Depuis la découverte de lactivité électrique cérébrale par Berger en 1929, lélectricité na cessé dêtre un outil dévaluation, de diagnostic et de traitement des maladies mentales (ECT en 1938, potentiels évoqués en 1949...). Lextension au champ magnétique induit par tout courant électrique est plus récente et ce nest que depuis une dizaine dannées que la psychiatrie sintéresse aux applications possibles de cette énergie.
La stimulation magnétique transcrânienne consiste à appliquer au tissu cérébral un champ magnétique intermittent, dont on peut faire varier la fréquence. Cette énergie stimule directement le cortex de façon atraumatique et constitue un outil diagnostique neurologique particulièrement intéressant. Les applications en psychiatrie ont fait lobjet dune récente mise au point par B. K. Puri et S. W. Lewis (1).
Historiquement, les premières stimulations magnétiques trancrâniennes remontent au début du siècle, mais il faudra attendre les années 80 pour voir cette méthode reprise par les médecins. Dun point de vue pratique, lénergie délivrée par le champ magnétique est un million de fois plus faible que celle imposée par les ECT. La méthode apparaît non traumatique et sans effet secondaire majeur en dehors de céphalées. Les localisations dapplication de la stimulation varient selon les équipes et les indications. Ainsi, en 1992 un auteur rapporte une stimulation corticale motrice qui permit le diagnostic de conversion hystérique devant une paraplégie. Mais les applications les plus intéressantes sont celles qui confrontent le recours à des stimulations itératives aux séances dECT. En effet, la méthode présente lavantage de ne pas provoquer de crises dépilepsie, ni dinduire de perte de connaissance et par la même supprime les risques danesthésie. Cependant, si la stimulation des zones corticales est aujourdhui assez standardisée, celle des régions sous-corticales reste à explorer.
En 1995, Greenberg et coll. rapportent lutilisation de stimulations itératives chez des patients dépressifs, des sujets atteints de trouble obsessionnel compulsif et des volontaires sains. Lapplication en région préfrontale gauche améliore les signes dépressifs mais induit une sensation de tristesse chez les volontaires sains. Lapplication en préfrontal droit aggrave les sujets déprimés et angoisse les sujets atteints de TOC... Comme on le voit, la situation est loin dêtre claire et de nombreux travaux restent nécessaires avant de diffuser la méthode.
Des travaux sur le fonctionnement moteur des schizophrènes évalué par stimulation magnétique transcrânienne (SMT) ont montré des résultats contradictoires.
Le couplage de la SMT avec les techniques dimagerie modernes ouvrent des perspectives nouvelles pour explorer les troubles de lhumeur, notamment en provoquant des sentiments de tristesse ou de joie. La production dhallucinations pourrait permettre une meilleure compréhension des symptômes psychotiques.
Si les indications et les modalités dapplication de la SMT restent largement à inventer, cette technique apparaît dès maintenant intéressante à suivre et pourrait être à lorigine dune modification de nos habitudes diagnostiques et thérapeutiques.
Puri B. K. et Lewis S. W.
Transcranial magnetic stimulation in psychiatry research.
Schou présente dans cette conférence intitulée Quarante ans de lithiothérapie une synthèse de son expérience personnelle et des questions qui restent actuellement posées sur ce traitement. Il sagit bien évidemment dun vibrant plaidoyer en faveur du lithium, mais comment pourrait-on le reprocher à lhomme qui a permis la généralisation de ce traitement révolutionnaire ? Schou déplore en particulier que les effets prophylactiques du lithium dans les dépressions récurrentes unipolaires soient aussi peu étudiés et utilisés, et que la recherche psychiatrique Nord-Américaine ait imposé lusage quasi-exclusif des antidépresseurs dans cette indication (aidée par le marketing agressif en faveur des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, pour citer les propos de Schou). Le lithium reste toujours pour Schou le traitement prophylactique de première intention de la maladie bipolaire, les autres thymorégulateurs nayant pas définitivement fait la preuve de leur efficacité dans cette indication.
Dans la rubrique Déceptions, Schou indique que son plus grand regret est quil ny ait pas eu réellement davancée spectaculaire depuis 40 ans en matière de traitement thymorégulateur, dans le sens où il nexiste pas encore de traitement qui serait radicalement supérieur au lithium ou aux autres thymorégulateurs en terme defficacité et deffets secondaires. La deuxième déception réside dans le fait que le mode daction du lithium nest toujours pas connu. Enfin, pour finir sur une note dans le ton Le meilleur des Mondes, Schou sinterroge sur les risques inhérents aux recherches sur la régulation de lhumeur, et sur les possibilités éventuelles de manipulations de lhumeur que pourraient entraîner la découverte des mécanismes de cette régulation, qui pourrait permettre aux gens de choisir de passer leur vie dans un état dhypomanie chronique, subjectivement plus séduisant que la plus agréable des euphories induites par lalcool ou le crack/cocaïne. Et comme bouquet final, Schou remarque que sil devient un jour possible déradiquer la maladie maniaco-dépressive via les manipulations génétiques, il faudra se rappeler que si de telles mesures eugéniques avaient été possibles et mises en pratique dans le passé, lauteur lui même naurait probablement pas été là pour présenter cette revue sur le lithium. (Ce qui méritait dêtre dit et souligné !!).
Schou M. Forty years of lithium treatment. Arch Gen Psychiatry 1997, 54 : 9-13.
Kupfer DJ, Frank E. Forty years of lithium treatment. Commentary. Arch Gen Psychiatry 1997, 54 : 14-15.
Gershon S, Soares JC. Current therapeutic profile of lithium. Arch Gen Psychiatry 1997, 54 : 16-20.
Gitlin M, Altshuler LL. Unanswered questions, unknown future for one of our oldest medications. Arch Gen Psychiatry 1997, 54 : 21-23.
DE LEFFET PROTECTEUR DU DÉFICIT SCHIZOPHRÉNIQUE VIS À VIS DU SUICIDE
Hélène Verdoux
Fenton et McGlashan poursuivent la Chesnut Lodge Follow-Up Study, qui a déjà donné lieu à de multiples publications. Pour mémoire, cette étude évalue le devenir de patients schizophrènes hospitalisés entre 1950 et 1975 au Chesnut Lodge Hospital, pour lesquels les données sur lhospitalisation index ont été recueillies de manière rétrospective sur la base de dossiers médicaux détaillés. Le devenir à long terme (19 ans en moyenne après lhospitalisation index) a été évalué par un entretien avec les patients ou avec leurs proches. Lobjectif de létude actuelle était de déterminer lexistence dassociations préférentielles entre risque suicidaire et type de symptomatologie/sous-types de schizophrénie. Le groupe de patients pour lequel un diagnostic initial de schizophrénie avait été posé incluait après réévaluation de ce diagnostic à la lumière des critères DSM-III, 187 patients schizophrènes, 87 troubles schizo-affectifs, 15 troubles schizophréniformes. Les auteurs rapportent que 6 % des patients schizophrènes se sont suicidés (représentant 43 % des décès survenus pendant la période dévaluation), que 23 % dentre eux ont fait au moins une tentative de suicide, et que près de la moitié dentre eux (40 %) ont eu des idées suicidaires. Le résultat le plus intéressant de cette étude est que les patients qui se sont suicidés présentaient lors de ladmission index une symptomatologie négative moins intense que ceux qui ne se sont pas suicidés, et quelle que soit la catégorie diagnostique. Les résultats concernant la symptomatologie positive sont moins tranchés, même si une association positive est mise en évidence entre suicide et intensité de la symptomatologie délirante et de la méfiance. Si lon considère les sous-types de schizophrénie, 12 % des patients paranoïdes se sont suicidés, contre 4 % des indifférenciés, et aucun des patients hébéphrènes. Les directions des associations sont similaires lorsque sont considérées les tentatives de suicide et lidéation suicidaire. Les limites de cette étude sont celles de la Chesnut Lodge Study, à savoir la méthode rétrospective de quantification de la symptomatologie positive et négative et des diagnostics, et le biais de sélection de ce centre, qui accueillait préférentiellement les sujets issus dun milieu socio-économique favorisé. Quoi quil en soit, lassociation négative entre déficit et suicide chez les schizophrènes nest probablement pas artéfactuelle. Les auteurs privilégient une interprétation psychologique de ce résultat, en soulignant que les symptômes négatifs protégeraient les patients contre la perte de lestime de soi, le désespoir et la douleur liés à la prise de conscience de la maladie, tandis que les formes plus productives seraient plus exposés à cette prise de conscience douloureuse. On peut reprocher aux auteurs de ne pas évaluer le rôle dun probable facteur de confusion qui est lexistence dun syndrome dépressif, ce qui, il faut le reconnaître, nest pas méthodologiquement évident dans cette étude. En dautres termes, lassociation mise en évidence nest-elle pas liée à un tiers facteur, qui est lexistence de troubles thymiques plus fréquents dans les formes non-déficitaires ? Ce qui ne serait pas sans rappeler lhypothèse proposée par Murray, selon laquelle les schizophrénies paranoïdes avec un bon fonctionnement prémorbide, un âge de début tardif, une préservation des affects et des capacités cognitives, et une évolution intermittente, pour reprendre les termes de Fenton et McGlashan, font très probablement partie du spectre des troubles de lhumeur. Il ne sagit pas de tomber dans lexcès, et de conclure que tout schizophrène qui se suicide est un patient souffrant dun trouble thymique méconnu. Mais il paraît tout aussi caricatural de conclure à un effet protecteur de la symptomatologie négative sur le risque de passage à lacte suicidaire chez les schizophrènes.
Fenton WS, McGlashan TH, Victor BJ, Blyler CR. Symptoms, subtype, and suicidality in patients with schizophrenia spectrum disorders. Am J Psychiatry 1997, 154 : 199-204.
Murray R.M., OCallaghan E., Castle D.J., Lewis S.W. A neurodevelopmental approach to the classification of schizophrenia. Schizo. Bull., 1992, 18, 319-332.
Travaillant dans une unité de soins spécialisée dans la prise en charge des troubles thymiques, Parker et coll (1) ont cliniquement constaté que les patients présentant un état dépressif à début précoce, cest-à-dire survenant entre ladolescence et le début de lâge adulte, ont un devenir marqué par une récurrence accrue dépisodes dépressifs par ailleurs plus longs. Les carences affectives précoces et la comorbidité psychique sont également plus fréquentes. Ces auteurs ont essayé, par une étude longitudinale, de caractériser les états dépressifs à début précoce et de rechercher les facteurs prédictifs de la récurrence. Cest ainsi quune cohorte de 114 femmes et de 56 hommes futurs enseignants a été suivie et évaluée tous les 5 ans depuis 1978 par un entretien semi-structuré (section des troubles thymiques et anxieux du Composite International Diagnostic Interview), létat dépressif étant défini dans cette étude non seulement par le CIDI mais également par les critères RDC et une durée dau moins 2 semaines. Pour chaque sujet, étaient déterminés le nombre total dépisodes dépressifs sur la durée de létude, la durée cumulée des épisodes, ainsi que lintensité de la symptomatologie, en distinguant les états dépressifs majeurs (présence dau moins 5 critères) et les états dépressifs non caractérisés (présence de 3 ou 4 critères).
En 1993, 104 femmes et 52 hommes ont pu être réévalués ; 89, soit 57 % de léchantillon avaient présenté un état dépressif, quil soit majeur ou non caractérisés ; 54 (35 %) avaient souffert dun état dépressif majeur et 33 (21 %) dun état dépressif majeur ou non ; la prévalence des troubles anxieux était importante : 7 % dagoraphobie, 13 % danxiété généralisée, 12 % de trouble panique, 18 % de phobie sociale et 16 % de phobies simples. En différenciant les troubles dépressifs à début précoce (avant 25 ans) des troubles dépressifs à début tardif (après 25 ans), les auteurs ont mis en évidence, et cest leur principal résultat, quun état dépressif à début précoce était fortement associé à la présence de troubles anxieux, et plus particulièrement danxiété généralisée.
Ces résultats ne sont pas extrapolables à la population générale. En effet, la cohorte est composée denseignants, qui constitue un sous-groupe bien particulier, à traditionnelle forte demande daide psychologique, ce qui peut en partie expliquer à la fois le faible nombre de perdus de vue et la haute prévalence des troubles anxieux et dépressifs, nettement supérieure à ce qui est retrouvé dans les études en population générale, comme par exemple dans lenquête ECA. De même, la limite dâge considérée pour différencier les dépressions dapparition précoce des dépressions dapparition tardive est arbitraire, bien que cliniquement compréhensible.
Ils ont cependant lindéniable mérite de relancer (une nouvelle fois) le débat souvent passionné sur les rapports étroits de la dépression et de lanxiété, et plus particulièrement de la dépression et de lanxiété généralisée. Est-ce une comorbidité, cest-à-dire une coexistence de deux troubles sans a priori de relation causale ? Lanxiété est-elle à considérer comme un facteur de risque de la dépression à début précoce ? Existe-t-il une interconnexion symptomatique ? Ou bien peut-on retenir lhypothèse dun même trouble, dun spectre anxio-dépressif qui sexprimerait de façon variable dans le temps ?
La prise en compte de ces éléments apparaît à terme particulièrement importante pour une meilleure compréhension des dépressions récurrentes et des doubles dépressions, qui se caractérisent très souvent par un début précoce et une association importante avec les troubles anxieux.
(1) Parker G, Wilhem K, Asghari A. Early onset depression : The relevance of anxiety. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 1997 ; 32 : 30-37.
A partir du fait actuellement bien connu que les suicidants consultent fréquemment leur médecin généralistes dans les semaines précédant leurs gestes suicidaire, Michel et coll (1) proposent une étude très actuelle sur la possible influence de la nature du système de soins sur la demande daide des patients traversant une crise suicidaire, en comparant les modes de consultation de deux pays aux systèmes de soins différents, à savoir la Suisse (Berne) et la Suède (Stockholm). La médecine libérale domine largement en Suisse ; elle est basée sur le libre choix et le libre accès au médecin, généraliste ou spécialiste, sans contrôle du nombre de consultations. Les médecins généralistes, les psychiatres et les structures hospitalières sont facilement accessibles. Le système de soins suédois est différent, organisé autour dune médecine de quartier, tant pour les consultations que pour les hospitalisations. Les médecins généralistes sont plus nombreux en Suisse, où la clientèle est de lordre de 710 clients de plus de 15 ans par médecin généraliste à Berne, alors quelle est de lordre de 1374 patients par généraliste à Stockholm.
Soixante-six suicidants admis à lhôpital général de Berne au décours de leur geste (soit 20 % des suicidants répertoriés en 1990 dans cette ville) ont été comparés à 202 suicidants admis à lhôpital de Stockholm (soit 44 % des suicidants répertoriés à la même époque), grâce à un instrument semi-structuré (European Parasuicide Study Interview Schedule) spécialement élaboré pour lenquête européenne multicentrique portant sur lanalyse du phénomène suicidaire (2).
Ces deux groupes apparaissent globalement similaires, sauf pour le statut professionnel, très variable dun pays à lautre en fonction des contextes socio-économiques
Les résultats issus de cette comparaison donnent à penser. Quarante deux pour cent des suicidants suisses et 4 % des suicidants suédois ont consulté leur médecin généraliste plus de 4 fois dans lannée écoulée ; 13 % des suisses et 30 % des suédois nont pas vu de médecin traitant sur cette même période. La classique augmentation des consultations dans la semaine précédant le geste suicidaire est notée dans les 2 villes, mais savère être beaucoup plus importante à Stockholm (+ 32 %) quà Berne (+ 18 %). Parmi les patients ayant des idées suicidaires, 82 % des suisses et seulement 35 % des suédois les ont exprimées au médecin. La réponse fut plus souvent médicamenteuse en Suède, où un patient sur deux a par la suite utilisé ces produits comme moyen autolytique.
Tout en se gardant de conclusions hâtives et trop générales, ces données, rapportées par des auteurs suédois et non pas suisses, tendent à montrer que la nature du système de soins est loin dêtre anodine et quelle peut conditionner la qualité des soins prodigués, du moins ici pour les suicidants. Des consultations régulières voire fréquentes, et surtout la disponibilité des médecins généralistes favorisent une relation médecin-patient plus personnalisée, et probablement plus empathique, permettant une meilleure verbalisation des idées suicidaires. Notons cependant que la qualité de la relation médecin-malade nest pas évaluée.
De quoi susciter quelques réflexions sur la modification du système de santé actuellement en cours dans notre pays...
(1) Michel K, Runeson B, Wasserman D. Contacts of suicide attempters with GPs prior the event : a comparison between Stockholm and Bern. Acta Psychiatr Scand 1997 ; 95 : 94-99.
(2) Bille-Brahe U, Kerkhof A, De Leo D, Schmidtke A, Crepet P, Lönnquist J et coll. A repetition-prediction study of European parasuicide populations : a summary of the first report from Part II of the WHO/EURO Multicentre Study on Parasuicide in co-operation with the EC Concerted Action on Attempted Suicide. Acta Psychiatr Scand 1997 ; 95 : 81-86.
La réalisation délectrochocs dépend en grande partie du seuil épileptogène du patient, cest à dire de la quantité dénergie à fournir pour déclencher une crise dépilepsie généralisée dune durée suffisante (plus de 25 secondes). Celui-ci dépend de nombreux facteurs dont lâge, le sexe, les traitements médicamenteux associés, et surtout le nombre de chocs antérieurs. En effet, ce seuil augmente au fur et à mesure des séances, et il arrive quavec lénergie maximale de lappareil on narrive plus à provoquer de crises satisfaisantes. Le mécanisme de cette augmentation du seuil, qui peut dailleurs présenter un intérêt dans le traitement des crises dépilepsie rebelles, reposerait sur une augmentation de lactivité des récepteurs A1 (adénosine).
Dans ces cas, plusieurs solutions sont disponibles pour abaisser ce seuil. La plus simple est de faire respirer au sujet de loxygène pur deux à trois minutes avant le choc. On peut également administrer un antagoniste des récepteurs à ladénosine, une base xanthique par exemple. La plus utilisée est la caféine, à la posologie dune à deux ampoules par voie intraveineuse quelques minutes avant la stimulation. Ladministration par voie orale présente moins dintérêt et comporte des délais daction aléatoires. Cette injection de caféine nest pas dénuée deffets secondaires, notamment à type de troubles du rythme cardiaque.
Une autre alternative est le recours à la théophylline. F.G. Leenjens et coll. rapportent leur expérience au travers de dix patients (soit 55 chocs) qui ont nécessité lutilisation de ce type de traitement adjuvant. Pour chaque cas, la situation est assez caractéristique. Après une période de réponses satisfaisantes, la réalisation dune crise généralisée devient impossible ou trop brève, malgré lassociation doxygène. Ne disposant pas de caféine injectable dans leur pays (Pays-Bas), les auteurs ont utilisé de la théophylline à la posologie de 100 à 200 mg en perfusion intraveineuse lente, 30 minutes avant le choc. Les résultats ont été favorables puisque tous les patients ont de nouveau présenté des crises généralisées dune durée satisfaisante, avec des quantités dénergie plus faibles quau début des séances. A noter cependant la survenue dune crise prolongée (220 secondes) pour lun des patients, sans conséquences sur les chocs ultérieurs. A noter également un patient ayant répondu favorablement dans un premier temps à 100 mg de théophylline, puis ayant nécessité trois chocs plus tard le recours à 200 mg dont leffet sest épuisé également au bout de trois chocs. Les auteurs durent alors appliquer deux stimulations successives à lintensité maximale pour obtenir des crises comprises entre 25 et 35 secondes.
Ils en concluent que la théophylline constitue une alternative intéressante pour augmenter le seuil épileptogène des patients devenus réfractaires aux ECT. Ils ne dénombrent aucune complication cardio-vasculaire, mais restent prudents sur les risques épileptiques. En effet, plusieurs auteurs ont rapporté des cas de crises prolongées sous théophylline et certains même des cas de maladie épileptique. Dans ces conditions, la réalisation dECT sous théophylline, dans un but de diminution du seuil épileptogène ou bien en raison dune pathologie respiratoire sous-jacente, doit être réservée à des cas particuliers et sous surveillance renforcée.
Leentjens A. F. G., van den Broek W. W., Kusuma A., Bruijn J. A.
Facilitation of ECT by intravenous administration of theophylline.
Il semble acquis aujourdhui quil existe dans la dépression une insuffisance de sécrétion centrale en sérotonine, probablement aussi en noradrénaline, et peut-être dans certains cas en dopamine. Parmi les voies actuelles de recherche sur les antidépresseurs, il en est qui sattachent à mettre en évidence lexistence de molécules endogènes qui seraient susceptibles de faire ce que font les antidépresseurs, cest-à-dire augmenter la sécrétion de ces neurotransmetteurs. On imagine ainsi de nouvelles classes dantidépresseurs qui seraient des analogues de molécule naturelles endogènes, capables de renforcer des mécanismes naturels de défense de lorganisme contre la dépression. Il existe une molécule qui remplit apparemment de nombreux critères pour être un antidépresseur endogène, cest le BDNF (brain derived neurotrophic factor). Nous avons déjà eu plusieurs fois loccasion, dans Dépression, de citer les travaux dun chercheur anglais, RS Duman, qui a montré que tous les antidépresseurs, de même que les électrochocs et le lithium, ont en commun daugmenter la sécrétion de BDNF dans des structures cérébrales supposées impliquées dans la dépression, telles que lhippocampe et le cortex frontal. A côté de cela, plusieurs études, ces dernières années, ont montré que le BDNF interagit avec les neurotransmetteurs. Les premiers effets du BDNF sur les neurotransmetteurs à avoir été mis en évidence, lont été sur les systèmes dopaminergiques. Il avait été montré que le BDNF augmente lactivité locomotrice, ainsi que le turnover de la dopamine dans le système nigro-strié (Altar et coll 1992). Cétait lépoque où lon pensait que le BDNF pourrait être utilisé comme antiparkinsonien. Par la suite, on sest aperçu que le BDNF a des effets sur dautres systèmes de neurotransmetteurs et sur certains peptides cérébraux, en particulier ceux qui sont impliqués dans la régulation de la prise alimentaire et de la nociception (Pelleymounter et coll 1995 ; Siuciak et coll 1995). Siuciak et coll, en 1996, ont montré que linjection centrale de BDNF, directement dans les noyaux des raphé dorsal et médian, active la sécrétion de neurotransmetteurs dans le cortex, lhippocampe, le striatum et le noyau accumbens. Cette activation concernait les trois principaux neurotransmetteurs, mais lactivation des systèmes sérotoninergiques était beaucoup plus importante que celle des systèmes dopaminergiques et noradrénergiques. Étant donné que ces neurotransmetteurs sont tous supposés être plus ou moins impliqués dans la dépression, surtout la sérotonine, et que les noyaux du raphé ont un rôle central dans le mode daction des antidépresseurs, les auteurs ont voulu tester les effets du BDNF sur divers modèles de dépression (Siuciak et coll 1997). Ils ont utilisé deux modèles de dépression chez le rat, celui des chocs inévitables (un modèle de learned helplessness, ou désespoir acquis) et le test de suspension par la queue (un modèle de screening simple et rapide des antidépresseurs). Ils trouvent que le BDNF est actif, cest-à-dire a des propriétés antidépressives, dans les deux modèles. Ils montrent aussi que, dans leur protocole dexpérimentation, le BDNF na pas daction sur lactivité locomotrice, si bien que leffet antidépresseur quils observent ne peut pas être lié à une action psychostimulante. La critique que lon pourrait faire à ces expériences est la quantité de BDNF quils injectent (24 µg par jour pendant 1 semaine), ce qui est énorme comparativement au BDNF naturellement présent dans le cerveau, de telle sorte que lon peut se demander si les effets obtenus sont bien physiologiques. Quoi quil en soit, les auteurs attribuent les effets quils observent à une action stimulante du BDNF sur les neurotransmetteurs, en particulier sur les systèmes sérotoninergiques. Dans le cas du modèle de learned helplessness, le BDNF compenserait les effets de chocs électriques (qui déplètent le cerveau en monoamines parallèlement à la survenue de létat de désespoir). Les auteurs évoquent aussi léventualité dune interaction entre le BDNF et divers peptides cérébraux comme le neuropeptide Y et la ß-endorphine. Mais le rôle de ces peptides nest toujours pas très bien établi dans la dépression. Même si le mécanisme daction du BDNF nest toujours pas parfaitement compris (or rappelle que des auteurs tels que Duman ou Post pensent que le BDNF agit par un mécanisme purement neurotrophique), ces recherches montrent que le BDNF a des propriétés potentielles dantidépresseur endogène dont on na certainement pas fini dentendre parler.
Altar CA et coll. Brain-derived neurotrophic factor augments rotational behavior and nigrostriatal dopamine turnover in vivo. PNAS 1992 ; 89 : 13147-11351. Dépression, 1996, Spécial Melbourne, pp : 25-26, et Dépression, 1997 ; 6 : 37-43
Pelleymounter MA et coll. Characteristics of BDNF-induced weight loss. Exp Neurol 1995 ; 131 : 229-238
Siuciak JA et coll. BDNF produces analgesia in the formalin test and modifies neuropeptide levels in rat brain and spinal cord areas associated with nociception. Eur J Neurosci 1995 ; 7 : 663-670
Siuciak JA et coll. BDNF increases monoaminergic activity in rat brain following intracerebroventricular or intraparenchymal administration. Brain Res 1996 ; 710 : 11-20
Siuciak JA et coll. Antidepressant-like effect of brain-derived neurotrophic factor (BDNF). Pharmacol Biochem Behav 1997 : 56 : 131-137