N° 9 Octobre/Novembre 1997



Sommaire


Le comité

SCIENTIFIQUE

H. Allain (Rennes)

J.-M. Azorin (Marseille)

M. Bourin (Nantes)

P. Boyer (Paris)

J.-P. Chabannes (Chambery)

J.-M. Danion (Strasbourg)

G. Darcourt (Nice)

M. Faruch (Toulouse)

M. Ferreri (Paris)

J. D. Guelfi (Villejuif)

J.-P. Kahn (Toul)

J.-P. Olié (Paris)

P.J. Parquet (Lille)

M.F. Poirier (Paris)

F.Rouillon (Créteil)

D. Sechter (Besançon)

J.-L. Terra (Lyon)

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Editorial

Où sont donc soignés les déprimés (Viviane Kovess et Françoise Chastang)

Focus

(Hélène Verdoux)(Hélène Verdoux)
Smoking, no smoking (Françoise Chastang)
ECT et sommeil (Patrick Delbrouck)
ECT et sommeil, bis (Patrick Delbrouck)
Opinions sur les causes de la dépression (Françoise Chastang)
Sevrage du lithium
Méta-analyse du risque suicidaire (Françoise Chastang)
ECT : Comment prédire la réponse (Patrick Delbrouck)
Folates, vitamines B 12, homocystéine et dépression (Patrick Delbrouck)
La carbamazépine dans le trouble bipolaire

Jalons

De la dépression chez les jumelles (Thierry Baudet)

Dix ans de dépression de l'enfant et de l'adolescent (Daniel Bailly)

Le comité de

RÉDACTION



PUBLICATION :

Serge Friedman
Dominique Denninger

RÉDACTION :

Vincent Caillard
(Rédacteur en Chef)



Daniel Bailly (enfant et adolescent)
Thierry Baubet (ethnopsychiatrie)
Renaud de Beaurepaire (neurobiologie)
Franck Bellivier (génétique) Marc Bourgeois (deuil et dépression)
Françoise Chastang (épidémiologie)
Jean Michel Chignon (comorbidités)
Jean Cottraux (psychothérapie)
Quentin Debray (dépression et personnalités)
Patrick Delbrouck (ECT, imagerie)
Pierre Morel (histoire, humeurs)
Françoise Radat (événements stress)

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Revue des revues

biologie
chronobiologie
clinique
comorbidité
culture
dépressions chroniques
dépressions résistantes
deuil
enfance, adolescence
essais thérapeutiques
événement
génétique
imagerie
lithium
médico-économie
neuro-endocrinologie
neuromédiateurs
personnalité
pharmacologie
pharmacocinétique
post-partum
prévention
psychométrie
seconds messagers
sommeil
suicide
sujet âgé
thérapeutique
trouble bipolaire

Biologie

Dans la chaleur de la nuit

(Renaud de Beaurepaire)

Humeur

Perles à rebours(Pierre Morel)







EDITO


OU SONT DONC SOIGNÉS LES DÉPRIMÉS ?

Les troubles dépressifs sont parmi les troubles les plus fréquemment retrouvés dans les enquêtes de population générale qui utilisent des instruments permettant de porter des diagnostics suivant les classifications habituellement utilisées (CIM 10 ou DSM dans ses différentes versions).
Bien entendu leurs prévalences varient suivant que les chiffres proviennent d’une enquête en population générale ou de statistiques obtenues à partir des enregistrements faits dans les différents lieux du système de soins.
Le tableau suivant montre les prévalences obtenues lors d’une compilation des diverses enquêtes faites en France.
ESTIMATION DE LA PRÉVALENCE PONCTUELLE DE LA DÉPRESSION EN FRANCE
POPULATION GÉNÉRALE : 5 à 6 %
CONSULTATIONS EN MEDECINE GENERALE : 9 à 14 %
HOSPITALISATION EN MEDECINE-INTERNE : 10 à 20 %
HOSPITALISATION EN PSYCHIATRIE PRIVÉE : 26 %
CONSULTATIONS EN PSYCHIATRIE LIBÉRALE : 26 %
CONSULTATIONS EN SECTEUR PUBLIC : 18 %
HOSPITALISATION EN PSYCHIATRIE PUBLIQUE : 7 à 10 %
 

On peut y constater qu’à un moment donné c’est en hospitalisation privée et dans les consultations des psychiatres libéraux que se trouvent les plus fortes prévalences de déprimés, tandis que les prévalences les plus faibles sont en hospitalisation publique et dans la population générale.
Cependant ce tableau ne permet pas de connaître les volumes relatifs. Un calcul, certes approximatif, permet à partir des chiffres absolus, de décrire la répartition des tous les cas de troubles dépressifs à un moment donné dans la population adulte française :
 
POURCENTAGE RELATIF DE DÉPRIMÉS SUR UNE SEMAINE
Camembert









Bien entendu ces chiffres sont des approximations cependant les différences d’ordre sont telles qu’ils reflètent une réalité :
- Plus de 50 % des patients déprimés suivant des critères diagnostics précis, ne consultent pas pour ce problème.
- La majorité des sujets déprimés (36 %) fait appel au médecin généraliste et le système de soin spécialisé ne concerne que 6 % des déprimés, seuls 0,6 % étant hospitalisés ;
- Les déprimés sont donc peu hospitalisés ; Dans ce cas environ 40% sont dans les services de psychiatrie publique sectorisés, 25 % dans les cliniques psychiatriques privées, 30% dans les services de médecine hors psychiatrie auquels on peut ajouter 2% dans les services de psychiatrie publique non sectorisés (AP de Paris par exemple).
Ces données appellent bien entendu des commentaires : tous les troubles dépressifs ne sont pas équivalents ; ces statistiques portent sur des troubles correspondant à des critères diagnostiques qui couvrent toute la pathologie dépressive du trouble affectif bipolaire aux épisodes dépressifs simples ou récurrents. L’interprétation de ces chiffres doit en tenir compte et il est probable que les cas non traités en population générale ainsi que ceux qui sont vus par les généralistes sont dans la majorité des cas des épisodes dépressifs tandis que ceux qui sont vus dans le système de soin spécialisé sont plutôt les troubles dépressifs les plus sévères : troubles bipolaires et récurrents; il conviendrait néanmoins de vérifier cette répartition.
De plus ces chiffres sont obtenus à partir d’enquêtes souvent faites dans une région, (quoique certaines sont nationales), et cette répartition varie probablement suivant les régions voire les secteurs.
Le fait que plus de la moitié des personnes souffrant d’épisodes dépressifs ne soient pas prises en charge à un point quelconque du dispositif est par contre un problème qui semble général et pose la question d’une formation des généralistes au dépistage de la dépression. Ce problème qui n’est pas particulier à la France a reçu des réponses diverses dont le programme “defeat depression” proposé par le service médical anglais à partir d’une campagne d’information des médecins soutenu par une documentation adéquate. Signalons aussi le programme de formation des généralistes à la prise en charge des dépressifs de l’Ile de Gotland (Suède) qui a permis de faire baisser le taux de suicide dans cette région.
Ces programme tirent leur intérêt non seulement du fait que les généralistes voient en un an 75% de la population, ce qui les place dans une position idéale pour détecter les troubles dépressifs, mais aussi du fait que, de toute façon, ce sont les généralistes qui traitent la majorité des problèmes dépressifs: 36% versus 4% traités par les psychiatres libéraux et 1% dans le cadre des activités externes des secteurs de psychiatrie publique.
Quant à l’hospitalisation qui ne concerne qu’une très faible part (0,6%) des déprimés, on remarque que la part des hospitalisations pour troubles dépressifs dans les services de médecine non spécialisés est beaucoup plus importante qu’il n’est dit habituellement ce qui place la fréquence de ce mode d’hospitalisation au-dessous de l’hospitalisation en psychiatrie publique et au dessus de l’hospitalisation en clinique privée. Cette constatation pose le problème de la prise en charge de ces personnes qui peut se faire à travers de la psychiatrie de liaison.
Ainsi donc le système de soin spécialisé ne concerne finalement qu’une petite partie des déprimés bien que dans une optique de santé publique le secteur soit responsable de la santé mentale d’une zone géographique. Ceci bien entendu ne signifie pas qu’il doive prendre en charge ces problèmes par ses propres moyens mais qu’il doive s’assurer que ce qui se fait en dehors du système le soit adéquatement.
Les récentes réformes portant sur la formation médicale continue et la mise en place d’une assurance de qualité dans les établissements de santé devraient en partie gérer ces problèmes.

Viviane Kovess1, Françoise Chastang

1 Psychiatre, épidémiologiste, directeur laboratoire de recherche associé université Paris V, MGEN, 34 place Raoul Dautry, Paris 75015