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à l'héroïne
SEVRAGE
Dans la
prise en charge des toxicomanes dépendants aux opiacés, la première étape
consiste en l'arrêt du produit, avec l'apparition des manifestations de
sevrage. Il faut mentionner l'importance de la notion du sevrage pour le
toxicomane, qui est beaucoup plus prêt à accepter une solution
provisoire, d'attente, que d'envisager une solution définitive,
apparaissant comme un but aussi redouté qu'impossible à atteindre. La
prise en charge du syndrome de sevrage consiste en un traitement adapté
aux manifestations cliniques de la dépendance pharmacologique, qui a pour
objectif d'améliorer l'état général des patients et de faciliter la
poursuite d'une prise en charge thérapeutique de longue durée.
L'abus des drogues est devenu un réel problème de santé publique, qui
engendre des coûts énormes sur le plan personnel, social et économique,
avec des répercussions nombreuses sur le plan biologique, psychologique,
social, physique et familial. La question qui a été posée par le Pr.
Henrion, était l'objectif d'un monde sans drogue ou la nécessité
d'apprendre à vivre avec les drogues aux moindres risques sanitaires et
sociaux.
Le grand objectif de santé publique, depuis l'apparition de l'épidémie
par le VIH, a été la réduction des nouveaux cas, la population
toxicomane dépendante aux opiacés étant l'une des premières
populations à risque. La distribution des préservatifs, la mise en route
des moyens d'échange de seringues - les boutiques, les bus, des
changements importants intervenus dans la politique gouvernementale en
matière des programmes de substitution, ont porté leurs fruits, la
baisse des nouveaux cas de SIDA en Ile de France, étant chiffrée
à presque 25%. Les usagers de drogues ne constituent plus
seulement un risque sécuritaire mais également un risque sanitaire à
travers les contaminations virales liées au partage de seringues ou par
voie sexuelle. La politique de réduction des risques a pris corps de façon
plus ou moins homogène. Or, il ne s'agit pas de réduire les pratiques de
toxicomanie, mais bel et bien de réduire les risques de contamination
virale. Subordonner la seconde finalité à la première est une erreur de
diagnostic patente en matière de santé publique.
Sachant que l'éradication totale de la drogue semble difficile à réaliser
malgré des méthodes très coercitives, la réorganisation du système de
santé publique semble la solution la plus faisable. Le traitement à lui
seul ne permettra de réduire le taux d'abus de drogue et les activités
de prévention doivent être épaulées par l'élaboration d'une politique
de soins. Il semble nécessaire de rappeler qu'à l'heure actuelle il
existe un consensus cohérent sur la répression du
trafic illicite des stupéfiants, mais en revanche le traitement de
la consommation est l'objet des tensions contradictoires à l'intérieur
des différents pays européens. Ces tensions ont engendré une rigidité
des politiques nationales, avec l'application des positions répressives
en matière d'usage des stupéfiants, ayant comme objectifs affichés la
protection de la santé publique.
De cette manière, il convient de souligner les discussions qui ont lieu
à différents niveaux - politique, médical, social - concernant la
politique de prévention et de soins. Les critiques s'adressent aux
structures mais aussi aux différentes idées et à priori.
Selon une étude menée entre autres par Act-Up, MDM, la France, dans ses
réponses répressives au phénomène de la toxicomanie et aux
comportements délictueux des toxicomanes, a démontré aussi bien les
limites que l'inefficacité de la loi du 31 décembre 1970 pour mener à
bien une réelle politique de santé publique. Cette loi, dont
l'application est de plus discrétionnaire d'une juridiction à une autre,
aggrave la désocialisation des toxicomanes et, par les persécutions et
l'état de clandestinité qu'elle engendre, favorise la propagation du VIH
au sein d'une partie particulièrement sensible de la population.
Induisant la persistance d'une relative fermeture du système sanitaire
français (prévention, accès aux soins,...) aux toxicomanes elle n'appréhende
le toxicomane que comme un délinquant ou un malade. Cette loi, « fondée
sur la pénalisation de l'usage des drogues et sur un statut de l'usager-délinquant,
qui s'avère aujourd'hui inadaptée au développement de la prévention
primaire, secondaire et tertiaire. Un autre système légal, sans
abandonner la lutte contre le trafic, pourrait permettre de faciliter l'éducation
préventive, l'accès aux soins et l'insertion sociale, et sortir les
toxicomanes d'un droit d'exception générateur d'exclusion ».
La question du sevrage
Le sevrage du toxicomane dépendant aux opiacés, confronte le praticien
à certaines difficultés, dont une des plus importantes semble le sens du
mot sevrage. Le sens est différent dans le discours du praticien et dans
celui du toxicomane. Ainsi, la demande du toxicomane converge plutôt vers
une solution d'attente (prescription d'une substitution, demande d'une
ordonnance afin de combler l'état de manque…), la solution définitive
– le sevrage – étant vécu comme quelque chose de redouté et
difficile à atteindre. A l'opposé, le discours du soignant, peut
osciller entre une action de privation totale et définitive du produit
psychotrope et une démarche de substitution, palliative, qui produit une
répétition, une pérennisation de la dépendance. L'adéquation des deux
discours, apparaît comme une condition sine qua non de la réussite du
sevrage, permettant l'instauration d'une alliance thérapeutique, sans
laquelle tout essai de sevrage sera prématuré et voué à l'échec.
La prise en charge de la douleur chronique, qui peut être actualisée,
voire amplifiée par le sevrage, doit être envisagée et bien expliquée;
son ignorance ou minimalisation étant de nature à compromettre la réussite
du sevrage. Compte tenu du côté psychologique de la dépendance, l'élément
central est la recherche du plaisir, notion indéniable.
La décision d'un sevrage qualitatif doit s'inscrire dans le temps. Elle
doit reposer sur un bilan rigoureux de la motivation du toxicomane, de sa
situation sociale mais aussi sur
un bilan général de santé et sur une évaluation des produits utilisés.
La demande de sevrage et les facteurs qui la déclenchent sont analysés
par Murphy, après une étude sur 165 héroïnomanes; les facteurs
personnels et familiaux arrivent loin devant les contraintes économiques
et juridiques.
Analyser le moment de commencement d'un sevrage, s'impose comme une
condition primordiale de réussite et de mise en confiance ultérieure. Le
traumatisme induit par un sevrage précoce, peut entraîner une fixation,
avec des nombreuses rechutes et une augmentation du sentiment
d'impuissance devant la drogue. Tenir compte de l'angoisse de séparation,
préparer le patient à vivre sans produit déterminera l'engagement dans
la durée et la continuité des soins.
Selon Angel, le toxicomane entretien avec ses parents des relations faites
des complicités perverse, qui pérennisent le processus toxicomaniaque.
Ainsi, F. Geberovitch écrit « des phases de sevrages sont nécessaires tant par rapport à la famille
que par rapport au produit, comme étapes dans un processus perlaboratif où
l'enjeu est fait des deuils et de séparations ».
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