HISTORIQUE
Les produits dérivés du pavot sont connus depuis l’antiquité. Dans
toutes les civilisations on retrouve trace d’un usage de ces produits.
L’opium était connu depuis l’antiquité. Les traces de culture de
pavot trouvées à Neuchâtel en Suisse, attestent la présence d’opium
depuis le néolithique.
Les Sumériens, les Egyptiens, connaissaient en dehors de l’alcool et de
l’haschisch, la culture du pavot et l’utilisation rituelle de
l’opium. Les sumériens l’appelle « Hul
Gil », la fleur de la joie. Le suc d'opium est utilisé comme
analgésique médicament contre la douleur) et comme sédatif Le suc
d'opium est utilisé comme analgésique médicament contre la douleur) et
comme sédatif. Dans le
monde égyptien, le papyrus d'Ebers dit « qu'il
permet d'éviter que les bébés crient trop » ; son
utilisation sous forme d’élixir parégorique daterait donc depuis au
moins quatre millénaires.
Les Grecs, connaissaient aussi l’usage de l’opium ; il apparaît
dans l’Odyssée, en tant que produit enivrant, sous le nom de néphentès.
La ville de Thèbe, est fortement liée à l’opium, le thébaïsme désignant
l’intoxication à l’opium. Hippocrate, père de la médecine, utilise l’opos
mekônos (jus de pavot) ancêtre de « l'élixir parégorique »
pour traiter l'hystérie. Héraclite de Tarente (médecin de Philippe de
Macédoine, père d'Alexandre le Grand), le diffuse dans tout le monde
grec comme anti-douleur. Au VIème siècle avant JC, Diagoras met déjà
en garde contre les dangers de cette drogue. Chez les Grecs, le pavot était
la plante symbole de Déméter, déesse de la fécondité. Les dieux
Hypnos (le sommeil), Thanatos (la mort) et Nyx (la nuit) sont également
ornés de guirlandes de pavot.
Les Romains reprennent l'héritage médical et rituel du pavot.
Dioscoride (Ier siècle), médecin des armées sous Néron, crée le
diacode (sirop d'opium). Galien (IIème siècle) développe la thériaque,
protection contre les morsures de serpents. Marc Aurèle, empereur romain
semble avoir été dépendant de l'opium.
A Baalbek (Liban), ancienne Héliopolis, le pavot orne le portail de
Bacchus au même titre que la vigne.
Plus tard, le commerce de l’opium connaîtra un tel essor, que les
traces de l’opium se trouvent dans beaucoup de pays méridional ou de
l’Europe Centrale.
Le moyen-âge :
Dans
l’Islam, le
développement du commerce favorise la diffusion de l'opium vers l'Asie.
Moins usité que le haschisch, l'opium a toutefois une large place dans la
pharmacopée arabe (Avicenne 980-1037). Les centres de production sont
prioritairement la Turquie et l'Iran.
Dans
le monde occidental,
les Croisades favorisent la diffusion de l'opium à des fins médicales.
Paracelse, médecin et alchimiste célèbre (1493-1541), invente le
« spécific anodyn », ancêtre du laudanum. A partie du XVIème
siècle, l’Occident est confronté aux Turcs conquérants, grands
consommateurs d'opium: son usage se répand à partir de ce moment.
En
Chine, il est certain, cependant que sous la Dynastie des Tang (618-907),
le pavot abondait dans la province du Sichuan, puisque le poète Young
Dao, écrit au VIIIème siècle :
« …les
peines d'un lointain exil aujourd'hui se dissipent ;
Devant
mon cheval, voilà que j'aperçois les pavots en fleurs.... ».
Un
traité de botanique médicale, daté 973, le « K'ai pen ts'ao »,
recommande l'opium bouilli dans le jus de bambou pour guérir certaines
infections.
C'est
sous les Song du Sud (1127-1280) que pour la première fois en Chine,
apparaît la mention « lait de pavot » obtenu en râpant les
capsules de pavot. Les « Annales » nous apprennent que le
fameux empereur Wanli (1573-1620) passa 18 années de son règne, sans
accorder audience à qui que ce fut, car « il
était en proie au poison du parfum noir » (l'opium).
Ce
n'est qu'au XVIIème siècle (à l'époque où l'Occident découvre le café
et le tabac) que la Chine apprend à fumer l'opium.
Un
édit du dernier empereur Ming, Ch'ung-cheng, en 1641, déplore que
« ... pour ce vain plaisir on
délaisse le jeu viril du tir à l'arc.... »
Sous
la dynastie des Qing (1644-1912), « la fumée bleue » sortant
du « divin bambou » fait d'immenses ravages, atteignant toutes
les couches de la société : de l'aristocratie au peuple, des moines aux
lettrés, des militaires aux paysans, et il serait fastidieux d'énumérer
tous les décrets impériaux contre le « divin bambou » et les
rapports des Préfets annonçant, la disparition totale des fumeurs et
l'extirpation du dernier pied de pavot dans leur province.
Le monde moderne :
A partir du XVème siècle, l'expansion de l'Occident vers l'Asie crée les
« routes de l'opium », qui deviennent un élément important
du commerce des épices. L'Espagne, le Portugal, puis l'Angleterre et la
Hollande deviennent les organisateurs du commerce de l'opium.
Les
Espagnols et les Hollandais importent vers l'Asie la culture du tabac d'Amérique
et l'usage de la pipe. Sous leur influence, va se répandre en Chine un
nouveau mode de consommation de l'opium, « fumé » alors qu'il
était essentiellement « mangé » auparavant.
En
1602, la Compagnie hollandaise des Indes orientales reprend les comptoirs
portugais et favorise l'extension vers la Chine de la consommation
d’opium.
Avec le
traité d'Utrecht en 1713 et la création de la Compagnie anglaise des
Indes orientales, les Anglais supplantent les Hollandais dans le commerce
avec l'Asie.
1729-1858
: Les guerres de l'opium
Les
Chinois, avaient une consommation ancestrale d’opium (la parallèle peut
être réalisée avec la consommation de cocaïne par les amérindiens).
Cette consommation récréative, inquiétait les autorités chinoises,
plusieurs millions de chinois connaissant pourtant le phénomène de dépendance.
Depuis le début du XVIIIème siècle, la consommation en Chine commence
à être régularisée. En 1729, devant l'augmentation du nombre de
fumeurs d'opium en Chine, l'empereur Yung-Chen en interdit formellement
l'usage de l'opium à son peuple sous peine de la cangue pour un mois,
suivie du bannissement aux frontières de l'Empire. Quant aux auberges à
« fumée d'opium », le patron subira la strangulation, ses
aides recevront cent coups de rotin et seront déportés à mille li
(environ 600 kilomètres).
Mais
l'Angleterre, colonisatrice des Indes, grand producteur d'opium, impose et
étend la culture à la Chine. Dans le commerce sino-brittanique,
l’opium devient rapidement une vraie monnaie d’échange. Le commerce
de l’opium avec la Chine devint très important à la fin des années
1790. Dès la première décennie du XIXème siècle, des expéditions
massives d’opium du Bengale allait apporter l’équilibre dans les échanges
sino-britanniques. Le commerce de l’opium allait être décrit par un
contemporain comme « ..probablement
le plus grand commerce d’un seul produit de toute l’histoire …».
Dans l’Inde Britannique, 1/7 des revenus dérivaient du monopole de la
compagnie sur la manufacture et la vente d’opium. En 1830, le vérificateur
de la compagnie rapportait que « l’Inde
dépendait entièrement des profits du commerce avec la Chine ».
Les autorités chinoises assistent impuissantes au développement de ce
commerce, et décidées à réguler la consommation interne, s’opposent
en 1833 à la demande des autorités britanniques, demande concernant
l’importation en plus grande quantité d’opium produit aux Indes.
Devant la résistance de l'empereur Toa-Kuang (1821-1851) et la
destruction d'une cargaison, la flotte anglaise engage la « première
guerre de l’opium » entre 1838-1840, qui aboutit, après la défaite
chinoise, au traité de Nankin, en 1842, traité imposant à la Chine la
cession de Hongkong à la couronne britannique.
Fin
du XIXème siècle : La régie française
de l'opium
En
1861, la France crée en Cochinchine (Indochine) un monopole de l'opium,
« la Ferme de l'opium ». A partir de 1883, celle-ci sera gérée
par le service des « contributions indirectes », dirigé en
1897 par Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine et futur président
de la IIIème République. En métropole, l'opium est utilisé dans de
nombreuses fumeries par les militaires (principalement les marins, les
coloniaux) et la bourgeoisie parisienne.
|