Colloque organisé par l'APEEM
(Association pour la promotion de l'enseignement de l'éthique médicale)
.
Pr Jean BERNARD : La bioéthique : hier, aujourd'hui et demain
Pr Bernard GLORION : Ethique et professions de santé
Pr J. Charles BOULANGER : Ethique et information du public
Pr Alain Abbas SAFAVIAN: Ethique et pédagogie médicale
Président : Pr Maurice LAUDE
Doyen de la Faculté de Médecine d'Amiens
Modérateurs : Pr Jean PACCALIN
Professeur de Thérapeutique à la Faculté de Médecine de Bordeaux
et
Pr Alain Abbas SAFAVIAN
Professeur de Thérapeutique à la Faculté de Médecine d'Amiens
INTRODUCTION
ENSEIGNEMENT DE L'ETHIQUE MEDICALE : UNE NECESSITE IMPERIEUSE
Pr Maurice LAUDE
Doyen de la Faculté de Médecine d'AmiensENSEIGNEMENT ACTUEL DE L'ETHIQUE MEDICALE EN FRANCE
Pr Alain Abbas SAFAVIAN
Professeur de Thérapeutique à la Faculté de Médecine d'Amiens
ENSEIGNEMENT ACTUEL DE L'ETHIQUE MEDICAL EN EUROPE ET DANS LE MONDE
Pr Pierre CUER
Co-Directeur du D.U. de formation européenne "Ethique de la Santé, Droits de l'Homme et Morales"de Pierre et Marie Curie - Paris VI
Coordinateur du Réseau européen "Médecine et Droits de l'Homme" du Conseil de l'Europe
Présidents : Mr Alain MORVAN
Recteur de l'Académie, Chancelier des Universités
Pr Louis AUQUIER
Ancien Président de l'Université René Descartres Paris V
Modérateurs : Pr Pierre GRANDMOTTET
Doyen Honoraire de la Faculté de Médecine de Besançon
Pr Olivier JARDE
Professeur de Médecine Légale à la Faculté de Médecine d'Amiens
COMMENT ENSEIGNER L'ETHIQUE MEDICALE ? OBJECTIF ET METHODES
Pr Jean Marie MANTZ
Doyen Honoraire de la Faculté de Médecine de StrasbourgLE CONTENU : QUE DOIT-ON ENSEIGNER EN ETHIQUE MEDICALE ?
Dr Nicole LERY
Maître de Conférence de Médecine Légale à la Faculté de Lyon
ETHIQUE ET DECISION THERAPEUTIQUE
Pr Pierre GRANDMOTTET
Doyen Honoraire de la Faculté de Médecine de Besançon
Président : Pr Claude SUREAU
Ancien Président du Comité d'Ethique de la FIGO
Modérateurs : Pr Jean Charles BOULANGER
Professeur de Gynécologie Obstétrique à la Faculté de Médecine
d'Amiens
Pr François THEPOT
Professeur de Cytogénétique à la Faculté de Médecine d'Amiens
CE QUE LE COUPLE VEUT
Dr Cyrille GUILLAUMONT
Psychiatre au CHU d'AmiensCE QUE LA MEDECINE PEUT FAIRE
Dr Bruno CAMIER Gynécologue obstétricien, Responsable de l'Unité Fonctionnelle de Médecine de la Reproduction du CHU d'AmiensCE QUE LA MORALE PERMET
Pr Claude SUREAU
Ancien Président du Comité d'Ethique de la FIGOCE QUE LE LIGISLATEUR AUTORISE
Mme Michèle HARICHAUX
Maître de Conférence à l'Université Panthéon-Assac Paris II
Directeur des Etudes de l'Institut d'Etudes Judiciaires. Paris IICE QUE LA SECURITE SOCIALE REMBOURSE
Dr Françoise MACRON-NOGUES
Médecin Conseil Près la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Somme
Président : Pr Bernard NEMITZ
Ancien Président de l'Université de Picardie Jules Verne, Professeur d'Anesthésie-Réanimation à la Faculté de Médecine d'Amiens
Chef du Département de Médecine d'Urgence du CHU d'Amiens
Modérateurs : Pr Alain DUROCHER
Professeur de Thérapeutique à la Faculté de Médecine de Lille
Pr Michel OSSART
Professeur d'Anesthésie-Réanimation à la Faculté de Médecine d'Amiens
Chef du Service d'Anesthésie-Réanimation B du CHU d'Amiens
LIMITE D'ADMISSION EN REANIMATION : ASPECTS ETHIQUES
Pr Philippe MONTRAVERS
Professeur d'Anesthésie-Réanimation à la Faculté de Médecine d'Amiens
Chef du Service d'Anesthésie-Réanimation C du CHU d'AmiensCONSENTEMENT ECLAIRE EN REANIMATION
Dr Jean TCHAOUSSOFF
Maître de Conférence à la Faculté de Médecine d'Amiens
Chef du Service d'Anesthésie-Réanimation A du CHU d'AmiensETHIQUE ET ACHARNEMENT THERAPEUTIQUE
Pr Xavier LEVERVE
Professeur de Thérapeutique à la Faculté de Médecine de GrenobleETHIQUE ET REANIMATION DU SUJET AGE
Pr Michel SLAMA
Professeur de Thérapeutique à la Faculté de Médecine d'AmiensDr Christian DEFOUILLOY
Pneumologue au Centre de Réanimation Polyvalente du CHU d'Amiens
Modérateurs : Pr Jacques PETIT
Professeur d'Urologie-Transplantation à la Faculté de Médecine d'Amiens
Dr Yolande GRUMBACH
Chef de Service de Gériatrie à l'Hôpital St Victor du CHU d'Amiens
PROBLEMES ETHIQUES : SOINS PALLIATIFS
Pr Jean Marie MANTZ
Doyen Honoraire de la Faculté de StrasbourgACCOMPAGNEMENT DU MOURANT
Pr Jeanne ORFILA
Présidente de JAMLAVLE PHILOSOPHE ET LA MORT
Mr François DELAPORTE
Professeur de Philosophie à la Faculté de Philosophie et Sciences Humaines et Sociales d'AmiensMORT ET RELIGION
- l'Eglise Catholique Romaine
Monseigneur Jacques NOYER
Evêque d'Amiens- l'Eglise Orthodoxe
Docteur Dominique BEAUFILS
Secrétaire de l'Association Orthodoxe d'Etude Bioéthique
Membre de l'Institut Orthodoxe St Serge de Paris- l'Eglise Réformée
Mr Jean Mard HEINTZ
Pasteur de l'Eglise Réformée d'Amiens- l'Islam
Dr Dalil BOUBAKEUR
Recteur de la Mosquée de Paris- Communauté Israëlite
Lecture du message du Rabbin BERNHEIMDISCUSSION GENERALE
CONCLUSION
Pr Maurice LAUDE
L'Ethique médicale est la règle de conduite qui dicte le comportement du Médecin face aux différentes situations de contact avec les autres, pas forcément malades, et à plus forte raison s'ils le sont.
A un moment où l'on parle d'une nouvelle réforme des études médicales, il parait indispensable d'instaurer un enseignement de l'Ethique médicale dans le cursus des futurs praticiens.
Trois questions se posent alors : à quel niveau du cursus, sur quel programme et enseignée par qui ?
Dans le cursus des études, les notions générales doivent être enseignées dans le cadre de la " culture générale " devenue " Sciences humaines et sociales ".
L'essentiel doit être enseigné dans le 3ème cycle, après le passage de l'internat, à des étudiants en prise directe avec les responsabilités hospitalières. Ce programme est vaste, du statut juridique de la personne humaine à la procréation médicalement assistée, du diagnostic prénatal à la transplantation d'organes en passant par l'expérimentation biomédicale, le secret médical, l'attitude des médecins face à la mort, l'euthanasie jusqu'aux chois d'une politique de santé (santé pour tous, à quel niveau et jusqu'à quel âge) il y a matière à réflexion pour une vingtaine d'heures de cours.
Pour dispenser ces cours, il faut faire appel aux juristes, aux philosophes, aux religieux, aux soignants, aux chercheurs, aux sociologues, mais avant tout demander aux médecins internistes du pédiatre au gériatre, aux chirurgiens, aux biologistes, aux psychiatres, aux médecins généralistes de venir parler des problèmes de morale médicale à propos des problèmes qu'ils ont rencontrés dans l'exercice de leurs profession et non pas vus de l'extérieur.
On peut témoigner quand on a été confronté à une décision thérapeutique qui engage l'avenir et parfois la vie d'un patient.
Retour accueil premières journées pédagogiques d'éthique médicale d'Amiens
Pr A. SAFAVIAN
L'enseignement de l'Ethique Médicale doit être aujourd'hui l'un des objectifs pédagogiques de chaque Faculté de Médecine. Or, avant d'entrer dans les détails des programmes des Facultés, l'impression générale est que l'Ethique Médicale est actuellement peu ou pas du tout enseignée en France. Le regain d'intérêt constaté depuis une dizaine d'années pour les problèmes éthiques et la multiplication des instances, des textes et de débats qui y sont consacrés ne s'est pas accompagnée de la mise en oeuvre d'une programmation pédagogique adaptée au niveau des Facultés de Médecine. Tout porte à penser que la place de la dimension éthique dans les actes quotidiens de la décision médicale n'est pas encore considérée comme fondamentale et que le débat concerne seulement le domaine de la recherche et de la médecine futuriste.
La définition-même donnée au mot éthique pourrait jouer un rôle dans cette déconsidération. Si éthique signifie morale médicale, il est bien évident que l'enseignant de la Médecine n'y reconnaît pas son rôle. On n'enseigne pas la moralité médicale, on en donne l'exemple, quelques conseils de sagesse à l'occasion, et sa concrétisation solennelle sous la forme du Serment d'Hippocrate. La morale médicale, comme toute morale professionnelle dans les professions à risque relève de la conscience et des convictions profondes de chacun. Son acquisition donc, si acquisition il y a, se fait par méditation et non par apprentissage. Il est à remarquer que les lois et les dispositions réglementaires concernant l'éthique médicale et biologique, qui ont été nombreuses ces dernières années, n'ont pas porté sur son enseignement. Ce n'est qu'à une date très récente (mars 1997) que quelques aspects du sujet apparaissent discrétement au rang des objectifs pédagogiques au niveau des sciences (arrêté du 4 mars 97 relatif à la 2ème patie du DCEM2)
Pour connaître " l'état des lieux ", nous avons diffusé une enquête auprès des Doyens de toutes les Facultés de Médecine, accompagnée d'un questionnaire explicatif. Le libellé de ce questionnaire n'est pas innocent. Il est partial, et cette partialité relève non pas seulement de l'opinion de l'auteur, mais de celle d'un très grand nombre des responsables pédagogiques et notamment des collègues de notre discipline, enseignants de Thérapeutique.
En effet, nous pensons que pour combler la lacune, cet enseignement doit avoir deux caractères primordiaux.
1) être indidualisé, autonome et global
2) être réceptif et adapté à l'aptitude décisionnelle de l'étudiant.
1 - Etre individualisé, autonome et global, pourquoi ?
Parce que, avec les progrès incessants de la médecine et l'évolution de la société, le concept d'éthique est devenu un paramètre incontournable dans les décisions quotidiennes du médecin. Il a des répercussions cliniques, sociales et économiques dans pratiquement tous les domaines touchant à la santé des hommes où le Médecin est l'acteur principal.
Autrement dit, les grands problèmes d'éthique médicale d'aujourd'hui sont si nombreux et si complexes que l'apprentissage décisionnel de les résoudre ou de les discuter nécessite un enseignement individualisé et global. Les classiques enseignements institutionnalisés de médecine légale ou de santé publique ne couvrent qu'une partie seulement des problèmes éthiques. Ils sont aujourd'hui largement débordés et le seront de plus en plus chaque jour dans l'avenir.
Sans entrer dans la discussion du contenu souhaitable de l'enseignement de l'éthique médicale, qui sera abordée tout à l'heure, pour comprendre le sens de notre enquête et les réflexions préalables, je rappelle ici une liste, non exhaustive, des grands thèmes théoriques d'un programme global :
I - Ethique des Professions de Santé
- Compétence et dévouement
- Entretien des connaissances
- Secret Médical et confidentialité
- La déontologie
- L'Ordre des Médecins et ses prérogatives
II - Ethique et exercice de la Médecine
- Le médecin et l'argent
- La dichotomie
- Les relations médecin-malade
- La responsabilité médicale, diagnostic et traitement
III - Ethique et le malade dans son entité
- Le malade et sa famille
- Le malade et sa profession
- Le malade et sa protection sociale
IV - Ethique et la procréation humaine
- La contraception
- L'avortement
- La procréation médicalement assistée
V - Ethique et Pédiatrie
- L'enfant à naître, limites de la viabilité
- L'enfant handicapé
- Relations Médecin-Enfant-Famille
- L'enfant, la famille et la société
VI - Ethique et génétique humaine
- Ethique et diagnostic prénatal
- Ethique et analyse du génome
- Les manipulations génétiques humaines
- 0nco-génétique
- Conseil génétique et libertés
- Médecine prédictive
- Les dangers de la tentation d'eugénisme
VII - Ethique et les fléaux sociaux
- La toxicomanie
- L'alcoolisme
- Le tabagisme
VIII - Ethique et transplantation d'organes
IX - Le médecin et le malade incurable
- Ethique et le cancer avancé
- Ethique et le sida
- Ethique et la lutte contre la douleur
- Ethique et les soins palliatifs
- Aide au mourant et l'accompagnement du mourant
- Euthanasie
X - Ethique et Réanimation
-Réanimation du sujet âgé
- Acharnement thérapeutique
- Consentement éclairé en réanimation
XI - Ethique et l'éducation des malades
- Information du public
-Education pour la santé et la vulgarisation médicale
XII - Ethique et la Santé Publique
- Ethique et la Prévention
- Ethique et la lutte contre les facteurs de risque
-L'homme face à son environnement, aux agressions de la vie quotidienne et aux
risques majeurs
XIII - Ethique et les Médecines " Douces "
XIV - Ethique et les Droits des Patients
- Droit aux soins
- Droit à la discrétion
- Droit au consentement éclairé
- Droit de ne point souffrir
XV - Ethique et la recherche bio-médicale
- Ethique et essais thérapeutiques
- Recherche et protection de la personne humaine et de sa dignité
XVI - Ethique et la solidarité humaine
- Consommation, sous-consommation et exclusion des soins médicaux
-Ethique et médecine à 2 vitesses ou à 5 vitesses
- Ethique et médecine humanitaire
XVII - Médecins , Ethique de la Santé et Droits de l'Homme
XVIII- Ethique et la Société
- Ethique et contraintes socio-économiques
- Le rôle de l'état dans la santé
- Ethique et le syndicalisme médical
- Ethique médicale et la politique
- Médecins et Média
- Ethique médicale et télématique
XIX - Ethique au quotidien
En pratique clinique, face aux situations diverses,outre ces grands principes théoriques, les stratégies décisionnelles, souvent difficiles, imposent au médecin un choix, notamment thérapeutique, où un paramètre éthique doit être pris en compte à côté des paramètres bio médicaux. C'est ainsi qu'il existe des
- Problèmes éthiques en Cardiologie
- Problèmes éthiques en Gynécologie
- Problèmes éthiques en Chirurgie
- Problèmes éthiques en Neurologie
- Problèmes éthiques en Psychiatrie
- Problèmes éthiques en Gériatrie
- etc..
L'ensemble de ces thèmes, qui s'enrichit chaque jour, dont chacun pourrait faire l'objet d'un livre ou d'un vaste séminaire, mérite bien, nécessite même un enseignement individualisé et autonome avec des objectifs détaillés, des cours appropriés, son corps enseignant, ses outils pédagogiques et ses méthodes d'évaluation.
2° Le second caractère fondamental de cet enseignement est d'être assimilable et adapté à l'aptitude décisionnelle de l'étudiant. Cela pose les questions de sa place chronologique dans le cursus des études médicales. Si l'abord de la réflexion éthique au cours du premier cycle est utile à la sensibilisation de l'esprit de l'étudiant, il n'est absolument pas suffisant pour l'exercice de ses responsabilités de futur médecin. L'apprentissage des choix stratégiques sous l'angle éthique ne peut se faire que lorsque la culture médicale de l'étudiant est déjà avancée lui permettant la compréhension approfondie de problèmes complexes et une aptitude décisionnelle suffisante. C'est ce qu'on peut appeler un enseignement adapté et assimilable et qui a sa place au cours du 2ème cycle, surtout à la fin, et au 3è cycle des études médicales.
Ces deux conditions de suffisance et d'efficacité ont donc été prises en compte dans notre enquête sur l'état actuel de l'enseignement de l'éthique médicale en France.
Les résultats de cette enquête sont partiels et incomplets. Mais il sont suffisamment indicatifs pour être soumis à la réflexion et à la discussion de cette assemblée pédagogique.
D'ores et déjà on peut affirmer que cet " état des lieux " est extrêmement décevant. Dans presque la moitié des Facultés, il n'existe aucun enseignement autonome et adapté de l'éthique médicale. Dans beaucoup d'autres, cet enseignement est mal défini, insuffisant et disparate.
Mais en revanche, il existe une raison d'optimisme qui se dégage de l'enquête et des lettres qui accompagnent les questionnaires, ainsi que des contacts divers que j'ai eux avec les collègues des différentes disciplines depuis plusieurs mois, c'est une prise de conscience très large de l'importance de l'enseignement de l'éthique médicale et de l'impérieuse nécessité de combler dans les meilleurs délais cette lacune pédagogique. Cela doit nous encourager à joindre nos efforts de réflexion et de concertation et à ne pas reculer devant les difficultés d'ordre à la fois conceptuel et opérationnel de cette pédagogie.
Pour ma part, je suis sûr que si on n'aura pas résolu tous les problèmes, on aura sans doute beaucoup avancé à la fin de ces premières Journées Pédagogiques d'Ethique Médicale d'Amiens.
Retour accueil premières journées pédagogiques d'éthique médicale d'Amiens
Pr. Pierre CUER
Quelques motivations
Médecine prédictive et préventive, traitement de la douleur, maîtrise de la naissance, statut de l'embryon, biologie moléculaire, génétique, toute nouvelle connaissance, parce qu'elle permet un progrès de la santé et de la qualité de vie, porte en elle de nouvelles responsabilités. Les choix de ces techniques que chacun, dans la société, sera amené à faire ou à préconiser selon ses valeurs, exigent son instruction mais aussi son éducation. Sans elles, les décisions majeures, au lieu d'être démocratiquement l'affaire de tous, ne seraient le privilège que de quelques-uns.
Le choc de Nuremberg et l'avancée rapide d'une scientification biomédicale ont incité l'OMS, en 1947, à prôner un rôle plus humain au médecin-guérisseur, étendu au bien-être mental et social, afin d'améliorer la qualité de vie de son patient. La nouvelle Association Médicale Mondiale actualise alors le serment d'Hippocrate et après, Tukesgee, règlemente "éthiquement" l'expérimentation médicale (Helsinki 1966 - Hong-Kong 1989).
Un peu d'histoire
Dès 1970, les USA, sous l'égide de théologiens libéraux (D. CALLAHAN, J. FLETCHER, F. RAMSAY) et de philosophes (tels H.F. ENGELHARDT, R. HARE ), prennent l'initiative d'une analyse éthique des problèmes de santé conduisant à la constitution de comités d'éthique et à l'incitation à une initiation éthique progressive dans les cent vingt sept écoles médicales. Le mouvement est suivi au Canada dans les seize écoles médicales, ainsi qu'en Grande-Bretagne.
Dans les pays de l'Europe "continentale" les plus développés en Biomédecine, des comités d'éthique ad hoc, nationaux depuis 1983 (France), sont mis en place, ainsi que des initiations à l'éthique médicale, rarement obligatoires, axées le plus souvent sur des soins hospitaliers spécifiques, les formations générales étant parfois organisées par des établissements confessionnels (de WACHTER au Pays-Bas, N. LERY à Lyon, J.M. MANTZ à Strasbourg, J.F. MALHERBE et G. HOTTOIS à Bruxelles, D. GRACIA à Madrid, E. SGRECCIA à Rome, académies allemandes de Fribourg et Göttingen, Doctorat à Necker-Paris, Réseau du Conseil de l'Europe).
L'Amérique du Sud (PAHO), secondée par l'OMS et l'UNESCO, développe rapidement ces dernières années, des centres d'éducation à l'éthique, notamment au Chili et en Argentine où une chaire de Bioéthique a été créée par l'UNESCO. La Tunisie, dès 1992, prend l'initiative en Afrique du Nord, le Japon et les Indes organisent des forums éducatifs d'éthique, notre Réseau(1)#
ANOT± u`Iprolonge son action dans quelques pays de l'ancienne Europe de l'Est, au Cameroun, au Liban...
Enseignements et formations actuelles
Après les déclarations de l'A.M.M. sur l'enseignement et la formation médicale en Ethique de Madrid (1987) et de Malte (1991), plusieurs enquêtes et rapports détaillés étant parus ces dernières années sur l'enseignement et la formation de la Bioéthique en Europe et dans le Monde(2), nous nous attacherons, en vue d'aider les organisateurs de cette réunion, à souligner tout d'abord l'influence actuelle des prémisses fondatrices de l'Ethique, différents entre USA et Europe. Aux USA, on utilise essentiellement les valeurs consensuelles du respect des personnes, de bienfaisance, du développement de la notion bénéfice/risque, et d'équité. En Europe, cette Ethique est essentiellememnt basée sur les valeurs afférentes à la dignité humaine. Comme pour la composition des comités d'éthique, nous soulignerons ensuite l'évolution interdisciplinaire des formations, notamment le rôle de la magistrature, de la déontologie, de la philosophie, des théologies et de la sociologie. Nous terminerons en mentionnant quelques difficultés dans la formation de formateurs.
Comme dans les comités d'éthique, plusieurs formateurs ont en effet rapporté qu'un consensus interdisciplinaire par objectif concret était réalisable, en pratiquant une dialectique et une concertation très explicatrice et très ouverte, associée à une "phronésis" (sagesse pratique) très aristotélicienne. Le pas éthique fondamentale ne consiste-t-il pas, selon le philosophe kantien réputé K.O. APEL, en une pleine et égale reconnaissance de l'argumentation de chaque interlocuteur et de sa spécificité ?
Par contre, un accord sur les fondements, indispensable à toute formation de formateurs en Bioéthique, nécessite non seulement de longues et incertaines confrontrations, souvent liées à des convictions irréductibles, mais surtout une véritable immersion interdisciplinaire "horizontale" bien difficile, face à une culture interdisciplinaire "verticale" prônant la spécialisation. Toute formation complète en Bioéthique peut donc difficilement être dispensée par les seuls acteurs de la Santé, non préparés jusqu'ici à cette culture interdisciplinaire, malgré l'introduction récente, en France, des Sciences Humaines en première année d'études médicales.
Biblio.
(1) La Santé face aux droits de l'homme, à l'éthique et aux morales.
Cent vingt cas examinés sous l'angle des normes juridiques, des repères éthiques internationaux et européens, des morales catholique, protestante, juive, musulmane, bouddhiste et agnostique, comme aide à la décision et à la pédagogie, par le Réseau européen "Médecine et droits de l'Homme" Editions du Conseil de l'Europe.
(2) Encyclopedia of Bioethics. Bioethics Education. Medicine, nursing, other health professions (vol. 1).
Bioethics Education. B.C. Thornton, D. Callahan, J. Lindemann-Nelson, Hasting center report, 23 n°1 1993 p. 25-29.
Enseignement et formation en éthique médicale dans la communauté européenne. E. Boné, L. Lery, N. Lery, C.R. AECEM 1993.
Etat de l'enseignement de la Bioéthique dans le monde. G. Gerin, rapport UNESCO 1994.
L'enseignement de la Bioéthique en Amérique latine. L. Vidal-Rioja, R. Liskery, actes du C.I.B. (UNESCO) vol. 1 p.75-90 1995.
Bioethics Education in the Americas. Dr. J. Montt Momberg. Intern. Journ. of Bioethics.
1996 vol. 7 n°1 p. 56-57.
Centre de Documentation en Ethique des sciences de la vie et de la santé. Dr. P. Dostatny et B. de Boischevalier 1997.
Retour accueil premières journées pédagogiques d'éthique médicale d'Amiens
Pr J. Marie MANTZ
La pratique médicale interfère, en maintes occasions, avec l'éthique.
Aussi, l'éthique, réflexion active et collective sur les valeurs humaines, doit-elle être enseignée en Médecine ? Comment l'enseigner ?
La méthodologie de l'enseignement de l'éthique telle qu'elle se dégage de nombreuses expériences pédagogiques réalisées depuis plus de 20 ans Outre-Atlantique, en particulier au Québec, et plus récemment en Europe dépend :
- des structures pédagogiques existantes qui conditionnent la place de cet enseignement dans le curriculum des études médicales
- de l'auditoire auquel il s'adresse et de son niveau de connaissances médicales
- des objectifs affichés qui sont de deux ordres :
- dégager la composante éthique d'un problème médical en la distinguant des composantes scientifiques, techniques, économiques voire légales qui les englobent et souvent les masqueront.
- Substituer ensuite à une vérité " révélée " et imposée une approche éclairée et discuter de la solution jugée optimale par le groupe sans sortir des frontières du bon sens ni des limites imposées par la loi.
Quant à la technique pédagogique elle-même, il semble que l'esprit éthique doive l'emporter sur les modalités proprement dites et que toute forme d'enseignement de l'éthique soit bonne dans la mesure où elle privilégie la pédagogie par problèmes et où elle est adaptée à l'auditoire, pluraliste, interactive et carismatique.
Ainsi, sauf exception, les colloques, confrontations et débats si possible précédés d'un travail par petits groupes en ateliers paraissent mieux adaptés à la transmission du message pédagogique que les cours magistraux et autre monologues.
L'enseignement de l'éthique doit imprégner toutes les études médicales avec, en certaines occasions, quelques temps forts et quelques grands moments.
Plusieurs types d'enseignement réalisés à Strasbourg depuis plusieurs années constituent, nous semble-t-il, quelques uns de ces temps forts :
- les conférences de sensibilisation à l'éthique en première année de médecine,
- le stage clinique d'éthique médicale au lit du malade obligatoire en fin de deuxième cycle,
- les confrontations éthiques dans le cadre du Certificat de synthèse clinique et thérapeutique (CSCT) en 6ème année de médecine
- le Diplôme interuniversitaire d'éthique médicale en 3ème cycle.
De nombreux problèmes demeurent :
- la formation philosophique et humaniste des lycéens qui abordent l'Université est insuffisante.
- les Facultés doivent mettre à la disposition de l'enseignement de l'éthique des moyens matériels : locaux, supports modernes de l'information et de la communication,
- le choix des responsables du CSCT, des moniteurs de stage mérite la plus grand attention,
- le problème de l'évaluation de l'enseignement de l'éthique reste entier,
- enfin l'éthique ne peut s'épanouir que dans un climat favorable. Les CHU qui gagneront le pari de l'enseignement de l'éthique sont ceux qui réussiront à faire passer un souffle d'enthousiasme généreux et communicatif à travers le corps enseignant tout entier.
Retour accueil premières journées pédagogiques d'éthique médicale d'Amiens
Dr Nicole LERY
1) L'éthique n'est jamais "première". Simplement parce qu'il n'y a pas d'éthique hors de la réalité. (la réalité dépasse toujours les fictions rhétoriques).
L'enseignement de l'éthique doit donc viser à être "intégré" dans le cursus des études habituelles.
2) Il existe une variété de définitions de l'éthique, bioéthique, éthique médicale... Selon la position qu'on occupe, elle privilégiera le travail "à partir" des normes, règles, valeurs humaines reconnues comme opérantes dans l'humanité (travail de légitimation) ou, comme nous, c'est à partir de leur mise en délibération dans des groupes de pensées hétérogènes qu'elle visera une action, une réponse (travail de régulation) à laquelle chacun pourra se tenir jusqu'à la délibération suivante.
(Schéma 1).
L'enseignement de cette pratique de la décision reste à approfondir.
3) Au sein de cette délibération, il est clair :
- que seules les situations ayant posé problème entre les acteurs seront présentes : il s'agit donc d'un travail sur les limites, c'est-à-dire sur les rares situations non résolues par l'activité spontanée des équipes en situation (moins de 5% selon la répartition dite "normale", au sens gaussien du terme).
- ici, l'enseignement consistera à faire ressortir les différences de regards, d'avis, de convictions, afin de valider la délibération commune, d'où sortira la décision : c'est l'éthique de responsabilité.
4) Lorsqu'on évoque certains thèmes : tortures, traitements inhumains, cruels ou dégradants, étrangers, droits humanitaires : ce sont les juristes et les associations humanitaires qui se montrent intéressés. Lorsqu'on aborde l'embryon, la reproduction, la mort, le sexe, ce sont les soignants et les spiritualistes qui viennent débattre.
L'enseignement doit-il différencier ou faire converger Droits de l'Homme et éthique ? A Lyon, on a choisi de respecter et de faire converger l'ensemble lorsque cela est possible.
5) La recherche apparaît, ici comme ailleurs, être le creuset permanent d'un enseignement sans cesse actualisé. Ceci nécessite d'aménager certains lieux promoteurs, reconnus comme tels.
Ne pas dissocier enseignement et recherche.
Une recherche spécifiquement orientée sur la pédagogie de l'éthique paraît essentielle.
EN SOMME :
Un prérequis utile : une méthode d'accès à l'éthique (un véritable acquis lyonnais).
La pédagogie de l'éthique reste un thème ouvert, actif, et même nécessairement interactif, puisqu'à l'expérience, seule une approche pluridisciplinaire s'avère performante et soutenable. Cette approche n'exclut en rien les compétences, mais les confronte, les pondère, les alimente, pour aider finalement tous les acteurs concernés à "Agir". (Agir en homme d'action, comme le souhaitait Bergson).
Il convient donc d'organiser concrètement la pluridisciplinarité.
L'Ethique de la pédagogie serait un tout autre problème... beaucoup plus "compromettante" pour les enseignants, tous impliqués dans une "carrière" éducative, universitaire ou non. Là encore, nos institutions sont-elles encore et toujours bien socialement désignées pour être des lieux d'enseignement de l'Ethique ?
Pour les lyonnais, dont je représente ici le groupe d'Ethique dite clinique pratique ou quotidienne, c'est à l'acte posé que se mesure finalement "l'éthique", c'est-à-dire aussi bien dans la finalité des objectifs suivis que dans les méthodes, procédures, chemins choisis pour les atteindre. Il est des décisions à prendre, et les professions de soins y sont très concrètement confrontées : poursuivre ou non ? s'entêter ou arrêter ? contraindre ou respecter ? quels avis suivre : celui de la famille proche ? du juriste ? de l'administrateur ? du philosophe ? du théologien ? Quand le malade est solide, autonome, capable, tout va encore, mais lorsqu'il devient muet, dépendant, mourant ?... Bref, nombreuses, variées, surprenantes, sont les interrogations auxquelles tous sont confrontés, inévitablement... Et sans autre préparation que celle, classique, de toute éducation médicale ou infirmier(e) ou aide soignant(e), ou kinésithérapeute, assistante sociale, etc...
La formation est donc une évidente nécessité. Non pas pour suppléer à la formation technique, indispensable solidité première, mais pour la parfaire, et peut-être l'inféoder plus clairement à l'Homme, tout l'homme, celui-là même "qui n'a pas de prix" selon Kant, qui est "doué de conscience et de raison" selon les philosophes de la déclaration des droits de l'Homme, ou qui est "à l'image de Dieu" selon les spiritualistes. Cet Homme que la pédagogie de l'éthique doit sans cesse remettre au centre des préoccupations, sinon elle se perd (il n'y a donc pas d'enseignement de l'éthique dans l'altérité au centre, que l'autre soit admis avec un grand "A" ou un petit "a", et sans implication de l'enseignant lui-même).
Au fond, et très schématiquement, on peut affirmer :
- que "l'éthique" est "enseignable" dans ses fondements, ses cadres, les "passages obligés" que la pensée doit s'astreindre à acquérir : techniques juridiques, déontologiques...
- que "l'éthique" est aussi l'organisation de la "délibération" (Aristote) : ceci demande encore une compétence, plus adaptée à la formation des professionnels, investis dans le travail quotidien.
- que "l'éthique" comporte certes un enseignement des "valeurs" fondatrices de l'individu, et de leur organisation sociale, des "principes", des "convictions" (morales...) mais s'affirme surtout dans le travail concret de pondération du tout... aux fins de déterminer une action... éthique !
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