Dès la prime
enfance, le “ T’es fou ! ” est lié au
“ Tu vas aller au ‘18’ ”,
“ …au
‘104’ ”, “ …à
‘Charenton’ ”, “ …à ‘Lannemezan’… ”,
“ …à Armentirères ” :
c’est une exclusion d’abord territoriale (exil des
aliénés).
L’image de la psychiatrie et des patients psychiatriques dans le
public est à la fois négative et ambivalente. Elle reste
fortement liée en France à l’existence de
l’hôpital psychiatrique et des notions d’enfermement qui
l’entoure[1]. Les
“ fous ” hier, “ malades mentaux ”
aujourd’hui sont perçu comme dangereux, et leurs actes et paroles
comme échappant à toute considération rationnelle. De ce
fait, toute personne ayant des troubles mentaux aura beaucoup de
difficulté à s’identifier à ces images et, par
contre-coup, à admettre ses troubles. Même s’il existe en
Europe des compensations financières pour les malades chroniques, il
nous faut constater le retentissement moral et psychologique reste handicapant
pour la plupart de ces personnes ainsi, par ricochet, que pour leur famille et
proches.
Si le concept de dépression est aujourd’hui plus facilement
admis, quasiment personne ne peut se considérer comme ayant
été soigné un jour dans sa vie pour
“ folie ” ou “ maladie mentale ”.
Ces termes mal définis sont par contre clairement
connotés. Les conduites dangereuses (meurtre, viol, inceste, conduites
violentes) sont fortement associées au “ malade
mental ” ou au “ fou ”. La population pense
que c’est seulement à l’hôpital psychiatrique que
l’on peut soigner ces “ maladies ”, avec un
traitement médicamenteux. Les alternatives de secteur sont peu citées
spontanément. De ce fait, les troubles mentaux entraînent
l’exclusion du groupe social et gênent voire empêchent les soins précoces. De plus, il
n’est pas rare que les professionnels de la psychiatrie et du champ
social partagent eux-mêmes ces représentations, ce qui n’est
pas sans effets sur le soin.
Mais ces images restent ambivalentes, la population pense que si ces
personnes exclues sont soignées elles peuvent alors être
intégrées dans leur famille.
La lutte contre les préjugés sera l’un des vecteurs
essentiels de la nouvelle organisation des soins que nous proposons. Elle
nécessitera un plan de communication national, des centres de ressources
régionaux et des applications locales dans les Réseaux
territoriaux de santé mentale (cf. plus loin).
Changer les représentations sur les maladies mentales c’est
permettre à chacun d’en parler. L’ancien Premier Ministre de
Norvège a ainsi annoncé il y a environ deux ans, qu’il
devait suspendre ses activités quelque temps car il souffrait de
dépression. Il a ensuite repris ses fonctions, sans que cela ait
posé problème pour les citoyens de son pays[2].
Un exemple pour le monde entier ?
1. Mettre en place une aide financière nationale aux associations d’usagers agréees, leur permettant d’exister et de remplir leurs missions, aussi bien auprès des autres usagers que dans les instances officielles (locales, départementales, régionales et nationales) d’élaboration et de décision.
2. Promouvoir la création de postes d’ “ agents de développement des associations ” (comme cela existe au Québec).
3. Reconnaître le congé de représentation pour que les représentants d’usagers puissent siéger aux instances des établissements de santé, ainsi que dans les instances locales, départementales, régionales ou nationales.
4. Organiser la participation des associations d’usagers et de familles à :
§ l’élaboration de politiques publiques
§ la planification de programmes
§ l’offre de services
§ la formation et l’enseignement
§ la recherche et l’évaluation
5. Organiser des formations spécifiques pour les représentants des usagers et des familles siégeant aux instances des établissements de santé ainsi que dans les instances de décision locales, départementales, régionales et nationales, afin de leur donner les outils nécessaires à la prise de décision (à l’exemple de l’initiative prise par la conférence des présidents de CME de CHS en 2000).
6. Réviser la loi du 27 juin 1990, afin de la mettre en conformité avec le droit européen et l’évolution de la jurisprudence française (développé plus loin)
7. Permettre l’accès direct au dossier patient quel que soit le mode de prise en charge (obligatoire ou libre), comme dans toutes les autres prises en charge médicale. Ceci doit respecter le droit à la protection des informations concernant la personne. Il conviendra de déterminer précisément ce qu’un dossier doit obligatoirement (légalement) contenir et faire la différence entre dossier et notes personnelles de travail.
8. Soutenir l’officialisation et la diffusion des chartes de bonne conduite auprès de professionnels du champ sanitaire et médico-social (“ Charte de l’usager en santé mentale ”)
9. Donner aux associations agréées d’usagers la possibilité de représenter une personne, à sa demande express et de la rencontrer librement qu’elle soit hospitalisée ou soignée à domicile. (L’exemple des associations d’anciens buveurs, qu’il faut ici souligner, montre le chemin du partenariat positif avec ces associations dans certaines stratégies thérapeutiques).
10. Organiser des formations croisées professionnels-usagers, auprès des professionnels et des usagers, mais aussi des étudiants en soins infirmiers, des étudiants éducateurs, travailleurs sociaux et en internat de psychiatrie.
11. Informer le grand public sur les maladies mentales, par des campagnes de sensibilisation et de promotion développées sur le mode classique utilisé dans d’autres secteurs de la Santé publique.
12. Informer sur l’organisation du système de santé mentale, les métiers concernés et le rôle de chacun dans le dispositif (psychiatre, psychologue, travailleurs sociaux, infirmiers, médecins généralistes, pharmaciens…)
13. Développer des outils scientifiques informatifs sur les maladies, les traitements, les recours, (brochures, sites internet, CD-Rom, livres, à l’image de ce qui se fait en Angleterre) sur des cibles variées (grand public, adolescents, usagers, professionnels…).
14. Mettre en place une formation universitaire à l’Information en Santé mentale, dans le contexte de la Santé Publique ou plus large.
15. Axer la communication interprofessionnelle et grand public sur la prévention généralisée, qui s’applique à tous les niveaux des interventions : avant la crise, pendant la crise, après la crise.
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Dernière mise à jour : lundi 3 septembre 2001 10:23:55 Dr Jean-Michel Thurin |