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FORUM PFIZER J A L O N S

FORMES CLINIQUES ET
EFFICACITÉ ANTIDÉPRESSIVE DE LA SERTRALINE :
UNE ÉTUDE AMBULATOIRE
 
Les limites d'efficacité des antidépresseurs sont bien connues, et la mise au point de nouvelles molécules n'a jusqu'à présent pas permis de gagner de terrain sur les habituels 2/3 de résultats positifs rapportés depuis les origines dans les essais thérapeutiques contrôlés. Les progrès sont cependant indéniables en maniabilité en tolérance et en innocuité en cas de surdosage, mais reste la question lancinante : comment faire mieux, comment guérir plus de patients, avec les outils dont on dispose ? L'une des pistes serait la définition de profils cliniques permettant de repérer des sous-catégories de déprimés dont la fréquence de réponse à telle molécule particulière franchirait nettement la barre des 60 %. Et la littérature abonde de telles tentatives. On se souvient des espoirs entretenus dans la période initiale de la psychiatrie biologique pour relier l'efficacité des molécules noradrénergiques ou dopaminergiques aux formes les plus ralenties de dépression, celle des molécules sérotoninergiques aux formes les plus anxieuses. Tout ceci est apparu, avec le recul, décevant ou vain.
Les molécules les plus récentes, plus spécifiques, et les classifications les plus modernes, couplées au développement d'échelles d'évaluation sensibles et fiables exploitées par des techniques statistiques extrêmement pointues relancent le débat, et c'est probablement ce qui a amené J.D. Guelfi, S. Lancrenon et S. Friedman à tenter de définir, au sein d'une vaste cohorte de déprimés traités en ouvert, des profils symptomatiques corrélés à des réponses thérapeutiques différentes.
 
MÉTHODES, MATÉRIEL
Concrètement, ont été étudiés des déprimés majeurs non bipolaires, et le traitement faisait appel à la sertraline, dont la spécificité sérotoninergique est bien définie. La posologie allait de 50 à 200 mg, avec possibilité d'associer une benzodiazépine au cours des trois premières semaines des deux mois de l'étude.
La population traitée comportait 2 116 sujets âgés en moyenne de 42 ans, de sexe féminin pour les deux tiers. Ces patients étaient traités par des psychiatres (590 investigateurs).
Il s'agissait de dépressions modérées à sévère, avec un score moyen de 25, 4 aux 17 premiers items de l'échelle de Hamilton. On a constaté une incidence des formes récurrentes de 55, 3 %, avec un début de la maladie autour de 34 ans, et un nombre moyen d'épisodes proche de trois.
Pour caractériser les patients, on a fait appel à une classification purement clinique, distinguant les formes isolées, les formes récurrentes, les formes atypiques, les formes mélancoliques, les formes du post-partum, selon le DSM IV, ainsi que les formes avec ou sans tentatives de suicide.
Mais on a aussi fait appel à une analyse factorielle des échelles utilisées : l'échelle de dépression de Hamilton (24 items), l'échelle de Rush (Inventaire de la Symptomatologie Dépressive : IDS). Pour chaque dimension symptomatique, les patients dont la note factorielle était supérieure à deux fois le nombre d'items composant le facteur étaient classés dans un groupe qualifié de « groupe à symptomatologie importante ».
Les facteurs extraits de l'échelle de Hamilton étaient : mélancolie, troubles du sommeil, ralentissement, anxiété psychique, anxiété somatique, idées délirantes. Les facteurs issus de l'échelle de Rush sont : troubles du sommeil, anxiété psychique, anxiété somatique, anhédonie, ralentissement, tristesse, poids/appétit.
 
RÉSULTATS
Sur la population incluse dans l'essai, 21,4 %
(n = 449) sont sortis prématurément, pour effets indésirables (9,9 %), ou inefficacité (2,3 %).4,4 % sont sortis d'essai pour transgression du protocole, et 4,8 % ont été perdus de vue. Les effets indésirables incriminés dans les sorties prématurées ont été digestifs (3 %), anxieux (1,7 %), avec insomnie pour 1,6 %, et céphalées pour 1,2 %.
La réponse thérapeutique a donc pu être étudiée chez 1 656 patients. La réponse thérapeutique est conforme aux résultats habituellement rapportés dans ce type d'étude : 80,8 % des sujets avaient en fin d'étude un score inférieur ou égal à 2 à la CGI, et 58,9 % avaient un score terminal à l'échelle de Hamilton inférieur à 8.
Le délai d'apparition d'une réponse thérapeutique (selon le critère de la CGI), étant entendu que ce résultat concerne les réponses stables, est d'une semaine dans 6,3 % des cas, de trois semaine dans 32, 9 % des cas. Des réponses plus tardives sont observées à la 6e semaine dans 27,9 % des cas, et même à la fin des deux mois de l'essai pour 11 % des patients. Il faut donc parfois savoir attendre. Des améliorations partielles et transitoires, non confirmées par les scores de fin d'étude, ont été observées dans 6,8 % des cas.
 
EFFICACITÉ DIFFÉRENTIELLE SELON LA FORME CLINIQUE
Il n'y a pas de différence d'efficacité selon les formes cliniques due DSM IV (dépressions moyennes vs dépressions sévères non psychotiques ; dépressions avec caractéristiques mélancoliques vs dépressions non mélancoliques ; dépressions avec caractéristiques atypiques vs dépressions sans ces caractéristiques). Cette absence de différence est constatée quel que soit le critère d'amélioration choisi, CGI ou échelle de Hamilton.
Par contre, des différences de fréquence d'efficacité émergent pour d'autres formes cliniques. La sertraline apparaît moins constamment efficace dans les dépressions récurrentes que dans les formes isolées (p<0,001), et au sein des troubles récurrents, moins efficace dans les formes avec symptomatologie résiduelle entre les épisodes que dans les formes avec guérison inter-critique (p<0,001). Elle est aussi moins fréquemment efficace dans les formes chroniques que dans les formes non chroniques (p<0,01) ainsi qu'en cas d'antécédents suicidaires (p<0,01 selon de critère d'efficacité CGI, p<0,03 selon le critère d'efficacité HAD).
En ce qui concerne les critères dimensionnels, les résultats sont différents selon la méthode de qualification de l'amélioration clinique. Pour les critères CGI, peut être moins restrictifs, il n'y a guère de différence sauf sur la dimension d'anxiété somatique de l'échelle de Rush, non corroborée par la dimension d'anxiété somatique de l'échelle de Hamilton.
Par contre, si l'on examine les résultats en termes d'obtention d'un score terminal inférieur à 8 à l'échelle de Hamilton, plus rigoureux car évoquant pour le clinicien une rémission de bonne qualité, on trouve une efficacité plus constante quand la dimension mélancolique est absente (p<0,001 selon l'échelle de Hamilton), ou en l'absence d'anhédonie (p<0,01 selon l'échelle de Rush). On observe aussi une efficacité moindre dans les formes avec facteurs d'anxiété élevés, que ce soit dans l'expression psychique (p<0,01) que dans l'expression somatique (p<0,001), et ce dans les deux échelles. On remarque aussi qu'une différence plus marginale d'efficacité (p<0,05) constatée en faveur des dépressions sans insomnie et sans ralentissement selon la factorisation de l'échelle de Hamilton n'est pas retrouvée dans la factorisation de l'échelle de Rush.
Selon l'intensité du tableau clinique, on constate selon le critère CGI une efficacité un peu supérieure (p<0,003) dans les formes d'intensité inférieure à 25 à l'échelle de Hamilton par comparaison aux formes plus sévères. Mais cette différence n'atteint pas la significativité statistique lorsqu'on retient pour critère d'amélioration le critère HAD.
 
TOLÉRANCE, POSOLOGIE
Chez les patients qui sont allés au bout de l'étude, la tolérance a été satisfaisante. On retrouve, comme dans d'autres études du même ordre impliquant le même type de molécule sérotoninergiques, des troubles digestifs à type de nausées, vomissements et diarrhée chez 16,6 % des patients. Des céphalées sont rapportées dans 7 % des cas, et des troubles du sommeil dans 5,4 %. Les effets sur la sexualité, curieusement, ne semblent pas avoir été spécifiquement explorés dans cette étude. Dans les trois quarts des cas de patients répondeurs à la fin de l'essai, la posologie initiale de 50 mg par jour n'a pas été augmentée, ce qui corrobore une fois encore les données obtenues dans d'autres études.
 
CONCLUSION
Dans ce vaste essai ouvert, la sertraline, à la posologie de 50 mg/par jour, apparaît efficace dans 60 à 80 % des cas, selon le critère d'amélioration choisi. Elle est bien tolérée, et la tentative de définition de profils de meilleurs répondeurs suggère une réponse un peu plus fréquente, sur ce grand nombre de patients, dans les troubles majeurs isolés, non chroniques, ou dans les trouble récurrents caractérisés par une bonne rémission entre les épisodes. L'analyse dimensionnelle montre de façon concordante que la sertraline est un peu plus souvent efficace lorsque l'anxiété initiale est moindre, et peut être aussi dans les formes non anhédoniques, non mélancoliques. Elle serait aussi plus efficace dans les formes légères à modérée que dans les formes de sévérité dépassant 25 points à l'échelle de dépression de Hamilton. Ces résultats, qui ont avant tout une portée statistique, même s'ils permettent d'affiner le profil d'efficacité de la sertraline, ne doivent pas faire perdre de vue que même dans les cas de configuration clinique moins favorable, l'efficacité reste importante, de 50 à 70 % selon les critères cliniques choisis.


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DÉPRESSION N° 15 Janvier/Février/Mars 1999