La
toxicomanie aux opiacés (produits naturels ou synthétiques dérivés du
pavot), est une caractéristique européenne. leurs spécificités, les
effets peuvent en partie expliquer la prépondérance de l'héroïnomanie
en comparaison avec la cocaïne ou les produits de synthèse.
Afin
de mieux comprendre leur propriétés il faut d'abord faire un rappel sur
la douleur et les molécules qui interviennent dans la perception
algogène.
DOULEUR
le
rôle et la place de la douleur dans l’étude des opiacés semblent évident.
La douleur physique et la douleur morale sont souvent incriminés dans les
rechutes de ces patients. Le rôle des opiacés dans la douleur est codifié,
ce qui permet une meilleure étude.
Selon l’IASP (Association
Internationale d’étude de la douleur), la douleur est définie
comme : « ..une expérience
sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire
existante ou potentielle ou décrite en terme d’une telle lésion ».
ll faut se rappeler plusieurs dimensions de la douleur :
Les mécanismes
pathologiques qui la génèrent ou l’entretient : au niveau
somatique (l’excès de nociception, des troubles sympathiques ou
musculaires réflexes) et au niveau psychologique (l’anxiété, la dépression,
des troubles conversifs ou hypocondriaques) ;
L’expérience
algique elle-même :
au niveau physique (les réactions
neurovégétatives – cardio-respiratoires, sudorales – et motrices
– agitation, attitude antalgique, plaintes somatiques) et au niveau
psychologique (la sensation perçue, l’émotion désagréable
concomitante).
Le
concept de douleur aiguë définit
une douleur d’installation récente, qui alerte le patient sur
l’existence d’un traumatisme, d’une lésion ou d’une pathologie en
cours d’installation ; c’est donc un symptôme utile qui permet
au sujet de garder son intégrité physique en l’incitant à se protéger
et à s’extraire de l’influence d’un stimulus externe nocif.
La douleur chronique caractérise
des douleurs persistant depuis au
moins 3 à 6 mois. La douleur chronique peut être en relation avec
une maladie évolutive, les séquelles d’une maladie ou d’un
traumatisme, une pathologie psychologique. Cette douleur chronique induit
peu à peu un retentissement sur les capacités physiques et l’équilibre
psychologique et social du patient.
Le schéma classique et simplifié de la transmission des informations est
le suivant : des stimuli de plusieurs types, des récepteurs spécialisés
Les
PALIERS de l’O.M.S.
L’O.M.S.
a proposé de classer les antalgiques en trois paliers ou niveaux. Cette
échelle permet une hiérarchie des analgésiques en fonction de leur
niveau de puissance et de leurs rapports avantages/inconvénients. Même
si cette échelle a été élaborée dans le cadre de la prise en charge
des douleurs d’origine cancéreuse, elle permet à tout praticien de se
référer à une classification opérationnelle dès lors qu’il doit
traiter une douleur sur le plan symptomatique. Cette échelle se définit
ainsi :
Niveau
1
: Analgésiques non morphiniques, appelés aussi, à tort, analgésiques périphériques
ou mineurs. Ils sont représentés par le paracétamol, l’aspirine et
les anti-inflammatoires non stéroïdiens (A.I.N.S.).
Niveau
2
: Agonistes morphiniques faibles. Le niveau 2 est constitué par des
associations entre analgésiques de niveau 1 et analgésiques morphiniques
faibles : dextropropoxyphéne et
codéine.
Codéine
- Alcaloïde de l'opium, est également utilisée comme antitussif et
antidiarrhéique. Son effet antalgique est 5 à 10 fois plus faible que
celui de la morphine et sa durée d'action est d'environ 5 heures. L'effet
dépresseur respiratoire est faible et utilisée aux doses thérapeutiques,
la Codéine est assez peu toxicomanogène. Son absorption digestive est
rapide, le métabolisme est hépatique (l'action antalgique de la codéine
serait dû à sa transformation en morphine au niveau du foie), l'élimination
urinaire. La codéine traverse le placenta et passe dans le lait maternel.
Les présentations de la codéine
sont variées. Elle peut être utilisée seule sous la forme d'un dérivé
: la dihydrocodéine, Dicodin, d'une durée d'action plus longue (environ
12 heures). Son association au paracétamol est synergique (Codoliprane,
Efferalgan
codéiné) et s'utilise à la dose de 1 à 2 comprimés 1 à 3 fois par
jour. Les effets indésirables les plus fréquents sont la constipation,
les nausées et la somnolence. Plus rarement: allergies, bronchospasme, dépression
respiratoire. Les risques de dépendance et de sevrage à l'arrêt du
traitement ne se voient pas aux doses thérapeutiques. Le surdosage réalise
un tableau d'intoxication morphinique (troubles de la conscience, dépression
respiratoire, myosis, risque de bronchospasme et de laryngospasme)
imposant un traitement en milieu spécialisé par réanimation
cardio-respiratoire, lavage gastrique, administration de naloxone et le
cas échéant (association avec le paracétamol), de N acétylcysteine.
Dextropropoxyphène, est un analgésique opiacé dérivant de la méthadone ayant un effet
analgésique inférieur à celui de la codéine. Il est considéré comme
peu toxicomanogène aux doses thérapeutiques. Son absorption digestive
est rapide (action par voie orale en 1 h 30 pendant 4h), la métabolisation
est hépatique et l'élimination urinaire. La demi-vie d'élimination est
de 8 à 10 heures. Les présentations du dextropropoxyphène sont variées.
Il peut être employé seul (Antalvic
: 1 comprimé 3 fois par jour jusqu'à 6 comprimés) ou associé au paracétamol
(Di-antalvic), substances potentialisant l'effet analgésique. Les effets indésirables
sont le plus souvent digestifs. Certaines manifestations imposent l'arrêt
immédiat du traitement : réactions cutanées allergiques, hypoglycémies,
hépatites cholestatiques, confusions. Le surdosage survient pour des
doses importantes de l'ordre de plusieurs grammes et réalise un tableau
d'intoxication morphinique (troubles de la conscience, dépression
respiratoire, myosis...) imposant un traitement en milieu spécialisé par
réanimation cardio-respiratoire, lavage gastrique, administration de
Naloxone.
Niveau
3
: Regroupement des agonistes morphiniques forts (morphine, péthidine,
dextromoramide) et des agonistes antagonistes (pentazocine et nalbuphine).
On distingue le niveau 3a quand les agonistes morphiniques forts
sont administrés par voie orale et le niveau 3b quand ils le sont par
voie parentérale ou centrale.
Ce
sont les antalgiques les plus puissants. On les utilise dans les douleurs
sévères et dans les douleurs d'origine cancéreuse. Il faut savoir
manier ces produits et
surtout, les utiliser au bon moment. Les antalgiques morphiniques doivent
leurs propriétés à la mise en jeu de cinq types de récepteurs
morphiniques : mu, delta, eta, sigma et kappa. La pluralité fonctionnelle
de ces récepteurs et la disparité des interactions entre les différents
opiacés et les récepteurs font qu'on distingue 3 catégories de produit
: les agonistes purs (complets
ou partiels), les agonistes mixtes
ou agonistes-antagonistes et les
antagonistes purs. La notion
d'activité intrinsèque de la molécule (dont dépend l'amplitude de
l'effet maximal) définit encore mieux ces catégories : Pour les
agonistes purs, cette activité est de 1. Elle est comprise entre 0 et 1
pour les agonistes partiels, égale à 0 pour les antagonistes. Le plus
connu des agonistes purs c’est la morphine (voire plus bas).
On
va énumérer sans prétention les morphinomimétiques les plus connus :
Autres
agonistes purs complets :
La péthidine,
Dolosal,
a un effet antalgique un peu moins puissant que celui de la morphine et sa
durée d'action est plus courte. C'est le seul morphinique qui possède
des propriétés spasmolytiques.
Le dextromoramide,
Palfium,
a un effet plus puissant que celui de la morphine mais sa courte durée
d'action ne permet pas son utilisation dans le traitement des douleurs
chroniques.
Le fentanyl,
Fentanyl,
est un morphinomimétique très puissant (analgésie chirurgicale 50 à
100 fois supérieur à celle de la morphine) réservé à l'anesthésie
(très utilisé dans les anesthésies pré-hospitalières).
Agonistes
partiels et agonistes-anatgonsites :
A
l'inverse de la morphine, ils exposent à l'effet plafond (à partir d'un
seuil, l'analgésie n'augmente plus avec l'augmentation des doses) et
l'administration d'agonistes-antagonistes (encore appelés agonistes
mixtes) peut provoquer un syndrome de sevrage chez des patients préalablement
traités par morphine.
Buprénorphine,
Témgésic
ou Subutex,
est plus puissante que la morphine mais son efficacité thérapeutique est
moindre en raison du caractère partiel de l'agonisme µ . Cependant la
liaison de la buprénorphine aux récepteurs µ est si forte que la
naloxone, en cas de surdosage, est peu efficace.
La
pentazocine (Fortal)
et la nalbuphine (Nubain)
sont des agonistes-antagonistes. Ils sont agonistes des récepteurs kappa
et antagonistes des récepteurs mu. Ces propriétés pharmacologiques
imposent donc de respecter un intervalle libre entre l'administration de
ces produits et celle des agonistes complets afin d'éviter tout phénomène
de compétition. L'association avec des agonistes complets est illogique
et à proscrire.
En
terme de stratégie thérapeutique, la potentialité de chacun de ces
paliers de puissance progressive sera exploitée au maximum et le passage
d’un palier à l’autre se fera en fonction de l’évolution de la
douleur et du degré de soulagement du malade. On veillera en particulier,
avant de changer de niveau, à ce que la posologie soit adaptée et que
les co-analgésiques éventuellement nécessaires aient été prescrits.
On s’assurera du respect des intervalles entre les prises, de la prise
en charge optimale relationnelle et psychologique du malade et d’une
bonne compliance au traitement. L'association d'antalgiques de même
niveau ne se justifie pas.
Les opiacés - naturels
comme la morphine, synthétiques comme l’héroïne ou endogènes
agissent sur des structures membranaires spécifiques, les récepteurs opïodes.
On a individualisé cinq types : mu, delta, eta, sigma et kappa. Ces récepteurs
sont localisés au niveau de structures anatomiques spinales et supra
spinales impliquées dans le contrôle du message nociceptif : corne postérieure
de la moelle, tronc cérébral, thalamus et système limbique. Les récepteurs
µ semblent les plus impliqués dans la genèse de l'analgésie. Les opioïds
– mineurs ou majeurs – se fixent sur ces récepteurs membranaires,
aboutissent à une inhibition de la libération de la substance P qui est
impliquée dans la transmission de l'influx nociceptif. Par ailleurs, un
certain effet psychotrope propre aux opioïds (euphorie, prise de distance
par rapport à l'algogène) contribue à l'effet antalgique.
Le
corps humain fabrique des substances naturelles découvertes en 1975 : les
enképhalines et endorphines. Ces substances jouent un rôle important
dans la transmission des sensations douloureuses et dans leur contrôle
naturel. Il semblerait que l'absorption massive de produit morphinique
tels que l'héroïne et la morphine bloque la fabrication naturelle de ces
substances endogènes, remplacées alors par des produits exogènes.
L'arrêt
brutal de prise de drogue provoquerait une dépression de ce système enkèphaline-endorphine
et les troubles du manque apparaîtraient alors accompagnés de sueurs,
douleurs aiguës, contractures musculaires, hallucinations et anxiété
dus au dérèglement de la production naturelle de ces produits cérébraux.
|