N° 8 Août/Septembre 1997

S P E C I A L  N I C E



Sommaire


Le comité

SCIENTIFIQUE

H. Allain (Rennes)

J.-M. Azorin (Marseille)

J.C. Bisserbe (Paris)

M. Bourin (Nantes)

P. Boyer (Paris)

J.-P. Chabannes (Chambery)

J.-M. Danion (Strasbourg)

G. Darcourt (Nice)

M. Faruch (Toulouse)

M. Ferreri (Paris)

J. D. Guelfi (Villejuif)

J.-P. Kahn (Toul)

J.-P. Olié (Paris)

P.J. Parquet (Lille)

M.F. Poirier (Paris)

F. Rouillon (Colombes)

F.Rouillon (Créteil)

D. Sechter (Besançon)

J.-L. Terra (Lyon)

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Editorial

Evolution des concepts sur les troubles de l'humeur (Guy Darcourt)

Focus

(Françoise Chastang)(Françoise Chastang)(Thierry Baudet)(Françoise Radat)(Quentin Debray)
Dépression du sujet âgé (Patrick Delbrouck)
Continuité/discontinuité des troubles psychiatriques entre l'enfance et l'âge adulte (Hélène Verdoux)
Cortex préfrontal et dépression (Patrick Delbrouck)
Les troubles affectifs saisonniers sous le soleil de Nice
Troubles de l'humeur, stéroïdes ovariens et sérotonine (Thierry Baudet)
Mécanismes d'action des ECT (Patrick Delbrouck)
Enfants-adolescents : la confirmation (Daniel Bailly)
Pharmaco-économie à Nice
Dépression et HIV
Personnalité et dépression : modèles psychobiologiques
E.D. Paykel : antidepressants, achievements and problems

Jalons

Traitement au long terme des troubles de l'humeur : heurs et malheurs (Vincent Caillard)

Le comité de

RÉDACTION



PUBLICATION :

Serge Friedman
Dominique Denninger

RÉDACTION :

Vincent Caillard
(Rédacteur en Chef)



Daniel Bailly (enfant et adolescent)
Thierry Baubet (ethnopsychiatrie)
Renaud de Beaurepaire (neurobiologie)
Marc Bourgeois (deuil et dépression)
Olivier Canceil (deuil et dépression) Françoise Chastang (épidémiologie)
Jean Michel Chignon (comorbidités)
Jean Cottraux (psychothérapie)
Quentin Debray (dépression et personnalités)
Patrick Delbrouck (ECT, imagerie)
Pierre Morel (histoire, humeurs)
Françoise Radat (événements stress) Hélène Verdoux (trouble bipolaire)

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Revue des revues

chronobiologie
clinique
comorbidité
culture
dépressions chroniques
dépressions résistantes
deuil
enfance, adolescence
épidémiologie
essais thérapeutiques
événement
génétique
imagerie
lithium
médico-économie
neuro-endocrinologie
neuromédiateurs
neuropsychologie
personnalité
pharmacologie
pharmacologie
post-partum
prévention
psycho-immunologie
psychométrie
psychothérapie
récepteurs
seconds messagers
sismothérapie
sommeil
suicide
sujet âgé
thérapeutique
trouble bipolaire

Notes de congrès

Vincent Caillard - Thierry Baudet

Forum Pfizer

Dépression et schizophrénie (Patrick Delbrouck)

Dépression et troubles cognitifs (Renaud de Beaurepaire)

Humeur

Le lac des sigles(Pierre Morel)







EDITO


ÉVOLUTION DES CONCEPTS SUR LES TROUBLES DE L’HUMEUR
L’impression qui se dégageait du 6ème Congrès Mondial de Psychiatrie Biologique était que si les modes de prise en charge des troubles de l’humeur évoluaient, les concepts, eux, n’évoluaient pas.
La psychiatrie biologique permet parfois d’éviter les difficultés de conceptualisation clinique. Les paramètres biologiques qu’elle met en évidence deviennent des critères de classification de formes cliniques. Mais cette voie a été peu fructueuse pour la dépression. On sait que le test à la dexaméthasone a déçu les espoirs qu’on mettait en lui. Il n’y a pas beaucoup de pistes nouvelles. Deux ont cependant été proposées à ce congrès. Chez le sujet âgé, le dosage de la vitamine B.12, de l’acide folique, de l’hémocystéïne, permet d’identifier des dépressions qui bénéficient d’un traitement par méthionine. Notion ancienne mais reprise et argumentée (C.G. Gottfries - Göteborg). L’exploration du niveau de fonctionnement du système sérotoninergique (par test à la clomipramine, V. Aubin-Brunet - Nice ou par test au Citalopram, T. Kapitany - Vienne) peut permettre de distinguer des formes de dépression relevant plus spécifiquement des antidépresseurs sérotoninergiques.
Les autres travaux biologiques présentés concernaient la pathophysiologie de la dépression (par exemple le rôle des oestrogènes et de la progestérone dans la création d’une vulnérabilité, D.R. Rubinow - Bethesda) et évidemment les antidépresseurs. Mais il n’y a pas là d’argument pour remettre en cause les conceptions cliniques.
Les thèmes du congrès n’étaient toutefois pas limités aux corrélations clinico-biologiques. Les travaux purement cliniques étaient nombreux. Et ils témoignaient de la difficulté de faire évoluer les concepts.
Proposer une nouvelle idée à la communauté internationale nécessite de la faire comprendre et de démontrer qu’elle a une valeur. La faire comprendre ne se heurte pas qu’aux problèmes de traduction. Cela nécessite d’utiliser des mots du vocabulaire psychiatrique dont on sait que chacun a de multiples acceptions selon les écoles scientifiques. Démontrer sa valeur passe par le recours à la signification statistique donc à des séries suffisantes, à des groupes de contrôle, etc...
Les chercheurs, du moins ceux qui viennent présenter leurs travaux dans de tels congrès, prennent le parti d’accepter le carcan des concepts actuels. Ces outils sont bien définis, c’est donc avec eux qu’il faut travailler même s’ils sont imparfaits.
Quelques-uns cependant se risquent à proposer une dimension clinique nouvelle. Ils le font alors par le truchement d’une échelle. Ils peuvent démontrer son intérêt en prouvant sa fidélité, sa validité, sa nouveauté (si elle explore ce que les autres n’explorent pas). Quant à savoir quelle dimension clinique elle concerne, c’est l’analyse factorielle qui le désigne. Il y a une inversion de la réflexion clinique classique. Ce n’est pas parce qu’un observateur a compris un phénomène qu’il le conceptualise, c’est parce que l’analyse statistique a isolé un “facteur” qu’on essaie de comprendre ce qu’il signifie. Plusieurs orateurs faisaient état d’échelles plus ou moins nouvelles (et même parfois les distribuaient pour les faire connaître). Cette démarche est souvent intéressante. Elle n’a pas semblé amener à ce congrès des apports très novateurs.
En général, les chercheurs travaillent avec les outils existants comme je le disais plus haut. Cette démarche a le mérite d’être sûre. On avance pas par pas, un peu lentement certes, mais les résultats sont fiables. Les recherches se répartissent selon trois axes : les études symptomatiques, les études de comorbidité, les études de personnalité.
Les études cliniques explorent tous les paramètres clairement repérables : l’âge (avec une insistance particulière pour l’adolescence et la vieillesse), la chronologie (circadienne et saisonnière), les modalités évolutives et symptomatiques. On connaît les catégories sur lesquelles un consensus assez général est acquis : les troubles bipolaires de type 1, 2, 3, etc..., la dysthymie, la double dépression... E.S. Paykel a présenté un large panorama des indications thérapeutiques dans les dépressions unipolaires. Il constatait que l’espoir que les différents types cliniques de dépression répondraient à des antidépresseurs différents, particulièrement sérotoninergiques ou adrénergiques, avait été déçu. Il retenait une seule exception : le cas des dépressions atypiques (avec anxiété ou des signes somatiques ou non endogènes) où les IMAO étaient légèrement plus efficaces que les tricycliques. Les conceptions les plus nouvelles qu’il retenait concernaient les prises en charge sans remettre en cause la nosologie : l’association de la chimiothérapie et de la psychothérapie, et le traitement préventif des rechutes et des récidives. L’analyse clinique laisse ainsi une insatisfaction. Tout praticien sait bien que toutes les dépressions ne relèvent pas du même traitement. Il a d’ailleurs le plus souvent son propre système de repérage. Mais il y a loin de l’intuition à la notion démontrée. Et puisque la démarche descriptive a échoué, les chercheurs explorent des voies différentes.
L’étude des comorbidités est une des plus utilisées. Au lieu de proposer, comme le faisaient les anciens auteurs, des formes cliniques (dépression sthénique, asthénique, anxieuse, névrotique...) ils utilisent les définitions cliniques communément admises et font des études d’association. La comorbidité a remplacé l’individualisation de formes cliniques. Pour prendre l’exemple des liens entre l’anxiété et la dépression, deux revues générales d’études épidémiologiques, entre autres, ont été présentées. Lorsqu’on étudie la fréquence avec laquelle un trouble panique est associé à la dépression (F. Rouillon - Paris), on trouve des chiffres très variables, allant de 10 à 80 % selon les auteurs mais il y a consensus sur les conséquences de cette comorbidité : elle entraîne une sévérité de la maladie, une résistance aux chimiothérapies, une évolution plus longue. Si, à l’opposé, on étudie la fréquence avec laquelle une dépression est associée à un trouble panique (Y. Lecrubier - Paris), on constate aussi un taux élevé et les mêmes conséquences sur l’évolution et la résistance aux traitements. On n’en est pas (ou pas encore?) à parler d’une forme clinique de dépression mais cette association est bien repérée.
Par ailleurs les cliniciens savent bien que la personnalité sous-jacente joue un rôle majeur. Mais pour préciser ce rôle, on se heurte ici encore à la pauvreté du consensus international. Pour être compris, les auteurs se réfèrent aux troubles de la personnalité selon le DSM III R ou le DSM IV mais cette voie est limitée. Prenons l’exemple de la personnalité narcissique. Les cliniciens d’inspiration psychanalytique ont depuis longtemps repéré les réactions de type dépressif observées dans cette pathologie. Ils en font même une forme de dépression particulière avec sa sémiologie et ses modalités de prise en charge spécifiques. Mais comment se faire entendre et comprendre? Narcissisme est entendu dans des sens divers selon les écoles. On peut alors se contenter de la définition du DSM. Mais celle-ci est très limitative. Elle conçoit le narcissisme comme une infatuation de soi-même, avec des idées grandioses et une indifférence aux autres. Elle ignore la fragilité narcissique et les effondrements d’allure dépressive. On se trouve donc dans une impasse. Il est impossible de concilier ces deux types d’approches.
On voit combien il y a d’obstacles pour faire évoluer les concepts sur les troubles de l’humeur. Il faudra bien les vaincre. Il y a donc encore beaucoup de perspectives de recherche.
 
Guy DARCOURT

          
DÉPRESSION N°8 Août/Septembre 1997