N° 13 Juillet/Août 1998

Photo Pix : R. Gaul



Sommaire


Le comité

SCIENTIFIQUE

H. Allain (Rennes)

J.-M. Azorin (Marseille)

M. Bourin (Nantes)

P. Boyer (Paris)

J.-P. Chabannes (Chambery)

J.-M. Danion (Strasbourg)

G. Darcourt (Nice)

M. Faruch (Toulouse)

M. Ferreri (Paris)

J. D. Guelfi (Villejuif)

J.-P. Kahn (Toul)

J.-P. Olié (Paris)

P.J. Parquet (Lille)

M.F. Poirier (Paris)

A. Puech (Paris)

F. Rouillon (Colombes)

D. Sechter (Besançon)

J.-L. Terra (Lyon)

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Editorial

Le meilleur des mondes(Vincent Caillard)

Focus

Freud a-t-il existé? (Vincent Caillard)-
ECT et Prolactine (Patrick Delbrouck)-
Transmission familiale des conduites suicidaires
(Françoise Chastang)-
ECT Texan (Patrick Delbrouck)-
ECT: deux ou trois fois? (Patrick Delbrouck)-
Attitude des adolescents face au suicide (Françoise Chastang)-
Conduites d’immolation en Inde (Françoise Chastang)-
ECT: plus c’est long, plus c’est bon? (Patrick Delbrouck)-

Jalons

La dépression selon Helen Mayberg
(Renaud de Beaurepaire) -
Neuropeptides, sommeil et dépression (Patrick Delbrouck) -

Le comité de

RÉDACTION



PUBLICATION :

Serge Friedman
Dominique Denninger

RÉDACTION :

Vincent Caillard
(Rédacteur en Chef)



Daniel Bailly (enfant et adolescent)
Thierry Baubet (ethnopsychiatrie)
Renaud de Beaurepaire (neurobiologie)
Marc Bourgeois (deuil et dépression)
Olivier Canceil (génétique)
Françoise Chastang (épidémiologie)
Jean Michel Chignon (comorbidités)
Jean Cottraux (psychothérapie)
Quentin Debray (dépression et personnalités)
Patrick Delbrouck (ECT, imagerie)
Pierre Morel (histoire, humeurs)
Françoise Radat (événements stress)
Hélène Verdoux (trouble bipolaire)


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Revue des revues

chronobiologie

clinique

comorbidité

culture

cycles rapides

dépressions résistantes

enfance, adolescence

épidémiologie

essais thérapeutiques

événements

génétique

imagerie

lithium

médico-économie

neuroendocrinologie

neuromédiateurs


neurophysiologie

neuropsychologie

personnalité

pharmacologie

post-partum

prévention

psycho-immunologie

psychométrie

psychothérapie

seconds messagers

sismothérapie

sommeil

suicide

sujet âgé

thérapeutique

trouble bipolaire

Biologie

Dépression à la Nouvelle-Orléans

Deuxième partie: Thymostabilisateurs, électrochocs,  imagerie cérébrale (Renaud de Beaurepaire)

Humeur

Chants magnétiques (Pierre Morel) -


EDITO


LE MEILLEUR DES MONDES
On n’arrête pas le progrès : après la pilule du bonheur, la pilule du conformisme social!
Voilà qu’une équipe américaine a eu la bonne idée d’étudier les effets, sur certaines caractéristiques de la personnalité voire du caractère, d’une de ces substances sérotoninergique actuellement prônées dans diverses pathologies psychiatriques (dépressions, obsessions, angoisses). Le titre de l’article qui décrit cette expérience est un peu effrayant : «Modification sélective de la personnalité et du comportement social au moyen d’une intervention sérotoninergique».
Cinquante et un volontaires sains recrutés par voie de presse ont accepté de se prêter à cette investigation, et la procédure d’inclusion prévoyait même d’écarter les sujets ayant dans leurs apparentés du premier degré toute personne ayant souffert d’un quelconque trouble de l’humeur. Le traitement consistait en 20 mg de paroxétine administrés quotidiennement pendant un mois, contre placebo, en double aveugle, selon une procédure randomisée en deux groupes parallèles. Un certain nombre d’investigations psychologiques étaient pratiquées avant le début du traitement, puis après une semaine, et enfin après 4 semaines, fin de l’étude. Notamment, l’hostilité (agression, irritabilité) était évaluée avec les sous-échelles correspondantes de l’inventaire d’hostilité de Buss-Durkee et les dimensions affectives de la personnalité étaient mesurées par les «Positive and Negative Affect Scales». Une évaluation du comportement de coopération sociale était pratiquée par une méthodologie sophistiquée faisant appel à des caméras cachées enregistrant les efforts conjoints de paires de sujets (un sous paroxétine couplé à un sous placebo) au cours d’épreuves de résolution de puzzles. Informés après coup de la procédure d’enregistrement à leur insu, les sujets avaient le droit de refuser que les bandes les concernant soient évaluées, mais aucun ne l’a demandé. Les enregistrements ont alors été côtés par des investigateurs non informés du traitement reçu, afin d’attribuer un score de comportement d’affiliation.
Dans ces conditions, on constate une modification progressive des caractéristiques des sujets recevant la paroxétine, avec une diminution du score d’agression, ainsi qu’une diminution des affects négatifs, ces deux évolutions étant par ailleurs corrélées aux taux plasmatiques de la molécule. En ce qui concerne les scores comportementaux obtenus à la suite de l’épreuve des puzzles, on observe aussi une augmentation des comportements affiliatifs dans le groupe des patients recevant le principe actif, et là encore, la corrélation est positive avec les taux plasmatiques de paroxétine.
Les auteurs sont donc fiers de pouvoir conclure qu’il s’agit là de la première démonstration expérimentale que l’administration répétée d’un IRS peut avoir des effets mesurables sur la personnalité et sur le comportement, avec en particulier modulation d’une dimension de la personnalité normale caractérisée par une diminution des expériences affectives négatives, et une augmentation des comportements d’affiliation sociale. Ceci, soulignons le, observé chez des sujets soigneusement sélectionnés pour leur absence de psychopathologie personnelle ou familiale. La porte est donc ouverte à la «dissection pharmacologique» des composantes de la personnalité.
Ce n’est pas la première fois que les sérotoninergiques sont impliqués ou évoqués à propos de troubles ou de caractéristiques de la personnalité, et l’on se rappellera la campagne de presse orchestrée à propos de l’un d’eux et de l’exacerbation de certaines caractéristiques agressives ou impulsives de la personnalité. Avec le recul, il n’en est rien resté de consistant, et une étude israélienne récente semble bien indiquer que la dite molécule n’entraîne pas d’effets psychiques subjectifs ou observables, chez une quinzaine de volontaires sains traités pendant 6 semaines. Les auteurs concluent que des effets d’élévation de l’humeur ou autres manifestations psychologiques apparentées ne peuvent être induites par cet IRS qu’en présence d’une cible clinique bien définie. Mais ce travail rassurant ne portait pas sur le même type de dimension du fonctionnement social ou de la personnalité que dans l’étude précédente.
Alors la question reste posée, et le fait qu’elle le soit mérite une réflexion critique, et peut-être aussi un débat sur les précautions éthiques à mettre en oeuvre, voire aux «garde-fous» à dresser, dans cette exploration d’un nouveau genre d’un terrain bien délicat qu’est l’exercice d’une manipulation des caractéristiques du psychisme humain en dehors de toute pathologie.
Vincent Caillard
 
Knuston B. et coll
Selective alteration of personality and social behavior by serotoninergic intervention
Am. J. Psychiatry 155 : 373-379, mars 1998
 
Gelfin Y., Gorfine M., et Lerer B.
Effect of clinical doses of fluoxetine on psychological variables in healthy volunteers
Am. J. Psychiatry 155 : 290-292, février 1998