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à l'héroïne
Les effets de l’héroïne sont similaires aux effets de la morphine, la différence
étant au niveau de la durée
d’action et de l’intensité de l’effet.
On peut schématiquement différencier deux types d’effets : au
niveau du système nerveux central et au niveau somatique.
L’activité sur le système
nerveux central, est marquée par l’action
analgésique de l’héroïne. En comparaison avec la morphine, cette
activité est deux fois plus puissante mais d’une durée moindre.
L’action psychotrope de
l’héroïne est très puissante, suivie des effets euphorisants
importants. Pourtant le trait majeur de l’action psychotrope des opiacés
reste l’effet dépresseur du SNC, qui prime sur l’éventuel effet
euphorisant. L’héroïne perturbe la capacité de mémorisation, la
vigilance et l’attention, la réactivité, induit des troubles de
sommeil.
L’activité
somatique est souvent le résultat
d’une action centrale. La dépression respiratoire ou
le myosis sont les principales résultats
somatiques de cette activité centrale. L’action antitussive, fût à la fin du XIXème l’action la plus recherchée
chez les tuberculeux. L’héroïne peut causer une hypotension artérielle
brutale avec risque de collapsus
cardio-vasculaire. L’existence d’un état spastique (conséquence
d’une action sur le tonus des fibres musculaires lisses) peut expliquer
la réduction de la diurèse ou
la constipation.
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Tolérance
et dépendance
L’étude
des récepteurs opiacés a permis la mise en évidence du phénomène de down-régulation
(la diminution de la réponse aux stimulations). Le phénomène de down-régulation
expliquerait la tolérance
(besoin d’augmenter la dose de drogue afin d’obtenir des effets
similaires) et la dépendance (nécessité
permanente de la drogue afin de maintenir les fonctions physiologiques
normales). En l’absence de l’héroïne, le nombre des récepteurs
opiacés libres augmente. La prise répétée d’héroïne a comme conséquence
une diminution de la quantité d’endorphines produites par
l’organisme. L’addition de ces deux situations provoque le syndrome
de manque (voire plus loin).
Il
existe deux types de dépendances aux opiacés : physique et
psychique.
La
dépendance physique se manifeste par un comportement compulsif de
recherche de drogue, afin d’obtenir les effets attendus. La notion de
plaisir qui accompagne la prise de la drogue est de plus étudiée et
prise en compte dans les sevrages des toxicomanes en général et des
toxicomanes aux opiacés en particulier.
La
dépendance psychique est liée à la notion de plaisir et d’auto-satisfaction.
La première consommation du produit active le système de récompense et
entraîne une sensation de satisfaction et de plaisir. Le circuit d’auto-motivation
est ainsi déclenché et s’auto-entretien.
L’étude du système de récompense
dopaminergique – SRD – a été réalisé en premier par Ods et
Milner en 1954. L’hypothèse de base fût celle de l’existence dans le
cerveau d’un système de récompense dont la stimulation produirait une
satisfaction cérébrale. Les comportements d’auto-stimulation de la région
limbique (impliquée dans les phénomènes de mémorisation et de
renforcement des comportements) observés chez les animaux de laboratoire,
désigne le système limbique comme une des aires corticales capables
d’expliquer les processus addictifs. Depuis, d’autres régions –
noyau accumbens, aire tegmentale ventrale – ont été étudiées. La
neurotransmission dopaminergique est responsable de la transmission de ces
informations. La dopamine est impliquée dans le contrôle des conduites
affectives, dans la régulation des émotions et surtout du plaisir. Ce
schéma est valable pour d’autres substances psychoactives (cocaïne, D
9 tetra-hydrocannabinol).
Une autre expérience est celle de Roussel. On utilise un singe perfusé
avec du sérum physiologique et ensuite avec une substance psychoactive (héroïne
ou cocaïne) ; par la suite, le singe apprend à s’injecter lui-même
en appuyant sur un bouton. On observe que les doses augmentent tous les
jours suite à une augmentation du nombre d’injections. A partir d’un
certain moment le singe diminue sa quantité de nourriture, il vie
simplement pour le produit. L’expérience met en évidence la capacité
d’auto-administration d’un produit. Dans cette expérience, le singe
meurt au bout de quelques jours, suite au manque de nourriture et à la
fatigue de l’organisme.
Les facteurs de renforcements positifs – certains stimuli comme
l’environnement, des fréquentations, des sensations induites par
d’autres substances psychoactives – expliquent les comportements de
consommation et les rechutes ; les facteurs négatifs – l’absence
du produit, le syndrome de manque – génèrent souvent ces comportements
de consommation. La trace mnésique de la drogue est
impliquée dans les processus de rechute. Le simple passage dans
des lieux réveillant des souvenirs liés à la drogue, peut pousser un
ex-toxicomane à rechuter, même après un grand moment d’abstinence
(des mois, voir des années).
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Comorbidité
psychiatrique
Pour
la plupart des auteurs, la comorbidité psychiatrique est présente au
niveau de la symptomatologie dépressive des patients héroïnomanes. Il
est légitime de se poser la question si c’est la dépression qui entraîne
le recours à l’héroïne ou si la consommation d’héroïne explique
cette symptomatologie dépressive. Ces auteurs indiquent que les
toxicomanes ont une morbidité psychiatrique associée supérieure aux
non-toxicomanes, et d’autre part le fait de présenter un trouble
psychiatrique augmente le risque de dépendance aux substances
psychoactives.
Les patients dépendants aux opiacés présentent :
un risque de troubles affectifs 5 fois supérieur aux autres patients
un risque pour les
troubles anxieux trois fois supérieur
un risque de
personnalités pathologiques au moins 24 fois supérieur
un risque pour
l'alcoolisme 13 fois supérieur.
Les
troubles de la personnalité :
Deux tiers des sujets présentent des troubles de la personnalité. On repère
principalement :
les
personnalités antisociales
avec, au plan clinique, des symptômes dépressifs ou anxieux fréquents,
une intolérance à la frustration, une propension aux actes plutôt qu'à
la réflexion, une instantanéité du désir de réalisation de la
satisfaction. Il est à noter que le sentiment de culpabilité, la
conscience de la faute, le mépris de soi, du danger des actes présentent
un caractère de risque pour le sujet, facilitant la rechute ou un état dépressif.
Il est conseillé, dans ce cas, d'énoncer et de respecter les
dispositions contractuelles de la prise en charge, de sanctionner les
manquements et les transgressions, sans rejeter les patients.
les
personnalités borderline, avec
une impulsivité et des symptômes dépressifs pouvant conduire à des
passages à l'acte (tentatives de suicide en particulier). Le risque est
le déplacement à d'autres toxiques plus desinhibiteurs que les produits
précédemment utilisés.
les
personnalités narcissiques,
avec leurs tendances à instrumentaliser les thérapeutes, la sollicitude
permanente qu'il croient leur être due, mais aussi leurs exigences à n'être
traités que par des interlocuteurs exceptionnels. La perte d'une image
brillante et "socialement lumineuse" leur est intolérable.
Les
troubles de l'humeur :
Les troubles de l'humeur sont les plus fréquemment associés à la
pharmacodépendance. On retrouve toutes les catégories de dépressions
des classifications internationales ainsi que la manie (trouble
bipolaire). Il n'y a pas de consensus sur les rapports de cause à effet
entre le rôle des toxiques et les troubles de l'humeur. Cependant, la dépression
paraît largement sous estimée par les professionnels, donc
insuffisamment traitée.
Les
troubles anxieux :
Les symptômes d'anxiété rendent les sujets vulnérables. Il faut
apprendre à bien distinguer ce qui relève de l'anxiété au sens
clinique et ce qui relève de la symptomatologie résiduelle du sevrage,
qu'elle soit physique ou psychique. Les catégories les plus fréquemment
concernées sont les phobies sociales ou les troubles paniques qui précédent,
accompagnent ou suivent le sevrage.
Les
états psychotiques et la schizophrénie :
Là aussi, il convient de préciser si les symptômes psychotiques précèdent,
compliquent ou accompagnent la toxicomanie. Dans bien des cas, les opiacés
servent à réduire l'intensité de ces symptômes et à améliorer les
affects dépressifs. Le produit peut représenter une tentative pour contrôler
des hallucinations ou des symptômes délirants. Il agit en les
augmentant, en les réduisant, ou en mettant à distance les états émotionnels.
Les professionnels de santé doivent rechercher, tout au long du suivi,
les indices de souffrance psychique, d'affections mentales, de troubles de
la personnalité et les considérer comme autant d'éléments jouant un rôle
pronostique dans la destinée des patients dépendants des opiacés.
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