DROGUES DE SYNTHESE
EMPATHOGENES, DESIGNER DRUGS
Les nouvelles
molécules entactogènes, se retrouvent parmi les médiateurs directs de
la transformation socio-culturelle enregistrée depuis quelques années
dans la consommation de substances psychotropes.
La recherche de l’empathie
(la capacité à aller vers l’autre sans barrière ou limite), analysée
dans le contexte de la " société de
désinhibition ", souligne le manque de communication avec l’Autre,
le manque de confiance en soi, la perte de repères stables mais surtout
une crise de la représentation sociale. Il suffit d’analyser l’avènement
de nouvelles molécules - certaines à usage médical, certaines à usage
détourné – molécules réputées capables de résoudre complètement
ou presque les problèmes de la vie courante, pour imaginer une société
en perte de vitesse, en pleine mutation sociologique.
Comme le souligne
Alain Ehrenberg, le " culte de la performance "
(performance individuelle et capacité d’adaptabilité), deviennent les
valeurs sûres, recherchées assidûment par les membres de la société
[2, 5]. Le recours à ces gélules de la performance - médicaments
détournés de leur usage ou des substances psychoactives illicites - est
accepté et valorisé par les membres des petits groupes de consommateurs.
L’individu confronté aux problèmes et aux contradictions insolubles de
la vie courante échappe aux régulations sociales. Le manque de
communication réelle et le sentiment de non-reconnaissance ressentis par
les plus jeunes membres de la société, amènent une recherche de
" béquilles chimiques ", véritables supports
artificiels censés résoudre les problèmes de la vie courante.
Du point de vue
des éthno-sociologues, la prise de substances psychoactives pendant les
soirées " raves " serait imprégnée d’une image
rituelle comme dans les initiations religieuses traditionnelles. L’état
de transe amène la négation d’une culture jugée dépassée. Les
valeurs culturelles de la société " bien pensante ",
généralement acceptées, ont perdu leur véracité. La résurgence des
valeurs culturelles des années soixante, dont le souvenir fait état de
chaleur humaine et d’échanges spirituels, du " développement
personnel " et du renforcement de l’ego, constitue un cadre
propice à l’utilisation des drogues synthétiques [6, 8].
Jusqu’à
présent, les spécialistes se sont penché simplement sur le phénomène
" XTC ". Du fait du large retentissement médiatique
de l’ecstasy (MDMA), on avait tendance à trop focaliser sur ce produit.
L’interdiction de l’ecstasy, son inscription sur la liste de
substances prohibée, ont pourtant amené les chimistes à synthétiser d’autres
types de molécules similaires. On les appelle drogues analogues et on les
retrouve dans des boutiques spécialisées (" smart
shops ") à Londres ou Amsterdam, dans des soirées raves, sur
les pages internet des chistes confirmés ou de fortune. C’est ce
phénomène que ce court exposé s’efforce de mettre en évidence.
Un bref aperçu
des données actuelles concernant l’ecstasy est nécessaire. Les
données obtenues par les chercheurs français (Delile et Ingold),
permettent de " tirer " le portrait d’un usager d’ecstasy.
D’après ces deux études, le consommateur d’ecstasy est représenté
majoritairement (2/3 des cas) par des hommes jeunes ayant atteint un
niveau d'étude élevé (65% ont le Bac, 25% suivent des études
supérieures). De même, leur niveau élevé de protection sociale, leur
activité professionnelle fréquente, leurs conditions de logement et la
rareté de leurs antécédents judiciaires, témoignent d'un bon niveau
d'insertion qui les rapproche beaucoup plus de la population générale du
même âge que de celle des toxicomanes. La plupart des jeunes (90% selon
Delile), ont déjà pris du cannabis, et certains du LSD et de la
cocaïne. L'ecstasy est généralement consommé en association avec
d'autres produits. Il n'est que très exceptionnellement le premier
produit illicite rencontré par les sujets.
Ce qui semble
inquiétant – dans une démarche préventive et de réduction de risque
– est le faible pourcentage de jeunes informés par les enseignants. La
grande majorité dispose des informations provenant presque toujours
d'amis (91%) ou d'usagers (66%). A l'issue de leur première
expérimentation, 24% des sujets ont arrêté tout usage d'ecstasy mais
dans la majorité des cas ont continué à utiliser d'autres produits.
Parmi ceux qui ont poursuivi leur consommation d'ecstasy, si le quart se
disent usagers occasionnels, plus du tiers en consomment une fois par
semaine et certains quotidiennement (3,2%). L’usage régulier devient
solitaire (environ 30% de sujets).
Chose importante,
plus de la moitié des sujets mentionnent des problèmes de santé liés
à l'usage d'ecstasy : des problèmes physiques et psychiques dans 38% des
cas, des problèmes psychiques uniquement dans 19% des cas (mais certains
très aigus), des problèmes physiques uniquement dans 10% des cas.
De plus en plus,
les saisies douanières et pendant les soirées raves, mettent en
évidence l’existence de comprimés vendus sous le nom d’ecstasy, mais
qui ont un très faible contenu en MDMA. La plupart de produits chimiques
qui composent ces molécules sont des amphétamines like (MBDB, MDEA,
amphétamine) voire de la caféine, Lexomil, atropine. Parmi les produits
mélangés on retrouve ces nouvelles drogues synthétiques (GHB, 2 CB)
CONCLUSIONS
Dans ce contexte de détresse sociale, le développement des drogues
empathogènes offre une " solution " à tous ces maux
de la société. Gages de performance et d’adaptabilité, ces substances
– médicaments psychotropes ou " uppers " (cocaïne,
amphétamines) – sont de plus en plus employées et mises en évidence.
Les drogues de synthèse favorisent l’empathie, favorise le
rapprochement entre des gens en mal de communication et de vivre. La
facilité de synthèse de ces produits, le déni de leur nocivité, l’image
des " drogues qui sont pas de la drogue ", le bonheur
chimique qu’elles engendrent, sont des facteurs incitants à la
consommation de ces nouvelles drogues. |