Nous examinerons l'utilité de l'évaluation des psychothérapies, les questions qu'elle pose et sa critique dans les aspects philosophiques, scientifiques, cliniques, économiques et politiques.
Les faits psychologiques sont-ils mesurables ? La psychologie depuis 60 ans est sortie du giron de la philosophie pour devenir une science humaine. Les psychologues sont passés de la psychométrie de traits à celle d'état. Ils ont ouvert la voie de l'évaluation des effets des psychothérapies. Ils ont mis au point des psychothérapies complétant celles des médecins. Nous sommes passés d'une évaluation individuelle à la découverte de lois plus générales, à la manière des autres applications médicales des méthodes expérimentales.
Sur le plan éthique, il est nécessaire d'offrir les thérapies les plus appropriées, les plus efficaces, présentant le moins d'inconvénients, et si possible au moindre coût. Les psychothérapies suivent cette exigence de bonne pratique si elles sont éclairées par la recherche qui les évalue, si elles conduisent à une innovation valable, si elles sont enseignées, disséminées et appliquées pour le bienfait et le bien-être des patients.
Les modèles théoriques se pérennisent lorsque seules les croyances des thérapeutes, corroborées par des succès occasionnels, les entretiennent. La réfutation d'un modèle n'est possible que par l'expérimentation, seul moyen d'en contester sa validité et sa pertinence, de l'améliorer ou d'en construire un plus valable. Cette démarche épistémologique est possible grâce à l'évaluation des méthodes et des résultats des psychothérapies. Elle permet de faire évoluer les modèles théoriques.
Les progrès des méthodes d'évaluation ont été déterminants pour l'amélioration de l'appréciation :
des diagnostics,
des processus d'acquisition des troubles,
des processus thérapeutiques,
des résultats des thérapies,
de la qualité de la vie des patients,
du coût direct et indirect des pathologies, des thérapies et de la prévention.
Le passage du qualificatif au quantitatif a été accompagné de celui de l'individuel (étude de cas, protocoles expérimentaux sur cas uniques) au général (étude de groupes, méta analyses). Progressivement la prise de conscience s'établit qu'une méthodologie rigoureuse est ou doit être mise en place. La FFP est fondée sur cet esprit commun de recherche pragmatique, certes difficile, mais féconde.
L'histoire de l'évaluation des psychothérapies est récente. Les critères d'amélioration clinique ont été définis dès 1941 par Knight.
Amélioration symptomatique,
Augmentation du rendement professionnel,
Amélioration de la satisfaction sexuelle,
Amélioration des relations interpersonnelles,
Amélioration de la capacité à faire face aux conflits psychologiques et aux tensions courantes.
Eysenk, 1952, note que 44 % des personnes en analyse s'améliorent mais 66 % des personnes névrotiques s'améliorent spontanément en 2 ans et 72 % des patients hospitalisés ou traités par des généralistes s'améliorent autant.
Luborsky en 1975, reprenant toutes les études sur les traitements non pharmacologiques des schizophrènes constate que toutes les psychothérapies sont efficaces dans le domaine où elles sont spécialement adaptées (pathologie, objectifs précis ....).
La méta- analyse de Smith et Glass (1977) montre que toutes les psychothérapies sont plus efficaces que pour les groupes témoins. mais l'ampleur d'effet est différente (effect size) d'après Rachman et Wilson 1980 pour les différentes formes de psychothérapie.
Méthodes |
Ampleur deffet |
Désensibilisation |
0,9 |
Thérapie cognitive |
0,75 |
Modification du comportement |
0,76 |
Implosion |
0,64 |
Thérapie Rogeriennes |
0,63 |
Thérapies psychanalytiques |
0,59 |
Gestalt Therapie |
0,26 |
Andrew et Harvey 1981, soulignent que les thérapies humanistes ne sont pas plus efficaces que le placebo.
Méthodes |
Ampleur deffet |
Thérapie comportementale |
0,97 |
Thérapie analytique brève |
0,74 |
Thérapie humaniste |
0,35 = placebo |
. Shapiro, 1982 - 1983, insiste sur les difficultés de l'évaluation ou la répugnance des psychanalystes à la réaliser.
. Le transfert, crucial en psychanalyse, est étudié sous trois aspects :
. L'analyse informatisée du contenu de l'entretien devient une science fondamentale pour la recherche sur les psychothérapies.
. Indicateurs prédictifs
L'analysabilité est définie ainsi : Les potentiels analytiques du patient susceptibles de s'épanouir au cours d'un traitement psychanalytique sous-tendant qu'un analysant bien sélectionné pourrait développer un processus analytique au cours d'une analyse bien conduite. Erle et Goldbert constatent que 1/4 de ceux qui sont peu ou pas analysables sont effectivement analysables... Il n'y a pas de facteur pronostic fiable (Luborsky, 1980).
Concernant la psychanalyse et la psychothérapie analytique, Weber établit que les patients qui s'améliorent le plus sont (du plus au moins) :
Ceux qui terminent leur analyse lorsque l'analyste s'est installé en ville,
Ceux qui suivent une psychothérapie psychanalytique ou ceux qui ont changé de technique au cours de la prise en charge.
Ceux qui sont restés à l'Institut avec leur psychanalyste. mais tous étaient améliorés, sans rapport avec les critères de prédiction tels que la force du moi, la relation d'objet, l'histoire des patients. Les plus courtes étaient les moins réussies. Il existerait donc une " imprédictibilité " de l'analysatibilté et des bénéfices thérapeutiques chez les patients bien sélectionnés et considérés comme de bonnes indications. Beaucoup vont mieux (entre 60 à 90 %) surtout ceux qui avaient le meilleur niveau de fonctionnement au départ.
Il paraît actuellement nécessaire de définir des critères communs d'efficacité et de préciser les spécificités et les synergies des différentes formes de psychothérapies.
Il doit être tenu compte, dans les études publiées, des différents aspects significatifs de l'évaluation résumée dans ce schéma.
Deux exemples :
La psychothérapie des patients anxieux conduit à un coût global 6 fois moindre dans les 3 ans qui suivent la prise en charge que dans les 3 ans qui la précédent en incluant le prix de la psychothérapie (Margraf).
Les patients schizophrènes rechutent dans 2/3 des cas quand ils arrêtent le traitement, dans 40 % si les médicaments sont maintenus et dans 20 % des cas si les thérapies psychosociales et familiales leurs sont associées.
La place des psychologues chercheurs est croissante dans la littérature internationale. Elle anticipe celle qu'ils peuvent conquérir dans la clinique, leur moindre coût concurrence pour les usagers et les assurances celui des psychiatres en matière de psychothérapies.
Dernière mise à jour : vendredi 31 mars 2000 18:57:42 Dr Jean-Michel Thurin
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