisé 146 traitements sur 31patients, en leur administrant, après tirage au sort, l’un ou l’autre des anesthésiques. Ainsi, 70 chocs ont été réalisés avec du méthohexital et 76 avec du propofol. Le reste de la méthode utilisée est classique et standardisée pour les deux populations (curarisation, oxygénation...).
    L’analyse des résultats confirme les données existantes. Au niveau cardio-vasculaire, le propofol s’avère mieux toléré, avec un meilleur contrôle de la réaction hypertensive post-stimulation et de la fréquence cardiaque. Au niveau EEG, le propofol entraîne une diminution marquée de la durée de la crise (34 secondes contre 53secondes sous méthohexital). Cependant, cet effet antiépileptique ne se traduit pas par une baisse d’efficacité du traitement. Par ailleurs, ces auteurs ne retrouvent pas d’avantage majeur en terme de rapidité et de qualité d’éveil entre les deux molécules. Ils en concluent que l’état du patient, dans les minutes qui suivent une séance d’ECT, dépend d’avantage de l’intensité de la période confusionnelle post-critique que de la rapidité de catabolisation de la molécule anesthésique.
    Martin et coll. (2) arrivent à des conclusions semblables pour le cas clinique qu’ils rapportent. Il s’agit d’un jeune homme de 28 ans, traité par ECT pour un trouble dépressif majeur. Il reçoit d’abord huit chocs sous anesthésie au thiopental (anesthésique barbiturique). La durée moyenne des crises est de 39secondes. En raison des céphalées et de douleurs musculaires, il est anesthésié lors des trois chocs suivant par propofol. La durée des crises tombe à 17secondes ! Sans modification des autres paramètres. Les auteurs décident alors de revenir au thiopental et la durée moyenne des crises repasse à 48 secondes. Ils en concluent que le propofol n’est pas le meilleur inducteur anesthésique pour les sismothérapies...
    Autre anesthésique non barbiturique, l’etomidate (Hypnomidate®) est un dérivé imidazolé qui est rapidement métabolisé. Il s’agit d’un hypnotique intraveineux, dépourvu d’effet antalgique et possédant une bonne tolérance cardio-vasculaire sans dépression respiratoire marquée. Il présente également un effet protecteur cérébral accompagné d’une baisse de la pression intracrânienne. Saffer et coll. (3) ont comparé l’intérêt de cette molécule par rapport à un anesthésique barbiturique, le thiopentone. Ils ont constitué un groupe de 37 patients devant recevoir une série d’ECT. Durant les séances, ils étaient endormis alternativement par l’une ou l’autre des molécules. 35 sujets ont reçu des chocs bilatéraux, 2 des chocs unilatéraux. La méthodologie était semblable quel que soit l’anesthésique.
    Les résultats montrent que la durée moyenne des crises est significativement supérieure sous etomidate (34 secondes) que sous thiopentone (22 secondes).
     
    L’analyse de ces publications soulève un certain nombre de questions :
    Quel anesthésique choisir pour une série d’ECT ?
    Faut-il se fier à l’habitude de l’anesthésique, ce qui est très largement le cas dans la plupart des services ou bien faut-il chercher à tout prix à maximaliser la durée des crises ?
    Faut-il privilégier les critères d’évaluation EEG ou la sécurité de l’induction anesthésique ?
    La réponse à ces questions n’est pas évidente. En effet, l’acte anesthésique n’est pas dépourvu de risques et constitue même la première cause de mortalité en matière d’ECT. Aussi, la connaissance du produit injecté et de ses répercutions sur les fonctions vitales du patient par l’anesthésiste constitue la meilleure garantie de sécurité. Le meilleur anesthésique est donc celui que l’on connaît!
    A partir de là, certaines situations peuvent inciter à modifier les habitudes. La non-survenue de crises efficaces (> 25 secondes) doit faire remettre en cause l’anesthésique autant que provoquer le recours à des substances proconvulsivantes (caféine, théophylline, oxygène...). La fragilité de certains sujets fera privilégier quant à elle des molécules ayant peu de répercussions cardio-vasculaires ou respiratoires.
    Enfin, et c’est là l’un des nombreux paradoxes de l’ECT, il ne faut pas perdre de vue que si des travaux ont montré que certaines molécules réduisaient ou augmentaient la durée des crises EEG, aucune n’a montré que cela modifiait l’efficacité du traitement...
    Doit-on en conclure que la durée de la crise, ponctuellement ou cumulativement est sans intérêt ? Existe-t-il un effet seuil ? Et que dire s’il se confirmait que les ECT agissent en raison de leur activité anticonvulsivante comme le suggèrent certains travaux récents ?
    On le voit, les électrochocs n’ont pas fini de secouer les cerveaux de ceux qui les utilisent...
     
    (1) Geretsegger C., Rochowanski E., Kartnig C., Unterrainer A.
    Propofol and methohexital as anesthetic agents for electroconvulsive therapy (ECT) : a comparison of seizure quality measures and vital signs.
    J. of ECT 1998, 14 (1) : 28-35
     
    (2) Martin B.A., Cooper R.M., Parikh S.V.
    Propofol anesthesia, seizure duration and ECT : a case report and literature review.
    J. of ECT 1998, 14 (2) : 99-108
     
    (3) Saffer S., Berk M.
    Anesthesic induction for ECT with etomidate is associated with longer seizure duration than thiopentone.
    J. of ECT 1998, 14 (2) : 89-93
     
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    IMPORTANCE DE LA CONTINUITÉ DES SOINS CHEZ LES SUICIDANTS

    Françoise Chastang
     
    La continuité des soins dont on connaît l’importance fondamentale dans la prise en charge des patients en psychiatrie pose-t-elle les mêmes problèmes en France qu’en Suède ? Devant une réponse probablement positive, il peut être utile de s’attarder sur l’étude de Hulten et Wasserman qui analyse le déroulement du processus suicidaire chez 34 jeunes âgés de 15 à 24 ans suivis en psychiatrie et décédés par suicide.
    Les dossiers cliniques de ces 22 jeunes garçons et de ces 12 jeunes filles ont donc été revus par 3 psychiatres indépendants qui ont successivement noté le type de soins psychiatriques reçus et leur continuité, le diagnostic retenu, puis évalué le processus suicidaire notamment l’existence de tentatives de suicide antérieures, la communication d’idées suicidaires.
    Sept jeunes étaient considérés comme psychotiques, 10 présentaient des conduites addictives et 17 souffraient de dépression. Treize ont initialement été pris en charge par les services de pédopsychiatrie et 11d’entre eux ont été secondairement suivis par les services de psychiatrie adulte, et 21 ont été suivis uniquement par des psychiatres d’adultes. Vingt deux soit 65 % ont utilisé un moyen autolytique violent, le plus fréquent étant la pendaison.
    Les points les plus marquants concernent la continuité des soins et l’analyse du processus suicidaire.
    En ce qui concerne la continuité des soins, il est remarquable de constater que le passage des soins pédopsychiatriques à la psychiatrie adulte est caractérisé par une augmentation considérable du nombre d’intervenants quel que soit le sous-groupe diagnostique considéré. Les jeunes suivis en pédopsychiatrie ont rarement vu plus d’un thérapeute, alors que tous ceux qui ont été suivis en psychiatrie adulte ont vu plus de 10 médecins, deux jeunes filles déprimées en ayant même rencontré une trentaine ! La transition entre la pédopsychiatrie et la psychiatrie adulte est manifestement difficile et la multiplicité des intervenants ne peut qu’accroître la complexité de certaines prises en charge.
    Dans le domaine du processus suicidaire, 24 jeunes soit plus de 70 % ont manifesté à leur thérapeute leur intention de mourir lors de leur dernière consultation avant leur suicide. Cette intention a été clairement exprimée par 66 % des déprimés, 50 % des psychotiques et 40 % des jeunes souffrant d’addiction. Par ailleurs, près de 60 % de ces jeunes patients décédés de suicide avaient déjà réalisé au moins une tentative de suicide. Lors de la dernière consultation, seulement 3des 34 jeunes étaient considérés comme suicidaires, 2chez les déprimés, 1 chez les addictifs et aucun chez les psychotiques. De plus, la relecture des dossiers cliniques laisse entrevoir que dans environ les deux tiers des cas, un facteur déclenchant en rapport avec un stress majeur d’origine professionnelle, familiale, relationnelle ou en relation avec la prise en charge est retrouvé dans le mois voire la journée précédant l’acte suicidaire. Ces résultats sont à rapprocher des déjà nombreux travaux réalisés en soins primaires qui soulignent que près de 80 % des suicidants ont consulté un médecin généraliste dans le mois précédant leur geste. Il faut se rendre à l’évidence : de telles données sont de réelles leçons d’humilité montrant toute la complexité du processus suicidaire, complexité qui se situe bien au-delà du diagnostic psychiatrique, et qui engage de plus en plus les thérapeutes à redéfinir un syndrome présuicidaire.
     
    Hulten A, Wasserman D. Lack of continuity : a problem in the care of young suicides. Acta Psychaitr scand 1998, 97, 326-333.
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    VERS UNE PRÉVENTION SECONDAIRE DES CONDUITES SUICIDAIRES CHEZ LES ADOLESCENTS PRÉSENTANT DES CONDUITES ADDICTIVES ?

     
    Les comportements suicidaires des jeunes adolescents prépubères ont considérablement augmenté entre les années 1970 et les années 1990, et cette augmentation apparaît être en relation avec une majoration des conduites addictives. Telle est la principale conclusion d’une étude menée par Fombonne chez 6 091 adolescents londoniens (dont 58,4 % de garçons), âgés en moyenne de 12,7 ans, ayant été soit suivis en consultation ou hospitalisés dans un service de pédopsychiatrie entre 1970 et 1990, et ce avec une méthodologie statistique est à la fois précise et de qualité.
    Les résultats portant sur l’ensemble de l’échantillon montrent qu’il n’existe pas d’effet de période chez les jeunes filles, c’est-à-dire que les comportements suicidaires, définis par l’existence d’idées, de menaces ou de gestes suicidaires, ont fluctué entre les années 1970 et 1990 sans augmentation significative. Par contre, ces comportements suicidaires ont augmenté chez les jeunes garçons, avec une prévalence de 6,5 % sur la période 1970-72 et une prévalence de 16 % sur la période 1988-90. Trois symptômes cliniques apparaissent liés à cette sursuicidalité, à savoir la dépression, les troubles du sommeil et la prise de substances toxiques. Il est également intéressant de remarquer que bien que les ruptures familiales aient significativement augmenté de 28 % à 46 % sur la période considérée, elles n’apparaissent pas comme étant un facteur prédictif de suicidalité dans le sous-groupe constitué par ces jeunes garçons. Il en est de même pour la pathologie dépressive qui, bien que liée aux comportements suicidaires, n’en explique guère l’augmentation. Par contre, l’abus de substances toxiques est dans cette étude le meilleur facteur prédictif du comportement auto-aggressif.
    En comparant deux périodes, 1970-1979 et 1980-1990, Fombonne montre clairement que la sévérité du comportement suicidaire, définie par l’existence d’une tentative de suicide, est significativement associée avec les conduites addictives et plus spécifiquement avec l’abus d’alcool. De même, c’est l’abus d’alcool qui différencie le mieux les jeunes toxicomanes suicidaires des jeunes toxicomanes non suicidaires. De plus, fait important dans le domaine de la prévention, les conduites addictives ont précédé le comportement suicidaire dans environ 90 % des cas.
    Bien sûr, les résultats de cette intéressante étude doivent être replacés dans leur contexte, et tous les adolescents suicidaires ne sont pas toxicomanes. Rappelons-le, cette enquête a été réalisée à partir d’un échantillon de jeunes garçons suivis ou hospitalisés en pédopsychiatrie dans la grande métropole qu’est Londres. Elle s’est intéressée au comportement suicidaire au sens large du terme, ce qui permet certes de dégager un axe de réflexion, mais qui ne prend pas en considération les rapports cliniques entre les troubles du comportement des jeunes adolescents et les idées suicidaires alors exprimées dans le cadre de ces troubles du comportement. Cependant, on ne peut s’empêcher d’avoir envie, au vue de ces résultats, d’engager des projets de prévention secondaire des comportements suicidaires chez les jeunes présentant des conduites addictives.
     
    Fombonne E. Suicidal behaviours in vulnerable adolescents : time trends and their correlates. Br J Psychiatry 1998, 173, 154-159.
    DÉPRESSION N° 15 Janvier/Février/Mars 1999



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