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à l'héroïne
Traitements
de substitution
Il s’agit d’un terme équivoque. La substitution d’un produit
par un autre produit (due au phénomène de tolérance, suite aux
tentatives d’automédication) est un phénomène courant chez les
toxicomanes. Dans le cas d’une prise en charge, il s’agit de
substituer le produit, mais aussi les comportements liés à la
consommation de ces substances psychoactives.
Les traitements substitutifs à base de Subutex et de la Méthadone représentent
une donne nouvelle dans la prise en charge des toxicomanes aux opiacés.
Il ne faut pas pour le prescripteur, de tomber dans le piège de la
facilité et de la routine. La substitution doit rester un acte médical
fort de symboles, inscrit dans un projet de soins solide.
Subutex
:
Le principal mécanisme d'action est celui d’agoniste partiel des
récepteurs morphiniques mû, antagoniste des récepteurs morphiniques
kappa. Activité analgésique beaucoup plus puissante que la morphine (0,2
à 0,6 mg de buprénorphine IM équivalent à 5 à 15 mg de morphine IM.)
Activité plus prolongée que la morphine. Le risque de dépendance serait
moindre qu'avec les morphiniques traditionnels (à confirmer).
La Buprénorphine Haut Dosage (B.H.D.) est devenue le produit de
substitution le plus utilisé en France. On estime à plus de 65.OOO le
nombre de toxicomanes qui sont sous Subutex. Disponible sous trois dosages
: 0,4mg, 2mg, 8mg, la posologie initialement conseillée était de 8mg en
une prise par jour. Il semblerait que les doses moyennes tournent plutôt
aux alentours de 10-12 mg répartis sur deux ou trois prises
quotidiennes.
Parmi les effets indésirables : céphalée, insomnie, nausée,
vertiges, hypotension orthostatique.
Il semble nécessaire de signaler très clairement aux patients qu'ils
doivent laisser fondre ces comprimés sous la langue, encore trop d'héroïnomanes
les avalent comme les médicaments auxquels ils sont habitués.
Un autre aspect important est la nécessité d’une prise espacée d’au
moins 4 à 12 heures de la dernière prise d’opiacés, pour éviter un
syndrome de manque aigu. De même l’injection d’héroïne après la
prise de Subutex
s’avère frustrante – pas d’effet de plaisir, du fait d’une
occupation des récepteurs opiacés par le Subutex,
qui ne laisse pas de place pour l’héroïne.
Très attention aussi aux mélanges avec les benzodiazépines ou
l’alcool.
Tout médecin peut initier le traitement, l’ordonnance étant faite sur
carnet à souche pour une durée maximale de 28 jours (on préfère
pourtant commencer la prescription par
une ordonnance de 7 jours). Il est très important d’intégrer à cette
prescription une pratique de réseau : centre spécialisé en
toxicomanie, médecins de ville, pharmaciens, travailleurs sociaux.
La phase de stabilisation dure de plusieurs mois à plusieurs années. La
posologie reste adapter à l’état clinique du patient. La phase de réduction
sera progressive, lente. Elle débutera lorsque l’équilibre général
est atteint et qu’une resocialisation des sujets semble évidente.
Toutefois, certains spécialistes préconisent l’emploi du Subutex
comme traitement de transition, pour « passer un cap ». la
dose de Subutex
est réduite graduellement mais rapidement (quelques semaines) afin de
permettre aux sujets de vivre sans aucune « béquille chimique ».
Enfin le Subutex,
soluble dans l'eau, est donc shootable (M.Hautefeuille), pratique répandue qui entraîne
certaines pathologies aux points d'inoculations : œdèmes, abcès,
veinites.
Parmi les avantages du Subutex,
on cite la diminution de la délinquance, la resocialisation et la réinsertion
sociale, la baisse des infections par virus de l’hépatite B , C et VIH
(mais dans le cas des patients qui continuent à injecter le SubutexÒ,
ces effets sont largement diminués).
Méthadone
C’est un agoniste
complet des récepteurs opiacés µ. La méthadone a une longue durée
d’action (en moyenne 24 heures). Les premiers essais sur la méthadone
datent depuis la deuxième guerre mondiale quand les chercheurs allemands,
en manque d’un antalgique puissant ont synthétisé ce produit. Ses
propretés substitutives dans la prise en charge des toxicomanes aux opiacés
ont été mises en évidence depuis de nombreuses années. Les premières
expériences nord-américaines commencent dans les années 60. Les premières
prescriptions en France démarrent en 1973, à titre expérimental. Depuis
1995, le chlorhydrate de méthadone est
produit par les laboratoires Mayoly-Spindler, sous forme de récipients
unidoses (5 mg, 10 mg et 20 mg par flacon).
Le traitement est initié dans les centres spécialisés, à des doses
progressives, selon le niveau de dépendance aux opiacés. Les premières
prescriptions était en moyenne de 40 mg, dose qui s’est avérée
insuffisante par la suite ; actuellement la dose initiale est de 60
mg en moyenne, pour certains spécialistes allant jusqu’à 80 mg. La
dose maximale n’est pas très bine codifiée, mais on retrouve dans
certaines prescriptions des doses autour de 110 – 120 mg, doses qui
semblent pourtant exagérée. Toutefois, l’expérience le prouve, la
dose de confort (absence de signes cliniques de manque) devrait
être maintenue pendant deux ou trois ans, afin de stabiliser les patients
et de permettre une meilleure réintégration sociale.
Le risque de surdosage existe dans plusieurs
situations : dose trop élevée, association avec des médicaments ou
prise d’héroïne. le traitement est identique à celui de l’OD des
opiacés, mais il faut retenir que la survenue de l’OD est parfois
retardée de quelques heures.
Parmi les effets indésirables : céphalée, vertiges, euphorie, sédation,
somnolence.
La méthadone peut être prescrite chez le femme enceinte, avec
surveillance particulière du nouveau-né à la naissance (risque de
syndrome de sevrage).
La prescription de la méthadone se fait selon un protocole bien défini :
prescription
initiale par le médecin du centre ;
prise
journalière au centre (après contrôle urinaire afin de déceler une éventuelle
prise concomitante d’opiacés) ;
accompagnement
psychosocial au centre ;
prescription
en relais en médecine ambulatoire, avec une liaison entre le médecin qui
a fait la prescription initiale, le médecin relais et le pharmacien ;
la
prescription se fait sur carnet à souche pour 7 jours.
A l’heure actuelle 6000 héroïnomanes sont sous méthadone. Les
programmes de réduction des risques soulignent les avantages de cette
prescription (réduction des OD, diminution considérable du nombre des
cas de SIDA, une réhabilitation sociale, une diminution de la délinquance
liée à la toxicomanie).parmi les inconvénients, on souligne le risque
de mélange avec des médicaments ou d’autres opiacés, la dépendance
de la personne envers l’institution et le contrôle social qui
s’installe, la perte de l’anonymat des soins.
Autres
produits
LAAM
Dés
1986 une étude américaine faite sur 959 héroïnomanes montrait l’intérêt
du Lévo-acetyl-méthadol (LAAM) dans le traitement de substitution des héroïnomanes.
La difficulté principale semble résider dans la mise en route du
traitement et le temps de latence nécessaire pour atteindre les
concentrations sanguines suffisantes. Pourtant des expériences menées
aux Etats-Unis, ont mis en évidence le potentiel cancérigène du LAAM
chez les rats de laboratoire.
L'intérêt du LAAM réside entre autre dans sa demi-vie plus longue que
celle de la méthadone et qui permet de ne pas avoir à recourir à une
prise chaque jour.
En dehors de quelques expérimentations, ce produit n'est pas actuellement
disponible en France.
La
distribution contrôlée d'héroïne
La
prescription d'héroïne à visée thérapeutique est restée longtemps
une exclusivité du Royaume-Uni. Cependant au milieu des années 90, 1,7%
des 3846 prescriptions de produit de substitution étaient des
prescriptions d'héroïne. De 1920 à 1950 la possession d'héroïne était
légale au Royaume-Uni si elle était prescrite par un médecin. Le
concept de Rolleston, c'est à
dire la dépendance stabilisée par une prescription contrôlée de drogue
injectable a prédominé jusqu'à la fin des années 60. Le développement
de la toxicomanie à l'héroïne a remis en cause ce principe dans les années
70-80. La survenue du SIDA et la nécessité de développer une politique
de réduction des risques a remis ce concept à l'ordre du jour. Un
certain nombre de pays distribuent l'héroïne de façon médicalement
contrôlée ou ont l'intention de le faire : Royaume-Uni, Pays-Bas,
Suisse, Australie. Dans le dernier temps on parle de telles expériences
en France.
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