I. Introduction
*I.1. Définition des termes utilisés
*I.2. Patients auxquels sadressent les recommandations.
*I.3. Cibles professionnelles des recommandations
*I.4. Grade des recommandations.
*II. Problèmes soulevés par une tentative de suicide chez un adolescent
*III. Principes géné raux de la prise en charge des adolescents suicidants
*IV. Prise en charge des adolescents suicidants aux urgences hospitalières
*IV.1. Accueil aux urgences
*IV.2. Examen somatique
*IV.3. Évaluation psychologique
*IV.4. Évaluation sociale
*V. Prise en charge après la période de soins aux urgences
*V.1. Prise en charge hospitalière
*V.2. Prise en charge par un réseau ambulatoire
*VI. Le suivi ultérieur
*VI.1. Préparation de la sortie de létablissement de soins
*VI.2. Modalités du suivi.
*VII. Actions souhaitées
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I.1 Définition des termes utilisés
I.2 Patients auxquels sadressent les recommandations
Les recommandations sappliquent aux adolescents et aux jeunes suicidants, âgés de 11 à
20 ans. Elles peuvent être étendues jusque vers 25 ans, la limite dâge supérieure de la dépendance au milieu familial et des comportements psychosociaux propres à ladolescence étant difficile à définir avec précision.
I.3 Cibles professionnelles des recommandations
Les recommandations qui suivent répondent plus particulièrement à trois problèmes : laccueil aux urgences hospitalières des adolescents et des jeunes suicidants, la réponse hospitalière et le projet de sortie. Elles sadressent donc en priorité aux acteurs hospitaliers de la prise en charge. Elles sadressent également à tous les professionnels de santé susceptibles de prendre en charge des suicidants, en particulier dans le cadre du projet de sortie de lhôpital.
I.4 Grade des recommandations.
En labsence de précisions, les recommandations reposent sur un accord professionnel.
II. PROBLEMES SOULEVES PAR UNE TENTATIVE DE SUICIDE CHEZ UN ADOLESCENT
Une TS chez un adolescent nest jamais une conduite anodine à mettre sur le compte dune " crise dadolescence ". Elle ne doit jamais être banalisée, si minime soit-elle dans sa dangerosité. Outre la possibilité de survenue de complications somatiques potentiellement mortelles à court terme, le risque principal est la prolongation dune souffrance psychique qui sexprime fréquemment par une récidive suicidaire. Environ un tiers des suicidants récidivent, le plus souvent au cours de la première année, et 1 à 2 % des suicidants décèdent par suicide dans ce délai.
Dans 20 à 30 % des TS, il existe une pathologie psychiatrique sous-jacente (dépression, troubles sévères de la personnalité) qui favorise le passage à lacte. Il faut systématiquement la rechercher, lidentifier et la traiter.
Dans les autres cas, la TS est sous-tendue par des facteurs de risque et par des situations de conflit ou de rupture qui nont pu trouver dautre voie de résolution que latteinte corporelle. Il faut reconnaître la souffrance exprimée au travers de ce comportement et trouver, à un rythme adapté à chaque situation individuelle, les modalités dintervention qui vont permettre la résolution de la crise et la prévention de la récidive. Une TS est aussi un événement permettant la mise en route dune prise en charge et de soins.
III. PRINCIPES GENERAUX DE LA PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS SUICIDANTS
En cas de TS, une triple évaluation somatique, psychologique et sociale doit être réalisée systématiquement.
Tout adolescent suicidant doit être adressé aux urgences dun établissement de soins, où la triple évaluation sera débutée. Cette recommandation repose sur un accord professionnel. Le non recours aux urgences hospitalières ne peut être envisageable que sil est possible déliminer toute gravité somatique immédiate ou différée, et si la triple évaluation peut être débutée immédiatement par un réseau dintervenants extrahospitaliers habitués à prendre en charge des adolescents. Ce réseau doit être préexistant, structuré, clairement identifié et immédiatement mobilisable.
La prise en charge des adolescents suicidants doit reposer sur des principes fondamentaux de travail en équipe pluridisciplinaire, de stabilité et de disponibilité de léquipe et du cadre thérapeutique, de continuité des soins, de souplesse et dadaptation individuelle de la prise en charge. Il est recommandé que soit désigné, pour un patient donné, un professionnel " référent ", cest-à-dire un interlocuteur facilement accessible, qui organise et coordonne les soins et le suivi sur un mode personnalisé, et donne sa cohésion à la prise en charge hospitalière ou dans le cadre dun réseau de soins.
IV.PRISE EN CHARGE DES ADOLESCENTS SUICIDANTS AUX URGENCES HOSPITALIERES
La qualité de laccueil aux urgences et des premiers contacts, et en particulier le respect de la confidentialité paraissent essentielles à la bonne continuité des soins et à ladhésion de ladolescent. Les soins qui seront réalisés doivent être présentés au patient dès que son état somatique et sa vigilance le permettent. Tout en fixant un cadre strict à la prise en charge, il apparaît important de favoriser un climat dempathie, de proximité relationnelle et de confidentialité.
Lexamen somatique initial évalue la gravité immédiate et différée du geste suicidaire et permet de définir le traitement et la surveillance adaptés. Il doit être complété dans un second temps pour évaluer, entre autres, létat général, létat nutritionnel et staturo-pondéral, les comorbidités, lhygiène de vie, le développement pubertaire et la vie sexuelle (en particulier recherche dune éventuelle grossesse en cours). Il apporte des éléments utiles à lévaluation psychologique. Il guide le choix des examens complémentaires, des consultations spécialisées et des traitements éventuellement nécessaires.
Lévaluation psychologique requiert lintervention dun psychiatre, si possible formé à lapproche des adolescents (recommandations de grade C). Elle doit débuter le plus précocement possible, en général dans les 24 heures qui suivent ladmission, dès que létat somatique et la vigilance le permettent. Il faut sassurer quelle peut se dérouler dans un climat de confidentialité et de compréhension permettant de poser les bases du projet thérapeutique. Cette étape dévaluation est en soi thérapeutique si elle est réalisée dans de bonnes conditions. Les objectifs de lentretien initial sont le recueil des premières plaintes psychiques, létude du contexte de la crise, et la recherche dune éventuelle pathologie psychiatrique et de signes de gravité pouvant faire craindre une récidive à court terme. Il est généralement impossible de recueillir dans le contexte des urgences tous les éléments nécessaires à lévaluation psychologique, lessentiel étant de préparer les entretiens qui suivront.
Les éléments à réunir concernent en particulier :
Bien quaucun critère ne soit formellement prédictif, il faut rechercher les éléments faisant craindre une récidive à court terme de la TS :
Il est nécessaire de rencontrer les parents et/ou lentourage proche, afin dappréhender leur propre vécu, de recueillir leurs difficultés et leurs plaintes, et dapprécier la qualité de létayage à lextérieur de lhôpital.
Elle doit préciser le contexte social de lentourage, la situation scolaire ou professionnelle de ladolescent, son niveau dadaptation et lexistence éventuelle dun suivi social en cours. Elle peut conduire à alerter les services sociaux et/ou les autorités judiciaires en cas de maltraitance ou dabus sexuels. Elle nécessite lintervention dun(e) assistant(e) social(e) au sein de léquipe.
V. PRISE EN CHARGE APRÈS LA PÉRIODE DE SOINS AUX URGENCES
Lévaluation psychologique, familiale et sociale doit être poursuivie, parallèlement à la mise en route des soins. Deux modes de prise en charge sont envisageables en fonction des possibilités locales et de chaque cas particulier : une prise en charge hospitalière ou par un réseau ambulatoire. Il nexiste pas détude comparant ces deux modalités et permettant de définir si lune est meilleure que lautre. A défaut de cette donnée, un accord professionnel existe actuellement pour favoriser la prise en charge hospitalière des adolescents.
V.1 Prise en charge hospitalière
Lhospitalisation doit être la règle, tout particulièrement en cas :
Idéalement, lhospitalisation du patient se déroulera dans une unité adaptée à recevoir des adolescents et reconnue dans le schéma de santé local pour sa compétence dans ce domaine. Selon les contraintes locales, il peut sagir de services de crise et durgences psychiatriques, de psychiatrie infanto-juvénile ou dadultes, de pédiatrie, voire de médecine qui se chargent de cette mission.
Il ny a pas de règle standardisée concernant la durée optimale de séjour, même si lexpérience montre quune durée dune semaine est souvent nécessaire pour compléter lensemble de lévaluation et mettre en place le projet de sortie.
Une hospitalisation qui viserait seulement à mettre temporairement ladolescent à lécart de ses difficultés extérieures, sans autre forme de soins, ne peut suffire et ne parait pas être supérieure en efficacité à un suivi ambulatoire. Il est essentiel que soient développés simultanément et dès le début du séjour hospitalier, des soins somatiques et psychiques (recommandation de grade C).
V.2 Prise en charge par un réseau ambulatoire
En labsence dindication dhospitalisation, le relais sous forme dune prise en charge ambulatoire intensive par un réseau dintervenants extrahospitaliers peut être également envisagé. Ce réseau doit pouvoir assurer la poursuite de lévaluation et les soins. Selon les cas, ce réseau peut faire intervenir les centres médico-psychologiques sectoriels ou intersectoriels, mais aussi des centres daccueil et de crise, des praticiens libéraux, médecin généraliste ou psychiatre.
VI.1 Préparation de la sortie de létablissement de soins
Quelle se fasse directement à partir du service durgences vers un réseau de soins ou de lunité hospitalière qui a pris en charge ladolescent après laccueil aux urgences, la sortie de lhôpital doit être soigneusement préparée. Elle doit être adaptée à chaque cas particulier.
Les liens préalables doivent être établis entre léquipe hospitalière et les intervenants extérieurs qui vont participer à la prise en charge (selon le cas, médecin généraliste, psychiatre, travailleurs sociaux, médecin ou infirmière scolaires, éducateur) pour permettre une information réciproque, une coordination, une prise en charge et un suivi corrects de ladolescent. Cette préparation conditionne la qualité du suivi, ladhésion de ladolescent et limpact à court et moyen terme de la prise en charge.
Des suivis structurés, planifiés, reposant éventuellement sur des programmes psychothérapiques préparés, permettent daugmenter ladhésion aux soins et de diminuer le nombre de récidives suicidaires. Des rendez-vous de consultation planifiés au préalable par léquipe hospitalière, avec des intervenants connus par ladolescent et acceptés par lui, sont plus souvent honorés. Ladhésion du patient à ce suivi parait augmentée lorsquil lui est proposé initialement de consulter des membres de léquipe qui la pris en charge lorsquil était hospitalisé, par exemple dans un dispensaire rattaché à lhôpital. Des études démontrent lutilité de fournir au suicidant des coordonnées écrites lui permettant de joindre et de consulter rapidement un correspondant quil connaît ou une unité de consultations (recommandations de grade B).
Dans les cas où l'adolescent ne se présente pas aux rendez-vous de consultation, il est utile que les intervenants concernés effectuent des rappels de ces rendez-vous, au besoin par téléphone, pour aider à lintégration dans le schéma de soins. Dans les cas où de nombreux indices de détresse persistent, il parait utile dagir sur le lieu de vie si cela est organisable, par exemple par des visites à domicile, des réunions de synthèse avec les travailleurs sociaux ou les éducateurs, un soutien psychologique auprès de la famille ou en hospitalisant à nouveau si nécessaire ladolescent dans lunité qui la auparavant accueilli.
Les disparités dans les moyens de prise en charge et de soins aux adolescents en France imposent une réflexion et lélaboration de stratégies adaptées pour permettre à chaque adolescent en détresse de trouver des réponses reposant sur des principes fondamentaux de qualité et de spécificité des soins. Des actions de formation et des moyens supplémentaires au niveau des équipes d'accueil doivent être développés. Il parait souhaitable au groupe de travail dinciter à la création de structures de prise en charge bien identifiées dans les établissements de soins et dans les réseaux ambulatoires, avec des " référents " identifiés par tous les acteurs de la prise en charge.
Encadré n°1 : Paramètres repérés par léchelle dintentionnalité suicidaire de BECK
A. Circonstances objectives de la TS 1. Isolement (une personne était-elle présente ou a-t-elle été jointe par téléphone par le suicidant ? ) 2. Gestion du temps (la TS a-t-elle été planifiée de manière à ce que le patient ne puisse pas être découvert ?) 3. Précautions prises pour ne pas être découvert (par exemple TS dans une pièce fermée à clé) 4. Dissimulation de la TS aux personnes présentes (le sujet a-t-il évoqué sa TS lorsquil a été sollicité ?) 5. Actes réalisés en prévision de la mort (changements de projets, cadeaux inhabituels) 6. Préparation de la TS 7. Intention écrite de TS 8. Communication verbale de lintention suicidaire 9. But de la tentative (y avait-il une intention de disparaître ?) B. Propos rapportés par le patient 10. Attentes par rapport à la létalité du geste (le patient pensait-il quil allait mourir ?) 11. Appréciation de la létalité de la méthode employée (le patient a-t-il utilisé un moyen plus dangereux que ce quil croyait être ?) 12. Gravité perçue du geste suicidaire (le patient pensait-il que ce geste suicidaire était suffisant pour mourir ?) 13. Attitude ambivalente par rapport à la vie (le patient souhaitait-il réellement mourir ?) 14. Perception de lirréversibilité de lacte (le patient était-il persuadé de mourir malgré déventuels soins médicaux ?) 15. Degré de préméditation (le geste a t-il été impulsif ou a t-il succédé à plusieurs heures de réflexion à son sujet ?) 16. Réaction à lissue de la prise en charge (le patient regrette-t-il dêtre en vie ?) 17. Représentation de la mort (la mort est-elle représentée de façon positive ?) 18. Nombre de TS antérieures (y a-t-il eu dans le passé plusieurs TS ? Ont-elles été rapprochées ?) |