INTRODUCTION
L’héroïnomanie
en particulier, comme la toxicomanie en général, a été et reste
probablement une énigme pour la psychiatrie, en tous cas pour ceux qui
souhaitent enfermer ce type de pathologie dans les cadres nosographiques
classiques. Tour à tour classée parmi les perversions, puis les
psychopathies voire les
pathologies du narcissisme, ce vagabondage clinique traduit une double réalité
:
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Il n’est pas efficient de vouloir à tout crin isoler la composante
psychopathologique de l’héroïnomanie de ces autres composantes,
sociale, familiale, économique .
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L’héroïnomanie, comme la
toxicomanie peut être le carrefour de toutes les formes de souffrance, en
premier lieu parce que l’héroïne est un anxiolytique et un antidépresseur
remarquablement efficace, notamment à court terme. Ces sujets en
souffrance qui vont devenir toxicomanes en ont fait évidemment l’expérience,
et il n’est pas faux de considérer aussi l’héroïnomanie comme une
automédication, une réponse d’urgence à une souffrance insupportable.
Nous
ne voulons pas dire par-là que la psychopathologie n’est d’aucune
aide, bien au contraire, nous souhaitons simplement la remettre à sa
place, à savoir un rôle d’éclairage, de décryptage de conflits
psychiques émargeant sur des tableaux nosographiques différents et variés.
L’héroïne
joue alors ce double rôle particulier, à la fois révélateur de cette
souffrance dont nous parlons, mais également écran de celle-ci par sa
fonction «thérapeutique » et par le fait que tout le discours, les
pôles d’intérêt et l’attention du patient sont focalisés par la
prise de ce produit.
Tout
clinicien devra être attentif à cette organisation fragile, et se
demander ce qui est véritablement en jeu, au-delà de l’intoxication si
ostensiblement affichée. De ce diagnostic différentiel qui doit être
posé, découlera le type de prise en charge ou d’orientation nécessaires
au patient. Ce travail est encore plus compliqué dans ces cas intermédiaires
où l’on voit les patients, tels des balles de ping-pong, aller en venir
entre services spécialisés où «ils jouent les fous » et
structures psychiatriques où «ils font les toxicos ».
Michel
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