REALITE
VIRTUELLE
Un système de
Réalité Virtuelle est une simulation par ordinateur dans laquelle le
graphisme est utilisé pour créer un monde qui semble réaliste. Le monde
synthétisé n'est pas statique, il répond aux ordres de l'utilisateur
(gestes, paroles ou toutes autres commandes extérieures). La RV implique
des interactions à travers de multiples canaux sensoriels : vision,
toucher, odorat, goût. La notion de réalité virtuelle se retrouve dans
la cyberdépendance,
nouvelle expression des «maladies de la modernité ». Les
accros de la virtualité élisent domicile dans le Cyberland, monde
nouveau, initiatique, où la vie se déroule selon des règles prédéfinis.
Ceux qui vivent dans ce monde virtuel sont dépendants de leur nouveau
cadre de vie, au détriment d’autres investissements, affectifs, sociaux
et familiaux. Les «drogués du virtuel » remplacent la dépendance
à une substance psychoactive avec l’investissement d’un comportement
ou d’une relation affective. On retrouve dans chez les accros de la
virtualité les critères classiques de l’addiction illustrés dans le
DSM -IV. Il n’est pas rare de rencontrer chez les «drogués du virtuel »
des traits communs avec les cyberdépendants. Pourtant, le trait principal
qui définit les accros du virtuel est le désinvestissement du monde réel
dans le détriment de la virtualité. Avant de décrire le potentiel
addictif de la virtualité il semble nécessaire de faire un rappel sur
l’apparition de la réalité virtuelle, sur ses applications immédiates
et futures.
La réalité
virtuelle ne doit pas être confondue avec la réalité
augmentée. Avec cette dernière, l'utilisateur interagit avec le
monde réel par les voies naturelles et simultanément il utilise les
informations synthétiques qui l'aide à mieux appréhender son
environnement. Les informations virtuelles, viennent renforcer la
perception de la réalité. Plutôt que de plonger l'homme dans un monde
artificiel, la réalité augmentée propose d'enrichir son environnement
naturel.
La notion de réalité
virtuelle date de plus trente ans, enregistrée sous le brevet américain
n° 3 050 870, accordé à Morton Heilig pour son invention le «Sensorama
Simulator». Cette invention était constitué d’un système vidéo en 3
D, réalisé avec des caméras
35mm reliées et fournissait du mouvement, de la couleur, du son stéréo,
des odeurs, du vent à l'aide de petits ventilateurs situés prés de la tête
de l'utilisateur avec un siège qui vibrait. Ainsi il était possible de
simuler un voyage à motocyclette ou des voyage en automobile, le cadre
variant, du milieu urbain en pleine campagne. Actuellement les prouesses
techniques permettent de réaliser des objets virtuels à l’aide des
bibliothèques graphiques en 3D ; les
programmes professionnelles de CAO – Création Assistée par Ordinateur
- sont nombreuses, les plus connues étant Autocad et 3D Studio. L'utilisateur
peut créer interactivement les modèles d'un objet, les textures, les
aspects spatiaux.
On peut considérer
que la plupart des domaines de la vie courante peuvent et pourront un jour
bénéficier de la RV. Le domaine ludique et culturel, l’éducation,
mais aussi la haute technologie – militaire, aéronautique, la médecine
exploratrice et interventionniste, sont déjà des domaines privilégiés
de recherche.
Les
loisirs
Le jeu est un des premiers terrains d’application de la RV. Le joueur
est plongé dans un monde imaginaire où toutes ses fantasmes sont autorisés.
La perception et l’amplification de certaines sensations (visuelles,
sonores) est facilité à travers les nouveaux périphériques.
Le
sport
Dans le domaine sportif, les applications concernent le développement
des capacités d’entraînement et l’analyse des situations. Des
appareils sophistiqués permettent l’analyse et la décomposition des
mouvements spécifiques à chaque discipline ou la reproduction des
conditions d’entraînement.
Le
secteur médical
L'informatique
apporte au monde médical un aide impressionnant. La révolution de
l’enseignement, l’accessibilité vers des bases de données complètes
et puissantes, les consultation virtuelles et les téléconférences,
permettront une évolution dans la qualité des soignants, aidant à la
prise de décisions à distances dans des conditions de catastrophe ou
d’isolement. A ce propos, les téléconférences réalisées par le SAMU
se relèvent prometteuses. Les téléconférences – cybersessions réalisées
par la Fédération Française de Psychiatrie, constituent dans ce domaine
une première en France.
Les
systèmes critiques
L'apprentissage et la
maîtrise des situations de catastrophe est d’une grande actualité.
Reproduire exactement des situations calamiteuses comme Tchernobyl, afin
de maîtriser et anticiper le danger, mais aussi la préparation des
secours, devient plus simple à travers ces techniques de RV.
L'enseignement
Comme
pour l’enseignement médical, toute forme d’enseignement scolaire et
universitaire peut bénéficier des techniques RV. L'usage d'un matériel
éducatif convivial, qui fait appel à la perception et au sensoriel de l'étudiant
: vision, audition, toucher, odorat, permettra un apprentissage plus
rapide. La connexion aux grandes bases de données du Web permettra la
consultation d’un matériel de qualité.
Les
techniques de la communication
Le langage des signes
traduit en parole est une réalité rendue possible à l’aide d’un
programme, GloveTalker. La communication par
signes à distance peut être rendue possible grâce à la RV en
reconstituant les gestes. Une application qui a eu un retentissement médiatique
sans précèdent est la transcription informatique des mouvements des
paupières dans le cas des tétraplégiques.
Les
techniques de simulation
Utilisées par les
militaires dans le cadre des programmes d’entraînement des pilotes de
chasse et de combat, la simulation en RV a été beaucoup utilisée par la
NASA dans l’entraînement des astronautes. Plus proche dans la vie
quotidienne est l’utilisation dans les simulations des auto-écoles.
*
Le développement
du monde virtuel, qui se mélange avec le monde réel, avec la représentation
du monde de l’imaginaire, annonce une crise fondamentale de la représentation.
On assiste de plus en plus à la disparition des repères culturelles,
sociaux, familiaux et les repères de la réalité immédiate. La question
qui se pose, est de savoir s'il y a complémentarité entre les deux
mondes, plus précisément si le monde virtuel n’est pas en train de se
substituer à l’autre et d’apparaître effectivement plus disponible,
plus facile à vivre et à supporter que le monde réel. Les représentation
virtuelles sont avant tout des constructions mentales basées sur les modèles
que nous nous formons de la réalité, avec la force et les limites de ces
modèles.
Comme le dit
J.G.Ballard « ..cela représente le plus grand événement dans l’évolution de
l’humanité. Pour la première fois, l’espèce humaine sera capable de
nier la réalité et de substituer sa vision préférée ».
Les chercheurs
ont développés des "Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication"
(NTIC), qui offrent l’accès
vers une forme de perception hallucinatoire. Les NTIC
renvoient des stimuli visuels et auditifs, qui permettent grâce aux
moyens technologiques très sophistiqués - gants, lunettes, combinaisons
- de reproduire la sensation de la texture des matériaux, la température
d’un objet, la sensation de poids, voire même la sensation d’avoir
serrer la main d’une personne qui se trouve à des milliers de kilomètres.
Le texte suivant illustre d’une manière concise l’étendue de ce
changement dans les mentalités : « Une
réalité virtuelle est un monde crée par ordinateur qui change le sens
de la pensée. Un gant virtuel pourra te donner le sentiment de plonger ta
main dans l’eau, dans la boue ou dans le miel. Une combinaison de la réalité
virtuelle pourra te donner l’impression de nager dans l’eau, dans la
boue ou dans le miel. La réalité virtuelle émerge des cockpit des
simulateurs utilisés dans l’entraînement des pilotes et pourra modeler
les systèmes multimédia du futur. L’idée des systèmes avancés de réalité
virtuelle comme substituts futurs du sexe, des drogues c'est le nouvel
apanage de la science fiction moderne, de l’écriture cybernétique »
- Bart Kosko (in Fuzzy Thinking, 1993).
Les cyberaddictifs
- ‘accros’ de la connexion et de la communication, «drogués du
virtuel» qui passent des heures et des heures on-line, afin de visiter et
d’habiter le plus longtemps possible la communauté virtuelle, dans le Cyberland, expression idéalisée du village planétaire de McLuhan,
vivent cette crise de la représentation de manière directe.
Le groupe des cybériens,
essaie de retrouver une famille en tant que milieu affectif privilégié
ou les thèmes cosmiques, érotiques et sensuelles sont prépondérants.
L’avènement de ce nouveau monde virtuel, ne traduit pas simplement une
crise profonde de la représentation, mais il touche à l’image de soi-même,
modifie le sens de la finalité existentielle. Les représentations
virtuelles amènent avec elles la contrainte de vivre - parfois de
survivre - parmi les représentations de la réalité plutôt que dans la
réalité elle-même. L’activité quotidienne, communicationnelle,
ludique de ces accros se déroule dans le cadre d’une communauté
d’initiés, possédant leur propre bagage de connaissance, leur langage
et les mêmes représentations du monde, leur trait commun étant cette
nouvelle ‘normalité virtuelle’.
Les accros de
la RV ont élu domicile, vivent
selon des normes de vie très initiatiques, d’une façon
‘artificielle’. Les échanges et les contacts sont habituellement réalisés
par l’intermède des groupes de paroles virtuelles ou dans un proche
avenir, à l’aide des outils à fort potentiel virtuel, comme les gants,
les combinaisons et les lunettes. Grâce aux outils de communications
offert par Internet, les processus d’approche et de séduction - étapes
nécessaires et importantes dans l’évolution de toute communication
entre individus - sont court-circuités. Les adeptes de l’IRC, perçoivent
la réalité virtuelle comme un moyen d’acquérir une reconnaissance
sociale qu’ils estiment ne pas avoir dans la vie réelle. La force
addictive de la RV est
manifeste à travers des groupes de parole, groupe qui facilitent la
communication synchrone ou asynchrone de la pensée. Le groupe virtuel
entoure ses membres et participe à la construction et la déconstruction
des mythes, rend légitime la relation souvent excessive, addictive entre
les IRCistes et le monde virtuel. L’imaginaire collectif, construit à
plusieurs authentifie une «vérité virtuelle », déculpabilisant
les membres du groupe. Dans les groupes virtuels, les relations humaines -
amour, haine, amitié - se
font et se défont comme dans la vie réelle. Le langage codifié de ces
groupes de parole fait souvent appel aux affects et aux émotions
primaires. La quête de légitimité de la part du groupe virtuel, amène
ses membres à transposer la virtualité dans l’actualité.
Les nouveaux
espaces de discussion et de vie, remplacent les IRC.
Le phénomène de l’undernet
- l’Internet underground - illustre d’une manière pertinente les
rites initiatiques, la protection de son espace. Les internautes se
regroupent dans ces espaces undernet selon un protocole fermé, qui permet
l’échange de la pensée qu’entre les membres du même groupe. Le fait
de changer souvent d’adresse http et d’appellation, serait une protection supplémentaire face
aux non-initiés, aux curieux et dans une étape supérieure, aux autorités.
La description de ce nouveau monde apparaît pour la première fois dans
un roman de science fiction, ‘Le Neuromancien’, W. Gibson : «le cyberespace : une
hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par
des dizaines de millions d’opérateurs. Une complexité impensable. Des
traits de lumière disposés dans le non-espace de l’esprit, des mas et
des constellations de données ». C’est un autre aspect du
monde virtuel, qui possède une valeur symbolique intrinsèque propre,
avec une connotation d’espace illimité à conquérir et peupler, qui
joint la notion d’infini, mais dans le même temps est associé à un
cadre protecteur. Le même auteur a écrit le scénario de Johnny Mnemonic
- personnage virtuel, héros d’un livre rendu célèbre par le filme
homonyme. Son dernier roman, ‘Idoru’, raconte l'histoire d'un homme
qui tombe amoureux d'une présentatrice de la télévision japonaise, créé
par images de synthèse. Il devient fol amoureux, sans se rendre compte
que derrière l'image adorée, il n'y a qu'un logiciel. Ce qui est intéressant,
c’est la récupération «pragmatique» de ces données. Avant même que
le livre ne soit publié, une agence de mannequins japonaise venait de créer
une jeune fille de synthèse aux mensurations idéales. Sa personnalité a
été construite de toutes pièces, en commençant par sa date de
naissance, jusqu'aux goûts culinaires de ses parents imaginaires.
Actuellement, suite au succès médiatique remporté, elle a déjà
plusieurs contrats pour tourner des films publicitaires.
Plusieurs
autres aspects de la réalité virtuelle ont à la base un comportement
addictif commun avec la cyberdépendance. Ce constat n’est pas
surprenant, sachant que les cyberdependants cherchent aussi un refuge du
monde réel et surtout par la manière commune d’accéder à ces
fantasmes - le monde de l’Internet. L’interconnexion de ces «drogués
du virtuel» est la culture cybernétique - la cyberculture - avec ses
nouvelles valeurs et normes de vies.
Tout d’abord,
les jeux
entre les IRCistes, qui ne communiquent que dans le cadre des
canaux qui leur sont dédiés, leurs manières de vie étant conditionnées
par le jeu qui les occupent la plupart de leurs temps. Ces jeux, mêlant
la fiction, la virtualité et le ludique se sont développes d’une manière
explosive. Les jeux on-line ou dans les casinos virtuels qui fleurissent
sur le Web, ont crées des vraies inconditionnels (voir cyberaddiction).
L’exemple des
jeux électroniques - comme le célèbre Tamagotchi («adorable
petit œuf » en japonais) - font souvent appel
aux émotions et affects forts des enfants. Selon D. Ichbiah,
journaliste spécialisé dans l’univers «cyber», ce type de jeu, réalise
une véritable prise d’otage affective avec la réalisation d’un fort
sentiment de culpabilité. La relation qui s’installe entre l’enfant
et son jouet et très forte et réalise un asservissement technologique au
détriment de la vie sociale et familiale. Un jeu plus évolué «FinFin»,
met au premier plan un dauphin crée par images de synthèse, qui vit,
rentre en relation avec les enfants et les adultes. Eteindre son
ordinateur et envoyer dans le néant son «ami» devient un geste
difficile à réaliser et très culpabilisant.
Le nombre
immense des sites Internet consacrés à la pornographie subi en quelque
sort la loi de l’offre et de la demande, les sexaholics - sexdépendants
étant une catégorie de plus en plus répandu sur le Web. Les filles de rêve,
prêtes à assouvir toutes les fantasmes et exigences des sexaddicts
plongent cette population dans le monde virtuel ou tout est permis, sans
limites et cadre légal. Ph. Spoljar introduit une notion très intéressante,
celles de "Sexualité Assistée par Ordinateur",
capable selon l’auteur d’effacer les frontières entre masturbation et
rapport sexuel. P. Virilio utilise le terme de cybersexualité : "on
invente une perspective nouvelle, la perspective du toucher, qui permet
une sexualité à distance, la télécopulation. L’événement est inouï :
jusqu’alors on n’avait jamais pu toucher à distance. Or
aujourd’hui, à des milliers de kilomètres je peux non seulement
toucher avec des gants de données, mais avec une combinaison spéciale je
peux faire l’amour à une fille à Tokyo, ses impulsions m’étant
transmises par des capteurs me permettant de faire jouir et de jouir moi-même".
Les journaux
personnels qui raconte au moindre détail la vie intime de leurs auteurs
sont de plus en plus mis à la disposition des internautes. Certaines
pages Web contenant des journaux personnels vont accroître leurs
affluences aux «moments de pointe» quand les auteurs racontent leur vie
sexuelle. Ainsi, paradoxalement l’intimité devient un facile moyen de
communication et de mise en contact. La communication synchrone - en temps
réel dans les IRC ou asynchrones - par e-mail rajoute un côté attractif. |